David Lisnard, maire de Cannes et président de l'Association des Maires de France, était l'invité du Face à Face ce mercredi 7 mai. Il s'est exprimé sur les agressions de maires en France, le narcotrafic mais aussi les déserts médicaux.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour David Lissnard.
00:02Bonjour.
00:03Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions.
00:05Vous êtes le maire de Cannes et vous êtes le président de l'Association des maires de France.
00:09Vous êtes d'ailleurs ce matin à Paris, non seulement pour répondre à mes questions,
00:13mais aussi parce que vous étiez consulté par le Premier ministre sur les finances de l'État.
00:18Et on sent bien que vous allez être mis à contribution, ce qui ne vous plaît pas forcément.
00:22Vous allez y revenir dans un instant.
00:23Mais les maires, les maires qui sont aussi en première ligne de ces violences du quotidien,
00:29il n'y a plus aucun espace en France qui soit sûr, c'est ce que dit le ministre de la Justice.
00:34Est-ce que vous avez parlé avec l'élu de Goriaguet, cet élu municipal qui a été tabassé le week-end dernier.
00:42Goriaguet, c'est à 30 kilomètres au nord de Bordeaux.
00:45Quatre suspects ont été interpellés hier.
00:48Cet élu qui tentait simplement de mettre fin à un rodéo sauvage.
00:52Oui, bien sûr, j'ai échangé avec lui tout de suite.
00:54Quand j'ai appris les faits, j'ai réussi à avoir son téléphone pour lui apporter un soutien moral, évidemment.
01:00Elle lui apportait aussi un soutien logistique, s'il le souhaite.
01:03On a mis en place avec l'Association des maires de France une aide aux victimes et la possibilité aussi de se défendre.
01:09C'est quelqu'un, d'après les échanges que j'ai eus, qui est très déterminé.
01:12Puis il a bien fait.
01:13On fait ça toute la journée.
01:16Soit intervenir sur quelqu'un qui jette des déchets dans la rue ou qui balance des encombrants.
01:20Moi, ça m'arrive régulièrement.
01:21ou sur les rodéos urbains.
01:24Ce n'est pas le premier qui se fait tabasser sur des rodéos urbains.
01:28Un maire ou un élu municipal, j'utilise souvent cette formule, c'est un praticien du quotidien.
01:35On est des habitants parmi les habitants.
01:37Moi, j'amène mon gosse à l'école.
01:39Très souvent, c'est une communion.
01:40Ce n'est pas une sanction.
01:40C'est un mandat magnifique, mais qui est très exposé dans une société où des individus, des adultes,
01:47se comportent plus en adolescents attardés et capricieux qu'en citoyens responsables.
01:53Alors, c'est une minorité.
01:55Ça concerne tout le monde.
01:56Mais on est exposé à cela.
01:57Mais est-ce que ça veut dire que vous êtes encore plus que les autres, justement, des cibles de cette violence ?
02:02Est-ce que vous le ressentez ?
02:03Est-ce que parfois, d'ailleurs, vous avez peur ?
02:04Vous ou les maires avec qui vous parlez ?
02:07Quand on a peur, parce qu'on doit gérer physiquement des situations, vous savez, j'étais avant-hier,
02:12j'ai eu une grande réunion de plusieurs heures dans le quartier de la Frayère, à Cannes-la-Bocat,
02:15où on a eu deux règlements de comptes aux armes à feu la semaine dernière.
02:18Quand j'arrive, moi, tout le monde sait où j'habite.
02:21On a un maire, vous avez vu, hier, qui a eu ses voitures brûlées chez lui, dans son jardin.
02:26C'était où, ça, pardon ?
02:27Je vous ai apporté une liste, qu'on m'a sorti hier soir.
02:31Vous avez une liste sous les yeux ?
02:32Oui, c'est les maires ou les élus municipaux qui se sont fait agresser ces derniers jours.
02:36Ça, c'est juste les derniers jours ?
02:38Bien sûr, regardez, donc là, on parlait d'Anthony Roland tout à l'heure, en Gironde.
02:42Dans la nuit du 5 au 6 mai, Claude Vial, à Aurec-sur-Land, en Haute-Loire,
02:45sa voiture et celle de son épouse ont été incendiées.
02:48Voilà, d'après les éléments que l'on a, on pense que c'est lié à l'exercice du mandat.
02:51Ce qu'il faut comprendre...
