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Film documentaire réalisé en 2015 pour commémorer les 70 ans de la libération de la ville de Lorient à partir de témoignages , d'archives cinématographiques et photographiques. Ce film retrace les enjeux qui ont conduit à la destruction de la ville au début de l'année 1943 jusqu'au 10 mai 1945, date de sa libération par les troupes alliées. © Trigone Production & Ville de Lorient - mai 2015 * Réal Christophe Hoyet.

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Éducation
Transcription
00:03:59La Seconde Guerre mondiale s'impose à Lorient tout de suite puisque Lorient est une ville militaire.
00:04:13C'est une sous-préfecture avec une très grosse présence de la marine mais aussi de l'armée de terre.
00:04:19Donc Lorient est sollicité tout de suite par la mobilisation d'une part et d'autre part on va avoir une activité très importante pendant toute la première phase de la guerre pour justement contribuer à la maîtrise par la France et la Grande-Bretagne des communications maritimes, des échanges sur l'Atlantique.
00:04:42Et l'Orient met en œuvre les escorteurs, les dragueurs, tout un ensemble de moyens qui servent à sécuriser les convois.
00:04:52Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi à proximité la rate de Quiberon qui sert de base notamment pour ce qu'on appelle la force de Raide, qui sont les grands bateaux modernes de la marine française qui se lancent à la poursuite des grands bateaux allemands disséminés dans l'Atlantique.
00:05:07Donc il y a une activité opérationnelle importante, industrielle, et puis la mobilisation des hommes.
00:05:15La guerre démarre très fort à Lorient et change totalement de dimension à notre détriment lorsque, dans le cadre de la débâcle, Lorient tombe aux mains des Allemands le 21 juin 1940.
00:05:29Je me rappelle très bien de l'arrivée des Allemands qui sont arrivés par Carriado et ils venaient donc que des Saint-Chemain-de-Lidèle.
00:05:43Et surtout la rue Polges était recouverte de draps blancs pour dire que la ville se rendait.
00:05:49Et quand l'officier allemand est arrivé au tête de son convoi à ma hauteur, il s'est arrêté et il a hurlé de colère parce que la ville se rendait, mais il s'était fait accrocher au Saint-Chemain-de-Lidèle.
00:06:05Les Allemands ont été prévenus que la position serait défendue et c'était le premier véritable accrochage qu'ils subissaient depuis plusieurs jours.
00:06:14Donc oui, ils ont été confrontés à une défense qui n'avait peut-être pas escomptée avec une mitrailleuse quadruple récupérée dans les fins fonds de l'arsenal parce que l'essentiel des moyens de défense avait été démoli quelques jours avant.
00:06:28Il a fallu réimproviser quelque chose de symbolique mais qui a fonctionné.
00:06:33Des polémiques à l'époque sur ce combat est-il justifié, ne l'est-il pas, qu'est-ce que ça représente ?
00:06:41Ça représente quelque part, au nom des autorités de la marine, notamment de l'amiral de Pinfentenio, la volonté de ne pas laisser les choses se faire sans qu'il y ait un minimum de résistance.
00:06:55Du genre, ils ne passeront pas, avec des morts de part et d'autre, sept morts côté français, huit côté allemand.
00:07:03Et là, la ville tombe aux mains de l'occupant et c'est la deuxième période de la guerre qui commence pour l'Orient.
00:07:13Une période qui va se poursuivre jusqu'au 10 mai 1945 et qui va engendrer des phases successives et de plus en plus destructrices de mainmise de l'occupant sur la région.
00:07:30Et on va passer d'une ville française libre de la défense nationale à un véritable territoire du XIIIe Reich, totalement soumis au fonctionnement de la machine de guerre allemande.
00:07:43Les Allemands sont arrivés.
00:07:51Presque tous les gens ont fermé les portes, les fenêtres et les volets.
00:07:56Moi, j'ai regardé par une petite fente, j'ai été effrayée, je peux dire, par l'armement qu'ils avaient.
00:08:05Et tous ces Allemands, comme ils avaient vêtus et tout, ça m'avait fait un choc de voir tout ça.
00:08:14Je me suis dit, mais combien de temps vont-ils rester chez nous ?
00:08:17J'habitais à Soie, à la ferme de Soie.
00:08:23Les Allemands, ils étaient là et ils réquisitionnaient ce qu'ils avaient envie et ce qu'ils avaient besoin.
00:08:28Et puis, c'est tout.
00:08:29Ils avaient pris tous les bâtiments du château.
00:08:32Il y avait l'auberge de Genèse, il y avait la grande salle.
00:08:35Tout ça s'était pris.
00:08:35La peur pour moi, parce que je n'avais jamais vu de soldats avant.
00:08:44J'étais chez ma grand-mère, rue Carnel, et ma mère est venue me chercher.
00:08:50Je me rappelle qu'on est partie en courant, ma mère pleurait.
00:08:54On a été voir les prisonniers, puisque il y avait tous les prisonniers qui sortaient de l'arsenal.
00:08:59Et ma mère avait des amis dedans.
00:09:02Donc, tout le monde pleurait de les voir partir.
00:09:05On se retrouve confrontés aux conséquences de l'occupation.
00:09:11Donc, la première, c'est la première étape d'une longue série de spoliation et d'évacuation.
00:09:19Ce sont tous les militaires qui sont faits prisonniers,
00:09:23que ce soit sur la place d'armes, pour la marine, dans les quartiers, autrement pour l'armée de terre,
00:09:28qui, au lieu d'être libérés pour une fin de guerre anticipée, partent en Allemagne.
00:09:34Et on ne les a pas revus jusqu'à la fin de la guerre.
00:09:46L'amiral de Nitz, chef des sous-marins allemands, décide, deux jours après la prise de Lorient,
00:09:53d'en faire la base principale pour ces sous-marins.
00:09:58Alors, c'est une décision qui est majeure.
00:10:04Si de Nitz vient à Lorient, c'est pour être tranquille.
00:10:07Beaucoup mieux qu'à Brest, où il va tomber sous la coupe d'autres amiraux plus puissants que lui.
00:10:12Il se trouve qu'il y a une rencontre entre le potentiel industriel et nautique de la Rade et de l'Arsenal de Lorient
00:10:21et le type de bateau que représentent les sous-marins,
00:10:24qui, à l'époque, sont des sortes de bateaux de surface qui peuvent plonger,
00:10:29mais qui sont d'abord des sortes de torpilleurs qui naviguent en surface.
00:10:33Et c'est submersible.
00:10:34Lorient, ils sont adaptés à la taille des installations,
00:10:38comme les destructions qui ont eu lieu dans l'Arsenal ont été finalement relativement limitées,
00:10:44à part l'incendie des cuves qui font quand même 25 morts,
00:10:49tout un ensemble de drames dès juin-juillet 1940.
00:11:00Très rapidement, il n'y a pas que des installations militaires,
00:11:03c'est tout l'espace public, tous les hôtels sont réquisitionnés,
00:11:08pour loger les équipages.
00:11:19Deux, trois jours après l'arrivée des Allemands,
00:11:23c'est un petit groupe de cinq ou six Allemands
00:11:27qui sont venus dans le restaurant de ma mère
00:11:30et puis qui ont demandé une omelette.
00:11:34Ils n'avaient pas mangé d'oeufs depuis pas mal de temps,
00:11:38ils voulaient manger une omelette.
00:11:40Ma mère leur a fait une omelette
00:11:42et puis j'ai remarqué qu'ils mettaient de là-dedans un peu de lait, de l'eau.
00:11:49Je n'avais jamais vu faire une omelette comme ça.
00:11:52Enfin, ils avaient la comptant.
00:11:54Ils sont revenus le lendemain.
00:11:56Je crois que ma mère a dû mettre encore plus d'eau dans l'omelette
00:11:59et ils ne sont jamais revenus.
00:12:02Ils passaient en voiture ou à pied.
00:12:07Il fallait, naturellement,
00:12:09il fallait faire attention à ce qu'on faisait
00:12:11vis-à-vis d'eux
00:12:13et ce qu'on disait.
00:12:16Il y a des jeunes, quelquefois,
00:12:18quand ils pensaient qu'ils leur crachaient dessus,
00:12:20ils étaient arrêtés.
00:12:21Ils ont fait vite de mettre des affiches en allemand
00:12:28avec l'interdiction de faire ceci
00:12:30et puis le couvre-feu.
00:12:33Il fallait que toutes les fenêtres,
00:12:35tous les volets,
00:12:36le soir,
00:12:36pas un grain de lumière
00:12:38ne sorte des maisons.
00:12:42Il fallait que tout soit bien clos.
00:12:43Pour un petit trait de lumière qu'on voyait,
00:12:50les gendarmes,
00:12:51avec leur plaque allemande
00:12:52et leurs chiens,
00:12:53sont montés avec pertes et fracas
00:12:55après à tuer tout le monde.
00:12:57Quand on les voyait arriver,
00:13:00on avait très peur.
00:13:02Et là,
00:13:02ils étaient très secs,
00:13:04ils avaient un air méchant.
00:13:07On ne pouvait rien dire.
00:13:09Et si on disait un mot,
00:13:10ils avaient tout de suite
00:13:11l'arme au point.
00:13:13Vous me faites remonter
00:13:18des souvenirs terribles, là.
00:13:20Ils passaient souvent dans les rues
00:13:22et ce qui m'a frappée,
00:13:25moi,
00:13:25et ce qui me reste en tête,
00:13:27c'est le soir,
00:13:28le bruit des bottes
00:13:29quand ils faisaient leur ronde
00:13:31pour voir s'il y avait des gens.
00:13:35Ils devenaient de moins en moins
00:13:37sympathiques.
00:13:40j'ai les souvenirs de la fêle
00:13:44de gendarmerie
00:13:45qui nous arrêtait
00:13:47quand on faisait du vélo
00:13:50dans des conditions
00:13:52qui ne leur plaisaient pas.
00:13:53un jour,
00:13:56on était à la bicyclette,
00:13:58mon mari me poussait un peu
00:14:00parce que j'avais été fatiguée.
00:14:03On rencontre
00:14:04une équipe d'Allemands,
00:14:07les fêles gendarmes,
00:14:11et ils nous ont donné une amende,
00:14:12ils nous ont fait payer
00:14:13parce que mon mari me poussait.
00:14:16à l'époque,
00:14:19les vélos devaient avoir
00:14:20une plaque,
00:14:22une petite plaque
00:14:23en métal
00:14:25et il y avait là-dessus
00:14:27votre nom
00:14:28et votre adresse.
00:14:29Tout de suite,
00:14:34ce sont les mêmes mesures
00:14:35que partout
00:14:36sur le territoire national,
00:14:37changement d'heure,
00:14:40interdiction d'avoir des armes,
00:14:42couvre-feu, etc.
00:14:44Donc,
00:14:44les contraintes
00:14:45de l'occupation.
00:14:47Et c'est là
00:14:47qu'on a commencé
00:14:48à avoir
00:14:49des tickets
00:14:50pour toute l'alimentation
00:14:52parce qu'il n'y avait
00:14:53plus grand-chose.
00:14:55Tout ce qu'ils ont pu vider,
00:14:56ils ont vidé.
00:14:57Les Allemands,
00:14:58surtout les deux premières années,
00:15:00ils avaient de l'argent
00:15:01et ils achetaient
00:15:03toujours en payant
00:15:04les commerçants.
00:15:05Et les commerçants,
00:15:06ils appréciaient
00:15:07parce qu'ils vendaient
00:15:08de la marchandise,
00:15:09le commerce et le commerce.
