Chères lectrices, chers lecteurs,
Mardi 15 avril, nous avons eu le plaisir de recevoir l'autrice Viktor Lazlo pour une soirée autour de son nouveau texte autobiographique, Mon cœur bruyant (éditions Grasset).
Discussion animée par Alexandra Schwartzbrod.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
🔎 La Quatrième :
« C’est à s’aimer que le temps passe » chantait Juliette Gréco. Comme elle, Viktor Lazlo aura passé sa vie à chanter. Et autant à aimer. Du moins à essayer. Car comment faire avec ce cœur bruyant qui veut celui qui fuit et quitte celui qui reste ? Comment faire quand on a pour parents le modèle d’un couple apparemment si parfait ? Et quand, sous les robes Thierry Mugler et le sourire de magazine, on tremble encore devant un homme qu’on croit pouvoir aimer ?
Dans ce récit bruyant d’esprit et de sincérité seulement, Viktor Lazlo revient sur son passé pour retrouver les figures des hommes qu’elle a aimés, parfois jusqu’au danger, et peindre avec eux son autoportrait amoureux. Les chapitres suivent la flèche du temps mais s’organisent en fonction de ses amours : de son premier béguin, un jeune italien rencontré dans la Belgique de son enfance, si loin de la Martinique et Grenade de ses parents, à celui qu’elle nomme « l’homme de sa vie » et qui le sera quatorze ans durant, elle dresse les portraits successifs des hommes et relations qui l’ont marquée à jamais : son premier mari ; le père de son fils ; un célèbre chanteur auquel la passion l’attachera ; un acteur beau à crever soufflant le chaud et froid ; une femme dont elle aurait dû se méfier ; un mystérieux acteur américain… Et ce dernier amant dont le portrait traverse le texte, avec lequel elle rejoue sans pouvoir l’empêcher la scène trop familière de la femme qui espère et de l’homme qui s’enfuit.
Allant d’homme en homme, Viktor Lazlo traverse les années et nous livre également la face A de sa vie : sa carrière lancée par ses premiers concerts, ses tubes planétaires, le succès, les voyages, de Paris à New York et jusqu’au cercle princier, les fêtes. Mais aussi les doutes, la solitude, les fragilités. Une existence guidée par ce cœur bruyant qui ne cesse pas d’aimer.
Mardi 15 avril, nous avons eu le plaisir de recevoir l'autrice Viktor Lazlo pour une soirée autour de son nouveau texte autobiographique, Mon cœur bruyant (éditions Grasset).
Discussion animée par Alexandra Schwartzbrod.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume 🌊
🔎 La Quatrième :
« C’est à s’aimer que le temps passe » chantait Juliette Gréco. Comme elle, Viktor Lazlo aura passé sa vie à chanter. Et autant à aimer. Du moins à essayer. Car comment faire avec ce cœur bruyant qui veut celui qui fuit et quitte celui qui reste ? Comment faire quand on a pour parents le modèle d’un couple apparemment si parfait ? Et quand, sous les robes Thierry Mugler et le sourire de magazine, on tremble encore devant un homme qu’on croit pouvoir aimer ?
Dans ce récit bruyant d’esprit et de sincérité seulement, Viktor Lazlo revient sur son passé pour retrouver les figures des hommes qu’elle a aimés, parfois jusqu’au danger, et peindre avec eux son autoportrait amoureux. Les chapitres suivent la flèche du temps mais s’organisent en fonction de ses amours : de son premier béguin, un jeune italien rencontré dans la Belgique de son enfance, si loin de la Martinique et Grenade de ses parents, à celui qu’elle nomme « l’homme de sa vie » et qui le sera quatorze ans durant, elle dresse les portraits successifs des hommes et relations qui l’ont marquée à jamais : son premier mari ; le père de son fils ; un célèbre chanteur auquel la passion l’attachera ; un acteur beau à crever soufflant le chaud et froid ; une femme dont elle aurait dû se méfier ; un mystérieux acteur américain… Et ce dernier amant dont le portrait traverse le texte, avec lequel elle rejoue sans pouvoir l’empêcher la scène trop familière de la femme qui espère et de l’homme qui s’enfuit.
