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00:00Et cette question pour poursuivre les débats, que reste-t-il de ce 8 mai 45 que nous commémorons aujourd'hui ?
00:05Que reste-t-il de cette victoire des alliés contre l'Allemagne nazie ?
00:10La transmission de cette victoire est-elle menacée ?
00:14Et bien avant d'en parler, on va écouter, si vous le voulez bien, les historiens Dimitri Kassali et Olivier Viviorca
00:21au micro de Théo Grévin et d'Alexandre Lemaire.
00:23C'est passionnant d'essayer d'établir une passerelle entre les tout derniers survivants qui ont vécu cette horreur
00:30et notre jeunesse actuelle qui, malheureusement, je le regrette, est de moins en moins concernée par son histoire.
00:38On a perdu nos fondamentaux, savoir transmettre notre histoire.
00:42Les vertus immunisatrices de l'histoire semblent très limitées.
00:47Le génocide commis par les nazis contre les juifs a provoqué 6 millions de victimes.
00:53Il n'a pas empêché, par exemple, le génocide rwandais.
00:56Penser que le rappel de la Seconde Guerre mondiale évite les erreurs du présent constitue à mes yeux une illusion.
01:03Voilà l'analyse de nos deux historiens.
01:04Est-ce que, selon vous, la transmission de cette victoire des alliés en 1945 est menacée ?
01:10Bien sûr, mais comme les autres victoires du reste.
01:14Parce que le 11 novembre, aujourd'hui, qui s'en soucie encore ?
01:17Moi, je crois que les classes devraient être emmenées sur ces lieux de mémoire.
01:22Il est important de nourrir l'imaginaire des enfants avec ce qui s'est passé.
01:26Il faut aussi honorer nos morts.
01:28Ce n'est pas rien.
01:29Je crois qu'il y a toute une jeunesse qui pense que la guerre, c'est une vue de l'esprit.
01:33Ça n'existera plus.
01:34Que ce soit sur le plan intérieur ou extérieur, on peut légitimement se poser la question.
01:39Donc, c'est vrai que...
01:41Vous savez, c'est la phrase de Victor Hugo.
01:43Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ont le droit que sur leur tombe la foule vienne les prix.
01:46Je doute fort qu'aujourd'hui, il y ait une foule qui se presse autour de toutes ces célébrations.
01:53Il y a encore des écoles qui le font.
01:55Et je crois que c'est vraiment important.
01:56Il y a encore des jeunes.
01:57Vous savez, il y a des formations de porte-drapeau pour les jeunes.
02:00Mais si vous voulez, ça reste vraiment de l'initiative individuelle de professeurs bien intentionnés.
02:05Ce n'est pas du tout systématisé.
02:07De quelles écoles s'agit-il ?
02:08Écoutez, il y a eu un de lycées même lambda, si j'ose dire.
02:13Il y a les lycées militaires, évidemment, qui vont réanimer la flamme, la légion d'honneur, ce genre d'école.
02:16Mais il y en a d'autres, s'ils se portent volontaires.
02:18Moi, j'ai en tête un lycée en région parisienne.
02:21Il y a un professeur d'histoire qui a décidé de faire suivre aux volontaires une formation pour porter le drapeau.
02:27Donc, le hausse de ventre, il y avait des élèves qui étaient avec les anciens combattants.
02:30Donc, tout ça, c'est intéressant.
02:31Mais ça reste extrêmement parcellaire.
02:33Et donc, de fait, il y a une méconnaissance de notre histoire qui est assez abyssale.
02:36Vous parliez d'initiative personnelle.
02:38On peut imaginer un référent, pourquoi pas mémoire, mémorial, qui serait situé dans chaque établissement scolaire.
02:46Mais vous savez, la conseil culture, c'est aussi ça.
02:48C'est d'oublier notre histoire.
02:51Ce n'est pas seulement taper des coups de burin sur les statues.
02:54C'est faire en sorte que cette mémoire s'efface.