00:15:13Ma soeur devait travailler
00:15:15dans un magasin de chaussures
00:15:16et maman travaillait de bonne heure.
00:15:19Elle commençait
00:15:19à 8h le matin.
00:15:21Donc moi,
00:15:22je me rappelle,
00:15:23c'est moi qui allais faire les queues
00:15:25à 2h du matin
00:15:26pour aller chercher le pain,
00:15:29pour aller chercher
00:15:29le biftec de cheval
00:15:31sur l'Orient
00:15:32pour essayer d'avoir à manger.
00:15:36Moi, j'étais petite.
00:15:38Donc quand ça ouvrait,
00:15:40il fallait que ce soit
00:15:41le premier qui soit servi.
00:15:43Je hurlais
00:15:43pour me faire entendre.
00:15:45On était trois enfants.
00:15:47De ce fait,
00:15:48mes parents avaient
00:15:49la priorité
00:15:50dans les commerces.
00:15:52s'il y avait une queue
00:15:53de 20 personnes
00:15:55pour acheter
00:15:55un morceau de viande,
00:15:56ma mère sortait
00:15:57sa carte
00:15:57de trois enfants
00:15:58et elle passait
00:15:59avant tout le monde.
00:16:00Alors évidemment,
00:16:01ça faisait de la discorde.
00:16:04C'était du pain
00:16:05qu'on avait
00:16:06au compte-gouttes
00:16:07puisqu'il fallait attendre
00:16:09dehors
00:16:10que le boulanger
00:16:11fasse son pain.
00:16:14C'était du pain
00:16:14fait avec la farine
00:16:16de maïs.
00:16:16maintenant,
00:16:17ça s'emploie beaucoup.
00:16:18Mais c'était pour glanot.
00:16:21Mais le pain,
00:16:23quand on le coupait,
00:16:24on aurait pu
00:16:24massiquer les carreaux.
00:16:26Mais à 14 ans,
00:16:28vous savez,
00:16:29on a l'appétit quand même
00:16:30parce qu'on n'avait
00:16:30pas grand-chose à manger.
00:16:32Ah non,
00:16:33même que l'école
00:16:34faisait le nécessaire
00:16:35pour nous nourrir.
00:16:37C'est à partir de là.
00:16:39Nous avions de la gale
00:16:40partout.
00:16:41Si bien que ma mère,
00:16:43elle est dans une pharmacie
00:16:44et elle vous prenait
00:16:46une pommade spéciale
00:16:48pour adoucir
00:16:49un petit peu
00:16:50les crevasses
00:16:51et tout ça qu'on avait.
00:16:52On avait la gale.
00:16:53Des poux,
00:16:54des puces
00:16:54et des poux de corps.
00:16:57Parce qu'il y avait
00:16:57des puces
00:16:57dans les lits.
00:16:59Mais on avait
00:17:00les poux de corps.
00:17:01Sur les tricots de corps,
00:17:02on avait des poux,
00:17:02c'est pas le même.
00:17:05On était bouffés avec ça.
00:17:07On était privés.
00:17:09Et puis,
00:17:09on était privés
00:17:10de liberté aussi.
00:17:12Moi,
00:17:13je me souviens
00:17:13d'une petite anecdote.
00:17:15J'avais la rougeole.
00:17:16Alors,
00:17:17j'étais donc couché
00:17:18et je me lève.
00:17:20Je ne regarde pas
00:17:20la fenêtre
00:17:21parce qu'il y avait
00:17:22des Allemands,
00:17:23rue Paul Guest,
00:17:24qui défilaient
00:17:25au Pâques à danser
00:17:26en criant
00:17:27« Alli, allo ! »
00:17:28« Alli, allo ! »
00:17:30Et puis moi,
00:17:31je criais
00:17:31« Bande de salauds ! »
00:17:32Le Troisième Reich est installé
00:17:45pour très longtemps.
00:17:46Et donc,
00:17:47le citoyen
00:17:48qui se retrouve
00:17:49face à cette présence
00:17:51écrasante
00:17:52voit sa vie quotidienne
00:17:54totalement bouleversée
00:17:55et n'a guère
00:17:56que son libre arbitre
00:17:58pour juger véritablement
00:18:00de ce qui se passe vraiment.
00:18:01Donc,
00:18:01on peut considérer
00:18:02que beaucoup de choses
00:18:04lui échappent,
00:18:05d'autant plus
00:18:06que tout est fait
00:18:08pour l'orienter
00:18:09vers l'évidence
00:18:11de la supériorité
00:18:13de l'occupant.
00:18:21Je travaillais à l'Arsenal
00:18:23jusqu'en 1942
00:18:26où nous sommes partis
00:18:27en Allemagne
00:18:28avec le STO.
00:18:30Nous avons été
00:18:31rassemblés,
00:18:34on nous a fait
00:18:34un grand discours
00:18:35en disant
00:18:36que si nous n'allions pas
00:18:38en Allemagne,
00:18:40on aurait pu mettre
00:18:40nos parents
00:18:41en prison.
00:18:43Alors,
00:18:44évidemment,
00:18:44nous étions
00:18:45célibataires,
00:18:48on a choisi
00:18:49l'autre solution
00:18:50d'y aller.
00:18:52Et nous étions
00:18:53240.
00:18:56Ils ont réquisitionné
00:18:57les gars de l'Arsenal
00:18:59et puis
00:18:59ils nous ont amenés
00:19:00là-bas dans des wagons.
00:19:02Enfin,
00:19:02on a pris le train
00:19:03à la gare
00:19:03et on l'a mis
00:19:06deux jours
00:19:07pour arriver
00:19:07à Vésermune.
00:19:11c'était un chantier
00:19:25maritime.
00:19:26Ils construisaient
00:19:27des cargos,
00:19:29des petits cargos,
00:19:30des sous-marins.
00:19:31nous étions
00:19:37à 12 par baraque.
00:19:38Il y avait un poêle
00:19:39au milieu
00:19:39comme à l'école
00:19:40avec un peu de bois
00:19:42pour allumer
00:19:42et il n'y avait
00:19:44qu'une caisse
00:19:44avec des briquettes.
00:19:47Il n'y avait que ça,
00:19:48autrement,
00:19:48il y avait la cantine.
00:19:50Nous avions
00:19:51un repas par jour
00:19:52le soir
00:19:55et une boule de pâte
00:19:57tous les trois jours.
00:20:00Ce n'était pas merveilleux.
00:20:03C'était une vie
00:20:04à peu près normale.
00:20:06On allait au travail,
00:20:08on revenait.
00:20:11Au chantier,
00:20:12j'étais charpentier fer
00:20:13mais je faisais
00:20:14le découpeur.
00:20:15Nous commencions
00:20:16à 8 heures
00:20:18et on s'arrêtait
00:20:20à 6 heures.
00:20:21On était assez libres.
00:20:23On pouvait se promener
00:20:23à droite et à gauche.
00:20:25On faisait du sport
00:20:26le samedi,
00:20:28du basket,
00:20:29du foot.
00:20:30On avait gagné
00:20:31le derby de Pâques.
00:20:35On faisait des balles
00:20:36sur les fournules,
00:20:37on faisait dans la barrique
00:20:38qu'on aime.
00:20:39On pensait trop lourd,
00:20:40on rigolait.
00:20:42C'était sympa.
00:20:50En 1941,
00:20:52mon père est resté malade.
00:20:54Puis il paye,
00:20:54plus d'argent.
00:20:56Alors j'ai quitté
00:20:56les forges d'Edmond.
00:20:58Je suis parti à l'arsenal
00:20:59travailler avec les Allemands.
00:21:01J'étais ajusteur-tourneur.
00:21:04Il fallait gagner la croûte
00:21:05à la maison,
00:21:06il n'y avait plus d'argent.
00:21:08Je suis rentré
00:21:08à la maison un jour
00:21:09et il y avait une convocation.
00:21:12Il fallait que je me présente
00:21:13car c'était pour partir
00:21:15au STO.
00:21:16Mais j'avais que 17 ans.
00:21:19J'ai été reçu
00:21:19par une dactylou française
00:21:21qui m'a dit,
00:21:22avec un gros sang-froid,
00:21:24c'est malheureux
00:21:25si les célibataires
00:21:26ne vont pas remplacer
00:21:27les pères de famille.
00:21:29Chose que dans ma tête,
00:21:29j'ai pensé,
00:21:30si ça te plaît tant que ça,
00:21:31tu as qu'à y aller.
00:21:33Dans le cadre
00:21:34des tractations
00:21:35avec le régime de Vichy,
00:21:37il y a des demandes
00:21:38de plus en plus importantes
00:21:39pour obtenir
00:21:40de la part du régime de Vichy
00:21:42l'envoi en Allemagne
00:21:42de travailleurs
00:21:43qui vont remplacer
00:21:45le soldat allemand
00:21:47qui, pour la propagande allemande,
00:21:49se sacrifie
00:21:49pour la liberté
00:21:50des peuples européens
00:21:52qui donc, du coup,
00:21:53peuvent bien se permettre
00:21:53d'envoyer leurs enfants
00:21:55travailler
00:21:55en bénéfice de l'Allemagne.
00:21:58J'ai été mis en contact
00:21:58avec l'officier allemand.
00:22:00Il a vérifié mes papiers
00:22:01et il m'a dit
00:22:03au bout d'un moment
00:22:03« Bon, vous allez avoir
00:22:04un sursis
00:22:05jusqu'à vos 18 ans. »
00:22:07Au moment
00:22:08que j'allais franchir la porte,
00:22:10il m'a interpellé
00:22:11« Monsieur, monsieur, monsieur. »
00:22:13Il m'a dit
00:22:13« Si vous ne vous présentez pas
00:22:14dans le délai,
00:22:15le 30 juillet,
00:22:16vu votre date de naissance,
00:22:18les autorités allemandes
00:22:20prendront des dispositions
00:22:22auprès de votre famille. »
00:22:24Naturellement,
00:22:25comme le temps,
00:22:26on ne peut pas arrêter le temps,
00:22:27le 30 juillet,
00:22:28un jour, est arrivé.
00:22:30Là, je suis parti.
00:22:31J'avais un grand-père
00:22:32qui était à Plumé-Lyon.
00:22:33Je suis passé 10 jours
00:22:34sur mon grand-père
00:22:35à Plumé-Lyon.
00:22:38Je suis réfracteur resté
00:22:39au fait que je n'ai pas été.
00:22:40C'est la mairie
00:22:48qui recevait
00:22:49les convocations
00:22:51de ces jeunes.
00:22:54J'étais simple employé
00:22:55à l'État civil.
00:22:57J'ai pu établir
00:22:58des faux papiers,
00:22:59des fausses cartes d'identité.
00:23:01Si bien que
00:23:02ces jeunes,
00:23:05qui étaient devenus
00:23:06réfractaires,
00:23:07du fait qu'ils n'avaient pas répondu
00:23:09à ces convocations,
00:23:12qui n'avaient pas accepté
00:23:13d'aller travailler
00:23:14en Allemagne,
00:23:16étaient obligés
00:23:17de ne pas passer chez eux,
00:23:18étaient obligés
00:23:19d'aller ici ou là
00:23:20dans les campagnes
00:23:21chez les paysans
00:23:22qui voulaient bien
00:23:23les recevoir,
00:23:24les accepter,
00:23:25les héberger
00:23:26ou aller dans la famille
00:23:28qui se trouvait
00:23:30ici ou là
00:23:31en France.
00:23:33En 1941,
00:23:39j'ai quitté l'école
00:23:40quand j'avais 17 ans
00:23:43et j'ai été embauché
00:23:45dans une équipe
00:23:46à l'Arsenal.
