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00:0111h-13h sur Europe 1, Pascal Thrault.
00:03Philippe Juvin est avec nous, vous le connaissez, il est député des Républicains des Hauts-de-Seine,
00:07chef de service des urgences de l'hôpital européen Georges Pompidou.
00:10Bonjour.
00:11Bonjour.
00:11Merci d'être avec nous.
00:13Vous allez réagir avec les auditeurs, bien sûr, à cette tribune de députés LR dans le Figaro ce matin.
00:19Dans les pays où l'euthanasie a été légalisé, les garde-fous sont tombés les uns après les autres.
00:24La proposition de loi sur la fin de vie sera débattue à l'Assemblée à partir du 12 mai.
00:287 députés LR mettent en garde contre les risques posés par ce texte.
00:32On nous affirme qu'une procédure collégiale permettra de prendre la décision d'euthanasie en toute sérénité.
00:38C'est un mensonge.
00:39Il n'y a pas de vraie procédure collégiale, écrivez-vous.
00:42Durant tout le processus de décision, celui qui bénéficiera de l'euthanasie pourra physiquement n'avoir vu qu'un seul médecin
00:49qui aura de surcroît à lui seul le pouvoir exorbitant de la décision finale.
00:53Nous avions proposé qu'il soit au moins obligatoire de suivre l'avis d'un psychiatre en cas de détresse psychologique
00:59ou de détresse d'un médecin spécialiste de la douleur en cas de douleur intolérable.
01:04Alors on se dit pourquoi une nouvelle loi alors que celle qui existait semblait être celle qui convenait au plus grand nombre,
01:13M. Juvin en tout cas, celle qui s'annonce ou la récusait ?
01:16Il faut poser la question à ceux qui la défendent. Pourquoi une nouvelle loi ? Oui, on se pose la question.
01:20Aujourd'hui, enfin moi je suis médecin, vous l'avez rappelé, d'abord, tous les cas d'euthanasie que j'ai eu à régler
01:28au sens où les gens sont venus me poser la question, ont disparu au moment où on apportait une solution.
01:36En fait, les gens ne veulent pas souffrir, évidemment personne ne veut souffrir, il faut les prendre en charge.
01:43Il ne faut pas les abandonner. Or la loi, qu'est-ce qu'elle fait ?
01:47Elle passe d'une société où on est là pour tendre la main et aider, à une société où on va régler le problème avec une potion létale.
01:54Donc c'est vrai que c'est ça que nous dénonçons.
01:55Et en plus, on nous avait dit qu'il y aurait des critères stricts pour encadrer, pour être certain, etc.
01:59En réalité, il n'y a pas de critères stricts.
02:01Vous vous rendez compte qu'on va pouvoir même faire cela chez des patients qui ont plusieurs années à vivre ?
02:07Pendant plusieurs semaines, on vous a dit que c'était une loi sur la fin de vie.
02:10Pas du tout. C'est une loi sur l'euthanasie, puisque désormais ce n'est plus le suicide assisté, c'est de l'euthanasie.
02:17Et dès lors que votre pronostic vital est engagé, mais y compris à plusieurs années,
02:21vous pouvez être intégré dans la loi et bénéficier entre guillemets de cette loi.
02:26Quelqu'un qui a un cancer du sein avec des métastases osseuses, avec les nouvelles immunothérapies,
02:30vous pouvez avoir plusieurs années à vivre, 4-5 ans.
02:33Et bien en fait, dès lors que vous avez une souffrance physique, mais aussi psychologique,
02:38ou psychologique, uniquement psychologique, avec tout le caractère subjectif,
02:41vous êtes éligible, vous pouvez demander l'application de la loi.
02:44Dans les pays où l'euthanasie a été légalisé, je lis dans cette tribune,
02:47les garde-fous sont tombés les uns après les autres.
02:51Les pays où l'euthanasie a été légalisé, c'est les Pays-Bas principalement ?
02:55La Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Oregon, le Canada...
02:59Qu'est-ce que vous appelez les garde-fous sont tombés les uns après les autres ?
03:01Par exemple, au début, ils ont tous dit pas les mineurs.
03:05Comme nous d'ailleurs. Nous c'est au-dessus de 18 ans.
03:07Et puis on ouvre aux mineurs.
03:09Au début, ils ont dit pas les malades psychiatriques.
03:11Puis ils ont ouvert aux malades psychiatriques.
03:14Donc peu à peu, une fois que vous avez accepté l'idée qu'on puisse donner la mort,
03:20ce qui aujourd'hui est un interdit,
03:22à partir du moment où vous l'acceptez,
03:24et bien en fait, comme le principe est rompu,
03:27les conditions elles évoluent.