02:56Je pense qu'on ferait des micro-trottoirs dans la rue auprès des anciens.
02:59Ils sont contentes de ne pas être à l'école aujourd'hui.
03:01Ça, c'est une certitude.
03:02Mais savoir pourquoi ils n'y sont pas, c'est autre chose.
03:06À la limite, en primaire, on l'étudie presque plus qu'après.
03:09Après, ça se dissout, ça se dilue.
03:11Olivier d'Artigol, est-ce qu'elle est menacée, cette transmission ?
03:13Elle est menacée de fait.
03:16D'abord parce que la génération des grands témoins, des grands acteurs n'est plus là.
03:21Moi, quand j'étais prof d'histoire, j'aimais amener mes classes sur les plages du débarquement,
03:25sur le mémorial de Caen.
03:27Je faisais venir d'anciens déportés dans mes classes.
03:31Vous étiez en collège ?
03:32En collège-lycée.
03:33Et c'était bien sûr des moments très émouvants.
03:36Il n'y avait rien de plus fort que d'assister à des commémorations aux monuments aux morts
03:40avec la présence de classes, avec la présence d'élèves, bien évidemment.
03:44Mais est-ce que vous étiez seul ?
03:45Enfin seul, vous avez la sensation d'être un peu seul à apporter ce message ?
03:48Non, je pense qu'il faut rendre hommage à beaucoup d'enseignants qui ne lâchent pas l'affaire,
03:52qui sont parfois soutenus par l'ensemble de la communauté scolaire pour faire ça.
03:57Tout dépend aussi de votre principal, votre proviseur, de l'ambiance de l'établissement.
04:01Mais cela ne relève pas uniquement de l'école.
04:05Cela relève aussi des familles.
04:07C'est-à-dire que l'acculturation, elle pèse aussi sur un certain nombre de familles.
04:12Il en va de la responsabilité des parents que d'expliquer très précisément ce qu'est le 11 novembre,
04:16d'expliquer ce qui est en effet le 8 mai, de faire ce travail, de donner des éléments.
04:21Je pense qu'on peut y arriver si on fournit ce type d'effort.
04:26Et alors que nous célébrons, nous, la victoire des alliés sur le nazisme,
04:29eh bien une trentaine d'élus de gauche et du centre, eux, ont préféré se rendre en Algérie,
04:33aujourd'hui, pour commémorer la répression du 8 mai 1945 à Sétif, Gelma et Kerata.
04:38Alors pourquoi cette ambition, pourquoi une partie de la classe politique ne peut pas s'empêcher de revisiter l'histoire ?
04:45Non, mais moi je suis effarée compte tenu de ce qui se passe avec Wolem Sansal.
04:50Mais c'est l'histoire, pardon, c'est l'histoire permanente de la gauche.
04:54C'est-à-dire qu'au temps de l'Union soviétique et de Solzhenitsyn,
04:57on avait des voyages officiels, ils revenaient emballés, il faut écouter Sartre, etc.
05:02Il n'y a guère qu'André Gide, qui au retour s'est dit,
05:05waouh, c'est quand même un peu bizarre ce voyage en URSS.
05:08Mais c'est tout à fait les mêmes illusions naïves, donc on va défendre des pays.
05:14De la naïveté, c'est vraiment de la naïveté ?
05:16Non, oui, vous avez raison de me le dire, c'est pas vraiment de la naïveté.
05:20C'est des convictions idéologiques, on les traite souvent d'idiot-utiles,
05:22mais ils sont utiles, mais pas si idiots que ça.
05:25Non, c'est proprement scandaleux, parce qu'on ne les voit pas.
05:28Moi, je ne les ai jamais vus le 5 juillet, au moment de l'anniversaire des massacres d'Oran,
05:33pour défendre les pieds noirs, les harkis.
05:35Vous voyez, il y a quand même une dissymétrie dans ce qui s'est passé pendant la guerre d'Algérie.
