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00:00Europe 1 Soir Weekend, 19h21, Pascal de la Tour du Pain.
00:05Il est 19h13, merci d'être avec nous sur Europe 1.
00:10Nous allons parler de la succession du pape François.
00:13Et pour en parler, nous avons l'immense privilège d'avoir avec nous le cardinal Bustillo,
00:19qui est aussi évêque d'Ajaccio.
00:21Bonsoir cardinal.
00:23Bonsoir.
00:23Est-ce que je peux vous appeler Eminence ? Je me posais la question.
00:26Comment appelle-t-on un cardinal ?
00:27Vous êtes les femmes libres.
00:28Ah merci.
00:28Et vous pouvez m'appeler.
00:31Alors, voilà, donc, le titre un peu protocolaire, c'est pour, à la française, c'est monsieur le cardinal,
00:37il y a l'italienne Eminence.
00:38Voilà, après, il y a la liberté de chacun.
00:41On est aussi italiens ici.
00:42Oui, oui, c'est ça.
00:44Eminence, je trouve ça extrêmement chic, pour tout vous dire, cardinal Bustillo.
00:48Vous êtes aussi l'évêque d'Ajaccio, j'aurais pu vous appeler monseigneur.
00:51Voilà, vous pouvez m'appeler aussi monseigneur.
00:54Je répondrai aux questions.
00:55Vous répondrez aux questions.
00:56Nous avons la chance de vous avoir, effectivement, en direct ce soir sur Europe 1, parce que vous figurez parmi les cinq cardinaux français qui vont élire le successeur du pape François.
01:06Nous sommes en période de pré-conclave, peut-être.
01:09Est-ce que vous pouvez expliquer, puisque vous êtes un acteur, un acteur majeur de cette future élection, comment ça se trame, comment ce conclave se prépare, comment les choses se mettent en place ?
01:21Vous savez que, pour moi, c'est la première fois, donc c'est une aventure ecclésiale absolument formidable, c'est de découvrir l'Église dans sa catholicité, puisque nous sommes plus de 200 cardinaux venus du monde entier.
01:36On a les aînés, ceux qui ont dépassé les 80 ans, et on est les 135 électeurs.
01:43Donc, d'abord, la première phase, après avoir célébré hier le funérail du Saint-Père, François, on va vivre ce qu'on appelle les congrégations générales, où on va s'écouter.
01:55C'est la première phase, une phase importante.
01:58Avant le conclave, c'est-à-dire le moment de l'élection, on va voir et on va vivre les congrégations générales, où tous les cardinaux vont parler, s'exprimer.
02:08Vous le savez très bien, nous, on n'est pas des maires ou des députés, on ne va pas présenter un projet en disant, tiens, l'Église catholique va mal, voilà les défis, je vous propose un programme.
02:19On n'est pas dans une logique de politique, on est dans une logique de vision.
02:24Donc, les congrégations générales, et le moment grave, opportun et important, pour que chaque cardinal puisse dire sa vision.
02:35Nous aurons la vision des Africains, des Asiatiques, des Occidentaux, des Américains, bon, enfin, on va avoir un moment riche, où l'important, c'est d'écouter, avant d'agir, et avant de décider.
02:48Écouter les uns les autres, et écouter la vision que chacun a de l'Église.
02:52Quel pourrait être le profil idéal pour succéder au pape François ? Est-ce que, alors évidemment, les discussions, on en est aux prémices, et vous ne pouvez pas tout nous dire,
03:04éminence, mais quel serait le profil idéal pour succéder au pape François ? Est-ce que ce serait un pape qui serait dans la lignée du pape François, ou un pape plutôt conservateur ?
03:13Alors, il est difficile de mettre une étiquette au futur pape.
03:20Il est important, par contre, d'avoir deux critères, à mon avis, fondamentaux, c'est la continuité, parce que ce serait tragique, injuste, et c'est un message mauvais qu'on envoie à la société,
03:34de dire, on tourne la page du pape François, et on va prendre quelqu'un de différent.
03:39Il nous faut la continuité, et il nous faut aussi la discontinuité.
03:45Dans la continuité, il y a des choses qui sont très belles, et que le pape François a fait réaliser, réussis, et en particulier, je crois qu'il a réussi à humaniser l'Église.
