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Non seulement les violences conjugales touchent toutes les strates de la société, mais la présidente de l'association Osez le féminisme dans le Bas-Rhin remarque même que les femmes qui ont les "revenus les plus élevés" ont encore plus de mal à déposer plainte.

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Transcription
00:00Jusqu'à 9h, ici matin.
00:03Il est 8h moins le quart, elle décide finalement de briser son silence
00:07après une quinzaine d'années passées sans rien dire.
00:09L'écrivienne alsacienne Frédéric Naudufour, historienne de renom,
00:13révèle avoir été victime de violences conjugales, physiques, sexuelles et psychologiques.
00:18L'instruction qui vise son ex-compagnon est toujours en cours.
00:21Selon vous, est-ce qu'on en fait assez ?
00:22Est-ce que la société en fait assez pour lutter contre les violences conjugales ?
00:260,3, 88, 25, 15, 15.
00:28Bonjour Aliénor Laurent.
00:29Bonjour, merci de me recevoir.
00:30La présidente, doser le féminisme dans le barin également porte-parole de l'association au niveau national.
00:36Qu'est-ce qui fait selon vous que le témoignage de Frédéric Naudufour n'est pas une prise de parole comme les autres ?
00:42Son témoignage est extrêmement fort puisque d'une part il est relié à un cheminement personnel
00:46lié à son métier d'historienne où elle lit en fait le travail lié à son roman de recherche sur les victimes de la Shoah
00:53et son parcours personnel en fait de femme victime de violences.
00:56il est assez particulier puisqu'elle s'est exprimée notamment dans Le Monde et dans d'autres médias.
01:00C'est une femme qui a une stature particulière et en fait on constate que
01:04à victime égale, plus le revenu est élevé, moins les femmes ont tendance à porter plainte.
01:09C'est-à-dire que toutes les femmes sont concernées dans tous les milieux socioprofessionnels,
01:13de l'agricultrice jusqu'à la cadre supérieure.
01:15néanmoins en fait les cadres sup' ont tendance à beaucoup moins porter plainte et reporter aux autorités
01:19les violences dont elles sont victimes.
01:23Donc ça confirme que les violences conjugales sont un poison qui peut toucher tout le monde
01:28mais ce que vous dites là aujourd'hui c'est que finalement plus on a une catégorie socioprofessionnelle élevée,
01:36plus on a presque du mal à parler ?
01:37Ça peut paraître être contre-intuitif quelque part ?
01:40En fait pas forcément puisqu'il y a un contrôle social qui s'opère assez fort.
01:44Quand on a une certaine stature comme Mme Naudufour qui est assez connue et reconnue
01:49dans son secteur professionnel et ailleurs, on peut avoir beaucoup de mal à parler.
01:53Son mari était une personne aussi connue qui est l'héritier de Compagnon de la Libération
01:58si je ne me trompe pas, avec aussi une stature assez importante et qui peut en fait faire peur.
02:03On a toujours cette impression que personne ne va nous croire, que de minimiser aussi
02:08les personnes qui vont entendre vont peut-être minimiser les violences qu'on a subies.
02:11Donc c'est vraiment pas facile de sortir du silence et la parole qu'elle a réussi à prendre
02:15c'est une parole très forte pour toutes les autres victimes qui l'ont peut-être entendue
02:18et qui elles aussi vont se dire que c'est le moment d'aller porter plainte.
02:21Même si elle connaissait, c'est une certitude, tous les conseils que les associations
02:25comme la vôtre donnent depuis des années, c'est dire à quel point il est difficile de parler
02:30en fait, de briser son propre silence sur ces sujets-là ?
02:32Oui exactement, en fait le fait de connaître et de savoir en fait quels sont les ressorts
02:36des violences sexistes et sexuelles et conjugales ne veut pas dire qu'on se rend compte
02:40qu'on est soi-même victime.
02:41Je vous donne un exemple, le simple fait que votre petite amie ou votre mari relise vos textos
02:46par exemple, ou alors ce type de choses, ou contrôle la façon dont vous habillez
02:50c'est déjà en fait une forme de violence.
02:52Il existe quatre types de violences aujourd'hui.
02:54Les violences physiques, donc une gifle par exemple, des coups qu'on connaît bien,
02:57des violences psychologiques qui peuvent être de l'isolement par exemple,
02:59c'est aussi ce qu'a subi madame Frédérique Naudufour, des violences économiques.
03:04Donc là c'est le fait par exemple de mettre votre patrimoine en danger,
03:06de prendre des prêts par exemple ou autre, et j'en oublie,
03:10et des violences évidemment psychologiques, je ne sais plus si je l'ai dit,
03:12mais en tout cas il y a quatre types de violences.