00:23:50Je ne sais pas pourquoi,
00:23:52dans cette période troublée,
00:23:54on a décidé
00:23:55qu'il fallait refaire
00:23:56à un plan de l'Arsenal,
00:23:59probablement à la demande
00:24:00des services allemands
00:24:01parce que les plans
00:24:03de l'Arsenal
00:24:04qui existaient
00:24:05étaient largement dépassés
00:24:08par les constructions
00:24:10et les démolitions
00:24:11qui avaient été faites
00:24:12entre les deux guerres.
00:24:15Nous avions un sextant,
00:24:18des jalons,
00:24:19etc.,
00:24:19tout un matériel
00:24:20de levée de plans.
00:24:23Chaque soldat allemand
00:24:24ou chaque marin allemand
00:24:25qui nous voyait
00:24:26avec tout ça
00:24:27pensait que nous prenions
00:24:29des photos
00:24:29dans l'Arsenal.
00:24:32Alors là,
00:24:33commençaient nos malheurs
00:24:35parce qu'on se retrouvait
00:24:37embarqués.
00:24:39Bien que nous ayons
00:24:39des laissés-passer
00:24:42et des autorisations
00:24:43bilingues,
00:24:45alors on nous relâchait
00:24:46au bout de deux heures,
00:24:48trois heures,
00:24:48ça dépendait.
00:24:54Jacques Stoscoff,
00:24:55c'est un ingénieur
00:24:56du génie maritime
00:24:57qui est chargé
00:24:59des constructions neuves
00:25:00à l'Arsenal
00:25:01au début de la guerre.
00:25:03Il faisait le tour des bassins,
00:25:04il se promenait
00:25:05les mains derrière le dos
00:25:06et il disait
00:25:08de relever les numéros
00:25:09des hélices des bateaux
00:25:11parce que les Allemands,
00:25:14s'ils avaient un sous-bras
00:25:15de coulés,
00:25:16il était basé à Lorient.
00:25:18Ce qu'il faisait,
00:25:19il changeait l'étiquette
00:25:20qu'il mettait dessus
00:25:21et il rentrait le souverain.
00:25:25Alors on disait,
00:25:26tiens,
00:25:26il est bien,
00:25:27c'est le même.
00:25:28Mais ce n'est pas vrai,
00:25:28il avait été coulé,
00:25:29mais il mettait sur un autre
00:25:31qui était parti de brême
00:25:32pour le remplacer
00:25:34et tout ça.
00:25:35Et avec les numéros des hélices,
00:25:38il savait.
00:25:39Donc assez rapidement,
00:25:41de par sa connaissance
00:25:41de la langue allemande,
00:25:44il a une montée
00:25:46de responsabilité,
00:25:47donc il devient l'adjoint
00:25:48du directeur de l'Arsenal,
00:25:50donc sous-directeur à Lorient.
00:25:52Son domaine d'intervention,
00:25:54c'est le soutien apporté
00:25:55par l'Arsenal
00:25:56au fonctionnement
00:25:58des sous-marins allemands.
00:26:01Au-delà de l'image
00:26:02et de la façade,
00:26:03il a été au cœur
00:26:05d'opérations de résistance
00:26:06et d'enseignement,
00:26:07puis un jour,
00:26:08il disparaît.
00:26:09Donc on apprend
00:26:10qu'il a été arrêté
00:26:11le 21 février 1944.
00:26:26Avant la mise en service
00:26:33de la base,
00:26:34les sous-marins
00:26:35venaient dans l'Arsenal.
00:26:37Ils accostaient
00:26:37au quai du péristyle
00:26:39et à chaque fois,
00:26:40il y avait une cérémonie
00:26:42avec des jeunes allemands
00:26:44et des bouquets de fleurs
00:26:45pour accueillir
00:26:46les équipages qui rentraient.
00:26:49C'est clair que Lorient
00:26:50devient,
00:26:52notamment pour l'occupant,
00:26:54un théâtre
00:26:55de la guerre de propagande.
00:26:56parce qu'on va mettre en valeur
00:26:58l'arrivée des sous-marins,
00:27:00leur départ,
00:27:01les retours victorieux.
00:27:04On va mettre en valeur
00:27:05la dimension cyclopéenne
00:27:07des chantiers.
00:27:09On va mettre en valeur
00:27:10les visites
00:27:11de tous les hiérarches.
00:27:14Thoth vient neuf fois à Lorient,
00:27:16Schubert vient aussi,
00:27:18les grands chefs des armées
00:27:20viennent.
00:27:21En gros,
00:27:21à part Hitler et Goebbels,
00:27:23tout le monde est venu.
00:27:26Rien ne peut se faire
00:27:29sans l'autorisation préalable
00:27:31de l'occupant.
00:27:33La moindre entreprise industrielle
00:27:36ne pourra travailler
00:27:38que si elle le fait
00:27:40au bénéfice de l'occupant,
00:27:41ainsi de suite.
00:27:43Dans le cadre des clauses
00:27:44de l'armistice,
00:27:46la France supporte
00:27:47les frais d'occupation
00:27:49de l'armée allemande en France.
00:27:50donc les grandes installations
00:27:53qui vont se mettre en place
00:27:55dans l'arsenal
00:27:56ou acquérément
00:27:57sont payées
00:27:58par les Français.
00:28:01Pour nous,
00:28:01qu'est-ce que c'était
00:28:02la construction
00:28:03de la base sous-marine ?
00:28:04C'était un grand éclairage.
00:28:07Jour et nuit,
00:28:07des sonnettes
00:28:08à enfoncer les pieux
00:28:09dans la vase
00:28:10pour faire les assises
00:28:12et après,
00:28:14le coulage
00:28:15des premiers blocos.
00:28:17On était très étonnés
00:28:22à l'époque
00:28:23que les Anglais
00:28:24ne viennent pas
00:28:25bombarder la base
00:28:28pendant qu'elle était
00:28:29en construction.
00:28:30Les Anglais
00:28:31réagissent très vite
00:28:32puisque les premiers
00:28:34survols aériens
00:28:35c'est dès juillet-août 1940.
00:28:38En pleine bataille
00:28:39d'Angleterre,
00:28:40alors que les Anglais
00:28:41sont acculés,
00:28:43ils envoient des avions
00:28:44et les bombardements
00:28:45dès septembre 1940.
00:28:47Donc cette période
00:28:49de la guerre
00:28:49ancre paradoxalement
00:28:51l'Orient
00:28:52dans les opérations.
00:28:55La cible proprement dite
00:28:56que sont les sous-marins
00:28:58avec cet énorme
00:28:59emballage de béton
00:29:00qui va commencer
00:29:01à se construire
00:29:01à partir de février 1941
00:29:04sur Kéroman
00:29:05ou à la petite base
00:29:06du Scorff
00:29:07ne peut fonctionner
00:29:09sans l'apport
00:29:10du reste du territoire.
00:29:13Et ce territoire,
00:29:14il devient
00:29:14complètement segmenté
00:29:16il y a des zones interdites,
00:29:18il y a les problèmes
00:29:19de la défense
00:29:20du littoral,
00:29:21il y a l'installation
00:29:23d'une défense
00:29:23anti-aérienne,
00:29:25il y a toute l'occupation
00:29:26finalement
00:29:27avec l'arrivée
00:29:29du double
00:29:30en gros
00:29:30de la population
00:29:31lorientaise.
00:29:33Il y a le même
00:29:34nombre de gens
00:29:34qui viennent
00:29:35que de gens
00:29:35qui habitaient
00:29:36préalablement
00:29:37sur place.
00:29:38Tout ça
00:29:39pour construire
00:29:40les installations,
00:29:42faire fonctionner
00:29:42la machine de guerre.
00:29:44En fin 1942,
00:30:11on a quitté l'arsenal,
00:30:12on a été transféré
00:30:13à la base
00:30:14des sous-marins.
00:30:15J'ai été mis
00:30:15dans un magasin
00:30:16et dans ce magasin
00:30:17on réceptionnait
00:30:19des marchandises.
00:30:20Ce qui fait
00:30:21qu'un jour
00:30:22un camarade
00:30:23était passé par là,
00:30:24on avait reçu
00:30:25des perceuses
00:30:26peugeons,
00:30:27il m'a demandé une,
00:30:28je lui ai donné.
00:30:30Il s'est mis
00:30:30à travailler avec
00:30:31dans son atelier,
00:30:32il s'est fait attraper.
00:30:33Quelques temps après,
00:30:34les Allemands
00:30:35sont venus me chercher,
00:30:36deux policiers allemands
00:30:37sont venus me chercher
00:30:38pour m'envoyer
00:30:39au poste de police.
00:30:41Et là,
00:30:41il était là,
00:30:42le collègue,
00:30:42en pleurant,
00:30:43en disant,
00:30:44dis que c'est toi
00:30:45qui m'as donné
00:30:45parce qu'ils vont
00:30:47envoyer nos parents
00:30:47en Allemagne.
00:30:48J'ai dit que c'était
00:30:49moi qui l'avais donné.
00:30:51J'ai été ensuite
00:30:51envoyé à l'arsenal
00:30:53et j'ai passé la nuit
00:30:54au pied de la tour
00:30:55de la découverte
00:30:56dans une cabane
00:30:57en compagnie d'un chien.
00:30:59Le lendemain,
00:31:00on m'a libéré.
00:31:01Je suis parti,
00:31:02naturellement,
00:31:03je ne suis jamais
00:31:03retourné à la base.
00:31:05Je ne suis pas
00:31:05retourné à la base,
00:31:06alors j'étais renvoyé,
00:31:07c'est sûr.
00:31:09Au fur et à mesure
00:31:10que la guerre avance,
00:31:12ça devient de plus en plus
00:31:13risqué,
00:31:13de plus en plus difficile
00:31:15d'avoir une attitude
00:31:16et un comportement
00:31:18personnel cohérent.
00:31:20C'était plus fort que moi.
00:31:22Quand je voyais un Allemand,
00:31:24je devenais fort.
00:31:25J'avais mon frère
00:31:26qui était prisonnier
00:31:28en Allemagne,
00:31:30mon fiancé aussi.
00:31:34Toute la vie française
00:31:35était pratiquement arrêtée.
00:31:38Le petit démarrage
00:31:39qu'il y a pu y avoir après,
00:31:42c'était du travail
00:31:42pour les Allemands.
00:31:45Il faut préciser
00:31:45que la plupart des gens
00:31:46qui étaient dans le secteur
00:31:47travaillaient pour les Allemands.
00:31:49Les ouvriers
00:31:50qui travaillaient
00:31:50pour l'organisation Tote
00:31:51étaient payés.
00:31:54Tout le monde connaît
00:31:55la base de Caramand,
00:31:56avec l'épisode
00:31:57de la bataille de l'Atlantique.
00:31:58On connaît aussi
00:31:59la base de l'Envioué.
00:32:01À l'époque,
00:32:01c'était Carlin Bastard,
00:32:03créé par les Allemands,
00:32:04créé de toutes pièces,
00:32:05à partir d'un simple
00:32:06terrain d'aviation
00:32:07de 40 hectares.
00:32:08Ces 40 hectares
00:32:08sont devenus
00:32:091000 hectares
00:32:10en 1941,
00:32:11avec des pistes bétonnées,
00:32:12des infrastructures
00:32:13en béton.
00:32:14Tout cet ensemble,
00:32:15la base des sous-marins
00:32:16aérodromes,
00:32:17devait être défendu
00:32:18contre les incursions
00:32:20de bombardiers américains
00:32:22et anglais
00:32:22qui avaient choisi
00:32:23l'Orient
00:32:24comme cible prioritaire.
