Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Mathieu Sapin, auteur-dessinateur.
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00:00D'habitude, il est juste armé de ça, un petit crayon, mais pendant un an et demi, il a troqué ce crayon contre un casque et un gilet de protection par balle.
00:09Notre grand témoin a partagé le quotidien des forces de l'ordre, notamment dans les manifs.
00:13Bonjour Mathieu Sapin.
00:14Bonjour Flémy.
00:15Merci d'être avec nous en ce 1er mai.
00:16Vous êtes dessinateur et reporter.
00:19Votre nouvel album s'intitule « À l'intérieur » et il commence fort parce que vous intégrez un groupe d'intervention.
00:25Et le moins que l'on puisse dire, c'est que vous n'êtes pas ménagé.
00:27On vous équipe, on vous met le casque, les protections, on vous prévient des jets d'acide et des bombes artisanales remplies de clous.
00:33Et en avant Guingamp, vous voici directement propulsé au cœur d'une manif.
00:37Et là, ce n'est pas la joie.
00:39Oui, parce que ce n'est pas mon quotidien.
00:40Comme vous l'avez dit, je suis plutôt habitué au calme de mon atelier et de mes crayons.
00:46Et donc là, oui, j'ai vraiment joué le jeu.
00:48Mais c'est très impressionnant.
00:49J'avais fait des manifs côté manifestant il y a longtemps.
00:53Enfin, pas si longtemps d'ailleurs.
00:54Mais là, de se retrouver dans cette position et puis de voir comment ça s'organise et aussi la montée de la pression,
01:00notamment avec l'espèce de rapport de force avec les Black Blocs, c'est impressionnant.
01:07Alors, n'en prenez pas ombrage, mais vous n'avez pas un physique de footballeur américain, si je puis dire, ou de water polo.
01:15Vous vous êtes demandé à un moment donné, quand vous étiez justement au cœur de cet escadron, si je puis dire,
01:19ce que vous faisiez là et pourquoi vous aviez accepté une telle mission ?
01:23Oui, en permanence, tout au long de l'album d'ailleurs, parce que c'est un épisode parmi d'autres.
01:28Mais c'est aussi le but de ces immersions, c'est d'essayer de comprendre les mécanismes d'un métier qui est très loin du mien.
01:36Et donc, c'est quoi de mieux que de vraiment endosser l'uniforme et puis de vivre…
01:40Et vous n'y êtes pas allé de main morte.
01:42Ce n'est pas la première fois que vous jouez le jeu, comme vous le dites, et que vous êtes en immersion.
01:47Vous avez suivi François Hollande, vous avez croqué l'Elysée pendant un an.
01:51C'était quand même beaucoup plus pépère que les forces de police françaises.
01:54Comment est-ce qu'elle est arrivée jusqu'à vous, cette nouvelle aventure ?
01:57Alors, il s'agit là d'une proposition qui m'a été faite par Camille Chès, qui était la porte-parole du ministère de l'Intérieur,
02:03et qui justement avait lu mes bandes dessinées sur l'Elysée et sur le milieu politique,
02:07et qui m'a dit « Écoutez-moi, je vous propose, on vous ouvre les portes, vous faites ce que vous voulez, il n'y aura pas de relecture. »
02:13Ah, c'est important ça.
02:14Oui, et vous racontez ce que vous voyez.
02:18Et donc, on ne vous a pas demandé, en fait, vous n'avez pas été missionné pour redorer l'image d'une police qui en aurait besoin ?
02:23J'imagine que sa démarche, c'était de montrer un visage un peu différent de celui qu'on peut avoir.
02:28Mais moi, j'agis toujours de la même manière, c'est-à-dire que je passe beaucoup de temps, donc là, un an et demi.
02:34Oui, c'est pas rien.
02:34Et j'essaye de raconter les choses avec honnêteté et naturel.
02:39Alors, il n'y a pas eu de censure, mais est-ce qu'il y a des choses que vous avez vues, mais que vous n'avez pas voulu dessiner ?
02:45Non, non, non, je dessine vraiment ce qui me paraît le plus indiqué.
02:51Le problème que j'ai eu, c'est que j'avais beaucoup trop de matière, donc il y a des choses que je n'ai pas racontées, mais par faute de place.
02:57Il y aura un deuxième tome, quoi.
02:58Je réfléchis à ça, oui.
03:00Vous vous êtes rendu à Calais avec la police aux frontières qui repèrent les bateaux des migrants.
03:04Vous vous êtes rendu à Mayotte dans un centre de rétention administrative aux patients des Comoriens en attente d'expulsion.
03:10Ça, ce sont les moments les plus forts que vous ayez vécu avec les manifestations et encore d'autres ?
