Alors que les traitements permettent désormais de vivre avec le VIH comme avec une maladie chronique, une vaste enquête menée en Belgique révèle la persistance d’idées reçues et de discriminations profondes.
Pendant seize ans, Laurence Hendrickx a gardé le silence sur sa séropositivité, qu’elle a découverte alors qu’elle était enceinte. Aujourd’hui, cette universitaire gantoise témoigne pour briser les tabous qui entourent encore le VIH.
Pendant seize ans, Laurence Hendrickx a gardé le silence sur sa séropositivité, qu’elle a découverte alors qu’elle était enceinte. Aujourd’hui, cette universitaire gantoise témoigne pour briser les tabous qui entourent encore le VIH.
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00:00Le premier instant, c'est de penser qu'on va mourir.
00:06Voilà un chiffre édifiant.
00:07Près de 15% des Belges pensent qu'on peut contracter le VIH
00:11en embrassant une personne séropositive.
00:13Une idée fausse parmi d'autres, encore bien ancrée dans les mentalités
00:16et qui nourrit des comportements discriminants.
00:19Selon une récente enquête menée en Belgique,
00:21près de 66% des personnes interrogées
00:23refuseraient d'avoir des relations sexuelles
00:26avec une personne vivant avec le VIH.
00:28Une stigmatisation que Laurence Hendricks combat aujourd'hui.
00:31Pendant 16 ans, elle a gardé le silence sur sa séropositivité
00:34qu'elle a découverte alors qu'elle était enceinte.
00:37Aujourd'hui, elle veut témoigner pour briser les tabous
00:39qui entourent encore le VIH.
00:41Ça fait 18 ans que je vis avec le VIH,
00:45avec le virus qui cause le sida.
00:48Je n'en ai pas parlé pendant environ 15 ans
00:51parce que j'avais tellement peur à cause de la stigmatisation
00:54qui est toujours présente dans notre société.
00:59L'idée m'est surgi de vouloir faire quelque chose avec mon histoire.
01:03Il y a peu de gens qui osent parler de leur séropositivité.
01:06Je travaillais au Mozambique avec mes deux filles
01:09issues d'un premier mariage.
01:12J'étais dans une relation stable.
01:14et j'étais enceinte.
01:17C'est en confirmant le test de grossesse
01:19que j'ai reçu l'information que j'étais porteur du virus, du VIH.
01:24Et en fait, je suis passée en quelques secondes
01:26d'un état de joie immense d'être enceinte
01:29dans une situation de désastre complet
01:35parce que je croyais que j'allais mourir.
01:38C'est un choc incroyable.
01:40C'est comme si le sang arrêtait de circuler dans mon corps.
01:44Le premier instant, c'est de penser qu'on va mourir.
01:48On a pu m'assurer rapidement que
01:511. Moi, je n'allais pas mourir.
01:54L'inquiétude de moi de mourir,
01:56c'était surtout la préoccupation pour mes filles
01:58qui avaient à l'époque 10 ans et 6 ans.
02:01Si je meurs, c'est qui qui va s'occuper d'elles ?
02:03Elles ont besoin de moi.
02:04Et c'est qu'en deuxième lieu,
02:06que j'ai pensé au bébé que je portais.
02:08J'étais très fâchée vers mon partenaire
02:10qui, au fait, m'avait transmis le virus
02:12sans que, je crois, lui aussi ne le savait.
02:15J'ai pensé à arrêter la relation.
02:17J'ai considéré un avortement
02:19de peur de surtout ne pas vouloir avoir un enfant
02:23avec le VIH.
02:25Concrètement, ça veut dire que
02:27je devrais avoir une césarienne
02:28et que je ne pouvais pas accoucher de manière naturelle.
02:32Mais aussi que je ne pouvais pas allaiter mon bébé,
02:34ce qui pour moi était,
02:36je crois quand même, dans toute cette époque,
02:38une des choses les plus dures que j'ai dû vivre,
02:40de ne pas pouvoir consoler
02:41à mon bébé qui pleure en l'allaitant,
02:45qui est la chose plus naturelle qu'il y ait pour une mère,
02:47de retirer ça d'une mère, c'est très dur.
02:50Pourquoi est-ce qu'il y a encore une telle stigmatisation ?
02:53Je crois que ça a à voir en partie
02:57parce que c'est une maladie qui est transmise de manière sexuelle.
03:00Donc, tout ce qui est sexuel, c'est considéré privé.
03:04On pense que quelqu'un qui porte le virus
03:07doit nécessairement avoir eu beaucoup de relations sexuelles
03:10avec beaucoup de partenaires différents.
03:13Mais en fait, mon cas aussi montre que même dans une relation stable,
03:17ça peut vous arriver, ça peut arriver à tout le monde.
03:20Donc, cette peur d'être infectée par quelqu'un,
03:23c'est surtout le manque d'informations, je crois,
03:26qui cause la stigmatisation.
03:29Moi, j'ai eu la chance de toujours avoir le soutien
03:32de chaque personne à qui je l'ai raconté.
03:36En premier lieu, mes enfants.
03:37Il n'existe toujours pas de remède contre le VIH.
03:42C'est quand même quelque chose qu'on ne veut pas,
03:44surtout dans une vie encore jeune.
03:47Moi, j'ai eu mon diagnostic, j'avais presque 40 ans.
03:50J'avais déjà vécu une vie normale pendant 40 ans.
03:52Ce n'est pas un diagnostic qu'on veut recevoir à 20 ans.
03:55Je me disais, je n'aurais plus jamais une relation normale,
04:00déjà en tant que femme divorcée avec trois enfants
04:02de deux hommes différents.
04:04Comment est-ce que je vais trouver un homme
04:05qui veut déjà avoir une relation avec quelqu'un
04:09qui porte le VIH ?
04:11Il y a beaucoup de trois, deux tiers de la population
04:14qui n'est pas prête à faire ça.
04:17Une personne qui prend le traitement antirétroviral
04:19d'une bonne manière,
04:20on ne peut plus détecter le virus dans le sang.
04:23Donc, ça devient indétectable.
04:25Et indétectable veut dire intransmissible.
04:29Une des raisons pour moi de faire ce témoignage,
04:31pourquoi c'est important,
04:32c'est parce que je sais que ça peut faire une différence
04:35d'entendre quelqu'un qui a vécu la même chose.
04:39Pendant 16 ans, presque 16 ans,
04:42je me suis tue parce que j'avais peur.
04:44Et ça m'a donné un stress tel aussi de ne pas pouvoir en parler.
04:49Ça signifie que je ne pouvais pas encore accepter ma séropositivité moi-même.
04:55J'ai senti que c'est seulement en en parlant
04:58que d'une partie, on va accepter sa propre séropositivité,
05:01mais aussi où on va donner d'autres gens une connaissance peut-être
05:09en voyant que c'est une personne comme une autre,
05:13elle porte un virus et puis quoi.
05:15Loin d'être maîtrisée aujourd'hui,
05:17l'épidémie appelle à un renforcement de la prévention,
05:19mais aussi à une meilleure information.
05:21En Belgique, près de 20 000 personnes vivent avec le VIH
05:24et le risque de recrudescence est réel
05:26puisqu'à peine un quart des personnes interrogées
05:29déclarent s'être déjà fait dépister.