03:57Sans la banaliser, ni la désacraliser, donc il a prêché la proximité et la disponibilité du pape, et des évêques et des pasteurs avec personne, ça je crois que c'est une réussite.
04:10Après, quand je parle de discontinuité, il y aura des choses qu'on va voir, et peut-être qu'on peut perfectionner.
04:17Voilà, la réforme, la curie, est-ce qu'elle est totalement finie ?
04:22La dimension, la synodalité, est-ce qu'elle est totalement finie ?
04:25Il y a des domaines qu'on va essayer de voir, mais à la fin, il faut se donner des priorités.
04:31Donc, nous sommes dans une phase, si vous voulez, de découverte.
04:34Après, je vais parler, et en fonction du contenu des éléments et des arguments, on va pouvoir évaluer et se dire, tiens, l'orientation, peut-être, le profil.
04:45Parce que, voilà, vous voyez, je vous donne deux autres éléments qui me semblent importants.
04:49D'abord, quand on sera entre nous dans les congrégations générales, il va y avoir un travail d'analyse.
04:57Tout le monde va parler.
04:58Après, il nous faudra un travail de synthèse, et donc il nous faudra quelqu'un capable d'incarner une vision,
05:06capable d'incarner aussi la réalisation d'une église où règne l'unité, où règne la sagesse.
05:17C'est pour ça que j'ai pu dire à certains médias que je crois qu'on a besoin d'un pape, on aura besoin d'un pape sage, capable d'unité,
05:27et capable de créer l'unité et la commune entre tous.
05:31Monsieur le Cardinal, question également sur les discussions.
05:35Est-ce que vous êtes tenu, pardon, excusez-moi, d'employer ces termes, au secret professionnel ?
05:40Est-ce que vous pouvez, vous avez une chape de pont, vous ne pouvez pas, par exemple, nous dire ce qu'il se dit pendant ce préconclave,
05:51ou pendant le conclave, est-ce que, alors pas vous prêtez serment, mais vous promettez de ne rien dire ?
05:56Comment ça se passe ?
05:58Si, si, on prête un serment entre nous pour ne pas dire.
06:04Parce que vous avez le secret, après, vous savez, avec le film conclave,
06:07et avec un peu certains films qu'on a vus ou entendus, ou certains romans,
06:11alors il y a un imaginaire où on dit, il y a le secret, qu'est-ce qu'il y a derrière ?
06:16Et on voit avec les cardinales logiques de pouvoir, de stratégie, de tactique, quelque chose un peu de mystérieux, de sombre, voilà.
06:24Mais si on a un secret, et si on promet d'être respectueux du secret, c'est pour garantir la liberté et la confiance.
06:34Si nous sommes livres et confiants, nous pouvons dire ce que nous pensons.
06:38Si nous avons peur qu'on dise, qu'on dise à l'extérieur, qu'on redise, qu'on interprète,
06:45alors on ne contribue pas au bien de l'Église.
06:48Donc il nous faut garantir la confiance.
06:50Mais parfois il y a des informations qui filtrent, éminence.
06:52Ça arrive qu'il y ait des indiscrétions, vous savez que les journalistes, évidemment, et tous les...
06:59Les journalistes, vous voulez toujours nous confesser, c'est ce qui est merveilleux.
07:01Mais bien sûr, bien sûr, éminence, mais confessez-vous, je vous en prie sur Europe 1, les auditeurs se sont ravis.
07:06Je respecte ce que c'est de la profession, en Europe 1, c'est très discret.
07:11Mais oui, vous êtes très discret.
07:12Je voulais vous dire que, effectivement, les journalistes, ils vont poser des questions,
07:16ils vont essayer d'avoir des éléments, et c'est normal.
07:18C'est votre métier, et vous voulez informer.
07:21Après, nous avons un devoir moral, de responsabilité et de maturité ecclésiale,
07:27et si j'ose dire professionnel, pour ne pas dire des choses qui peuvent semer la confusion ou la division.
07:35Donc, notre discrétion, elle est liée à la gravité et à la responsabilité.
07:40On a compris que vous ne nous direz rien, Cardinal Bustillo.