00:32:25C'était un ordre
00:32:26de Churchill,
00:32:27il fallait bombarder l'Orient
00:32:28pour tenter
00:32:28d'endiguer
00:32:29la maîtrise
00:32:30des mers
00:32:30par la U-Boat.
00:32:31L'enjeu,
00:32:33il est pour les Allemands
00:32:35de détruire
00:32:35un maximum
00:32:36du trafic
00:32:37entre les États-Unis
00:32:39et la Grande-Bretagne,
00:32:41ou le reste du monde
00:32:42d'ailleurs.
00:32:43Et donc,
00:32:44cette capacité
00:32:46à interrompre
00:32:47les flux logistiques,
00:32:49elle est vitale.
00:32:51À quasiment aucun moment
00:32:53pendant la guerre,
00:32:55il n'y a eu
00:32:56de coordination stratégique
00:32:57entre les opérations
00:32:59allemandes
00:33:00et les opérations
00:33:00japonaises.
00:33:01Sauf l'échange
00:33:03de cinq sous-marins
00:33:04venus du Japon,
00:33:07dont deux sont allés
00:33:08à Brest
00:33:08et deux ici.
00:33:10Donc,
00:33:10c'est très peu de choses.
00:33:12J'ai vu le sous-marin
00:33:13japonais rentrer
00:33:14au péristyle
00:33:15avec tous les pieds
00:33:16japonais.
00:33:18Nous avions
00:33:19un mouvement bassin
00:33:20au bassin
00:33:21alors c'est juste
00:33:22à côté.
00:33:23On les a vus arriver
00:33:24tout habillés
00:33:24au noir.
00:33:25Ils avaient un sacré sous-marin
00:33:27un peu comme le surcouf,
00:33:29comme le nôtre.
00:33:30Ils avaient
00:33:30deux canons à l'avant
00:33:31et un hydravure derrière.
00:33:35Cette fois-là,
00:33:35ils ont rentré
00:33:36le sous-marin japonais
00:33:38à la petite basse.
00:33:39C'était tellement grand
00:33:40qu'il débordait
00:33:40à l'extérieur.
00:33:42Sur le chalon,
00:33:43on allait dans
00:33:43les alvéoles.
00:33:46Je me souviens
00:33:47qu'un jour,
00:33:48il y avait un bateau.
00:33:49Ça devait être
00:33:50des japonais
00:33:50parce qu'ils étaient petits.
00:33:51Des petits bolumes.
00:33:52Notre père
00:33:55et ma mère,
00:33:56ma sœur et moi,
00:33:57on vivait sur le bateau
00:33:58comme on vivait
00:33:59dans la maison.
00:34:01Mon père était
00:34:01sur le chalon.
00:34:03Il était réquisitionné.
00:34:05Il ne pouvait
00:34:05quitter le chalon
00:34:07que quand il y avait
00:34:08un Allemand
00:34:09qui était sur le chalon.
00:34:12C'était travailler
00:34:12pour eux
00:34:13ou que mon père
00:34:14partait en Allemagne.
00:34:15Donc,
00:34:16il a quand même
00:34:16préféré rester
00:34:17sur le bateau.
00:34:17Ce qui est devenu
00:34:21une ville allemande,
00:34:22un ensemble
00:34:23d'installations
00:34:24inextricables
00:34:25où vous n'avez
00:34:26plus d'espace public,
00:34:28vous n'avez plus
00:34:28d'espace privé,
00:34:29vous n'avez plus
00:34:30d'espace militaire,
00:34:31vous n'avez plus
00:34:32d'espace civil.
00:34:33C'est une sorte
00:34:34d'organisme
00:34:35qui, vu à 10 000 pieds
00:34:37d'ailleurs,
00:34:38est assez limité.
00:34:40Donc,
00:34:41c'est ça
00:34:41qui doit être détruit.
00:34:42Et du coup,
00:34:43la ville elle-même
00:34:44devient un objectif
00:34:45stratégique
00:34:46dans son ensemble,
00:34:47quelles que soient
00:34:47ses composantes.
00:34:48Et c'est ce qui est
00:34:49détruit à partir
00:34:50de la décision
00:34:51du 13-14 janvier
00:34:521943 jusqu'en mai.
00:34:57Les Anglais
00:34:58bombardaient le jour
00:34:59et les Américains
00:35:00la nuit.
00:35:02Moi,
00:35:02je me rappelle
00:35:03d'un bombardement.
00:35:04Je tremblais
00:35:05comme une feuille.
00:35:07On était debout
00:35:08dans le couloir
00:35:10et on entendait
00:35:12des bombes siffler
00:35:13et on se disait
00:35:14pourvu que ça
00:35:14ne soit pas pour nous.
00:35:15et tombait
00:35:16à 1,5 mètre
00:35:18de la bombe.
00:35:20Le lendemain,
00:35:21ça recommençait
00:35:21le bombardement.
00:35:22Tous les jours,
00:35:23on avait droit
00:35:23au bombardement.
00:35:26Les tentatives
00:35:27de bombardement
00:35:28de précision
00:35:29avec des bombes
00:35:30de gros calibre
00:35:31qui ont eu lieu
00:35:32notamment en octobre 1942
00:35:34ont montré
00:35:35que dans leur état
00:35:37du moment,
00:35:38elles n'étaient pas
00:35:39destructibles
00:35:40par les moyens existants.
00:35:42J'ai vu la bombe
00:35:50tomber
00:35:50qui a beaucoup
00:35:51de traversées.
00:35:52J'étais dessous.
00:35:54Il y a une poussière
00:35:55et peau en temps
00:35:55parce que tous les portes
00:35:57étaient fermées
00:35:58et tout ce qui s'ensuit.
00:35:59On ne pouvait plus respirer
00:36:00et la bombe
00:36:03avait beaucoup de traversées.
00:36:05La ferrariée
00:36:06était comme ça
00:36:06de sortie.
00:36:07J'ai été voir là-haut
00:36:08comme ça.
00:36:16Il y a du début
00:36:18de la guerre
00:36:19jusqu'à la fin
00:36:21de 1942
00:36:22un renforcement
00:36:23parallèle
00:36:24des moyens
00:36:25des belligérants
00:36:26qui font qu'il y a
00:36:27de plus en plus
00:36:28de sous-marins
00:36:28et qu'il y a
00:36:29de plus en plus
00:36:29de moyens
00:36:30de s'opposer à eux.
00:36:32Et ce paroxysme-là
00:36:34aboutit
00:36:35fin 1942
00:36:37début 1943
00:36:39à une situation
00:36:41où chaque boxeur
00:36:43sur le ring
00:36:44est à moitié sonné
00:36:45et où tous les moyens
00:36:46deviennent bons
00:36:47pour l'emporter.
00:36:51Lorsqu'ils sont rentrés
00:36:52dans le village
00:36:52ils sont allés
00:36:55installer tout de suite
00:36:56une batterie de DCA
00:36:57dans les céréales.
00:36:59On avait du blé
00:36:59qui était haut
00:37:00comme ça
00:37:00à l'époque.
00:37:01Ils ne s'embêtaient pas.
00:37:03On récupérait
00:37:04les hectares de but
00:37:05qu'on tirait
00:37:05sur les avions anglais
00:37:06et qu'on donnait
00:37:07aux Allemands
00:37:08et on avait
00:37:09des chocolats
00:37:09avec eux.
00:37:11On ne les trouvait pas
00:37:11méchants.
00:37:12Ils nous donnaient
00:37:13des chocolats.
00:37:16L'Orient a été
00:37:17ceinturé
00:37:17par une vingtaine
00:37:18de batteries de DCA.
00:37:20Sur le site
00:37:21du Koskéric
00:37:21il y avait
00:37:22une batterie de DCA.
00:37:24Alors pourquoi ici ?
00:37:25Parce que nous sommes
00:37:25sur une haute
00:37:26donc nous sommes
00:37:27sur un des points
00:37:28les plus hautes de la mer.
00:37:30Chaque batterie
00:37:33comportait
00:37:34quatre ou cinq
00:37:35canons,
00:37:36des radars,
00:37:37des projecteurs.
00:37:39Il y avait environ
00:37:40par batterie
00:37:40il y avait
00:37:41120 militaires
00:37:42tous attachés
00:37:43à la criex marine.
00:37:45Les hommes
00:37:46qui étaient ici
00:37:46dans tous les batteries
00:37:47de DCA
00:37:47du secteur de l'Orient
00:37:48sont restés pratiquement
00:37:49tout le temps
00:37:50de la guerre
00:37:50n'ont pas été mutés
00:37:51sur le front de l'Est.
00:37:52Il y avait plus
00:37:58de danger
00:37:59d'en recevoir
00:38:00des éclats
00:38:01d'obus
00:38:02de DCA
00:38:03sur la tête
00:38:04que des éclats
00:38:06de bombes.
00:38:09Ça faisait du bruit
00:38:11et le lendemain
00:38:11on ramassait
00:38:12les éclats d'obus
00:38:13et j'ai rencontré
00:38:14un monsieur
00:38:15il n'y a pas longtemps
00:38:15qui me disait
00:38:16on faisait collection
00:38:17d'éclats d'obus.
00:38:18On considérait
00:38:25que c'était
00:38:25une collection
00:38:26comme une autre
00:38:27qu'elle était
00:38:28significative
00:38:29de cette époque
00:38:31de guerre
00:38:32et c'était à celui
00:38:34qui aurait
00:38:34le plus bel éclat.
00:38:42Les bombardements
00:38:44étaient dangereux
00:38:45naturellement
00:38:45mais c'est surtout
00:38:47après aussi
00:38:48parce que là
00:38:49il restait quand même
00:38:50des bombes
00:38:51non éclatées
00:38:52et des bombes
00:38:53incendiaires
00:38:54non éclatées aussi
00:38:55qui traînaient
00:38:56un peu partout
00:38:57dans les champs
00:38:58quand les cultivateurs
00:38:59travaillaient leur terre
00:39:00par exemple.
00:39:01C'était dangereux
00:39:02pour tout le monde
00:39:03à cette époque-là
00:39:04mais pour les enfants
00:39:05encore plus
00:39:05parce qu'ils ne rendaient
00:39:06pas compte
00:39:07de ce que c'était.
00:39:08Ils s'amusaient avec
00:39:09et c'était
00:39:10bien souvent l'accident.
00:39:12Pour les bombes
00:39:13incendiaires
00:39:14je me rappelle
00:39:14avoir mis
00:39:15des bombes
00:39:16incendiaires
00:39:16à faire des feux
00:39:17avec des bombes
00:39:18incendiaires
00:39:19et j'en ai eu une
00:39:19qui avait explosé
00:39:20je vois aussi
00:39:21
00:39:22les éclats de bombes
00:39:25qui étaient dans l'air
00:39:26et je vous dis
00:39:26que j'ai dû gagner
00:39:27mon record de 100 mètres
00:39:29qui n'est jamais couru
00:39:30aussi vite.