Allant d’homme en homme, Viktor Lazlo traverse les années et nous livre également la face A de sa vie : sa carrière lancée par ses premiers concerts, ses tubes planétaires, le succès, les voyages, de Paris à New York et jusqu’au cercle princier, les fêtes. Mais aussi les doutes, la solitude, les fragilités. Une existence guidée par ce cœur bruyant qui ne cesse pas d’aimer.
Catégorie
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Art et designTranscription
00:00Bonsoir à tous.
00:02Alors, on est là pour...
00:04Vous me dites derrière si vous voulez un moment,
00:06si vous voulez que je prenne le micro,
00:08si vous ne nous entendez pas bien,
00:09vous faites un signe et on a des micros.
00:12Moi, je n'aime pas parler dans le micro.
00:14Je ne suis pas sûre qu'il y ait vraiment besoin.
00:16Mais si vous nous dites...
00:18Non, Francis, c'est bon ?
00:19Vous vous entendez ?
00:21On va essayer de parler fort.
00:24Alors, on est là pour parler de...
00:26Moi, j'ai des épreuves parce que je me suis jetée dessus,
00:29évidemment, dès que j'ai reçu les premières versions,
00:33la première version pas corrigée.
00:35Mais on est là pour parler de « Mon cœur bruyant » de Victor Laszlo,
00:39que vous connaissez tous et toutes ici,
00:42qui est un...
00:45C'est un récit dans lequel elle se dévoile totalement.
00:51Et c'est un récit très émouvant, j'ai trouvé,
00:55très, très émouvant,
00:56parce que quand on connaît le personnage,
01:01enfin, parce que ce qu'elle raconte de ce qu'elle est,
01:04de ses fragilités, de son enfance,
01:08de la façon dont elle se voit,
01:11est totalement différent de l'image de la femme publique.
01:16Moi, quand j'ai rencontré Victor,
01:17j'étais totalement tétanisée par tant de beauté,
01:23de majesté, de...
01:25Et en fait, quand on lit ce livre,
01:27on se rend compte que c'est une femme
01:29qui doute tout le temps,
01:32qui a eu une enfance compliquée,
01:36et qui n'a cessé de se remettre en question,
01:39à la fois de séduire les hommes,
01:44tout en les fuyant,
01:45tout en les cherchant,
01:46enfin, une relation très compliquée avec les hommes.
01:50Et donc,
01:51cette différence entre le personnage public
01:54et le personnage intime que tu es,
01:57quand on te connaît bien,
01:58quand on te connaît bien,
01:58on voit ses fragilités,
02:00on les connaît, on les perçoit.
02:02Quand on te connaît juste comme ça,
02:05on ne les perçoit absolument pas.
02:07Comment tu expliques qu'il y a un tel fossé
02:08entre ces deux personnages ?
02:11Alors, avant de te répondre,
02:12je vais vous présenter Alexandra Schwarzbrot,
02:15qui me fait vraiment l'honneur
02:17de présenter cet ouvrage,
02:19le plaisir, le bonheur et l'honneur
02:21de présenter cet ouvrage ce soir.
02:23Alexandra Schwarzbrot,
02:24rédactrice en chef adjointe du journal Libération.
02:27Et pour répondre à ta question,
02:29c'est précisément la raison pour laquelle
02:31j'ai écrit ce livre,
02:32parce que j'ai un moment de ce long chemin
02:36qui est l'existence,
02:37je me suis rendu compte que le public
02:39avait une perception complètement erronée
02:42de la personne que j'étais réellement.
02:45Et ça m'a porté préjudice,
02:48parce que je suis le genre de personne
02:51qu'on n'a pas envie d'aider.
02:55Vous connaissez l'expression
02:57« on ne prête pas aux riches ».
02:58On me pense riche de tout,
03:01riche de talent, de chance, d'amour,
03:07de beauté, de tout ça.
03:08Et en fait, oui, je suis certainement riche
03:12et j'ai de bonnes raisons de me réjouir
03:15d'être la personne que je suis,
03:17mais je ne suis ni plus ni moins
03:22qu'une autre femme,
03:25enfin je suis même plus peut-être,
03:27cassée à l'intérieur
03:28par ce que j'appelle
03:30la redoutable éclosion de la femme,
03:37de l'être femme.
