Depuis cent jours, les éditorialistes pro-Kremlin se réjouissent des décisions du président américain, régulièrement dépeint comme un idiot utile.
Léo Vidal-Guiraud, russophone et journaliste à L'Express, a regardé pendant des heures les émissions phares de la télévision et radio russes, suivies chaque jour par des millions de personnes. Des séquences précieuses pour comprendre les sphères poutinistes, et connaître les éléments de langage de la propagande du Kremlin concernant les actions du président américain, notamment sur la guerre en Ukraine.
Léo Vidal-Guiraud, russophone et journaliste à L'Express, a regardé pendant des heures les émissions phares de la télévision et radio russes, suivies chaque jour par des millions de personnes. Des séquences précieuses pour comprendre les sphères poutinistes, et connaître les éléments de langage de la propagande du Kremlin concernant les actions du président américain, notamment sur la guerre en Ukraine.
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00:00Aujourd'hui, c'est un jour un peu spécial.
00:05Nous sommes le 30 avril 2025, et cela fait 100 jours que Donald Trump est président des Etats-Unis.
00:11Hum, déjà 100 jours que Trump occupe tout l'espace médiatique.
00:15Greenland, Ukraine, Panama Canal, Tarifs, Riviera, Zelensky, Libération Day.
00:21Mais ce président, souvent décrit comme le plus pro-russe de l'histoire américaine,
00:25comment a-t-il été perçu en Russie ?
00:28Et pour répondre à cette question, j'ai fait appel à Léo Vidal, un autre journaliste
00:33de L'Express.
00:34Salut Léo !
00:35Léo est russophone, et pour préparer notre émission, il a eu le courage de regarder des
00:39heures entières de propagande russe à la télévision.
00:42Ça va Léo, tu tiens le coup ?
00:44Bah écoute, c'est difficile, c'est un exercice éprouvant.
00:48Mais bon, ça va, je commence à avoir l'habitude.
00:50On peut expliquer notre démarche déjà à ceux qui vont regarder notre vidéo.
00:55Bah écoute, l'idée, tu t'en doutes, c'est pas de regarder la télévision russe pour le
00:57plaisir, c'est pas non plus d'aller s'intoxiquer nous-mêmes en regardant leur propagande.
01:01L'idée, c'est bien d'aller voir ce qu'ils font dire à la télévision, parce qu'il faut
01:04bien prendre conscience que les médias indépendants en Russie, en tout cas à la télévision
01:07publique, ça n'existe plus depuis longtemps.
01:09Et donc, tout ce qu'on va voir dans ces extraits vidéos, ce sont des messages qui ont été
01:14soigneusement pesés par des propagandistes au Kremlin et qu'ils diffusent à leur population.
01:19À ce titre-là, c'est évidemment intéressant d'aller voir ce qu'il se dit à la télévision
01:22russe.
01:23Et c'est quoi le son de cloche à la télé russe depuis trois mois ? C'est ça y est,
01:30on a un allié à la Maison-Blanche ou au contraire, non, non, les Etats-Unis, ça reste notre ennemi.
01:35Bah écoute, un peu les deux, il y a eu évidemment des réjouissances au moment de son élection,
01:40réjouissances surtout parce que ce n'était pas Kamala Harris qui était élu et que les
01:43médias russes la présentaient comme la pire des candidates possibles pour la Russie.
01:47Donc très clairement, il y a eu sinon des réjouissances, du moins de la satisfaction quand il a été élu.
01:51En revanche, il y a aussi eu pas mal de prudence et d'attentisme, en mode, attendons de voir,
01:55on va voir ce qu'il va faire, c'est Donald Trump, il est imprévisible, mais très clairement,
01:59oui, c'était plutôt la satisfaction et le soulagement qui dominait.
02:01Et ça occupe quelle place dans ces émissions, la guerre en Ukraine ? Est-ce que c'est vraiment
02:06omniprésent ou est-ce qu'au contraire, ils essayent de minimiser ce qu'ils appellent une opération
02:10spéciale ?
02:11Ah non, non, non, l'Ukraine est vraiment très très importante dans le paysage médiatique russe depuis
02:16le début de la guerre, ou même avant, mais tout particulièrement depuis février 2022,
02:20c'est l'alpha et l'oméga, c'est au centre de tout, et même quand il parle des États-Unis,
02:24tu verras que c'est finalement très souvent sous l'angle de l'Ukraine que va faire Donald Trump
02:29avec l'Ukraine, qu'est-ce qui va se passer avec l'Ukraine, donc non, non, non, c'est vraiment,
02:32c'est omniprésent.