05:39Et c'est quand même particulier, quand on est un élu français avec une écharpe tricolore,
05:43le 8 mai, d'aller en Algérie pour dénoncer des massacres,
05:49des réputés massacres faits par la France.
05:53Moi, quand je veux terminer, juste par ça, vous savez que Benoît Payan, le maire de Marseille,
05:56aujourd'hui, il a fait deux célébrations du 8 mai.
05:59Et notamment, oui, l'autre 8 mai, je viens de voir cela,
06:03pour célébrer le 8 mai 45,
06:05enfin, pour commémorer les événements assétifs.
06:10Incroyable.
06:11D'abord, on ne peut pas dire des réputés massacres.
06:15Il y a eu un 8 mai...
06:16Une répression qu'on peut qualifier de sanglante.
06:18Voilà, après la question que je vous pose,
06:20on ne va pas revenir sur l'histoire,
06:22c'est pourquoi est-ce qu'on ne doit pas laisser ça aux historiens ?
06:25Pourquoi la politique a toujours besoin...
06:26Mais l'historiographie a tranché les massacres de Sétif du 8 mai...
06:31Je vous ai écouté, du 8 mai 45, c'est un fait historique.
06:36Le problème n'est pas qu'on ait une mémoire et une commémoration,
06:39c'est qu'on ne peut pas le commémorer avec n'importe qui.
06:41Et donc, on ne peut pas le commémorer avec le régime Théboud.
06:45Pour autant, il y a eu, oui, des massacres assétifs le 8 mai 45.
06:48Oui, mais est-ce que nous, on est comptables aujourd'hui de ce qui s'est joué en Algérie ?
06:52Oui, parce qu'il y a eu...
06:52Oui, il faut prendre...
06:53Je vous laisse parler, pardon.
06:55Oui, c'est un peu le principe de l'émission.
06:57Oui, oui, Gabriel Cluzel.
06:59Donc, est-ce qu'il faut commémorer cette mémoire comme d'autres ?
07:02Oui, le massacre du 8 mai 45 assétif, il y a eu des combattants nord-africains
07:07qui ont participé au débarquement en Provence en août 44,
07:11qui ont accompagné le Delattre de Tassini pour la libération de notre territoire.
07:17Ces combattants nord-africains, ils ont été massacrés assétifs le 8 mai 45.
07:21Donc, le fait qu'on puisse avoir une pensée et un hommage pour eux, c'est normal.
07:26Le tout, c'est qu'on ne peut pas le commémorer à côté du régime Tebboune,
07:30qui instrumentalise cette mémoire-là.
07:33Mais le prof d'histoire que je suis, que j'ai été,
07:37il a une pensée pour le 8 mai 45 des deux côtés.
07:41Est-ce qu'une trentaine d'élus de gauche et du centre, je le rappelle,
07:43qui font le voyage à l'invitation de l'Algérie aux côtés du président algérien, c'est leur place ?
07:48Cette année, il ne pouvait pas y avoir de déplacement en Algérie.
07:50On regarde du contexte, on regarde de Boilem sans salle, emprisonné.
07:53Et donc, on ne peut pas commémorer ça avec le régime Tebboune.
07:57C'est une faute politique.
07:58Pour autant, je ne laisserai pas dire les présumés massacres du 8 mai 45 à septifs.
08:02Non, non, ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
08:03Parce qu'ils ont eu lieu.
08:04Est-ce que c'est une faute politique, Olivier Lartigaud ?
08:05Oui.
08:07Il y a eu une répression sanglante.
08:10Moi, j'aimerais aussi qu'on dénonce, parce que là, je les attends toujours.
08:13Alors, j'attends, évidemment, ça, je risque d'attendre longtemps,
08:15les élus algériens qui viendraient en France dénoncer
08:19les massacres des Pieds-Noirs à Auron, mais pas seulement.
08:22Bien sûr.
08:22À Philippeville, la Toussaint-Rouge, enfin, on peut en citer beaucoup.