00:39:31avec un petit copain
00:39:37en se promenant
00:39:38dans les champs
00:39:38et en s'amusant
00:39:39ils ont trouvé
00:39:40une bombe incendiaire
00:39:42et ils se sont
00:39:43amusés avec
00:39:44ils ont jeté
00:39:45une pierre dessus
00:39:46et mon frère
00:39:48qui était plus près
00:39:49de la bombe
00:39:50incendiaire
00:39:50a été déchiqueté
00:39:51donc à la suite
00:39:54de ça
00:39:54il n'y avait pas
00:39:55d'hôpital
00:39:56il n'y avait rien
00:39:57il y avait même
00:39:57peu de médecins
00:39:58à Lorient
00:39:59et il avait été conduit
00:40:01à l'hôpital
00:40:02à Pontivy
00:40:03en Charette
00:40:04pour se faire soigner
00:40:06mais voilà
00:40:07il n'a pas résisté
00:40:09il est décédé
00:40:10bien avant
00:40:10les canons
00:40:16avaient une portée
00:40:17de 10 000 mètres
00:40:18avec des obus
00:40:19dans lesquels
00:40:20il y avait des minuteries
00:40:21le but de la manœuvre
00:40:22c'était de faire éclater
00:40:23des obus
00:40:24à proximité des avions
00:40:25de manière à ce que
00:40:26ces éclats
00:40:27déchirent les fuselages
00:40:28je mette le feu
00:40:28aux avions
00:40:29tuent les hommes
00:40:30malheureusement
00:40:30il suffit d'aller
00:40:32au cimetière
00:40:33dans le cimetière
00:40:33de Guidel
00:40:33il y a un carré militaire
00:40:35il y a 120 tombes
00:40:36d'aviateurs anglais
00:40:37si tôt qu'il y avait
00:41:00par exemple
00:41:01à Claire de Lune
00:41:01on savait
00:41:02qu'il y allait avoir
00:41:02des alertes
00:41:03et on savait
00:41:04que c'était
00:41:04les anglais
00:41:05ou les américains
00:41:06qui venaient
00:41:06par vagues
00:41:07on les entendait
00:41:08de loin
00:41:08les anglais
00:41:10croyaient
00:41:11qu'après avoir
00:41:12mitraillé
00:41:12le poste
00:41:13Misson
00:41:14ils avaient
00:41:15le chemin
00:41:16libre
00:41:17pour aller
00:41:18jusqu'au-dessus
00:41:19de l'arsenal
00:41:20ils passaient
00:41:21donc au-dessus
00:41:22de la place
00:41:22à Saint-Sorène
00:41:23et là
00:41:24ce
00:41:25canon de décière
00:41:27volante
00:41:27pouvait les mitrailler
00:41:29quelquefois
00:41:36on avait
00:41:36très alerte
00:41:37dans une nuit
00:41:38on savait plus
00:41:39où aller
00:41:40quand il fallait
00:41:41se lever
00:41:42en pleine nuit
00:41:42à cause
00:41:44d'une alerte
00:41:44comme ça
00:41:45moi je
00:41:45au lieu de prendre
00:41:46la porte de sortie
00:41:47je prenais aussi bien
00:41:49l'armoire
00:41:49pour rentrer dedans
00:41:50parce que
00:41:51on savait plus
00:41:51où on était
00:41:52la peur
00:41:54qu'on avait
00:41:54qui existait
00:41:55et qui était
00:41:56communiquée
00:41:57même par les adultes
00:41:58sur la route
00:42:02on courait
00:42:02et on pleurait
00:42:04un jour
00:42:05on était passés
00:42:05à côté
00:42:06d'un immeuble
00:42:08ça je vous rappelle
00:42:10il y avait des gens
00:42:10qui hurlaient dedans
00:42:11et on n'avait pas
00:42:12le droit d'approcher
00:42:13ça devait être
00:42:14une bombe
00:42:15explosif
00:42:15donc la maison
00:42:17est explosée
00:42:18elle n'avait pas brûlé
00:42:19on n'avait pas le temps
00:42:22d'arriver à la brigue
00:42:22les bombes tombaient
00:42:23nous on jouait
00:42:26on se faisait
00:42:27disputer
00:42:28parce que
00:42:28les gens
00:42:29n'avaient pas envie
00:42:30de rigoler
00:42:30mais nous
00:42:31les gamins
00:42:32on n'entendait
00:42:34plus rien
00:42:35que quelquefois
00:42:36la lumière
00:42:37qui était dedans
00:42:39qui s'éteignait
00:42:40à moitié
00:42:40quand ça devait
00:42:42tomber à côté
00:42:43ma mère
00:42:49avait une valise
00:42:49ils mettaient
00:42:50leur papier dedans
00:42:51ils emmenaient
00:42:52un petit peu de linge
00:42:53d'abord
00:42:54ce qui a sauvé
00:42:55parce que
00:42:55quand on est sorti
00:42:57de l'abri
00:42:57il n'y avait plus
00:42:58de maison
00:42:58et c'est là
00:43:01qu'on est parti
00:43:01dans la maillette
00:43:02il y avait une panique
00:43:06qui ressortait
00:43:06de tout ça
00:43:07les gens étaient affolés
00:43:08les gens voulaient trouver
00:43:10un moyen pour partir
00:43:11parce que c'est bien
00:43:12de partir
00:43:13mais les gens voulaient
00:43:14prendre leur maison
00:43:15sur le dos
00:43:16si je peux dire
00:43:17ou leur meuble
00:43:18et on fuyait
00:43:20on fuyait
00:43:20c'était vraiment
00:43:21la démontade
00:43:23la destruction
00:43:24de la ville
00:43:25elle a pour objet
00:43:26l'évacuation
00:43:27de la quasi-totalité
00:43:30des habitants
00:43:31qui n'ont plus
00:43:32les moyens matériels
00:43:33de résider sur place
00:43:35et dont la justification
00:43:36quelque part
00:43:37de rester là
00:43:38au bénéfice
00:43:39de la machine de guerre
00:43:40allemande
00:43:40s'estompe
00:43:42heureusement
00:43:42pour les alliés
00:43:43mais qui du coup
00:43:45les rend vulnérables
00:43:46à une tentative
00:43:47de récupération
00:43:48pour les envoyer
00:43:50en Allemagne
00:43:50ou ailleurs
00:43:50c'est une des ruptures
00:43:53majeures
00:43:54qui fait se transformer
00:43:55la relation
00:43:57à l'occupant
00:43:58et le positionnement
00:44:00des uns et des autres
00:44:02dans l'engagement
00:44:03notamment dans la résistance
00:44:05l'engagement
00:44:06dans la résistance
00:44:07devait venir
00:44:08fatalement
00:44:09ayant un poste
00:44:11de TSF
00:44:11c'était comme ça
00:44:12que ça s'appelait
00:44:12à l'époque
00:44:13on écoutait
00:44:13la radio Londres
00:44:15bien entendu
00:44:15et on était
00:44:17anti-allemand
00:44:18et puis il y a eu
00:44:19les résistants
00:44:21dans l'esprit
00:44:22du début
00:44:23tout le monde
00:44:25avait repris
00:44:26son travail
00:44:27les enfants
00:44:28allaient à l'école
00:44:29les commerçants
00:44:31continuaient
00:44:31à commercer
00:44:32la vie
00:44:33était devenue
00:44:34normale
00:44:35sauf
00:44:35qu'il y avait
00:44:36des tenues
00:44:37vert de gris
00:44:38qui se baladaient
00:44:40de temps en temps
00:44:40et qui nous faisaient
00:44:41rappeler
00:44:42qu'on était occupés
00:44:44on travaillait
00:44:45deux dans la base
00:44:46à côté du souverain
00:44:48qui était en réparation
00:44:49mais j'ai surtout
00:44:50travaillé plus
00:44:51sur les camions
00:44:52j'ai travaillé
00:44:54avec deux mécaniciens
00:44:55pour la boîte de vitesse
00:44:57qui ne fonctionnait pas
00:44:58et au moment
00:45:00qu'il m'a demandé
00:45:01un tournevis
00:45:02je l'ai lâché
00:45:04il a fallu quand même
00:45:05trois jours
00:45:06à trois
00:45:08pour sortir
00:45:09le tournevis
00:45:09bon
00:45:10c'était pas grand chose
00:45:12naturellement
00:45:13mais tant que
00:45:14je pouvais les embêter
00:45:15et c'était pas
00:45:16ce mot là
00:45:17c'est exactement
00:45:18que j'en prenais
00:45:19et bien je le faisais
00:45:20c'est que j'en prenais
00:45:21c'est que j'en prenais
00:45:23Le félix gandarmes
00:45:32Le félix gandarmes était la police dans notre groupe.
00:45:37Nous avons écrite à l'écran,
00:45:40ils avaient un visage de la métallique.
00:45:44Et si nous fions en voyage,
00:45:46ou ils ont été kontrollés sur les routes,
00:45:48nous devions être à la maison de 10h,
00:45:52Alors, ils sont évidemment contre nous aussi violonné.
00:45:56Ils ne sont pas à l'inverse pas à l'inverse.
00:46:00Et ça peut-être qu'on peut-être,
00:46:03mais c'est pas différent des Zivilistes.
00:46:06D'ailleurs, j'ai appris beaucoup plus tard,
00:46:10c'est-à-dire que les Fels-Gendarmes ont eu lieu.
00:46:14Ils ont pris des Zivilistes avec des Zivilistes,
00:46:19et j'ai appris aussi à l'inverse,
00:46:22mais j'ai appris tout cela plus tard.
00:46:27Il y a plusieurs méthodes de répression.
00:46:29Les premières méthodes ont été les prises d'otages,
00:46:33puis l'exécution d'un certain nombre d'otages,
00:46:36mais notamment les réactions de la population
00:46:39aux fusillades de Châteaubriand ou autres,
00:46:42ont rapidement montré qu'aux Allemands
00:46:45c'était peut-être pas forcément la solution,
00:46:47d'où la substitution aux exécutions
00:46:51annoncées par placard et tout de la déportation.
00:46:55La logique nuée-brouillard,
00:46:58où l'exfiltration l'envoie vers l'Allemagne
00:47:01pour soit être mis dans le système concentrationnaire
00:47:05au service de la machine de guerre allemande,
00:47:08soit être exterminé dans des conditions plus discrètes
00:47:12et laisser peser l'interrogation sur le sort des gens.
00:47:17À partir du moment où j'ai été arrêté jusqu'à mon retour à la maison,
00:47:22ils n'ont jamais, jamais eu de mes nouvelles, mes parents.
00:47:25Jamais !
00:47:26Je ne savais pas ce que je devais,
00:47:28j'étais devenu vivant ou mort.
00:47:32Le 7 février 1944,
00:47:34j'ai été arrêté chez moi à 6h30 du matin
00:47:40par la Gestapo et deux militaires en armes.
00:47:46Cette arrestation avait eu lieu, bien entendu, sur dénonciation.
00:47:53On nous a conduits à Rennes, à la prison Jacques Cartier.
00:48:00Un jour, les hommes en décident de nous envoyer ailleurs
00:48:07et on arrive à la gare où un convoi nous attend.
00:48:16On monte, comme on n'allait pas assez vite,
00:48:20toujours le laus, laus, laus, laus, des coups de pieds, des coups de crosse.
00:48:24Là, ça a commencé.
00:48:25C'est là qu'on a appris à connaître ça, à recevoir ces coups,
00:48:30qu'on a connu la méchanceté de ces gens-là, des SS.
00:48:35Sur chaque wagon à bestiaux, on avait écrit 40 hommes ou 8 chevaux.
00:48:47Nous, on nous avait monté là-dedans.
00:48:51En général, il n'y avait jamais moins de 90 personnes.
00:48:55Ça pouvait aller jusqu'à 100.
00:48:57Il y en a beaucoup qui sont morts par piétidements.
00:49:01On ne pouvait pas.
00:49:03Finalement, il aurait fallu qu'on reste là, sans bouger, à l'endroit où on se trouvait.