07:42Non, je vous dirais rien.
07:43Non, mais vous nous direz, comme les autres cardinaux,
07:47juste une question, et c'est très important, sur le pape lui-même.
07:52Je vais rappeler peut-être les règles.
07:54Pour devenir pape, il faut être élu avec les deux tiers des voix des cardinaux.
07:59Je parle sous votre contrôle, Cardinal Bustillo.
08:01Parce que, devenir pape, et c'était la question également que j'ai posée ce week-end en suivant la cérémonie,
08:11comment désignez-vous le successeur ?
08:16Parce qu'il faut que le successeur ait envie d'incarner, de représenter, d'être le grand pasteur de l'Église catholique.
08:25Tout à fait.
08:55Le pape, d'abord, doit accepter.
08:58Après, c'est à nous de voir la personne, la personnalité capable d'incarner cette émission.
09:05Alors, il faut qu'il soit d'accord, pour commencer.
09:09Et après, il faut qu'il y ait les capacités, les capacités physiques et spirituelles, humaines, de tenir.
09:17Parce que la charge, elle est lourde.
09:19Elle est très lourde.
09:19Elle est considérale.
09:20Donc, c'est pour cela qu'on pose la question, quand même.
09:23Donc, ce n'est pas automatique.
09:25Et il est tout à fait normal qu'il y ait d'abord un discernement, qu'il y ait des personnes, qu'on parle des personnes.
09:32Certaines seront partantes, d'autres pas.
09:35Cela est possible.
09:38Moi, c'est la première fois.
09:39Et donc, je vais découvrir cette réalité de l'intérieur.
09:43Mais dans l'Église, malgré nos fragilités et malgré notre petitesse, on respecte toujours la liberté.
09:52Donc, si quelqu'un était élu, on lui posera la question, est-ce que vous acceptez la charge ?
09:57Est-ce que vous acceptez la charge ?
09:59Et vous, Eminence, est-ce que vous accepteriez la charge ?
10:03Moi, voilà, j'attends.
10:06Moi, je me dis, aujourd'hui, moi, j'ai donné...
10:08Vous ne fermez pas la porte.
10:10Nous serions très fiers, vous savez.
10:12Voilà.
10:12J'ai donné tout ma disponibilité au Seigneur.
10:14Depuis que je suis franciscain, depuis que j'ai 18 ans, j'ai dit oui.
10:18Mais, il y a un mais, et moi, je pense que dans la situation actuelle, il faut avoir l'expérience, les capacités.
10:28Il ne suffit pas, me semble-t-il, d'avoir la fraîcheur et d'avoir une certaine jeunesse.
10:34Il nous faut la sagesse et l'expérience.
10:36Il faut connaître, à mon avis, la curie romaine.
10:40Ce n'est pas mon cas.
10:41Et donc, il faut connaître certains mécanismes de la gouvernance centrale de l'Église.
10:47Ça s'apprend, Eminence.
10:48Ça s'apprend.
10:49Oui, oui, ça s'apprend.
10:50Mais, moi, je pense qu'il y a le temps pour chaque chose.
10:53Comme dit Coëlette, il y a un temps pour chaque chose.
10:55Moi, je pense que, cette fois-ci, moi, je vais être là pour participer activement.
11:01Mais, pour la désignation, je pense, en regardant les cardinaux qu'il y a devant moi,
11:06qu'il y a des hommes de sages qui pourront faire beaucoup de bien à l'Église.
11:09Véronique Jacques, il y a une question à vous poser, Eminence.
11:12Monsieur le cardinal, Eminence, il faut préciser pour les auditeurs d'Europe 1
11:17que lors des congrégations générales, chaque cardinal s'exprime, mais sans se déclarer candidat.
11:26Effectivement, vous l'avez très justement dit, il ne s'agit pas de se comporter comme un homme politique avec un programme.
11:31Donc, la sagesse, quelque part, doit l'emporter.
11:35L'expérience, la pertinence, c'est aussi le lieu, les congrégations générales, où on va nouer des alliances, je suppose.
11:42Et alors, j'en viens à ma question.
11:45Il y a dorénavant, dans le collège Cardinalis,
11:50à peine 39% des cardinaux qui sont issus du continent européen.