02:52Mais ça vous remonte, ça ?
02:53Ça veut dire que désormais, en fait, c'est quasiment comme au ministère de l'Intérieur,
02:56où on a la remontée des violences.
02:58Vous, en tant que président des maires de France, désormais, c'est aussi ça qui vous remonte ?
03:03On a vu monter ces phénomènes de violences à partir...
03:06Ce qui nous avait vraiment alertés, c'est quand mon collègue, le maire de Signe, dans le Var,
03:10a été tué parce qu'il interpellait...
03:14Enfin, il disait à des gens qui jetaient des déchets dans un chemin...
03:17Des déchets sauvages, dans une déchetterie sauvage ?
03:18C'était dans la forêt, dans cette très belle commune, d'ailleurs.
03:21Il en est mort.
03:22Et on a créé, à l'époque, avec François Baroin, un observatoire des violences.
03:25On a réussi à faire objectiver ces choses-là.
03:27Et on a vu, par exemple, que sur 2022-2023, 2024, on n'a pas encore les résultats.
03:33Il y a eu une augmentation de 50% des agressions.
03:35Il ne s'agit pas du tout de demander...
03:36Enfin, les maires, on n'est pas au-dessus des autres ou en dessous des autres non plus.
03:40Donc, c'est ce que vivent tous les Français.
03:42C'est des phénomènes de violences, y compris maintenant en milieu rural.
03:45Donc, voilà, on ne planiche pas.
03:47Il n'y a pas de souci là-dessus.
03:48Mais en revanche, ce qu'il faut juste comprendre, c'est que ce sont des violences parce qu'on exerce un mandat de maire.
03:56Parce qu'on intervient.
03:59Et je vous dis, c'est pour ça que ce mandat est si beau aussi.
04:02C'est qu'on est dans une simplicité de vie.
04:05Et ça traduit une crise civique très, très profonde.
04:09Une crise civique profonde, un problème sur tout le territoire.
04:12Vous partagez donc le constat du ministre de la Justice, Gérard Ledermanin, qui dit qu'il n'y a plus de safe, de zone safe.
04:19C'est-à-dire qu'il n'y a plus de sûreté, il n'y a plus aucun endroit où on puisse se sentir en sécurité.
04:22Moi, je me balade dans ma ville, je vois les problèmes de deal, mais je ne me sens pas en insécurité non plus.
04:27Tout ça, c'est du... Comment dire ? D'abord, c'est très subjectif.
04:31Et puis, il aurait dû en parler... Je ne veux pas être acide, mais il aurait dû en parler au précédent ministre de l'Intérieur.
04:36C'était lui, quoi.
04:37Voilà.
04:38Donc, ça vous paraît presque une posture aujourd'hui de dire ça ?
04:41C'est-à-dire qu'il faut faire très attention.
04:42Parce qu'il ne faut pas accepter l'impuissance publique, il ne faut pas s'en nourrir.
04:45Il faut dire les choses, il faut dire ce que l'on voit, et c'est ce que j'ai essayé de faire en permanence, y compris dans mon dernier ouvrage.
04:51Et parallèlement, il faut montrer comment on peut améliorer la situation.
04:56Vous savez, il faut que la... Il y a trois choses, très vite.
04:59Il faut que la police procède aux arrestations.
05:03Il faut que la justice assume son exigence de sanction et qu'on arrête d'adapter la doctrine à la pénurie.
05:11Dans le pays du monde qui a le plus de prélèvements obligatoires d'impôts et de charges, le plus de dépenses publiques, vous avez vu qu'on atteint les 57%, on va en parler d'ailleurs, qu'il nous manque depuis 20 ans les 30 000 places de prison, qu'on n'est pas des greffiers.
05:21Moi, je vois au parquet de Grasse, il nous manque des parquetiers.
05:25Donc, c'est plus possible.
05:26Et puis, il faut que les familles assument l'éducation.
05:30Moi, je suis navré, je suis père de famille, c'est pas simple.
05:33Mais à un moment donné, quand on a des gamins de 12-13 ans, qui aujourd'hui font de...
05:37Je ne vais pas parler que le langage de dealer, mais qui surveillent, qui prennent 400 euros.
05:42Il y a des familles qui subissent ça, mais il y a plein de familles qui sont complices.
05:46Il y a des familles qui s'en nourrissent financièrement de ça.
05:48Donc, c'est une reprise en vente globale de la société.