00:49:10Comme des sardines entassées, entassées.
00:49:12Ou des porcs, des bêtes.
00:49:14Ben voilà comment nous étions.
00:49:16Avec cette différence, c'est qu'on ne voyait pas l'extérieur.
00:49:19où tous les parois étaient mouchés.
00:49:22Avec des fils de fer barbelés, pour nous empêcher d'approcher, de se coller à ces lucarnes,
00:49:30pour avoir un peu plus d'air.
00:49:34Au bout d'un certain temps, deux jours et deux nuits à peu près, qu'on a passé comme ça dans ce voyage.
00:49:43Pas d'eau.
00:49:44Rien à boire.
00:49:45Il n'y a rien de pire que la soif.
00:49:49J'ai vu plusieurs gars, parmi nous, boire de l'urine.
00:49:57D'autres, quand ils pouvaient approcher d'une paroi du wagon, on léchait.
00:50:08Parce que, par la condensation, les parois étaient humides, quoi.
00:50:11Alors, en léchait, ça ne donnait pas grand-chose, mais alors, le fait de passer la langue, ça...
00:50:18J'étais français.
00:50:23J'étais un politique, ça voulait dire déporté, détenu politique, français.
00:50:31Voilà ce qu'était un homme qui entrait dans un camp de concentration.
00:50:37Il devenait, comme ça, une chose, quoi, avec...
00:50:41Comme ça, il n'y avait pas de nom, Robert Pourchasse, je ne connaissais pas.
00:50:45Et 34127, c'était moi.
00:50:50On arrive là, accueillis par des SS, accompagnés de chiens.
00:50:55Des bergers allemands.
00:50:57Dressés pour mordres et poitres.
00:51:00Alors, bon, on descend, toujours les mêmes mots.
00:51:05On est gueulés parce que les SS, c'était des gueulards.
00:51:11Ça, c'est...
00:51:13On sentait la méchanceté dans la voie.
00:51:16Un camp, c'était d'abord un immense terrain, 65 hectares pour le camp de Nguengam.
00:51:30Il était entouré de fils de fer barbelés électrifiés et des miradors tout autour du camp.
00:51:44Et à l'intérieur de ce camp de construction, il y avait des usines d'armement.
00:51:51Ce qu'il y avait de plus important en Nguengam, c'était la briquetie.
00:51:55La main-d'œuvre des camps de concentration était gratuite.
00:52:03On nous arrêtait.
00:52:04Quand ils avaient besoin de main-d'œuvre, ils allaient en chercher,
00:52:07par des arrestations, des rafes.
00:52:11Les SS vendaient, louaient son personnel.
00:52:18On n'était plus des obles.
00:52:20On devenait des bêtes.
00:52:22Au travail, c'est les bêtes de somme.
00:52:24Il y a eu beaucoup de morts causées par des maladies.
00:52:29Le typhus, la dysentrie, la tuberculose.
00:52:32La mort, elle rôdait.
00:52:34Elle était partout, la mort.
00:52:36Partout.
00:52:37Même dans le lit.
00:52:42On sentait une odeur particulière dans l'air.
00:52:46C'était l'odeur de la chair brûlée.
00:52:50Ça fonctionnait tout le temps, tout le temps, tout le temps.
00:52:53Il y avait tellement de morts.
00:52:55Il y avait des détenus, des déportés désignés à cela.
00:52:59Ils avaient des pinces plus longues que la table ou aussi longues que la table.
00:53:04Et puis, il fixait le détenu mort.
00:53:08Et il le traînait jusqu'au four crématoire comme ça, à deux ou trois.
00:53:25Et on apprend le débarquement.
00:53:28Dans la nuit comme ça.
00:53:30Alors, j'ai écrit débarquement réunieux, débarquement réunieux.
00:53:34C'est le 6 juin.
00:53:38Le fait d'apprendre ça nous a donné un peu plus de morale.
00:53:42On a cru que, par ce débarquement, que la guerre finirait plus rapidement.
00:53:49Le 6 juin, les chefs de la résistance ont appelé un certain nombre de résistants à prendre le maquis.
00:54:01Alors, prendre le maquis, c'était s'installer dans des fermes.
00:54:06Ou, d'ailleurs, si on avait des tentes, les fermiers qui nous faisaient subsister.
00:54:14Et, avec pour mission de faire du sabotage.
00:54:20C'est-à-dire, détruire le plus possible les voies de communication de l'ennemi.
00:54:26Et les gêner dans leur mouvement, le cas échéant.
00:54:31Cette période a duré du 6 juin à la fin de juillet.
00:54:37Ça a été notre mission la plus importante.
00:54:43Mais aussitôt, on a eu des ordres d'attaquer dans tous les sens.
00:54:46C'était toutes les nuits, toutes les nuits.
00:54:48C'était des poteaux électriques, c'était des câbles, c'était de faire sauter ceci ou cela.
00:54:55Si la résistance n'avait pas été là, il n'aurait pas pu se débarquer.
00:55:01L'annonce du débarquement permet à tout un ensemble de forces qui se sont structurées.
00:55:08Tous ces gens-là, avec des références idéologiques ou des tactiques un peu divergentes.
00:55:16On finit par se coordonner et avoir une logique d'unification
00:55:22dans les forces françaises de l'intérieur et sont, avant même juin 1944,
00:55:28en situation d'intervenir pour participer à la libération qui se joue en Normandie.
00:55:35On n'avait pas d'armes, ou très peu. On avait des armes de poing et on avait deux mitraillettes.
00:55:41Le 30 juillet, nous avions reçu des armes par parachutage et ces armes étaient capables de mobiliser,
00:55:51de faire mobiliser des centaines de combattants.
00:55:57Les forces allemandes vont être usées progressivement sur le front de Normandie.
00:56:03Mais en arrière du front, pour pouvoir maintenir leurs lignes logistiques, leur soutien et autres,
00:56:10elles vont lancer des opérations contre la résistance extrêmement violentes.
00:56:15Et la résistance elle-même va avoir plusieurs stratégies.
00:56:19Donc la stratégie des grands centres mobilisateurs, comme à Saint-Marcel, à la ferme de la Nouette,
00:56:25qui fait venir converger pour de l'armement des centaines ou des milliers de personnes.
00:56:31Quelle que soit leur bonne volonté ou l'encadrement des parachutistes,
00:56:35n'ont pas les moyens de s'opposer à des troupes organisées.
00:56:38Et donc il y en a des colonnes infernales qui traquent la résistance dans la campagne.
00:56:48Quand on est arrivés, Guémenet était cerné.
00:56:51Ils se sont arrêtés, ils ont fait une halte.
00:56:54Il y avait un grand champ qui nous séparait de cette route
00:56:57et nous étions dans la ferme, à côté quoi, la plus proche.
00:57:02Et les patriotes sont venus les attaquer.
00:57:06Ce qu'ils n'auraient pas dû faire parce qu'ils n'étaient pas en nombre suffisant.
00:57:10Donc quand ça a commencé à tirer, on n'a pas eu le temps de cavaler à travers la campagne.
00:57:18Il y avait du tir de partout.
00:57:20Donc on s'est arrêtés dans un talus.
00:57:22Et puis on est restés cachés là-dedans.
00:57:25L'eau de vie pendant la guerre nous a tenus debout.
00:57:35À Saint-Tréfine, on achetait de l'eau de vie.
00:57:39Et j'étais à la porte en cas qu'un camion passe.
00:57:42Si un camion passait automatiquement, c'était des Allemands.
00:57:45Parce qu'il n'y avait pas beaucoup de camions en français qui circulaient.
00:57:48Et quand j'ai acheté un coup d'œil dehors, qu'est-ce que j'ai vu ?
00:57:52Les Russes blancs.
00:57:54Les Russes blancs défilaient depuis un moment.
00:57:56Il y en avait à peu près un millier d'un côté et puis 500 de l'autre.
00:57:59Et tous les quatre en sont sortis.
00:58:01Et on a tiré nos chargeurs sur les Russes blancs.
00:58:06Et on s'en est sortis tous les quatre.
00:58:15Les résistants de tous bords qui ont immensément facilité la progression des armées américaines,
00:58:21vont se retrouver confrontés, notamment devant l'Orient, à des forteresses.
00:58:28Une forteresse qui a été construite de par tous les investissements de la machine de guerre allemande depuis juin 1940.
00:58:35Et qui, pour être attaquée et prise, réclame des moyens militaires que les Alliés préfèrent mettre ailleurs.
00:58:43Et que les gens de l'Orient qui ont été évacués n'ont pas.
00:58:50Début août, le 7 août 1944, des échanges d'artillerie et quelque part un coup d'arrêt donné par l'artillerie allemande
00:59:01aux forces américaines et aux résistants qui les accompagnent,
00:59:06qui ne peuvent pas entamer les positions allemandes.
00:59:12Et du coup, ça va entraîner la création de la poche.
00:59:15À partir d'un certain moment, les positions n'ont pas du tout changé.
00:59:21Elles sont restées comme elles l'étaient jusqu'à la fin de la poche.
00:59:28On a pris position sur la rive droite de la Laïta, en vue d'un siège qu'on savait assez long.
00:59:36Moi, j'étais à un bout et mon camarade était à l'autre bout.
00:59:43Il y avait une trentaine de mètres qui nous séparaient en bordure de l'estuaire.
00:59:49Et bon, les heures passent, les heures passent.
00:59:54Deux heures, trois heures, pas de relève.
00:59:57Et sur le coup de midi, on ne voyait rien venir.
01:00:02On nous a oubliés.
01:00:05Et peut-être, si on me laissait aller...
01:00:09Oh, je ne dirais pas l'imprudence, ce n'était pas une impudence.
01:00:12On s'est mis à parler.
01:00:14Et en parlant, on s'est rapprochés l'un de l'autre.
01:00:19Et on s'est trouvés à un moment, comme vous et moi, là,
01:00:23derrière une haie de Troën.
01:00:26Et dans cette haie, il y avait un petit trou.
01:00:30Et mon camarade a été aperçu par un observateur allemand
01:00:35qui a vu son brassard et ses filles, son fusil.
01:00:39Et j'ai entendu tout d'un coup un coup de feu.
01:00:44Mon camarade, très sauté, suivi d'une rafale de mitrailleuse.
01:00:49Moi, je me suis plaqué à terre.
01:00:51Ça a duré une vingtaine de secondes.
01:00:53Mais c'est long, vingt secondes.
01:00:55Les rafales ont cessé.
01:00:58J'ai vu mon camarade ensanglanté.
01:01:01Il avait une balle dans la tête qui lui...
01:01:04Le premier jour que je suis partie à Lorient,
01:01:13on nous avait dit, on nous avait prévenus, faites attention,
01:01:16parce que les amants sont dans les arbres.
01:01:19Ils sont plus hauts que nous, donc ils nous voient.
01:01:22Alors faites très attention.
01:01:25Il y a eu peut-être vingt minutes qu'on venait de nous dire.
01:01:29Il y a eu un tué.
01:01:32C'est moi qui l'ai arrangé un peu, parce qu'il avait la bouche ouverte.
01:01:38Il a reçu une balle boum boum.
01:01:41Alors la balle, elle est rentrée par là et elle est sortie de l'autre côté derrière l'autre oreille.
01:01:49Et on appelait ça les balles boum boum parce qu'elles éclataient à l'intérieur quand elles touchaient le but.
01:02:00Quand j'ai rentré une fois les viscères d'un de mes copains dans son corps pour pouvoir le mettre dans le cercueil,
01:02:09et bien si vous n'êtes pas un homme le matin, le soir vous y êtes.