03:29Parce que naturellement, il y aura toujours quelqu'un qui vous dira,
03:32mais mon cas n'est pas prévu.
03:33Vous comprenez, la loi elle est d'intérêt général,
03:36elle n'est pas d'intérêt particulier.
03:38Moi, en tant que médecin, je suis évidemment contre l'acharnement thérapeutique.
03:41Je suis contre l'acharnement thérapeutique.
03:43Et je ne veux pas souffrir à la fin de ma vie.
03:45On est tous d'accord.
03:46Sauf que ce qu'on nous propose,
03:48alors que les Français sont contre l'acharnement thérapeutique
03:50et ne veulent pas souffrir, on leur propose en fait l'euthanasie.
03:52Alors qu'actuellement, un tiers des Français
03:54qui ont besoin de soins palliatifs n'y ont pas accès.
03:57Et puis, ce que vous pouvez voir dans la loi,
03:59c'est que les délais, c'est très intéressant les délais,
04:01les délais sont très courts.
04:03En fait, le médecin, une fois qu'il sera saisi de votre demande,
04:06il aura 15 jours maximum pour vous répondre.
04:08D'ailleurs, il peut vous répondre tout de suite.
04:10Donc c'est 0 à 15 jours.
04:11Et vous ensuite, vous avez un temps de réflexion.
04:14Le temps de réflexion qui est prévu dans la loi,
04:17minimum, c'est 48 heures.
04:19Et encore, la loi dit, ça peut être moins,
04:21ça peut être 0, 48 heures.
04:22Vous savez que ça va être plus facile d'obtenir l'euthanasie
04:26qu'une consultation contre la douleur.
04:27Je crois qu'une consultation contre la douleur en France,
04:29c'est entre 3 et 6 mois.
04:30Vous considérez que la loi, aujourd'hui, suffit ?
04:34Qu'elle est parfaite, d'une certaine manière ?
04:36Non, non, elle n'est pas parfaite.
04:37Alors, qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
04:39Je cite souvent Charles Bietry.
04:41Oui, bien sûr.
04:41Parce que je suis en contact régulier avec lui.
04:44Et lui est très concret.
04:46D'ailleurs, l'autre jour, on a lu une page de son livre,
04:49Maladie de Charcot, c'est une maladie particulière,
04:52parce qu'elle est évolutive.
04:53Et puis, à un moment, vous vivez, bien sûr,
04:56mais vous ne pouvez plus respirer sans être intubé.
04:59Et il considère, lui, que le jour où il est intubé,
05:02c'est là que ça doit s'arrêter.
05:04Ça doit s'arrêter.
05:05Bon, là, il est évidemment, à ce moment-là, encore conscient.
05:08Il peut vivre encore pendant quelques temps.
05:11Et il dit, mais c'est à ce moment-là que je veux que ça s'arrête.
05:14Je ne veux pas que mes enfants me voient comme ça.
05:16Je ne veux pas que ma femme me voie comme ça.
05:17Qu'est-ce qu'on lui répond à lui, dans ce cas précis ?
05:20Je le comprends, et je lui réponds que la loi prévoit cela.
05:23Aujourd'hui, la loi Léonetti,
05:25au moment où vous passez, effectivement, le cap de
05:27« Je ne peux plus respirer tout seul, il faut une machine pour me suppléer. »
05:29C'est le cas dont vous parlez.
05:31Et là, j'allais dire que c'est très facile, c'est terrible,
05:34parce qu'on parle de vie et de mort.
05:35Mais la loi Léonetti le prévoit.
05:37Les médecins sont saisis de votre demande.
05:40« Je ne veux pas de ventilation artificielle, »
05:43dit M. Béthry.
05:44« Eh bien, il ne l'aura pas, et on peut l'endormir. »
05:46Une anesthésie générale.
05:47C'est ce qu'on appelle la sédation profonde et contenue,
05:49qui n'est rien d'autre qu'une anesthésie générale, en fait.
05:52Qu'on fait. Moi, j'en ai fait, j'en fais.
05:54« Et ça, la loi le permet. »
05:57La nouveauté...
05:58Et cette sédation, les gens qui nous écoutent
06:00pensent que c'est l'euthanasie, c'est la même chose.
06:02Non, on vous endort.
06:03C'est tout un sujet, effectivement.
06:05Mais elle va durer combien de temps, cette sédation profonde ?
06:07Eh bien, on vous endort, donc d'abord, vous ne souffrez pas.