03:39Devenir femme, être fille, devenir femme,
03:42a été pour moi un processus extrêmement pénible,
03:46douloureux, accidentée
03:48et qui m'a poursuivie
03:50tout au long de l'existence
03:53avec cette chance que j'ai eue
03:56d'être happée par la scène,
04:00par ce désir que j'avais de prouver
04:04que j'étais capable
04:07de faire éprouver des sentiments,
04:12des émotions quand je chantais.
04:16Si vous voulez, la scène m'a sauvée
04:20d'une certaine manière
04:21et m'a permis de mettre un mouchoir
04:25pendant des années
04:27sur la fragilité qui m'habitait
04:30et qui n'a cessé de m'habiter.
04:35On le comprend très bien en te lisant
04:37et on voit à quel point ça t'a sauvée
04:39parce que c'est vrai que
04:41dans les études,
04:44ce n'était pas vraiment ton truc,
04:45que tu as essayé plein de branches différentes,
04:49que tu as abandonnées
04:50parce que ça ne t'intéressait pas.
04:52Tu arrivais à te concentrer sur rien
04:54et surtout,
04:55tes parents ne t'aidaient pas vraiment.
04:58Quand tu dis,
05:00en tout cas sur la confiance,
05:02tes parents ne t'ont pas vraiment donné
05:04la confiance en toi.
05:06Et ça, c'est cette confiance
05:07qui t'a en permanence manquée.
05:10Je lis cette phrase terrible
05:13que te dit ta mère.
05:16Ça, c'est une phrase dont on sait
05:17qu'on ne s'en remet jamais.
05:22Ta mère qui t'a dit très tôt,
05:24je crois que tu étais à l'adolescence peut-être,
05:26tu seras un trophée pour les hommes.
05:28Ils aimeront se montrer avec toi,
05:30mais tu n'es pas de celles
05:31dont on fait les épouses.
05:33Et en fait, cette phrase,
05:35quand on te dit ça à l'adolescence,
05:37je pense que c'est quelque chose
05:38qui s'entretisse
05:42avec ton développement,
05:44ce que tu vas devenir.
05:46Et toute ta vie,
05:47en fait,
05:47elle t'a poursuivi.
05:48Et toute ta vie,
05:49tu as eu l'impression
05:50que tu n'étais qu'un trophée
05:53pour les hommes.
05:53Ce sont des sorts
05:55que les parents mettent
05:56sans s'en rendre compte
05:57sur les enfants.
05:58Ma mère, entre autres perles,
05:59qui est par ailleurs
06:00une femme exceptionnelle
06:01avec qui je m'entends
06:02merveilleusement bien,
06:05m'a dit aussi un jour
06:06que j'ai des mains de femme
06:08qui ne fait rien de ses dix doigts.
06:11Et tout ça,
06:12alors bon,
06:12j'ai joué du violon,
06:13mais je ne fabrique rien.
06:17Je ne suis pas quelqu'un
06:17qui fabrique du...
06:20Comment dire ?
06:22de l'économie.
06:25Et donc,
06:27ces espèces de sorts
06:30qui m'ont été posées dessus
06:33par mon père également.
06:34Mon père n'est pas...
06:35Ton père qui rêvait
06:36que tu sois une grande violoniste.
06:37Mon père rêvait
06:37que je sois une grande violoniste.
06:39Et le jour où il a compris
06:40que je ne deviendrai pas,
06:43que je ne passerai jamais
06:44le concours à l'Elisabeth,
06:45eh bien,
06:46pour lui,
06:47j'étais pendant
06:47un certain nombre d'années,
06:49j'ai été une ratée.
06:50J'étais la ratée de la famille.
06:53Alors,
06:53quand tu parlais
06:55de ne pas être soutenue,
06:57il faut quand même
06:58rendre à César
07:00ce qui appartient à César.
07:01Mes parents
07:02m'ont toujours,
07:05m'ont très tôt
07:07poussé
07:08dans la direction artistique.