01:02:15On est partis pour Lorient, pour aider Lorient.
01:02:18Quand on est arrivés, on s'est arrêtés à Clos-Arc-Ternouette.
01:02:22C'est le commandant qui était là, qui a commencé à pousser des cris.
01:02:27Quand il a vu qu'il y avait une femme, il dit mais ici, on n'a pas besoin de femme.
01:02:33Ici c'est pas la résistance, c'est la guerre.
01:02:39Quand on partait en patrouille comme ça, c'était assez difficile parce qu'il fallait faire attention.
01:02:43Parce que si les Allemands nous épiaient ou tout.
01:02:47Alors on se parlait très peu, par signes.
01:02:52Parce que les Allemands n'étaient pas loin.
01:02:58Entre la ligne allemande et puis la ligne française, il y avait, je sais pas, un espace d'un kilomètre, peut-être deux.
01:03:06On les avait encerclés quoi.
01:03:09Il les empêchait de sortir de la poche de Lorient.
01:03:12On ne s'accrochait pas souvent, mais quand ça s'accrochait, ça s'accrochait.
01:03:15Au printemps 45, un dimanche, l'état-major demande à envoyer des gens en reconnaissance, voir où étaient les lignes allemandes.
01:03:27Seulement les Allemands étaient plus malins que nous.
01:03:30Sur une colline.
01:03:32Ils étaient dans...
01:03:34Sur le bas-côté.
01:03:36Donc tout ce qui se passait à l'horizon se voyait très bien.
01:03:40Et les gars de chez nous passaient donc par le haut.
01:03:43Et quand ils sont arrivés en bas, ils ont bien vu les lignes allemandes.
01:03:46Et ils allaient tirer dessus, mais les bouchons tirer plus vite quoi.
01:03:50Alors on a eu deux gars de tués.
01:03:52Ils n'étaient pas armés quand même comme eux.
01:03:55Puis eux, ils nous attendaient.
01:03:58On dormait dans les fossés.
01:04:01On faisait des abris comme ça dans les fossés.
01:04:04Puis on dormait là-dessus.
01:04:06Pour la nourriture, on était bien nourris.
01:04:08Les races américaines c'était très bien.
01:04:10Parce qu'on avait tout.
01:04:12Le café, le chocolat, les cigarettes, tout ce qu'ils faisaient.
01:04:17On me demande de faire l'observateur.
01:04:24C'est-à-dire d'être dans un arbre.
01:04:27Avec des jumelles, une table d'orientation.
01:04:30Suivre le mouvement des troupes allemandes quoi.
01:04:33Un jour, je vois une patrouille allemande.
01:04:38Trente, quarante personnes.
01:04:40C'était le seul à aller voir.
01:04:42Et il y avait du soleil.
01:04:44Que sur ce coin-là.
01:04:45Il y avait des plaques de brouillard.
01:04:47Je demande l'artillerie.
01:04:50Que dalle.
01:04:52Bon, je commençais à m'ennuyer.
01:04:54Parce que les bouchons s'approchaient quand même.
01:04:56Dans mon arbre, je suis une cible facile.
01:04:58Alors ils ont fait décoller le mosquito.
01:05:00Le petit avion de reconnaissance.
01:05:03Ils ont envoyé une rafale.
01:05:05Il n'y a pas eu de survie.
01:05:16Il y a du coup un horizon
01:05:18qui se referme de plus en plus
01:05:21sur la survie du quotidien.
01:05:25Plus personne ne vit à l'Orient
01:05:27que l'occupant.
01:05:29Ou des gens qui sont expressément autorisés
01:05:32de par leur fonction au service
01:05:34de la machine de guerre allemande.
01:05:36Ou quelques irréductibles
01:05:38qui n'ont pas voulu partir
01:05:40pour garder la maîtrise de leurs biens.
01:05:42Et tout ça.
01:05:44Notre père disait,
01:05:45on gardera ce qu'on a
01:05:46et puis on restera là.
01:05:48Puis on n'avait aucun point de chute autrement.
01:05:50On ne savait pas où aller.
01:05:52Les Allemands avaient réquisitionné
01:05:56la maison de maître de mes parents.
01:05:58Et cette promiscuité a duré cinq ans.
01:06:01Au début, tout se passait bien.
01:06:03Mais à la fin,
01:06:04les Allemands ayant besoin de subsistance,
01:06:07ne se privaient pas de spolier
01:06:10tous les agriculteurs qui étaient restés
01:06:12dans la poche de l'Orient.
01:06:14Après, bien sûr,
01:06:16les temps sont devenus plus difficiles.
01:06:18Et là, les Allemands ont exigé
01:06:19que les agriculteurs restent
01:06:21dans la poche de l'Orient
01:06:22pour assurer leur subsistance.
01:06:24Ce qui a valu, bien sûr,
01:06:26des ennuis à tous ceux
01:06:27qui sont restés pendant la guerre.
01:06:29On les a traités de pochards
01:06:30et tout ce que vous pouvez imaginer.
01:06:39Ils sont venus chez nous
01:06:40pour nous prendre beaucoup de bêtes,
01:06:43pour se nourrir à cette époque-là.
01:06:46Quand on est jeune,
01:06:47on est un peu insouciant.
01:06:49Bon, on a vu les parents malheureux, bien sûr.
01:06:51On les a vus souffrir.
01:06:53J'ai vu mes parents pleurer
01:06:54quand on venait leur prendre leurs bêtes.
01:06:58Voilà, parce qu'après, bon,
01:07:01de huit, par exemple,
01:07:02ils n'avaient plus que deux.
01:07:04C'était quand même énorme aussi.
01:07:06Les chevaux, bon,
01:07:08on n'avait plus rien pour travailler.
01:07:13Pendant la poche,
01:07:14ils nous avaient réquisitionné
01:07:15les crémeuses
01:07:16qui étaient dans la maison.
01:07:17Toutes les vaches du quartier
01:07:19étaient dans notre prairie
01:07:20pendant un certain temps.
01:07:21Et après,
01:07:22ils les avaient envoyés
01:07:23à la base sous-marine.
01:07:25Ils étaient relativement stricts
01:07:27avec nous,
01:07:28mais je me rappelle
01:07:30qu'un d'eux
01:07:31avait, pendant la poche,
01:07:32pris une poule à ma mère
01:07:34qui avait été voir l'officier
01:07:36qui était là en disant
01:07:37« vos soldats ont pris ma poule là ».
01:07:40Et le malheureux soldat,
01:07:41il a été retrouvé.
01:07:43On nous a rendu la gamelle
01:07:45de poule avec le bouillon,
01:07:48c'est-à-dire qu'il n'a pas mangé.
01:07:50Mais en plus,
01:07:51il a eu le droit
01:07:52de faire des manœuvres militaires
01:07:55avec tout le barda sur le dos.
01:07:56Il plongeait,
01:07:57il se redressait
01:07:58et tout ça au coup de cyclable.
01:08:00Il y avait l'entraide.
01:08:09Entre tous ceux
01:08:10qui étaient restés dans la poche,
01:08:11ma mère tenait ferme.
01:08:13Donc,
01:08:14quand nous étions à la maison,
01:08:16on avait quand même à manger.
01:08:17Elle broyait du grain
01:08:19pendant la poche
01:08:20et on faisait de notre farine
01:08:23et elle faisait du pain.
01:08:25Quand on pouvait,
01:08:27on tuait un faux.
01:08:28Il ne faut pas
01:08:29que les Allemands tombent dessus
01:08:30parce qu'ils les barbotaient.
01:08:40À la fin,
01:08:41les Allemands,
01:08:42se sachant perdus,
01:08:43beaucoup sombraient dans l'alcool.
01:08:44Donc, ils devenaient
01:08:45un peu violents,
01:08:46menaissaient de tout casser.
01:08:51Donc, les gens qui restent
01:08:53sont confrontés
01:08:54à cette violence
01:08:55et sont confrontés aussi
01:08:56à une présence de l'occupant
01:08:58qui lui,
01:08:59il fait comme un rat,
01:09:01loin de chez lui
01:09:02et a de gros problèmes
01:09:04de ravitaillement notamment.
01:09:06ne sont pas
01:09:08de l'alcool.
01:09:13Cette violence est complètement
01:09:14en train de neuf.
01:09:15Il y a quoi que dit,
01:09:17la vie,
01:09:19c'est pas mal qu'on peut
01:09:20avoir hété ou pas
01:09:211,5% de l'eau,
01:09:22on a deux fois
01:09:23que nous avons puissé
01:09:24de la vie.
01:09:25Il y a plus à la vie.
01:09:26Il y a plutôt que nous avons
01:09:27l'air,
01:09:28qu'on avait encore
01:09:29des muscles,
01:09:30de l'am Exposéloi,
01:09:31qui ont été
01:09:32pari Rolls,
01:09:33Nous avons mis en place des pâtons, nous avons été déroulés par un coup de feu,
01:09:39et nous avons encore essayé.
01:09:40Et parfois, en une heure, nous avons encore 4 ou 5 cartes.
01:09:46La vie dans la poche, c'est une zone de guerre.
01:09:49Il y a du danger, qui est essentiellement des tirs d'artillerie
01:09:53qui vont monter en intensité et en puissance jusqu'à la fin.
01:09:58Avec des seuils extrêmement importants qui vont arrasser les Allemands,
01:10:02qui vont s'attaquer à toutes les infrastructures,
01:10:05par exemple, les réseaux d'adduction d'eau,
01:10:07tout ce qui sert à la vie, qui n'a pas été démoli par les bombardements de 1943,
01:10:12va l'être lors des échanges de tirs de 1944 à 1945.
01:10:22Les derniers jours, j'ai senti qu'il se passait quelque chose,
01:10:27parce que c'était calme, il n'y avait plus un bruit.
01:10:31On se demandait ce qu'il se passait, on n'entendait plus les canons, plus d'avions.
01:10:35C'est là qu'on a appris que la guerre était finie.
01:10:38Et c'était formidable, quoi.
01:10:45En 1945, nous sommes rentrés sur l'Orient.
01:10:48On est arrivés en haut de Carriado.
01:10:51Nous sommes descendus.
01:10:52À partir de ce moment-là, surtout à Carriado,
01:10:55il y avait des civils qui étaient avec des fleurs, et puis du chif.
01:10:59Le 10 mai 1945, nous sommes allés à la rue de Belchie,
01:11:03on acclamait les militaires français qui arrivaient.
01:11:06Et par la suite, sont arrivés les Américains.
01:11:09Et quelques jours après, ils sont venus dans le village.
01:11:12Et là, alors, on les a accueillis, bien sûr.
01:11:16Et ils nous ont donné du chewing-gum aux enfants,
01:11:19et puis des bas de soie aux gens plus âgés, aux jeunes filles, aux femmes.
01:11:26Tout le village était heureux.
01:11:30C'était la délivrance aussi, hein.
01:11:32J'ai changé ma voiture contre une Jeep.
01:11:38Je suis parti dans la nature, en criant hip, hip, hip,
01:11:43pour à aidant l'art et le clair.
01:11:45Le chant de l'air, c'était plein d'espoir,
01:11:48de voir la victoire.
01:11:51J'ai jeté mon chapeau dans le palier,
01:11:54mon bubeau, mais rien ne vaut pour moi les casques en acier.
01:11:59Et quand le jour viendra, où la guerre finira,
01:12:06je garderai ma Jeep, en criant hip, hip, hip,
01:12:12en criant hip, hip, hip, hip, pour à aidant.
01:12:24Les Allemands se sont faits prisonniers, rassemblés,
01:12:27les armes déposées, tout un ensemble de dispositions prises.