06:09Vous dormez, que ça dure une heure
06:12ou 48 heures, ça ne change rien pour vous.
06:14Pour vous, ça ne change rien, vous dormez.
06:16C'est une anesthésie générale.
06:18Et donc, combien dure une sédation profonde et continue ?
06:20Dans mon expérience, ça dure
06:22entre une demi-journée et deux, trois jours.
06:25Au maximum, selon l'état physiologique.
06:27Si vous avez un état très dégradé, ça va aller plus vite.
06:29C'est-à-dire que, mais en l'espèce,
06:31vous pensez que quelqu'un qui est encore en...
06:35J'allais dire en forme, ce n'est pas le mot qui convient,
06:38mais cette sédation profonde,
06:40si vous l'administrez à quelqu'un,
06:42précisément, qui ne peut plus respirer,
06:44il ne va pas mourir dans les 12 heures ?
06:46Il va arrêter peu à peu de respirer
06:48parce que les anesthésiques généraux,
06:50les médicaments que nous utilisons,
06:51qui vous endorment,
06:52ont aussi une propriété
06:53qu'ils baissent la respiration.
06:56Et effectivement, il y a tout un débat
06:58d'un certain nombre de gens
06:58qui ne l'ont jamais vu,
07:00qui ne l'ont jamais pratiqué,
07:00qui vous disent, mais en réalité,
07:01vous tuez les gens.
07:03En fait, c'est vrai,
07:04on accélère le processus mortifère.
07:06Mais on ne le fait...
07:07La question de l'intentionnalité est importante.
07:09Je ne le fais pas pour tuer les gens,
07:11je le fais pour les soulager.
07:13Je le fais pour qu'ils ne se rendent pas compte,
07:15pour qu'ils s'endorment.
07:16Et ça change tout.
07:17Vous savez, puisque chacun parle
07:18de ses expériences personnelles,
07:20on est tous marqués par ça.
07:22Moi, il se trouve que j'ai pratiqué
07:24la sédation profonde et continue
07:25chez mon père.
07:26C'est moi qui l'ai endormi.
07:28C'est moi qui l'ai endormi.
07:29Je n'ai pas conscience,
07:32je n'ai pas le sentiment
07:33d'avoir tué mon père.
07:34Je l'ai endormi
07:35et il a dormi paisiblement
07:37pendant un jour ou deux,
07:39puis ça s'est arrêté.
07:40Je ne l'ai pas tué.
07:41Je l'ai endormi
07:42et je l'ai soulagé.
07:43C'est tout à fait clair.
07:45Et alors, à retrait,
07:46pourquoi Charles Vietry,
07:47et je prends cet exemple,
07:49pourquoi ne souhaite-t-il pas,
07:51pourquoi dit-il toujours
07:53que cette solution
07:55ne le convainc pas,
07:57ne lui convient pas ?
07:58Je l'ignore,
07:59j'en parlerai très volontaire avec lui.
08:03Les gens qui ont la maladie de Charcot,
08:05j'ai regardé les chiffres,
08:07un tiers des gens
08:07qui ont la maladie de Charcot,
08:08simplement,
08:09ont accès à un médecin
08:11de soins palliatifs.
08:11Un tiers.
08:12Moi, je suis persuadé
08:14d'une chose,
08:14c'est si l'accès
08:16aux soins palliatifs
08:16avec une discussion
08:18très en amont
08:19était possible
08:21pour tous les malades
08:22de la maladie de Charcot,
08:23ça changerait la donne.
08:23Parce qu'en fait,
08:24on leur expliquerait.
08:25Vous êtes dans l'inconnu,
08:26vous ne savez pas
08:26comment ça se passe.
08:28Si, dès que votre maladie
08:29est déclarée,
08:30vous avez la possibilité
08:31de rencontrer quelqu'un,
08:31qui a pris des renseignements
08:32et qui vous dit
08:33voilà les étapes
08:34et voilà ce qu'on peut faire.
08:35Je pense qu'il le sait.
08:36Je vous le dis,
08:37aujourd'hui,
08:38chez quelqu'un
08:38qui a une maladie de Charcot
08:39qui a du mal à respirer,
08:41on l'endort
08:41tout simplement,
08:42paisiblement.
08:43Vous avez vu
08:43que la haute autorité
08:45de la santé
08:46juge impossible
08:47de faute de consensus médical,
08:49c'est une dépêche
08:49qui est datée
08:50de 11h33,
08:51de déterminer
08:52qu'il pourrait bénéficier
08:53d'une aide à mourir
08:54en se basant
08:54sur un pronostic vital
08:55engagé à moyen terme
08:56ou sur une phase terminale
08:58de maladie.