05:52Est-ce que les maires, là-dessus, doivent sanctionner davantage les familles ?
05:56Oui, je demande par exemple un pouvoir d'expulsion des familles qui sont notablement connues, parce qu'on les connaît, pour pratiquer des trafics, des HLM.
06:12Je ne comprends pas que la société aide financièrement des personnes qui nuisent de façon récurrente à la société.
06:20Il faut arrêter le masochisme et le niaiserie, c'est pas l'extrémisme du tout, ça.
06:24C'est du bon sens.
06:26C'est plus possible.
06:27Vous dites tous que c'est du bon sens.
06:29J'ai un peu du mal, maintenant, moi, avec cette expression.
06:31Pendant longtemps, on disait que c'est le système.
06:32Aujourd'hui, on dit que c'est le bon sens.
06:33Je ne vous laisserai juger si c'est du bon sens ou du mauvais sens.
06:35Pour moi, c'est aller dans le bon sens que de dire que le logement social doit plutôt être attribué à des gens qui se comportent normalement
06:42qu'à des gens qui pourrissent la vie des autres et qui sont très violents et qui gangrènent nos quartiers.
06:46Et David Lissnard, désormais, c'est effectivement à travers toute la classe politique que ce constat est fait.
06:52Je voudrais vous citer le maire de Clermont-Ferrand.
06:54Le maire de Clermont-Ferrand, il est socialiste, il s'appelle Olivier Bianchi.
06:57Et voilà ce qu'il disait hier.
06:58Tous les territoires urbains comme ruraux doivent faire face à la montée de l'insécurité,
07:03principalement liée à l'explosion du narcotrafic.
07:05Malheureusement, Clermont-Ferrand n'est pas épargné.
07:09Il a donc décidé notamment la création d'un nouveau commissariat de police municipale,
07:13alors que jusqu'à présent, il n'y était pas favorable.
07:15Il dit, j'ai compris que cette position pouvait être dogmatique jusqu'à présent,
07:19donc de refuser cela, et j'ai décidé désormais d'être plus pragmatique.
07:23C'est bien, parce que ce que je vous disais tout à l'heure, c'est qu'à un moment donné, la réalité nous rejoint.
07:27Enfin moi, il y a longtemps je le sais ça, mais je suis ravi de voir que ça transcende les clivages.
07:32Et d'ailleurs, c'est ce que je dis aussi dans le livre, c'est que...
07:36Votre livre, vous le citez à l'instant, Ainsi va la France, il a été publié aux éditions de l'Observatoire,
07:41et c'est notamment votre constat, à la fois sur les territoires, mais aussi sur la question de la solidarité globale,
07:48du rapport à l'impôt, on va y venir, et notamment de l'impôt au local.
07:50Mais aussi de la solidité d'un pays, c'est-à-dire que notre pays est magnifique, a tout pour rebondir,
07:54a tout pour être très puissant dans le XXIe siècle, c'est-à-dire qu'on ne s'en rend pas bien compte,
07:57mais on est le pays de la créativité.
07:58À l'époque de l'intelligence artificielle, de la physique quantique,
08:01les peuples créatifs sont les peuples qui seront les plus prospères.
08:04À condition qu'on retrouve tout simplement une réalité sécuritaire, régalienne,
08:10un, deux, qu'on libère la création de valeurs et de richesses,
08:13trois, qu'on retrouve une ambition éducative et scientifique.
08:17Et on a tout en nous.
08:18Moi, je suis toujours très frappé, je parcours le pays sans...
08:21L'AMF, vous savez, c'est un parcours bénévole, c'est...
08:23L'Association des maires de France.
08:24L'Association des maires de France, pardon.
08:26Donc, c'est simple, je vois les élus, je vais voir des chefs d'entreprise, des salariés.
08:30Le pays, en réel, l'expression est parfois contestée, mais est très solide.
08:34Il y a une belle maturité en France.
08:36Et puis, on a l'impression qu'il y a des microcosmes asimutés,
08:39qui se posent encore des questions sur le sexe des anges.
08:41Est-ce qu'un multi-récidiviste doit être dans la rue ?
08:44Il y a la culture de l'excuse.
08:46Il y en a ras-le-bol.
08:47Et je pense que ça transcende les clivages partisans.
08:50Ça veut dire quoi ?
08:51Ça veut dire qu'il y a un problème chez les juges,
08:52qu'il y a un problème sur l'application de la justice ?