02:34Et ça, vous allez le voir dès notre premier morceau choisi, on est le jour de l'investiture
02:39de Donald Trump, le 20 janvier.
02:40C'est-à-dire que l'Ukraine, c'est-à-dire que l'Ukraine, c'est-à-dire que l'Ukraine
02:47a fait la vie de Zelenské et que le temps n'est pas été obligé, c'est-à-dire que
02:51les autres leaders, c'est-à-dire que l'Ukraine, c'est-à-dire que l'Ukraine, c'est-à-dire que
02:54je suis, bien sûr, j'attends de voir des interés par
02:58Vladimir Putin et Donald Trump, qui, bien sûr, ne vont pas, mais nous
03:01nous savons que la vie de Donald Trump a fait.
03:04Il dit qu'il veut dire que je veux conclure le conflit pour 24 heures,
03:07ou pour un demi-heureux.
03:08Il dit qu'il veut dire que le président de l'Ukraine, c'est-à-dire qu'il
03:10qu'il veut dire que le président de l'Ukraine, c'est-à-dire qu'il veut dire que
03:13« Bien sûr, bien sûr, nous soutenons tout ça, mais il faut que l'Ukraine
03:17soutenir un peu, un peu et donner une certaine position de force. »
03:21Et l'arrivée, c'est-à-dire qu'il peut dire que Trump peut
03:24se battre dans ces interdits de l'exemple.
03:27Maintenant, encore un peu, maintenant, encore un peu.
03:29Ensuite, il va lui dire que c'est un homme qui n'aime pas longtemps
03:32d'une et d'autre.
03:33Bah écoute, d'une part, ça recoupe un petit peu ce que l'on disait tout à l'heure,
03:36à savoir cette espèce d'attentisme et de prudence, puisqu'il dit « faites attention,
03:40Trump peut faire des déclarations, mais en fin de compte, on ne sait pas si son
03:43administration, si sa propre administration ne va pas le canaliser
03:48peu à peu vers un comportement habituel. »
03:50Et puis ensuite, ce qui est intéressant avec cet extrait, cette prise de position,
03:53c'est que ça va également faire appel à un ressort qui est très profond
03:56dans la propagande russe et qui revient très souvent.
03:58À savoir que finalement, oui, les Américains ont élu quelqu'un
04:01qui avait des prises de position assez marquées sur la guerre en Ukraine,
04:05qui dit qu'il veut se rapprocher de la Russie et trouver un deal,
04:08mais en fin de compte, est-ce qu'il va vraiment pouvoir le faire ?
04:11Est-ce qu'il n'y a pas des forces plus puissantes que le président des États-Unis à l'œuvre ?
04:14Et c'est là qu'on va retrouver…
04:15Les experts russes sont très très à l'aise avec ces notions de « deep state »
04:18qui ont été popularisées aux États-Unis par Trump,
04:20mais avec lesquelles les russes sont à l'aise depuis très très longtemps.
04:23En particulier dans l'extrait, un peu plus tard, je crois qu'il mentionne l'industrie de l'armement
04:26en disant « jamais ces gens le laisseront faire la paix ».
04:28Ce qui est vraiment très très caractéristique des messages qu'essaye de faire passer la propagande russe.
04:33Et parfois, ça s'échauffe vraiment plus devant les caméras,
04:37notamment quand Trump dit qu'il perd patience avec la Russie
04:41ou qu'il se montre un peu plus menaçant avec Vladimir Poutine.
04:44C'est arrivé moins de fois qu'avec Zelensky, mais c'est déjà arrivé.
04:47Exemple avec un député russe trois jours seulement après l'investiture.
04:51Il s'agit d'envoyer à l'existence, regarde ce qu'il veut Trump.
04:55Il s'agit d'envoyer ne comme président de l' massage, comme ma tête.
04:59Ben dirai-toi, arrebat, apple comme le sang qui t'on dit, comme c'est un baclan,
05:03qui lui ne davant pas, vous avez appelé.
05:05Nous disons «c'est Trump, qui lui?
05:08Ce qu'il veut dire? Nous?
05:11Il s'éuchât de faire ça?
05:14Il s'est entrené la paix de la guerre,
05:16pour compter la histoire du numberi qui ont été победés,
05:18et combien de gens qui ont gagné.
05:20Et ce langage un peu fleuri disons, c'est quelque chose d'habituel pendant ces émissions ?