08:59Mais elle suggère
09:00de prendre en compte
09:01la qualité du reste à vivre
09:03de la personne.
09:04Très attendu,
09:05son avis sollicité
09:06par le ministre
09:07de la Santé
09:08et publié mardi
09:09va alimenter les débats
09:10sur l'évolution
09:11de la législation
09:12sur la fin de vie
09:12qui doivent reprendre
09:13le 12 mai
09:14dans l'hémicycle
09:14de l'Assemblée nationale.
09:16Cet avis dit essentiellement
09:17qu'il n'y a pas
09:18de critères stricts.
09:19On nous avait dit
09:20qu'il y aura des critères stricts.
09:21Je me souviens
09:21du président de la République
09:22qui avait dit ça.
09:24La haute autorité
09:25vous dit qu'en réalité
09:25tous les critères qui existent
09:26ne sont pas stricts.
09:28Il y aura...
09:30Que prévoit la loi ?
09:31Elle prévoit que
09:32toute maladie grave,
09:34incurable,
09:36avec le pronostic vital engagé
09:37sans dire quand,
09:39et qui a des souffrances
09:40y compris psychologiques seulement,
09:42seulement psychologiques,
09:43est éligible.
09:44Donc quelqu'un qui a
09:45par exemple une dialyse,
09:47parce qu'il est dialysé
09:47son rein ne fonctionne pas,
09:48il a une maladie grave,
09:49incurable par définition,
09:51pronostic vital engagé
09:53parce que vous arrêtez
09:53la dialyse
09:54vous mourrez en 15 jours,
09:55et bien si lui
09:56a des souffrances
09:57psychologiques
09:58intolérables,
10:00qu'il considère
10:01comme intolérables,
10:01c'est très subjectif,
10:02il est éligible.
10:04Donc en fait,
10:04aujourd'hui,
10:05on a un champ immense
10:06et puis il y a d'autres choses
10:08qui me choquent,
10:08par exemple,
10:09vous savez que ça va pouvoir
10:10se faire en prison ?
10:12En prison.
10:12Est-ce qu'il y a un endroit
10:14dans le pays
10:15où on est moins libre
10:15qu'en prison ?
10:16En prison,
10:18vous aurez la possibilité,
10:19si vous entrez dans les critères
10:20d'une maladie grave,
10:21etc.,
10:21de demander l'euthanasie.
10:23Or, vous savez,
10:24en prison,
10:24on se suicide.
10:25Non, moi je pense
10:27qu'on est dans une situation
10:28où ma crainte,
10:30c'est qu'il y ait des demandes
10:31d'euthanasie
10:31par défaut d'accès
10:32aux soins palliatifs,
10:34par défaut d'accès
10:35aux psychiatres,
10:36par défaut d'accès
10:37à la consultation
10:38de la douleur.
10:39Et il y a un dernier point
10:40qu'il faut que les gens comprennent
10:42parce que ça,
10:42ça a été prouvé.
10:43Dans l'Oregon,
10:45qui se suicide ?
10:46Qui ?
10:46C'est qui ?
10:46Ce sont les plus pauvres,
10:47les plus modestes,
10:48les plus seuls.
10:49Tout simplement parce que
10:50quand vous êtes riche et entourée,
10:51la vie est plus facile,
10:52même la fin de vie,
10:53que quand vous êtes seul
10:54et pauvre.
10:54Et donc,
10:55c'est une loi qui est faite
10:56par des gens riches et inquiets
10:57et qui va s'appliquer
10:58à des gens pauvres et seuls.
10:59Merci beaucoup,
11:00c'est passionnant
11:01de vous écouter,
11:02Philippe Juvain,
11:02et puis c'est passionnant
11:03parce que vous savez
11:09vous comptez,
11:09ça fait 35 ans.
11:11J'ai eu des demandes d'euthanasie
11:12dans ma carrière,
11:13j'ai pratiqué,
11:14comme beaucoup de gens,
11:15des gestes qui aujourd'hui
11:16sont interdits,
11:17étaient interdits
11:18mais qu'on ne fait plus
11:19parce qu'on a vu
11:20les soins palliatifs arriver.
11:21Ça a changé tout,
11:22les soins palliatifs,
11:23il faut bien comprendre.
11:24Merci d'être passé
11:25par le studio d'Europe 1,
11:27c'est un sujet évidemment
11:28qui passionne toujours
11:29les auditeurs.

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