07:11j'avais six ans
07:12quand je suis rentrée
07:13de l'école
07:13avec une gouache
07:14qui représentait
07:14des feuilles d'automne
07:15dans un vase.
07:17Et mon père,
07:17de ce jour-là,
07:18a décrété
07:19que j'étais une artiste
07:20et que je serais
07:21l'artiste de la famille.
07:23Donc,
07:23violon,
07:24donc danse.
07:25Donc,
07:25tout ça était normal.
07:26Ça entrait
07:27dans un processus
07:28qui était reconnu,
07:30qui était accepté,
07:31adoubé,
07:33mais avec un fol espoir
07:35de suivre la trace
07:37qui correspondait
07:39au rêve du père,
07:40c'est-à-dire le rêve
07:41inassouvi
07:42par le père
07:43qui, lui,
07:44aurait voulu être
07:45un musicien classique
07:46et sa fille
07:47qui ne l'est jamais devenue,
07:50malgré des années
07:51et des années de pratique
07:52qui n'en a pas fait
07:53un métier.
07:54Cela dit,
07:54je t'ai vu jouer
07:56du violon compagné
07:57Léonore de Recondo
07:58au violon.
08:00C'était super.
08:00Le violon,
08:01c'est un instrument
08:02tellement difficile
08:03que quand on en étudie
08:06pendant,
08:07combien d'années,
08:0812-13 ans,
08:10ça ne se perd pas.
08:12Et puis,
08:12c'est ce qui m'a formé
08:13l'oreille.
08:14Je chante juste
08:15parce que
08:16j'ai étudié violent.
08:18Donc,
08:19comme dans toutes les familles,
08:20ni plus ni moins
08:21que dans toutes
08:22les autres familles,
08:23je pense,
08:25il y a une part
08:26de soutien,
08:27il y a un très grand amour
08:28parce qu'on parle
08:30des sorts
08:31qui nous sont mis,
08:32qui m'ont été mis
08:33sur le dos,
08:34mais tout ça,
08:36it's out of love.
08:37ça part d'un amour
08:38immense.
08:39Mes parents nous ont aimés,
08:40ma sœur et moi.
08:42Jusqu'à aujourd'hui,
08:43j'ai la chance
08:44de les avoir.
08:44Ils ont plus de 90 ans
08:45tous les deux,
08:46ils sont toujours ensemble
08:47et c'est un modèle
08:50d'amour
08:51et de présence
08:52et de disponibilité
08:53avec leurs défauts.
08:54ce sont des gens
08:55qui sont nés
08:56dans les années 30
08:57et aux Antilles,
08:59on sait que
09:00la Martinique,
09:02la Guadeloupe
09:02et toute cette partie
09:04du monde
09:05a donné naissance
09:07à des hommes
09:07d'une certaine,
09:10comment dire,
09:12des hommes
09:13assez particuliers,
09:15des hommes
09:15pour qui
09:16la femme
09:17était un,
09:21comment dire,
09:22un réceptacle
09:23mais n'était pas
09:25un port d'attache.
09:27C'était un port
09:30parmi d'autres
09:32et mon père
09:34n'a pas échappé
09:35à cette remarquable qualité.
09:39Alors en plus,
09:41en plus,
09:42contrairement à ta sœur
09:43qui elle a choisi
09:45la voie
09:46qui s'est mariée
09:47très jeune,
09:48a fait des enfants
09:49très jeunes,
09:50toi tu t'es fait
09:51le serment
09:52très jeune
09:53de ne te laisser
09:56accaparer
09:56ni par un mari
09:57ni par un patron.
09:59C'est-à-dire
09:59que tu ne voulais
09:59surtout pas reproduire
10:01le modèle
10:02familial
10:04avec,
10:04parce que tu serais
10:05que ta mère
10:05était cette génération
10:06où les femmes
10:07étaient un peu
10:08aux ordres
10:09au service
10:10de l'homme
10:12et donc toi
10:13nous voyons ça
10:14tu t'es juré
10:15que jamais
10:15tu ne reproduirais ça
10:16et que jamais
10:17tu n'aurais un patron
10:18au-dessus de toi
10:20qui te donnerait des ordres
10:21et finalement
10:21tu...
