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L'écrivain alsacien Lev Fraenckel revient avec un nouvel ouvrage pour montrer que la philosophie est souvent, bien plus que ce que l'on croit, au cœur de nos discussions quotidiennes.

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Transcription
00:00Ici matin, quand vous regardez dans le rétro là, vous faites le micro-bilan et vous dites
00:05mais qu'est-ce qui a donné un sens à ma vie ?
00:07Et bien on veut le savoir, nous aussi, venez témoigner, on philosophe ensemble ce matin,
00:11ne soyez pas timide, 03-88-25-15-15.
00:138 chapitres et 160 pages pour se poser et réfléchir sur le monde qui nous entoure,
00:18ça se lit à tout d'une traite ou dans le désordre, ma vie a-t-elle un sens ?
00:22Et autres questions philosophiques du quotidien, c'est le titre de votre nouveau livre qui sort d'ici quelques jours.
00:29Bonjour Lep Frankel, vous êtes philosophe, écrivain, chargé de cours à l'université de Strasbourg.
00:35Alors, notre vie a-t-elle un sens ? Vous n'avez pas 4 heures mais 20 secondes.
00:3920 secondes, ça va être difficile.
00:41En fait, ce qu'on réclame en général quand on demande du sens, on réclame un sens extérieur,
00:46quelque chose qui nous détermine dans une fonction, dans ce que Sartre appelle une naissance.
00:50On aimerait bien qu'on puisse nous donner une fonction, comme dans le film Divergente
00:56où à 18 ans, on décide ce qu'on doit être, dans quelle faction on doit être, dans quel métier on doit être.
01:02Ça nous rassure.
01:03Voilà, exactement.
01:04Exactement, ça nous rassure.
01:05Et en philosophie, on se rend compte que justement, on donne du sens à ce qu'on fait,
01:10mais on n'en reçoit jamais finalement de l'extérieur.
01:13C'est ce fameux « tu sers à rien », je disais ça dans votre livre,
01:17quand on dit « tu sers à rien » à quelqu'un, finalement c'est le plus beau des compliments pour vous.
01:21Exactement, alors c'est devenu une insulte dans le langage populaire, tu ne sers à rien,
01:25mais en réalité c'est dire « tu n'es au service de rien »,
01:28c'est-à-dire que tu es une fin en soi, tu es une finalité.
01:31Et c'est pour ça que c'est impossible de trouver un sens de l'extérieur,
01:33parce que l'être humain est une fin en soi.
01:36Et même si on ne s'en rend pas compte, en fait, l'être franquiel, la philosophie est partout.
01:41J'imagine que vous partagez certainement l'avis de cette strasbourgeoise,
01:44croisée hier par Aurélie Loquet.
01:45Je pense que ça aide à réfléchir, à se poser des questions essentielles.
01:51Je pense qu'on en fait un peu tous les jours, sans le savoir.
01:54Et le but, c'est de devenir plus tolérant, je pense.
01:56Dans l'idéal, ce serait ça.
01:58C'est votre attaché de presse, en fait, que vous avez envoyé pour avoir Aurélie Loquet dans les strasbourgs.
02:03Elle a raison, cette dame, la philosophie, a tendance à se déguiser dans notre quotidien,
02:07mais elle est absolument partout.
02:08C'est vrai, on la rencontre partout.
02:09C'est ce que j'essaye de montrer dans mes vidéos, sur TikTok.
02:12Certains se demandent comment il peut y avoir de la philosophie sur TikTok.
02:15Sur les réseaux sociaux, mais je crois qu'il y en a dans les séries qu'on regarde à la télé, dans les films.
02:21C'est pour ça que j'utilise beaucoup la pop culture avec mes élèves et dans mes vidéos.
02:28Votre vie a-t-elle un sens ?
02:29Nous, on vous pose la question à vous qui nous regardez, qui nous écoutez.
02:31C'est Jean-Yves qui vient de nous contacter.
02:33Bonjour Jean-Yves.
02:33Bonjour Jean-Yves.
02:35Oui, bonjour, bonjour.
02:37Alors dis-nous, qu'est-ce qui a changé votre vie ?
02:39Je crois que c'est une phrase qui a changé votre vie.
02:40Oui, je voulais témoigner parce que quand je raconte, ça me donne toujours un peu froid dans le dos.
02:46J'avais 8 ans et le directeur de Cognite Vacances m'avait fait venir dans la pharmacie.
02:52Et il m'avait dit, Jean-Yves, tu es un meneur.
02:54On sent que tu as de l'énergie, tu es un meneur.
02:56On te suit.