03:14En tout cas les fameux red flags, les drapeaux rouges,
03:16et on aura l'occasion probablement d'y revenir, Alinor Laurent.
03:20Présidente d'Osez le Féminisme dans le Barin, invitée ici à Alsace,
03:23on revient sur ce témoignage de Frédérique Naudufour, historienne de renom,
03:28qui parle des violences conjugales qu'elle a subies,
03:30et on vous pose la question à vous, est-ce qu'on en fait assez pour lutter contre ces violences conjugales ?
03:36On attend vos témoignages, vous réagissez au 03 88 25 15 15.
03:39Le souci, Alinor Laurent, c'est aussi que les situations de violences souvent s'installent,
03:45parfois petit à petit, dans le temps, là ça a duré plus de 15 ans, dit Frédérique Naudufour,
03:50c'est pas tout blanc, tout noir non plus, c'est ça que l'historienne explique très bien, écoutez.
03:54Dans une histoire de couple, il se passe plein de choses, il y a des beaux moments aussi,
03:57c'est ça aussi qui rend difficile l'acceptation de voir la violence.
04:02Donc il y a des belles choses, et puis il y a aussi des violences verbales,
04:06ou des violences d'attitude, ou des choses qui ne se disent pas vraiment,
04:10mais qui heurtent la personne et qui préparent le terrain déjà.
04:13C'est un mécanisme assez commun d'être rattrapé par ses sentiments,
04:17jusqu'à pardonner parfois des violences inacceptables.
04:20En fait c'est même un cycle assez classique, c'est-à-dire que dans le cycle des violences conjugales
04:23que soumise une femme, en général il y a quatre étapes, il y a la tension,
04:27puis la phase d'agression, puis la phase de justification,
04:31et enfin la phase de réconciliation, dite de l'huile de miel,
04:34qui est en fait dans laquelle l'auteur des violences met la femme en situation de très forte culpabilité,
04:38qui va la faire finalement s'excuser, pardonner et revenir.
04:41Et c'est la même chose qu'on retrouve en fait dans les départs des femmes victimes de violences,
04:45il faut en général sept départs en moyenne, pour qu'une femme réussisse à quitter définitivement son...
04:50On va essayer jusqu'à six à sept fois de quitter son compagnon, parfois violent, physiquement, moralement,
04:56sans y arriver à six ou sept reprises.
04:58Tout à fait, en général c'est sept départs de son foyer, et en fait il y a plusieurs obstacles à ça,
05:03il y a évidemment la peur des représailles, il y a très souvent des menaces,
05:06la protection de ses enfants, on ne sait pas dans quel milieu on les laisse,
05:09plutôt on le sait justement, et c'est la raison pour laquelle on ne part pas.
05:11Il y a aussi une perte d'autonomie, il y a aussi très souvent, lié aux violences économiques,
05:15une dépendance économique qui fait qu'on ne peut pas se payer un hôtel tout simplement.
05:19On n'a parfois pas de famille en fait vers laquelle se réfugier, et donc c'est extrêmement compliqué.
05:23Souvent les départs d'urgence sont liés au fait qu'on a peur de mourir.
05:27Très concrètement, il y a encore eu 93 féminicides en 2023,
05:31on part parce qu'on risque de mourir.
05:33Mais les départs liés à l'urgence ne sont pas des départs définitifs en général.
05:37Avec la coalition féministe dont votre association Oselle Féminisme fait partie,
05:41vous demandez une loi intégrale, c'est comme ça qu'elle s'appelle,
05:43130 propositions au total pour tenter d'endiguer ces violences conjugales, physiques, sexuelles.
05:50Quels sont les principaux leviers ? Vous parliez de certains ici, c'est à ça que ça peut servir ?
05:55Vous demandez aux députés, aux parlementaires d'agir sur le sujet.
05:58Oui, et puis de manière générale à l'État et surtout au gouvernement,
06:01en fait cette loi intégrale c'est ce qu'on appelle une loi cadre,
06:03c'est-à-dire une loi qui traite tous les secteurs de la société de manière commune
06:07et non pas isolée comme aujourd'hui avec certaines petites mesures
06:09qui ne permettront pas en fait d'endiquer ce phénomène.
06:12Le but d'avoir une loi intégrale c'est de lutter à la hauteur du phénomène là.
06:16Aujourd'hui le budget de l'État en termes de lutte contre les violences faites aux femmes,
06:19il est de 0,003% du budget de l'État.