01:12:32Et la journée se termine, officiellement, à 16h, à Codan,
01:12:38dans un champ juste derrière le bourg,
01:12:41entre les positions de Kerrio et le bourg.
01:12:45Un espace disponible et sécurisé pour la mise en scène de la réédition,
01:12:51qui marque très symboliquement la fin des hostilités,
01:12:55le retour à la souveraineté et la fin de la guerre pour les Américains.
01:12:58Le 10 mai, quand ça a été la libération de Lorient,
01:13:01nous sommes rentrés, naturellement, à l'Anne-Bioué,
01:13:04pour garder la vie de l'Orient.
01:13:06Le 10 mai, quand ça a été la libération de Lorient,
01:13:10nous sommes rentrés, naturellement, à l'Anne-Bioué,
01:13:12pour garder les prisonniers.
01:13:22Le 10 mai, quand ça a été la libération de Lorient,
01:13:27nous sommes rentrés, naturellement, à l'Anne-Bioué,
01:13:30pour garder les prisonniers.
01:13:32Ça a défilé, ça a défilé, 25 000 bonhommes,
01:13:35ça fait quand même beaucoup.
01:13:37Nous n'avions pas à rien.
01:13:39Nous n'avions pas à rien.
01:13:41Nous n'avions pas à la première nuit,
01:13:43nous avons pris une chaleure de l'eau,
01:13:46où nous pouvions nous mettre en place,
01:13:49nous avons nous couvrions avec notre couverture de l'Orient,
01:13:52et nous avons passé à la nuit,
01:13:54que j'ai été réglé dans la nuit,
01:13:56et j'ai ensuite eu l'air au fond de l'eau.
01:13:58Nous n'avions pas encore là.
01:14:00Nous avons seulement apporté,
01:14:02qu'il y a près d'un américain,
01:14:05où il y a un jardin,
01:14:07et il y a beaucoup de leire des pommes.
01:14:09Et nous avons été überzeugt,
01:14:11qu'il n'y a pas possible,
01:14:14qu'il n'y ait pas de ces pommes
01:14:17pour construire une petite couverture.
01:14:20Et nous avons aussi fait ça.
01:14:22J'ai vu quelques-uns de mes camarades,
01:14:24je suis désolé,
01:14:26brutaliser les Allemands
01:14:28pour les faire des chans,
01:14:30aller plus vite, plus vite.
01:14:32eux, ils avaient été brutaux et nous,
01:14:34on n'avait aucune raison de faire pareil.
01:14:36Mais c'était pas méchant.
01:14:38Il les tapait pas.
01:14:40Je dis, il les molestait un petit peu, quoi.
01:14:42C'était la réponse du berger à la bergère.
01:14:47Nous avons nous a convaincué,
01:14:50qu'il y a des Zivilsistes
01:14:51qui ont pris des postes,
01:14:55et nous devait nous entrer.
01:14:57Et nous avons apporté la fronte
01:14:59de les Zivilsistes de l'avant.
01:15:01Et nous avons remarqué,
01:15:03qu'il y a quelque chose,
01:15:05qui a été misqué,
01:15:07qu'ils ont pris des postes.
01:15:09Nous avons apporté ça.
01:15:11et chaque fois,
01:15:13quand les Zivilsistes
01:15:15ont pris des postes,
01:15:17nous avons eu peur
01:15:19et nous ne savions pas
01:15:20ce qu'il nous a passé.
01:15:21Et ces gens
01:15:23ont lancé,
01:15:25nous n'avons pas encore vu.
01:15:27Il y avait aussi des criminels de guerre,
01:15:31qui avaient reflué
01:15:33avec les troupes
01:15:34qui étaient stationnées
01:15:35un peu partout en Bretagne.
01:15:36Et ici, pour anecdote,
01:15:38je peux vous préciser
01:15:39que les FFI,
01:15:41qui ont investi l'affaire
01:15:42à la capitulation allemande,
01:15:44avaient emmené avec eux
01:15:45comme prisonniers
01:15:46un criminel de guerre allemand.
01:15:48Mon père m'a souvent raconté
01:15:50que cet Allemand
01:15:51avait été enfermé
01:15:52dans un des blocos
01:15:53qui se trouvent derrière chez nous.
01:15:54Il est resté là en punition
01:15:55pendant quelques jours
01:15:56et au bout de son purgatoire,
01:15:59disons,
01:16:00cet Allemand a été
01:16:01pratiquement lynché
01:16:02ici chez nous,
01:16:03dans la courbe,
01:16:04derrière la ferme.
01:16:07Cette violence,
01:16:08que nous avons apporté
01:16:09par les civilistes,
01:16:10nous avons remarqué,
01:16:12qu'il y a tout le monde
01:16:14a été déroulé.
01:16:16Et cela a duré
01:16:18environ un demi-jeu.
01:16:21Nous avons apporté
01:16:23avec notre travail
01:16:25en contact
01:16:26avec les civilistes,
01:16:27et il s'est discuté
01:16:29avec les civilistes.
01:16:30Et cela a été
01:16:31tout à l'heure
01:16:32tout à l'heure.
01:16:36C'était beaucoup
01:16:37d'agriculteurs,
01:16:38c'était des gens corrects.
01:16:39Après la guerre,
01:16:40donc mon père a fait une demande,
01:16:42comme beaucoup de paysans,
01:16:43du Plumeur et d'ailleurs.
01:16:44Et mon père a eu
01:16:46deux prisonniers de guerre
01:16:47pour l'aider
01:16:48à remettre sa ferme en état.
01:16:50C'est quoi ?
01:16:51et les Français, les Français et les Français,
01:16:53il ne peut pas se trouver une certaine friendship
01:16:57si nous travaillons avec les Français.
01:17:01Et plus, plus longtemps que nous sommes dans ce pays,
01:17:05nous avons apprécié les relations français.
01:17:10Et moi, je n'avais pas envie,
01:17:14car je suis entouvé de l'Allemagne.
01:17:17Et je serais heureux de rester ici.
01:17:20Il y a déjà développé certaines friendships
01:17:22qui ont été développés par ce qu'il y a de rester ici.
01:17:28Le régime nazi qui s'est imposé à la société allemande,
01:17:32il ne faut pas exonérer de cette catastrophe,
01:17:35mais il a aussi pesé sur des gens,
01:17:38dont les convictions sous l'uniforme
01:17:41sont aussi diverses et variées quelque part
01:17:44que celles des Français dans leur engagement.
01:17:50la libération, c'est en même temps, quelque part,
01:17:55plus qu'un point final, un point de départ vers une autre phase.
01:18:00C'est une réinstallation des expropriés,
01:18:04ce qui était leur propriété et qu'ils ne reconnaissent plus
01:18:08parce que tout a été détruit ou au contraire transformé.
01:18:11Il faut tout reprendre à zéro,
01:18:13et puis il faut savoir ce que sont devenus les proches.
01:18:15Il y a des liens à renouer,
01:18:17il y a des comptes à rendre ou à régler.
01:18:21Et les autorités vont essayer d'encadrer toutes ces aspirations
01:18:26dans un contexte où l'accumulation des griefs
01:18:30a fait monter la haine et l'exaspiration.
01:18:34Donc tout ça va être à gérer,
01:18:36puis on part pour 15 ans de reconstruction.
01:18:39La ville était complètement abandonnée.
01:18:45Il n'y avait rien, il n'y avait rien.
01:18:46On traversait les ruines.
01:18:48Moi, j'étais pas très vieille, j'étais gamine,
01:18:51donc on rentrait dans les ruines.
01:18:53On aurait très bien pu rencontrer des bombes
01:18:56et s'amuser avec aussi.
01:18:58Ce qu'on voyait aussi, c'était des rats
01:19:01puisque la ville était déserte.
01:19:03Il y avait des rats dans les ruines.
01:19:05C'était pas très gai quand même non plus.
01:19:11Il faut, pour rentrer dans l'Orient,
01:19:14beaucoup de précautions.
01:19:16D'assez loin, l'Orient paraît intact.
01:19:18Et une fois qu'on est dedans,
01:19:19ça n'est que des ruines
01:19:21puisque les murs sont restés.
01:19:23Tout ce qui était à l'intérieur des murs a brûlé.
01:19:26Mais c'est très spectaculaire de voir ces villes
01:19:29qui se dressent comme des alvéoles
01:19:32de galettes d'abeilles.
01:19:34totalement détruites.
01:19:36Et en même temps, le squelette est à nu
01:19:38et puis il risque de vous tomber dessus.
01:19:40Donc, c'est un endroit dangereux.
01:19:43Il n'y avait plus que des ruines.
01:19:46Des rats, des grandes, des espèces de fleurs violettes
01:19:50qui poussent dans les endroits arribles.
01:19:53Mais on est rentrés en 45, au mois d'août 45.
01:19:58Alors, vous savez, ça a été des années
01:20:01avant que les gens trouvent des logements,
01:20:04que ce soit reconstruit et tout ça.
01:20:07Rien, ça n'a pas été facile.
01:20:10Ce qui m'a frappé en arrivant,
01:20:13bien entendu, ce sont des tas de cailloux.
01:20:16Je reconnaissais plus la ville.
01:20:19Il faut quand même garder l'oeil.
01:20:21Il faut quand même garder l'oeil.
01:20:23à l'esprit.
01:20:48Il faut quand même garder à l'esprit
01:20:53ce que peut faire un aventurier.
01:20:59Pour moi, c'était un aventurier, Hitler.
01:21:02Rien de plus.
01:21:04Ce qu'il peut faire pour entraîner les masses
01:21:09en faisant d'abord un groupe de 10,
01:21:12un groupe de 100, un groupe de 1000, etc.
01:21:15parce que c'est comme ça que ça s'est passé.
01:21:19Et il n'est pas souhaitable
01:21:22d'entretenir un esprit de rivalité
01:21:26et de recommencer une pareille tuerie.
01:21:29C'est terrible.
01:21:34On ne peut pas comprendre ça.
01:21:36Qui peut dire où vont les fleurs
01:21:43du temps qui passe ?
01:21:47Qui peut dire où sont les fleurs
01:21:50du temps passé ?
01:21:55Mais où vont tous les garçons
01:22:00du temps qui passe ?
01:22:04Mais où sont tous les garçons
01:22:07du temps passé ?
01:22:10Lorsque le tambour roula
01:22:14se sont faits petits soldats ?
01:22:19Qu'en saurons-nous un jour ?
01:22:23Qu'en saurons-nous un jour ?
01:22:27Mais où vont tous les soldats
01:22:30du temps qui passe ?
01:22:38Mais où sont tous les soldats
01:22:40du temps passé ?
01:22:45Sont tombés dans les combats
01:22:49Et couchés dessous leurs croix
01:22:53Quand saurons-nous un jour ?
01:22:57Quand saurons-nous un jour ?
01:23:04Il est fait de temps de croix
01:23:07Le temps qui passe
01:23:11Il est fait de temps de croix
01:23:15Le temps passé
01:23:18Quand saurons-nous un jour ?
01:23:23Quand saurons-nous un jour ?
01:23:30Qui peut dire où vont les fleurs
01:23:34Du temps qui passe ?
01:23:38Qui peut dire où sont les fleurs
01:23:41Du temps passé ?
01:23:45Sur les tombes du mois de mars ?
01:23:49Les filles en font des bouquets
01:23:53Quand saurons-nous un jour ?
01:23:58Quand saurons-nous ?
01:24:02Quand saurons-nous un jour ?
01:24:12Quand saurons-nous un jour ?

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