02:57Et attention, tu peux mener les autres vers le bien comme vers le mal.
03:01Tu peux les mener vers des actions chouettes ou des actions qui ne soient pas chouettes.
03:04Et il m'avait dit ça.
03:06Et c'est quelque chose qui m'a marqué.
03:08Et après coup, j'ai retrouvé le côté faire la bonne action.
03:11J'ai trouvé ça un peu chez les louveteaux.
03:12Mais toute ma vie, c'est le côté être utile.
03:15Et vous y avez pensé ?
03:17Quel point je devais choisir, voilà.
03:19Vous y avez pensé pendant des années ?
03:20Vous y pensez encore ?
03:21Et c'est ça la philosophie pour vous ?
03:23Ah oui, j'y pense.
03:24J'y pense toujours.
03:25Il est toujours là, mon directeur de Cognite Vacances.
03:27Alors, il m'a laissé le choix.
03:30Vous êtes d'accord ?
03:30Pour reprendre ce que dit le philosophe, c'est pas venu de l'extérieur.
03:32Il m'a juste fait prendre conscience que j'avais une énergie,
03:35qu'on allait me suivre et qu'on pouvait me suivre vers le bien ou vers le mal.
03:40C'était sa façon à lui de s'exprimer.
03:42Ça peut être une définition, merci beaucoup Jean-Yves,
03:45ça peut être une définition de la philosophie,
03:47savoir si on va vers le bien ou vers le mal.
03:49C'est vrai.
03:49Alors, il y a une anecdote chez Sartre.
03:51Il y a un étudiant qui vient le voir pendant la guerre.
03:53Il lui demande, est-ce que je dois rester auprès de ma mère qui est malade
03:56ou m'engager dans la résistance ?
03:58Sacré dilemme.
04:00Quel est le bien ?
04:01Où est le bien ?
04:01Où est le mal ?
04:02Comment savoir ?
04:03Les deux causes ont l'air tout aussi importantes l'une que l'autre.
04:07Et Sartre lui répond qu'en venant le voir,
04:09finalement, il cherche à se libérer de son choix.
04:13Et Sartre, on connaît sa formule célèbre,
04:15on est condamné à être libre.
04:17Et ce que Sartre lui montre, c'est qu'en venant le voir,
04:19il a déjà choisi d'une certaine manière,
04:21parce qu'il aurait pu aller voir un prêtre,
04:22il aurait pu aller voir quelqu'un d'autre,
04:25un syndicaliste, un résistant, un révolutionnaire.
04:27Et en venant voir Sartre, d'une certaine manière,
04:30en venant voir le philosophe,
04:31il a d'une certaine manière déjà choisi.
04:34Donc Sartre lui dit, je ne peux pas te libérer de ton choix,
04:36c'est à toi de choisir et tu dois l'assumer.
04:38Là, il y a un choix vraiment existentiel,
04:40c'est frappant, mais ce que vous montrez, vous, dans votre livre,
04:42c'est qu'il y a aussi plein de questions du quotidien
04:44qui sont en fait de la philosophie.
04:47Je cite, l'école, sert-elle encore à quelque chose ?
04:50Faut-il avoir peur de la mort ?
04:52Les complotistes ont-ils raison ?
04:54Très d'actualité.
04:55Ou peut-on être drôle sans être méchant ?
04:59Ou la fameuse, celle que vous adorez,
05:01est-il normale pour les footballeurs,
05:03comme Kylian Mbappé, de gagner autant d'argent ?
05:05Ça, c'est des questions finalement qu'on se pose tous, tous les jours ou presque.
05:08Exactement, et ce sont autant de questions
05:10qui posent la question du sens dans différents domaines,
05:12dans le domaine politique, dans le domaine économique,
05:14dans la vie amoureuse.
05:16Que cherche-t-on vraiment quand on cherche l'amour ?
05:18C'est le deuxième chapitre du livre,
05:20sur lequel effectivement j'interroge
05:22qu'est-ce qu'on recherche exactement ?
05:25On demande à quelqu'un de justifier notre existence,
05:28de donner un mandat pour exister.
05:30Et c'est aussi le cas dans la question que je pose,
05:36Mbappé mérit-il son salaire ?
05:37On demande une méritocratie,
05:39on aimerait que nos salaires reflètent un sens.
05:43Est-ce que ça a un sens de donner à quelqu'un
05:443 millions d'euros,
05:46l'équivalent de plusieurs centaines de salaires
05:48de sapeurs-pompiers ?
05:51Est-ce que ça a un sens ?