06:23C'est absolument rien.
06:24Nous on demande 2,6 milliards contre 2,12,7 millions aujourd'hui.
06:282,6 milliards d'investissement contre les violences sexistes et sexuelles,
06:31344 millions pour lutter contre les violences sexuelles.
06:35Exactement, uniquement contre les violences sexuelles pour cette partie-là.
06:38Et en fait ça permet plusieurs choses.
06:39D'une part de s'attaquer à la question de comment est-ce que politiquement
06:43on place la lutte contre les violences faites aux femmes,
06:44un ministère de plein droit par exemple, la question du budget j'en ai parlé.
06:47On parle aussi d'une réforme complète du système judiciaire,
06:50du dépôt de plainte jusqu'à la condamnation des agresseurs
06:53et l'impact sur la question de la récidive
06:56et ce qu'on appelle les angles morts aussi, donc les mariages forcés par exemple,
06:58les mutilations génitales et évidemment...
07:00Qui existent en France ?
07:01Bien sûr, bien sûr.
07:02Et justement on parle d'angle morts puisque c'est extrêmement moins connu
07:05que les violences conjugales mais il existe aujourd'hui des mariages forcés,
07:09des mutilations génitales et je termine juste par là.
07:11Il y a aussi évidemment la question des professionnels,
07:13de tous ceux qui sont en contact avec des victimes,
07:15dans la police, dans la gendarmerie, dans la justice
07:17et évidemment les médecins.
07:18Et le cas de Gisèle Pellicot est assez démonstratif par rapport à ça
07:21à la vue des dizaines de médecins qui n'ont jamais soupçonné
07:23des violences conjugales à son égard.
07:26Il y a aussi tout le volet éducation, prévention
07:28et ça aussi Frédérique Naudufour en parle.
07:31Elle dit les parents doivent éduquer leurs enfants,
07:33les fils bien sûr, mais les filles aussi à être moins parfaites.
07:37Les filles doivent être moins parfaites,
07:38c'est ce que dit Frédérique Naudufour.
07:40Quels sont les bons messages selon vous
07:42à faire passer à nos enfants dès le plus jeune âge ?
07:45Alors évidemment il y a une question d'éducation qui est centrale.
07:48Aujourd'hui il y a une loi qui s'appelle
07:50la loi à l'éducation affective et sexuelle
07:52qui n'est pas appliquée, malheureusement qui existe.
07:54Il y a trois séances, elle n'est jamais appliquée,
07:56faute de temps dans les programmes.
07:57Mais ça c'est à l'école ?
07:58C'est à l'école tout à fait.
07:59Néanmoins je suis toujours un peu mal à l'aise
08:01avec la culpabilisation des femmes,
08:03c'est-à-dire que je pense que chacune fait ce qu'elle peut
08:05et dès le plus jeune âge les inégalités commencent déjà.
08:07Il faut effectivement éduquer les garçons
08:09et quand on constate dans les médias
08:13ou même dans la pornographie,
08:14je rappelle qu'un enfant de 10 ans
08:16commence à regarder la pornographie en France
08:18et à 12 ans, 50% des garçons regardent la pornographie tous les mois
08:21dans lesquels on a la diffusion d'objectivation des femmes
08:25extrêmement violente.
08:27Comment est-ce que quand on commence à regarder
08:28de la pornographie à 12 ans
08:29où des femmes se font frapper,
08:30on peut imaginer que ça fasse un adulte
08:32qui soit sain, en tout cas dans sa relation avec les femmes.
08:36Moi c'est vraiment la question qu'on me pose à Osé Fémisme.
08:38En tout cas la parole se libère
08:40de plus en plus 100 000 appels l'année dernière
08:43au numéro d'urgence 3919.
08:45On peut avoir plusieurs lectures là-dessus.
08:47C'est à la fois que le combat évidemment se poursuit,
08:50on est loin d'être sorti de ces problématiques
08:53de violences conjugales.
08:54A la fois aussi ça veut dire que les femmes parlent davantage
08:56et demandent davantage d'aide
08:58et ça vous le soulignez évidemment Aliénor Laurent.
09:01Merci à vous d'être passée chez nous,
09:03chez ICI Alsace.
09:05Vous êtes la présidente d'Osé le Féminisme dans le Barin,
09:08porte-parole nationale, on salue Frédéric Naudufour,
09:11ainsi que Gisèle Pellicot,
09:13la victime des viols de Mazon à qui vous faisiez référence.
09:17Merci à vous madame.
09:17On se permet de redonner le numéro 1
09:19si vous êtes victime 3919.

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