08:54Je n'aime pas les punitions collectives, y compris pour les juges.
08:57Moi, je vois des magistrats qui font leur boulot.
08:59Mais on sait qu'il y a une minorité active de juges,
09:01qui sont des idéologues, qu'on retrouve au syndicat de la magistrature,
09:04dont l'objet est de remettre en cause même l'impartialité de la justice.
09:07Vous parleriez, comme Bruno Retailleau, de juges rouges ?
09:10Oui, ce n'est pas que moi qui en parle.
09:12Je ne sais pas s'il y a des juges bleus.
09:13En tout cas, je sais qu'il y a des juges rouges.
09:15Mais là aussi, je veux rester dans le constat réel.
09:19Et puis, vous voyez, par exemple,
09:21je vois dans toutes les communes où je vais,
09:23on sait qu'il y a des familles récurrentes,
09:25des mineurs qui sont toujours les mêmes,
09:27parfois 14, 15 fois multirécidivistes.
09:30Il est temps d'avoir un vrai réseau de centres disciplinaires
09:32pour protéger la société de ces mineurs-là.
09:34On sauvera des mineurs qui ont besoin de discipline.
09:36Je veux dire, un ado, ça a besoin aussi de se constituer.
09:40Je suis un père de famille.
09:41J'ai été, moi aussi, jeune il y a longtemps maintenant.
09:43Mais pour les plus dangereux, il faut vraiment les isoler.
09:47Et pour les autres, il faut leur donner un cadre disciplinaire.
09:49Quand vous voyez le succès de tout ce qui est...
09:51On a créé les premiers cadets de la police municipale à Cannes, de France.
09:54Quand vous voyez les cadets de la gendarmerie...
09:55C'est quoi les cadets de la police municipale ?
09:57En fait, c'est comme les cadets de la gendarmerie
09:59ou de la police nationale ou de l'armée.
10:00Vous accueillez des jeunes, souvent collégiens, 3e,
10:03et qui viennent, qui pendant plusieurs mois, font un stage en uniforme.
10:06Ils lèvent le drapeau.
10:08Et c'est assez réjouissant.
10:10Vous voyez des gamins de tout milieu, de toutes origines,
10:12de la France d'aujourd'hui,
10:14et qui prennent du plaisir, dont certains auraient pu être transgressifs,
10:17à être dans un cadre disciplinaire.
10:19Ça fait partie...
10:20Le docteur Berger, qui est un pédopsychiatre reconnu,
10:23a bien démontré ses mécanismes d'autorité.
10:25Pour vous, c'est la question du retour nécessaire d'une forme d'autorité,
10:29y compris au sein de la famille, y compris au sein de l'école, et dans la rue ?
10:33Oui, et en respectant, bien sûr, les principes de l'État de droit.
10:35C'est-à-dire qu'ensuite, le respect du contradictoire,
10:37l'égalité des chances devant la justice.
10:39La démocratie, c'est un trésor.
10:40Mais ça ne doit pas être l'impuissance publique.
10:42Vous le dites presque comme si...
10:44Oui, attention, non, non, il y aura quand même...
10:46C'est-à-dire qu'on aurait pu en douter ?
10:47Oui, parce que certains, parfois,
10:49et c'est le danger de la démagogie,
10:52confondent l'autoritarisme et l'autorité.
10:55C'est la différence entre la radicalité que je propose,
10:59aller à la racine des choses,
11:00traiter les problèmes de façon réaliste, pragmatique,
11:03pour reprendre les termes d'Olivier Bianchi,
11:04et l'extrémisme.
11:05Ce n'est pas la même chose.
11:07Et vous reprenez les termes d'un maire, je le disais,
11:09socialiste, vous-même, vous êtes un maire les Républicains.
11:12Et nouvelle énergie.
11:14Et nouvelle énergie, pardon.
11:15N'hésitez pas à adhérer.
11:16D'ailleurs, je suis assez frappée.
11:18Vous n'arrêtez pas de dire que vous êtes libéral.
11:21Probablement l'un des maires les plus libéraux,
11:23ou en tout cas revendiqués comme tels, de France.
11:25Et en même temps, depuis un mois maintenant,
11:28on vous entend, vous et les autres maires de France,
11:30demander des sous à l'État.
11:33Est-ce que ce n'est pas totalement paradoxal ?