05:26Ah oui oui, c'est des scènes qui sont vraiment très très fréquentes, d'ailleurs c'est
05:30pour ça que c'est pénible de regarder la télévision publique russe et leurs émissions
05:33de propagande, mais c'est très caractéristique d'une certaine ambiance qui est vraiment
05:37une ambiance de masculinité toxique, en réalité qui est à la fois celle de la propagande
05:41et puis du pouvoir politique russe d'une manière générale, car regardez comment s'exprime
05:44souvent Vladimir Poutine qui rechigne pas lui non plus à être vulgaire et ou grossier,
05:48donc oui, oui, non, ce genre de foire d'un poigne et d'invectif c'est très très courant.
05:52Pour être net avec vous, quand on a eu l'idée de cette vidéo, on s'est surtout demandé
05:56comment les experts ou les éditorialistes russes avaient commenté cette altercation hallucinante
06:01du 28 février dans le bureau ovale entre Zelensky, Donald Trump et son vice-président J.Livets.
06:18Vous avez trouvé un extrait qui était symptomatique de cette séquence, on va le regarder.
06:24«Ну, Zelensky, понимаете, ну даже если, даже если американцы
06:33изначально решили его уничтожить, так он же еще и помог им это сделать,
06:38это же просто замечательно, и он, он просто не справился с ситуацией,
06:44не справился с управлением и врезался в стол.
06:46Может быть даже и разбился на смерть.
06:50Мы пока этого не знаем, но это было забавно наблюдать.
06:54«On va pas se mentir, Léo, cet animateur radio, il a l'air particulièrement heureux quand même. »
06:58Ah ben il est évidemment extrêmement content, il faut voir que toute l'altercation du bureau ovale
07:02entre Trump, Vance et Zelensky, ça a été vécu dans ces cercles du pouvoir et de la propagande russe
07:08comme vraiment une divine surprise.
07:09Alors on savait, et c'est ce qu'ils évoquent un peu au début dans les extraits que je t'ai montré tout à l'heure,
07:13ils savaient déjà que Trump portait pas Zelensky dans son cœur,
07:16que les conseillers de Trump étaient loin d'être pro-ukrainien,
07:19mais voir comme ça l'alliance américano-ukrainienne exploser en mondovision en temps réel,
07:25ça allait au-delà de leurs rêves les plus fous.
07:26Cet animateur là, tu vois, il touche plus terre, et c'est pas le seul,
07:28parce que que ce soit sur tous les plateaux télé, toutes les chaînes de radio,
07:31tous les médias écrits également, une fois de plus dans les sphères pro-Kremlin évidemment,
07:36c'était vraiment à ce moment-là l'euphorie complète.
07:38Ouais, cette altercation, tu t'en souviens Léo, c'est le début d'une séquence
07:41où on se demande vraiment jusqu'où Trump va aller dans son rapprochement avec la Russie.
07:44D'ailleurs, quelques jours plus tard, les Etats-Unis suspendent provisoirement leur aide militaire à l'Ukraine,
07:49on a l'impression que tout d'un coup la partie d'échec va beaucoup plus vite,
07:51et qu'elle tourne clairement en faveur de Vladimir Poutine.
07:54Ah bah à cette époque-là, c'est certain qu'il y a beaucoup d'enthousiasme,
07:57et l'impression que les positions entre les Etats-Unis et la Russie sur l'Ukraine vont enfin converger,
08:02c'est-à-dire, dans l'esprit des Russes, que les Américains vont enfin leur laisser les mains libres,
08:06et arrêter de soutenir les Ukrainiens.
08:08Ceci dit, sur le fond, il y a quand même toujours cette notion très clairement comprise
08:12que les Etats-Unis sont l'ennemi, le grand rival géopolitique de la Russie,
08:15et ça, ça ne change pas, c'est une constante de la propagande russe depuis des décennies,
08:19et le fait que Donald Trump soit élu président n'y change pas grand-chose.
08:23D'ailleurs, il y en a qui le disent en toute lettre, les Etats-Unis restent notre ennemi.
08:27Simplement, ils se réjouissent tous de constater que maintenant, ils sont dirigés par quelqu'un
08:30qui démolit complètement le système de sécurité, mis en place par ces Américains eux-mêmes.
08:35Et Trump n'a pas démoli que le système de sécurité.
08:38Ces 100 premiers jours ont aussi été marqués par le grand retour des guerres commerciales,
08:42avec les droits de douane, ou plutôt, comme Trump préfère les appeler, les...