10:23J'ai choisi
10:24la liberté
10:25voilà
10:25j'ai choisi la liberté
10:26que j'ai payée très cher
10:27que je paye toujours
10:28très cher
10:28mais là
10:30alors
10:32c'est assez paradoxal
10:34parce que
10:35c'est à la fois
10:37en voyant mon père
10:39avoir toutes les libertés
10:41ma mère
10:43rester à la maison
10:44et s'occuper
10:45du ménage
10:45des enfants
10:46etc.
10:46que je me suis
10:47je me suis rendu compte
10:49que
10:49enfin j'ai cru
10:50longtemps
10:51que pour devenir
10:52quelqu'un d'important
10:54ou pour tenir
10:55un rôle
10:56dans la société
10:57il fallait être un homme
10:58c'est d'ailleurs
11:01ce qui a déterminé
11:02le choix
11:02de mon nom
11:03inconsciemment
11:04c'est ce qui a déterminé
11:05le choix de mon nom
11:05Victor Laszlo
11:06c'est clairement pas
11:07mes parents
11:07qui m'ont appelé
11:08comme ça
11:08et à côté de ça
11:12de voir mon père
11:15partir tous les matins
11:16à la même heure
11:17revenir tous les soirs
11:18à peu près à la même heure
11:19sauf quand il
11:19faisait ses accros
11:22quand il se rendait
11:23quand il allait voir
11:26d'autres personnes
11:27on va dire
11:27ça ne me plaisait pas
11:31la régularité
11:32l'espèce de
11:33de sempiternelle
11:34reproduction
11:37quotidienne
11:38de l'existence
11:40me paraissait
11:41d'un ennui
11:41que ce soit
11:43pour ma mère
11:44ou pour mon père
11:44et puis
11:46j'avais quand même
11:47des gens
11:48en face de moi
11:49une mère qui me disait
11:50il faut que tu travailles
11:51que tu sois indépendante
11:52alors qu'elle ne l'était pas
11:53et un père
11:54qui pareil
11:55qui se décrétait
11:56féministe
11:57qui se disait
11:58féministe
11:59avant l'heure
11:59tout ça
12:00parce qu'il préférait
12:02que ses filles
12:02prennent la pilule
12:03plutôt que de les voir
12:04fumer
12:04des longues cigarettes
12:06et plonger
12:08la tête dans les livres
12:09et moi j'ai tout fait
12:10j'ai fumé
12:10les longues cigarettes
12:11j'ai plongé
12:11la tête dans les livres
12:12et j'ai pris la pilule
12:14donc
12:16voilà
12:18tout ça
12:18toute cette enfance
12:19et cette adolescence
12:20est pleine de paradoxes
12:22mais quand je parle
12:23de la blessure
12:24de l'adolescence
12:25c'est surtout
12:26dans le corps
12:27dans le corps de femme
12:28le corps de femme
12:30en devenir
12:30est sempiternellement
12:33un questionnement
12:35perpétuel
12:36une inquiétude
12:37perpétuelle
12:38une non reconnaissance
12:39perpétuelle
12:40et quand on est
12:41en face de soi
12:42quand on n'a pas
12:44de réponse
12:44vraiment en face de soi
12:45on se développe
12:46avec ses
12:47enfin
12:48voilà
12:49comme sur un chemin
12:50chaoteux
12:51avec ses
12:53ses bosses
12:54ses coûts
12:55et ses risques
12:57et ses périls
12:59j'ai une enfance
13:01périlleuse
13:02parce que
13:02bien sûr
13:04mes parents
13:05m'ont appris
13:06le respect
13:07de moi-même
13:07et le respect
13:08des autres
13:09mais
13:10nous vivions
13:12dans une partie
13:13du monde
13:13qui semblait
13:14a priori
13:15très protégée
13:15nous étions
13:16dans un microcosme
13:17dans la région
13:19près de la frontière
13:21hollandaise
13:21dans la région
13:22où s'est établi
13:23le centre de recherche nucléaire
13:24pour le marché commun
13:26pour la commission européenne
13:28donc c'était
13:30deux villages
13:31entre deux villages