11:34Parce que je pense que vous vous entendez de façon orientée.
11:37Ah, alors dites-moi.
11:38Je vous invite à venir notamment à tous les congrès de maires,
11:41où on demande une chose.
11:42J'y suis venu souvent.
11:43Et je vous incite à continuer.
11:45Où on demande une seule chose,
11:47c'est qu'on nous laisse travailler.
11:48Moi, on l'a dit clairement d'ailleurs.
11:49Nous, on n'est pas les parleureuses de la République.
11:51On a dit, il faut vraiment rétablir les comptes publics.
11:55Je parlais de la justice tout à l'heure.
11:56L'année dernière, nous avons payé que nos impôts,
11:58cinq fois plus pour les seuls intérêts de la seule dette de l'État,
12:01que tout le budget de la justice.
12:04Donc, ce n'est pas virtuel tout ça.
12:06Et on déplaise à l'extrême gauche,
12:07qui croient qu'une dette peut être annulée,
12:09alors qu'il y a toujours un créancier derrière une dette.
12:10Il faut toujours rappeler ça.
12:11Et donc, simplement,
12:13hier, on a fait une liste.
12:15J'ai dit, mais êtes-vous en mesure
12:16de supprimer tout ce qui nous oblige
12:19à faire des dépenses supplémentaires ?
12:21A qui l'avez-vous demandé ça ?
12:24Au gouvernement.
12:25Je dis, bien sûr qu'il faut faire des économies.
12:26Je dis d'abord,
12:27quelles sont les économies que vous allez faire, vous ?
12:28Pendant qu'on se parle,
12:30l'État continue d'augmenter ses dépenses.
12:32La dépense sociale va dépasser les 900 milliards d'euros.
12:35C'est la collectivité, c'est 300 milliards.
12:36Nous sommes 70% de l'investissement public,
12:39alors qu'on représente 300 milliards de dépenses
12:41sur 1 700 milliards de dépenses.
12:43Est-ce que vous voulez tuer l'investissement ?
12:45Est-ce que vous voulez avoir des effets récessifs ?
12:47Mais surtout, il y a deux semaines,
12:50il y a une autre grande messe qui avait été organisée.
12:53Vous savez, moi, j'ai connu le Grand Débat,
12:56puis le CNR, le Conseil National de la Refondation,
12:59puis le Haut Conseil des Finances Publiques,
13:01puis j'en oublie un autre, je les avais notés.
13:03Oui, c'est-à-dire qu'on s'y perd.
13:04Et on nous dit toujours la même chose, etc.
13:06Il y a une séquence de com' et compagnie.
13:08Le lendemain de la précédente séquence,
13:11c'était le comité d'alerte.
13:13Le lendemain, nous recevons des circulaires
13:16où on nous dit qu'il faut passer de 9,5 milliards par an de dépenses
13:20pour la trajectoire bas carbone dans les collectivités
13:23à 20 milliards.
13:26On vient de se faire refourguer l'entretien des digues fluviales,
13:3015 milliards par an.
13:31Il y a quelques années, nous allions refaire
13:34nos papiers d'identité dans les préfectures et les sous-préfectures,
13:36qui aujourd'hui sont des couloirs vides.
13:37On va dans les mairies.
13:38Maintenant, c'est nous qui devons assumer cela.
13:39Depuis le mois de janvier, il y a une loi,
13:43l'enfer est pavé de bonnes intentions,
13:45qui impose un service de la petite enfance aux communes
13:48en nous demandant de créer 200 000 places de crèche.
13:51Est-ce que je suis un bon maire si je crée cette place de crèche ?
13:55Et je réponds à un besoin.
13:56Ou est-ce que je suis un bon maire si je n'engage pas cette dépense ?
13:59Les effectifs qui ont le plus augmenté dans la fonction publique territoriale,
14:02c'est la police municipale.
14:04Est-ce que les maires qui mettent des policiers municipaux
14:07pour régler les problèmes qu'on vient d'évoquer
14:09sont des bons maires ou ce sont des mauvais maires ?
14:10C'est-à-dire qu'on vous demande de faire des économies d'un côté
14:12et on vous demande en même temps de tenir le territoire de l'autre.
14:15Et puis on nous impose des normes stupides, des procédures.
14:19Pour aujourd'hui faire un centre de valorisation des déchets,
14:23il faut le faire, décarboner tout le langage de l'époque.