08:46Sauf que les droits de douane de Trump, ils ont complètement désorienté les marchés,
08:59et ils ont cassé la confiance qu'il y avait entre les grands acteurs économiques mondiaux.
09:03Et ça, les Russes, ils s'adorent.
09:05Sous-titrage Société Radio-Canada
09:08Et ça, le coup, le coup, le coup, le coup de l'économie,
09:11le coup d'étonnement du pays,
09:13c'est-à-dire, qu'il est, qu'il y a de l'émissione,
09:15au moins, au moins, à l'émissione d'Ordine de Soutoulo.
09:17Ça, c'est-à-dire de la capitale du pays du pays de l'économiste.
09:21Mais ça, c'est-à-dire qu'il y a-t-à-dire qu'il y a-t-à-dire qu'il n'y a pas à faire.
09:25Et chaque acte, ce que il est fait, c'est de faire,
09:28c'est de l'assurer.
09:30Et pas seulement il, mais les États-Unis et tout le monde.
09:35Il ne faut pas ne pas le déranger,
09:37et de ne pas le déranger à Trump,
09:39qu'il s'arrête plus longtemps.
09:41C'est vrai, oui.
09:43Nous nous parlons de l'invier,
09:45qu'il faut jouer avec la géopolitique.
09:47Mais il me semble qu'il ne faut pas le faire.
09:51Léo, en les entendant, on a l'impression que Donald Trump, c'est l'idiot utile du
09:59Kremlin.
10:00Très clairement, très clairement, le terme n'a jamais été aussi adapté dans ces deux
10:04composantes, en l'occurrence, dans leur esprit, parce que, et c'est ce que l'un d'entre
10:09eux dit d'ailleurs, ça fait des décennies que l'on essaye de fracturer l'ordre géopolitique
10:14établi, de mettre à bas l'ordre international, tel qu'il a été conçu par les Etats-Unis,
10:18et puis là, ce type arrive et il fait tout pour nous, c'est merveilleux.
10:21Et puis derrière, trois jours plus tard, du fait qu'il en annule la moitié, là, ça
10:26convalide toute leur thèse, parce que non seulement il met à bas tout le système d'alliance qu'ils
10:32essayent de détruire, et puis en plus, ils passent pour un crétin, et tu les vois, ils
10:36sont hilares dans les extraits.
10:39Et Donald Trump qui passe pour un crétin, tu me disais, ça c'est un peu une constante
10:43de la propagande russe, et d'ailleurs plus généralement, les Américains sont toujours
10:47des pins, comme des idiots en fait.
10:48Est-ce que tu peux m'expliquer pourquoi ?
10:50Ah bah c'est clairement quelque chose qui revient beaucoup, déjà qui revient de façon
10:54très régulière, et qui date de bien avant l'élection de Donald Trump, c'est un poncif
10:58assez classique, les Américains sont pas très fins, voilà, c'est comme ça.
11:02Et puis ça s'appuie aussi sur autre chose, qui va peut-être encore au-delà de ça, et
11:05qui est quand même intéressant d'évoquer.
11:07C'est une forme de, je dirais, de mépris apitoyé que tu peux ressentir beaucoup dans la propagande
11:14russe envers toute personne qui pense que la démocratie ça existe, que le vote ça compte,
11:19et c'est un peu ce que je te disais tout à l'heure sur ce présentateur, enfin cet
11:23analyste qui mettait un doute sur est-ce que Trump va vraiment pouvoir faire ce pour quoi
11:26il a été élu.
11:27Parce qu'il faut voir que, vraiment, et là on touche au cœur du message de la propagande
11:31russe, dans leur propagande, dans leur vision du monde, la démocratie ça n'existe pas.
11:36Et finalement les pays occidentaux ont fait juste mieux semblant que la Russie, mais en
11:40réalité on est tous les mêmes, il y a toujours un petit groupe d'intérêt qui contrôle
11:43tout ça, c'est vraiment la base du truc.
11:46Et du coup, croire en la démocratie, aller voter en prenant soin que ça change quelque chose,
11:50c'est vraiment être le dernier des imbéciles dans leur esprit.
11:54Et donc vraiment, à ces deux titres, entre guillemets, le côté les américains sont
11:59niais, il est très très présent.
12:01La conférence de rédaction va bientôt commencer, si cette vidéo vous a plu et qu'elle vous
12:05a appris des choses, n'hésitez pas à vous abonner à notre chaîne, et remercie encore
12:09Léo pour cette coltinée, autant de propagande russe, à bientôt sur l'Express.