13:32dans une forêt
13:33une espèce
13:35de
13:35de
13:35de
13:36de petite
13:36de petite communauté
13:38dans laquelle on retrouvait
13:39des allemands
13:39c'était l'Europe des six
13:40à l'époque
13:41on retrouvait les allemands
13:42les hollandais
13:43les luxembourgeois
13:44etc
13:44l'école européenne
13:47les centres
13:48de sport
13:50pour tous ces gens
13:51qui travaillaient
13:52qui travaillaient
13:53dans les centres
13:54de recherche nucléaire
13:56et dans
13:56et à l'eurochimique
13:57enfin tous ces centres européens
13:59donc c'était vraiment
14:00un microcosme
14:01hors du monde
14:02hors du temps
14:03la première fois
14:05que je monte
14:06sur un vélo moteur
14:07pour aller
14:07dans le village
14:09tout près de chez moi
14:11j'ai failli me faire enlever
14:12parce que je ne savais pas
14:14qu'il y avait
14:15en dehors de ce microcosme
14:16un monde
14:17plein de dangers
14:18mes parents
14:19ne s'en doutaient pas
14:20et ne nous ont donc pas
14:23ni ma soeur
14:23ni moi
14:24appris à nous méfier
14:27de ce qui pouvait
14:28nous tomber dessus
14:29à l'extérieur
14:29mais il n'y avait pas
14:30que ton enfance
14:31qui était périlleuse
14:32donc après
14:33c'était encore presque pire
14:34quand tu vivais
14:35à Bruxelles
14:36dans le quartier
14:37constitué
14:39oui j'ai failli me faire enlever
14:40t'as failli te faire enlever
14:42puis toutes les rencontres
14:43que tu as faites
14:44qui auraient pu
14:45enfin voilà
14:45on frémit
14:45quand on lit ça
14:47parce que tu étais très naïve
14:51et à la fois
14:52et à la fois quand même
14:55c'est vrai que ton éducation
14:56t'avait permis
14:57de dire non
14:58souvent
14:59au bon moment
15:00à la dernière minute
15:01avant que ça
15:02j'ai toujours dit non
15:02au bon moment
15:03et je pense que c'est
15:05ce qui m'a sauvée
15:05c'est que
15:06oui
15:08c'est que j'ai réussi
15:10j'ai réussi
15:12à m'extraire
15:16une extrémiste
15:17de toutes ces situations
15:18rocamboles
15:18j'ai eu
15:20une grande protection
15:21venue de ma soeur
15:22aussi
15:22qui a été très présente
15:23autour de la
15:25l'université
15:28quand j'étais à Bruxelles
15:29mais bon
15:31elle s'est mariée
15:31très tôt
15:32et elle a disparu
15:34de ma vie
15:35et ça a été un drame
15:36pour moi
15:36quand elle s'est mariée
15:37je suis tombée
15:37dans une dépression
15:38d'une certaine manière
15:39et puis mes parents
15:43nos parents
15:43vivaient à l'extérieur
15:44vivaient toujours
15:45dans ces contrées
15:46éloignées
15:47ce qui fait qu'à Bruxelles
15:50nous étions seuls
15:51nous étions livrés
15:53à nous-mêmes
15:53donc là
15:54tu aérais un peu
15:55de filière en filière
15:57tu t'es cherchée
15:58alors tu disais tout à l'heure
16:00je n'arrivais pas
16:01à me fixer
16:03sur quelque chose
16:04c'est pas parce que
16:05ça ne m'intéressait pas
16:06c'est parce que
16:07j'ai su très tôt
16:08que ma vie
16:09n'était pas là
16:09j'allais faire
16:10j'allais entreprendre
16:11des études d'histoire
16:12de l'art
16:13parce que l'art
16:14m'intéressait
16:15et m'intéresse toujours
16:16mais je savais
16:17que je n'allais pas
16:17arriver au bout
16:19de ces études
16:19ma vie n'était pas là
16:21je savais
16:22qu'il y avait
16:23quelque chose
16:24qui se passerait
16:24sur scène
16:25et que plus tard
16:26j'écrirais
16:27ça c'est une constante