11:56Mais c'est une très bonne question, ça.
11:58Vous êtes en minorité, et c'est la première fois que ça arrive.
12:02En 2013, il y avait 52% des cardinaux qui étaient issus du continent européen.
12:07Donc, on a le sentiment, quand même, qu'avec cette élection d'un nouveau pape,
12:11se met en place une forme de bascule.
12:13Et est-ce que ça veut dire que statistiquement,
12:16alors moi, je n'en s'effigre trop rien, je suis comme Pascal de la Tour du Bain,
12:18je me pose beaucoup de questions,
12:19mais est-ce que ça veut dire que statistiquement,
12:22on a de grandes chances d'avoir, encore une fois,
12:25un pape du Nouveau Monde,
12:27extra-pape du continent sud-américain,
12:29ou alors d'Asie ou d'Afrique ?
12:32Qu'en pensez-vous, et quel est votre sentiment ?
12:35Alors, tout est possible lors d'une conclave.
12:38Je l'ai souvent dit aux médias, depuis la mort du pape François,
12:43je pense que lors d'une conclave,
12:44nous ne pouvons pas voter en fonction de l'intérêt personnel,
12:48en fonction de l'affection pour l'un ou pour l'autre,
12:52ou en fonction du passeport.
12:54Il est italien, il est français, il est américain, il est africain,
12:56je ne sais pas quoi.
12:58Il est important qu'au moment du vote,
13:01nous pensions au bien de l'Église universelle.
13:04Si la perle rare vient d'Europe,
13:08il ne faut pas hésiter une seconde.
13:10Si celui que nous pensons le meilleur pour gouverner l'Église
13:13vient d'ailleurs même d'un petit pays ou d'un petit continent,
13:17écoutez, on le vote.
13:19Moi, je n'aurai aucun problème à voter pour celui qui, en conscience,
13:23je considère le meilleur pour le bien de l'Église.
13:27Il nous faut cette liberté et cette responsabilité
13:30de ne pas être dans une logique de calcul trop stratégique.
13:35Il faut penser au bien de 1,4 milliard de catholiques.
13:39C'est tout qui mérite un bon pape.
13:40Donc, nous, 135 cardinaux enfermés dans la Sixtine,
13:46nous devons avoir notre regard sur l'extérieur.
13:49Et penser à eux autrement, on rentre dans une logique de pouvoir,
13:52entre nous, on s'arrange, on fait la politique du bistrot,
13:57et on ne s'en sort pas.
13:58Nous devons penser à ceux qui sont à l'extérieur
14:01et nos catholiques qui sont des bons catholiques
14:04et qui sont patients avec nous
14:06et qui sont bienveillants
14:07et qui attendent beaucoup de nous
14:09et qui prient pour nous, on le voit ici à Rome,
14:11c'est tout qui mérite.
14:13Qu'on leur donne un bon pape
14:14et qu'on fasse naître dans l'Église catholique
14:16un bon pape en ce temps pascal.
14:19Cardinal Bustillo, c'était absolument passionnant.
14:22Vous faites donc partie des 135 cardinaux
14:23et des 5 cardinaux français de moins de 80 ans, je précise,
14:28qui doivent voter dans le plus grand secret
14:31lors du conclave et désigner le futur pape.
14:34Nous vous souhaitons une belle réflexion
14:38parce que vous avez une charge extrêmement importante,
14:40Cardinal Bustillo.
14:41Merci de nous avoir expliqué les coulisses,
14:43merci infiniment.
14:45Et nous vous rappellerons peut-être,
14:47si vous le permettez, Eminence,
14:49qu'on vous rappelle une fois
14:50que l'on connaîtra le nom du successeur du pape François
14:53pour que vous...
14:54Voilà, après, vous me promettez...
14:55Je crois qu'on aura le nom,
14:56on pourra...
14:58Je ne vous raconterai pas.
15:00Mais c'est un petit peu quand même,
15:01Cardinal Bustillo,
15:02mais je vous parlerai aussi avec grand dévoi.
15:04Ah, voilà, là, le rendez-vous est pris.
15:06Merci infiniment, Eminence.
15:07Il est 19h28 sur Europe 1.