03:15Émotionnellement, oui.
03:16Oui.
03:16Et aussi, après, par exemple, je suis allé avec les gendarmes de Haute-Montagne dans la région de Chamonix, où là, j'ai vu le sauvetage des alpinistes qui sont en difficulté.
03:30C'est dans un hélicoptère à 2500 mètres d'altitude, on ne fait pas le faire non plus.
03:35On a vu, là, sur un extrait, sur une planche, à un moment, vous êtes avec les CRS et vous voyez que ça commence à bouger.
03:40Puis vous dites, je ne comprends pas, on n'y va pas, là.
03:42Et c'est vrai que, vu de l'extérieur, ça frappe toujours à dire, mais pourquoi ils attendent ? Pourquoi ils n'y vont pas ?
03:45De l'intérieur, expliquez-nous, ils vous répondent quoi à ce moment-là, les CRS ?
03:48Parce qu'il y a, en fait, il y a une espèce de, j'allais dire de jeu, ce n'est pas le terme, mais de code entre les Black Blocks qui essayent de les pousser à réagir et eux qui attendent le moment le plus tard possible.
04:02Et puis, à un moment donné, oui, ça pète. Et donc là, ils chargent. Donc moi, j'étais dans… Il faut suivre parce que si on se retrouve isolé, on risque vraiment gros.
04:12Et donc, voilà, j'essaie de raconter ça.
04:13Vous avez aussi assuré la sécurité du pape, François, lors de sa venue à Marseille. C'était en septembre 2023. Oui, vous allez voir.
04:23Vous l'avez même dessiné, le pape, en écoutant ACDC. Quels souvenirs est-ce que vous gardez de ce moment-là ?
04:28Alors, c'est moi qui écoutais ACDC dans mon souvenir, ce n'est pas lui.
04:31Oui, bien sûr.
04:33Oui, ça m'avait frappé. Ce qui m'avait frappé, surtout, c'était que je voyais quelqu'un qui était quand même très, très diminué et qu'on voyait que, par sa fonction, il est obligé d'aller jusqu'au bout.
04:42Et ça fait presque de la peine parce que, voilà, on se dit, mais jusqu'où ça peut aller ?
04:48Et j'étais assez étonné aussi de… Il y a plein de choses qui m'ont amusé.
04:53Par exemple, le fait qu'il passe une demi-heure avec Elisabeth Borne, qui, à l'époque, était la première ministre à discuter.
04:59Et après, à l'issue de cet entretien, il dit à son responsable, à son directeur de cabinet, mais qui était cette dame ?
05:05Oui, incroyable.
05:07Donc ça, ça m'a fait rire.
05:09Mais sinon, c'était tout le dispositif.
05:11Moi, ce jour-là, je suivais principalement ce qu'on appelle le service de la personne, service de la protection de la personne, des personnes, des VIP.
05:19Et donc, de voir comment la police assure la sécurité.
05:21Et notamment, ce jour-là, il y avait un policier français qui assurait la sécurité du peuple et qui était déguisé en prêtre.
05:28Donc il y avait une soutane, il y avait un pistolet accroché au mollet, une valise qui se transforme en bouclier.
05:36Et on était un peu dans James Bond, c'était assez drôle.
05:38Est-ce que votre regard sur la police a changé depuis que vous avez passé un an et demi au cœur de ces différents corps ?
05:43Oui, il a changé dans le sens où j'ai essayé de montrer l'humain, de montrer que c'est des gens.
05:48D'abord, c'est très vaste.
05:49Il y a beaucoup, beaucoup de métiers, de postes différents.
05:52Et donc, d'essayer de comprendre ce qu'ils ont en tête, comment ils fonctionnent.
05:57On sait qu'il y a un désamour assez important aujourd'hui dans notre pays vis-à-vis de la police.
06:02Je parlais avec, par exemple, un policier dans un commissariat en région parisienne
06:08qui me disait, moi, dans le civil, quand je suis dans une soirée ou quelque...
06:12Je ne dis pas que je suis policier, je dis que je suis kiné pour qu'on me fiche la paix.
06:16Et donc, je montre aussi un peu le malaise qu'il peut y avoir dans ce sens-là.
06:20Merci en tout cas, Mathieu Sapin, d'avoir accepté notre invitation sur le plateau à l'intérieur.
06:25Donc, c'est chez Dargaux.
06:27La prochaine BD, là, ça fait depuis 2021, vous êtes en immersion à Notre-Dame, c'est ça ?
06:30Oui, aussi.
06:31Ça, c'est le prochain, c'est ça ?
06:32Voilà.
06:34C'est plus calme.
06:35Sur le chantier de Notre-Dame, oui.