14:26Je suis obligé d'avoir 9-10 autorisations de services différents.
14:31C'est des acronymes abominables,
14:33qui sont des services de l'État, la DREA, la DDTM,
14:35ensuite il faut aller voir le sous-préfet, puis la MRAE.
14:38A chaque fois on refait un dossier,
14:40on nous demande une étude 4 saisons qui dure un an.
14:42Est-ce que parfois ils vous demandent même des choses contradictoires ?
14:43Mais bien sûr, aucun de ces services à lui seul ne peut vous autoriser un projet.
14:47Chacun de ces services peut vous planter ce projet.
14:49Ils sont au-delà des textes, ils sont maximalistes.
14:52Il y a trois semaines, l'État me dit
14:54« Écoutez, pour ne pas vexer les services de l'ADREAL,
14:56même si ce n'est pas dans les textes,
14:58faites quand même telle mesure compensatoire environnementale
15:00qui va coûter 200 000 euros. »
15:02Tout ça, il y a une exaspération.
15:05Donc il faut rétablir les comptes publics,
15:06il faut baisser la dépense, très bien.
15:08Il faut chercher la performance publique,
15:09mais il faut s'attaquer au mal, à la matrice.
15:12La matrice, c'est un appareil bureaucratique devenu dingue.
15:16Alors, ça commence à être dit partout maintenant,
15:18mais on ne va pas jusqu'au bout.
15:18C'est dit, y compris par les patrons.
15:20On racontait hier cette interview croisée
15:22entre les patrons de Renault et de Stellantis
15:24qui disait à peu près la même chose que vous.
15:26David Lissnard,
15:28comment faire face justement à ces dépenses ?
15:31Un nouvel impôt local peut-être pour les collectivités ?
15:33En tout cas, il avait été évoqué par le ministre des Territoires, Repsamen.
15:36Il parlait d'une contribution modeste et volontaire.
15:38On a l'impression qu'on est quasiment dans la cagnotte Litchi.
15:41Oui.
15:43Pardon.
15:44Non, mais c'est vrai.
15:45Je veux dire, moi, je me dis, je ne sais plus qui croire.
15:48Alors, on nous dit, ça ne va pas être douloureux,
15:49ça va être modeste et ça va être volontaire.
15:52Vous la voulez, vous ne la voulez pas, cette contribution ?
15:54Ce que l'on veut, c'est qu'on baisse les prélèvements obligatoires en France,
15:58ils sont les plus élevés du monde.
15:59Que l'État, je l'ai dit hier, comprenne que plus l'État a centralisé les impôts,
16:06plus il y a d'impôts au total.
16:07Vous constaterez que depuis dix ans, il y a eu des suppressions d'impôts locaux,
16:11taxes d'habitation, la CVAE en tout cas en partie,
16:14parce qu'ils n'ont fait que la moitié de l'effort.
16:16Gérard Larcher dit que c'était une connerie, pardon,
16:19de supprimer cet impôt local.
16:22La CVAE, non.
16:23Ça a du sens parce que c'est un impôt de production.
16:25Et la taxe d'habitation ?
16:25Mais la taxe d'habitation, c'est une connerie, oui, pardonnez-moi la facilité.
16:29L'État s'est mis une balle en pied puisqu'il s'engage à compenser les 22 milliards,
16:32donc il les trouve ailleurs.
16:33C'est quoi ailleurs ?
16:34C'est d'autres impôts nationaux ou c'est la dette qu'on fait payer à nos enfants ?
16:37Je reviens à cette contribution modeste et volontaire.
16:38Donc toute la lacheté sur les retraites, sur la dette,
16:42fait qu'on est en train de planter les générations qui arrivent.
16:45C'est d'une démagogie absolue.
16:47David Lissnard, cette contribution modeste et volontaire,
16:51est-ce que vous la demandez ?
16:53Pas aujourd'hui.
16:53Et pas dans un contexte, elle ne peut arriver que s'il y a une baisse des impôts nationaux.
16:58Ce qu'il faut, c'est que, regardez ce qui se passe ailleurs.
17:00Pourquoi ? Dans les autres pays, il y a moins d'impôts,
17:03il y a plus d'efficacité publique,
17:05parce que l'habitant est intéressé à la dépense.
17:07Il faut que l'habitant sanctionne les élus trop dépensiers.
17:12Et pour cela, il faut qu'ils soient responsabilisés.