08:26Combien de morts ?
08:28Alors, je ne veux pas dire de bêtises,
08:30donc je ne vous donnerai pas les chiffres pour chaque...
08:33D'autant qu'il y a des querelles d'historiens.
08:34Cétif, à peu près la mille.
08:35Je vous rappelle quand même, les chiffres sont controversés sur Cétif.
08:39Là aussi, il y a les chiffres algériens et les chiffres français.
08:41Voilà.
08:42Moi, je considère aussi que sur les chiffres, on peut laisser les historiens ouvrir.
08:45Mais ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, il y a plus d'un millier de disparus,
08:50je ne sais plus même, je ne sais pas exactement le chiffre,
08:53de disparus français dont la France n'a jamais demandé des comptes à l'Algérie.
08:57Il y a des gens, j'ai rencontré une dame nonna génère,
08:59elle m'a dit, mon mari est parti un matin, j'avais 25 ans,
09:02je ne l'ai jamais revu.
09:04Quand j'essaie d'interroger le gouvernement français,
09:06on me dit, ah, on ne me répond pas en fait, me dit-elle.
09:09Vous voyez, tout cela...
09:10Oui, le problème, c'est que si vous voulez,
09:13non seulement les élus algériens ne viendront jamais battre leur culpe chez nous,
09:18mais même les élus français n'en parlent pas.
09:20Donc, voir aujourd'hui des élus français le 8 mai
09:22aller parler de Cétif en Algérie, ça me paraît quand même incroyable.
09:26Et dans le même ordre d'idée,
09:27est-ce que c'est la place d'une secrétaire générale de syndicat,
09:31en l'occurrence Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT,
09:33de se rendre aujourd'hui à une cérémonie d'hommage syndicale,
09:36donc au camp de concentration de Strutthof,
09:38qui est à 50 km de Strasbourg, au lieu d'Artigone.
09:40Pourquoi elle ne pourrait pas y aller ?
09:41Je ne sais pas, c'est quoi le projet ?
09:43Mais quel est le problème ?
09:45Quel est le rapport avec les salariés ?
09:47Pourquoi est-ce qu'elle s'invite dans ce déplacement ?
09:49Tout simplement parce que dans le Conseil National de la Résistance,
09:52les forces sociales et politiques ont construit le CNR,
09:55avec le programme des jours heureux,
09:57comportait un très grand nombre de syndicalistes.
10:00L'histoire de la libération n'est pas qu'une histoire politique,
10:03c'est une histoire sociale.
10:04Et en effet, la CGT de l'époque a beaucoup œuvré
10:07pour construire le programme du Conseil National de la Résistance.
10:10Pour vous, c'est la raison pour laquelle elle est allée là-bas ?
10:12Oui, ça ne me choque pas, non ?
10:14Pour ma part, je pense que Sophie Binet est rarement à sa place,
10:21qui devrait être la défense des travailleurs.
10:23Mais le problème de la CGT,
10:24c'est qu'ils ont toujours fait beaucoup plus de politique
10:28que finalement de syndicalisme.
10:31mais moi, vous savez, si on veut rendre hommage
10:35à ceux qui sont morts dans les camps de concentration aujourd'hui,
10:37le meilleur moyen, c'est pas de parler de la dernière guerre,
10:42mais c'est important de se souvenir, ça c'est pas...
10:44Mais c'est aujourd'hui de faire en sorte que les Juifs d'aujourd'hui
10:47soient protégés d'un nouvel antisémitisme,
10:49et sur ces sujets-là, on les entend peu.
10:50Et elle ne va pas à Auschwitz, elle va au Strouthof.
10:52Non, mais je ne vous suivrai pas sur ce terrain-là.
10:55D'accord.
10:55Ce n'est pas parce qu'elle fait ce déplacement dans ce lieu-là
10:58que Sophie Binet n'a pas la conscience et la mémoire de la Shoah.