05:52Et voilà, donc la question se pose dans différents champs de l'existence,
05:54c'est ce que j'ai essayé de montrer.
05:55Il n'y a pas de visée politique derrière votre livre ?
05:58Alors, directement non, parce que je donne des outils
06:00pour réfléchir à ces questions,
06:02c'est-à-dire que c'est une sorte de boîte à outils
06:03que chacun pourra utiliser à sa manière.
06:07Donc je donne les arguments...
06:07Ce n'est pas une ode au capitalisme en tout cas.
06:09Non, c'est vrai.
06:10Mais je donne les arguments de droite,
06:13les arguments de gauche,
06:14et puis au lecteur de faire son idée.
06:17On peut commencer très tôt à philosopher,
06:20à être un petit philosophe.
06:21L'écrivain alsacien Tommy Nungerer
06:23avait même sorti un livre sur la philosophie pour les enfants,
06:26ça s'appelle « Ni oui, ni non ».
06:28Ça doit vous parler, ça veut tout dire ?
06:30Vous vous en êtes inspiré un petit peu ?
06:32Ah non, mais en tout cas,
06:33les enfants sont beaucoup plus philosophes que les adultes,
06:35d'une certaine manière,
06:36parce que la philosophie, c'est interroger les normes,
06:39c'est ne pas être complice avec la normalité du monde.
06:42Et un enfant découvre tout,
06:43pour lui tout est surprenant,
06:44c'est pour ça qu'il demande pourquoi,
06:45et des fois ça nous agace un peu,
06:47parce qu'on ne sait pas y répondre.
06:48Mais...
06:49Pourquoi ?
06:49Pourquoi ?
06:50Pourquoi ?
06:50Ça suffit, exactement.
06:51Pourquoi ne s'arrête jamais ?
06:52La question, la demande de sens ne s'arrête jamais.
06:54Et l'adulte, en général,
06:57enterre cette question,
06:58il la refoule,
06:59parce qu'elle est trop pénible.
07:01Et le philosophe, d'une certaine manière,
07:02c'est celui qui n'a jamais arrêté
07:04de poser cette question du pourquoi,
07:06et qui continue de le faire,
07:07malgré les injonctions,
07:09à rentrer dans la société,
07:11et à épouser une fonction dans le système.
07:14Assez rapidement,
07:15on en a encore besoin de la philosophie,
07:16franchement, aujourd'hui,
07:18plus encore,
07:19même peut-être qu'il y a cent ans,
07:21qu'il y a mille ans.
07:21On en a d'autant plus besoin
07:24que nous sommes pris dans des affects,
07:28nous sommes pris dans ce que Platon appelait la doxa,
07:31c'est-à-dire que la philosophie
07:33peut nous permettre de nous libérer.
07:35C'est un exercice difficile, périlleux,
07:37parce que ça suppose un certain courage,
07:41le courage de remettre en question
07:43les opinions préconçues dans lesquelles on a grandi.
07:45Et à l'heure d'Internet,
07:46à l'heure des conflits géopolitiques
07:47que l'on vit aujourd'hui ?
07:48C'est exactement ça,
07:49c'est ce que j'interroge dans la question du complotisme aussi.
07:53Pourquoi le complotisme,
07:54c'est quelqu'un qui recherche du sens à la base ?
07:56C'est-à-dire, le paranoïaque,
07:58c'est quelqu'un qui a envie de donner un sens
07:59à tout ce qui lui arrive.
08:00Il se balade dans la rue,
08:01il y a un pot de fleurs qui lui tombe sur la tête,
08:04et il pense que ça a un sens
08:05parce que c'est quelqu'un qui lui en veut.
08:07Et donc tout le monde demande du sens.
08:08Il s'autoproclame complotiste,
08:12c'est toute l'idée que vous expliquez
08:14dans votre livre,
08:17Ma vie a-t-elle un sens ?
08:18Et autres questions philosophiques du quotidien,
08:20ça sort mercredi,
08:21qui arrive aux éditions
08:22Albain Michel,
08:23Lève Frankel,
08:24chargé de cours à l'Université de Strasbourg,
08:26philosophe, écrivain.
08:27Merci d'être venu nous voir ce matin
08:28pour qu'on se quitte sur une belle note.
08:31Écoutez cette Strasbourg-Jouard.
08:33On a la philosophie des retraités.
08:35Tranquille, en bonne santé,
08:37profiter de tous les instants,
08:40faire plaisir aux autres,
08:41et puis sourire.
08:43Voilà.
08:44Tout est dit.
08:45Voilà, tout est dit.
08:46Une philosophe.

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