17:14Or aujourd'hui, on a créé un système bureaucratisé, centralisé.
17:18Ça ne fonctionne plus.
17:19Donc, dans un contexte où l'État est affamé d'argent,
17:21dire qu'on va créer une contribution locale,
17:24mais ce n'est pas possible,
17:25parce que ce sera de la fiscalité en plus,
17:27et que les gens n'en peuvent plus.
17:28Et que trop d'impôts tuent l'impôt, selon la formule,
17:30mais que trop d'impôts tuent le contribuable.
17:32Un mot sur les déserts médicaux.
17:34Il y a à nouveau cette loi qui arrive dans l'hémicycle,
17:37la question de la régulation ou non
17:39de l'installation des médecins sur tout le territoire.
17:42Est-ce qu'il faut les obliger ?
17:44Est-ce qu'il faut les obliger, les médecins,
17:46à aller s'installer dans des zones de déserts médicaux ?
17:48Je le dis à titre personnel, parce qu'il y a un vrai débat au sein des maires.
17:50Comment ça se passe entre vous,
17:52mais même au sein du cerveau de David Lissner,
17:54entre le libéral et le maire ?
17:56Ça se passe très bien.
17:57Je suis contre la régulation.
17:58Voilà, c'est clair et net.
18:00Je pense que plus on mettra des contraintes sur les médecins,
18:03plus ils se barreront à l'étranger, ce qu'ils font déjà.
18:05Comment on accepte de voir nos gamins partir en Allemagne,
18:09en Roumanie, en Espagne, en Belgique,
18:12faire des études de médecine, plus revenir ?
18:14Le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus,
18:17qui est une sorte de forme de numerus clausus.
18:19Donc, il y a eu des évolutions récentes, intéressantes,
18:22comme de permettre aux pharmaciens ou aux infirmiers de pratiques avancées
18:26de pouvoir être une porte d'entrée dans la prescription médicale.
18:31Mais il est évident que le gros problème
18:34qu'on aurait dû anticiper depuis 20 ans,
18:36c'est le problème démographique.
18:38Donc, la population vieillit, a besoin de beaucoup plus de soins.
18:41Il y a eu un problème d'investissement sur la robotique,
18:44l'IA dans la médecine,
18:45et il y a un problème de chronicité des maladies.
18:46Mais à court terme, on fait quoi ?
18:47En attendant, effectivement, que ces nouvelles décisions ne portent leur faim ?
18:52C'est ça.
18:52À court terme, on organise,
18:54on permet à la prescription de passer par les réseaux de pharmaciens,
18:57qui sont très présents encore localement,
18:59par les réseaux.
19:01On s'appuie aussi sur les premiers soins,
19:03sur les infirmiers de pratiques avancées,
19:05sur les cliniques,
19:06et surtout, surtout,
19:07on ouvre les vannes de la formation des médecins.
19:10On en arrive à avoir des médecins,
19:13des Français très bien formés pour être médecins,
19:15qui exercent ailleurs.
19:16C'est long.
19:17Tout ça, vous nous dites des choses qui porteront leurs fruits dans quelques temps ?
19:19Non, pas du tout.
19:20Ce que je vous ai dit avant, ça intervient tout de suite.
19:22Donc ça suffit ?
19:23Parlez avec des étudiants en médecine.
19:27Tous vous disent,
19:27et en plus, on les fait culpabiliser,
19:28vous vous rendez compte, on vous paye vos études.
19:31Mais attendez, je suis désolé,
19:32mais merci de choisir la voie de la médecine.
19:35Merci à des gamins de vouloir faire médecine.
19:38Il faut aussi revoir immédiatement toute la formation.
19:41Il faut que la formation médicale soit beaucoup plus proche du terrain.
19:44Il y a eu une étude très intéressante,
19:46qui avait été révélée par l'Institut de la Santé de Frédéric Bizarre,
19:48qui démontrait que les médecins veulent s'installer proche de leur endroit de formation.
19:54Donc il faut à nouveau qu'on ait des campus universitaires dans des villes moyennes, etc.
19:58Et qu'ils y restent une fois qu'ils ont reçu cette formation sur place.
20:03Merci beaucoup, David Lysnard, d'être venu répondre à mes questions.
20:06Je rappelle que vous êtes le maire de Cannes,
20:07le président de l'Association des maires de France,
20:09et le titre de votre livre,
20:10Ainsi va la France.
20:11Merci.