16:29depuis l'âge de 12 ans
16:30oui d'ailleurs
16:30il y a une très jolie phrase
16:31alors je ne sais pas
16:32si elle s'applique
16:33aux hommes
16:33ou à l'activité
16:36si je ne cherchais personne
16:38je voulais que l'on me trouve
16:40c'est beau ça
16:41oui c'est vrai
16:42que je n'ai pas
16:42en fait
16:43tu n'as jamais rien cherché
16:45mais tu attendais
16:45que la vie me trouve
16:48que la vie me trouve
16:49là où je l'attendais
16:50et qu'elle m'apporte
16:52ce pour quoi j'étais faite
16:54ce dont je savais
16:56que c'était mon
16:59j'aime pas le mot
17:01j'aime pas le terme
17:02de destinée
17:03non c'était simplement
17:04le chemin
17:05sur lequel je me sentirais bien
17:07je pourrais m'épanouir
17:08et c'est pareil
17:09pour les hommes
17:10je n'ai jamais cherché
17:11je n'ai jamais
17:13oui je ne suis pas
17:15une tête chercheuse
17:16je me suis laissée trouver
17:18et puis après
17:19évidemment j'ai choisi
17:20mais voilà
17:22je n'ai rien
17:23et puis je suis trop timide
17:24ça peut paraître
17:25oui alors ça c'est un truc
17:27qu'on n'imagine pas
17:28quand on te voit
17:30mais tu es extrêmement timide
17:31ce qui peut donner l'impression
17:32d'ailleurs
17:32parfois
17:33ça peut donner l'impression
17:36quand on ne te connait pas
17:37que tu mets une distance
17:38moi la première fois
17:39que je t'ai rencontrée
17:40je me suis dit
17:41ben dis donc
17:41c'est pas facile
17:42tu vois
17:43j'avais un peu
17:45j'avais un peu la trou
17:46quoi tu vois
17:46et je t'avais trouvé
17:48très
17:49très
17:50ouais ouais
17:51répulsive
17:51très raide
17:52non non non
17:53pas répulsive
17:54puisque
17:54je t'ai lu
17:56j'ai adoré ton livre
17:57et du coup
17:58je t'ai chroniqué
17:59on s'est revu
18:00et tout de suite
18:00on s'est amicalement aimé
18:03et
18:04mais c'est vrai
18:07que le premier abord
18:08peut être
18:08tu peux donner l'impression
18:09de quelqu'un
18:10de très sûr de toi
18:11et presque un peu hautain
18:13quoi
18:13je pense que c'est peut-être ça
18:14qui fait
18:15alors il y a plein de fils
18:16à tirer
18:16moi je voudrais parler
18:17il y a plein de choses
18:18dont j'aimerais parler
18:19évidemment les hommes
18:20tu as abordé ça
18:21c'est un
18:22les hommes parcourent
18:23ce livre
18:25c'est à la fois
18:26intéressant
18:28effrayant
18:29très émouvant
18:30parfois on est très énervé
18:32on a envie de te dire
18:33Victor
18:33non non non
18:34n'y va pas
18:35n'y va pas
18:37ou n'y retourne pas
18:38ou fout le dehors
18:39un coup de pied
18:40vraiment
18:41c'est pas possible
18:41tu peux pas
18:42enfin
18:43c'est vraiment un livre
18:46qu'on lit comme ça
18:46quoi
18:47en s'énervant
18:49en riant
18:49en pleurant
18:51voilà
18:52mais
18:52on va y venir aux hommes
18:54mais raconte quand même
18:55comment
18:56un jour
18:57justement
18:58ce chemin
18:59que tu cherchais
19:00ce bout de chemin
19:01que tu attendais
19:01que tu cherchais
19:02comment justement
19:03ça c'est un moment
19:04la rencontre
19:06on en reparlait tout à l'heure
19:07avec Alain Chanfort
19:08comment il t'a mis
19:09sur le chemin
19:10qui allait être le tien
19:11oui
19:13j'avais accepté
19:15de chanter les chœurs
19:16pour un groupe
19:19dont le producteur
19:21avait décidé
19:21qu'il allait s'occuper
19:23de moi
19:23et donc je me suis retrouvée
19:26un jour
19:26dans une émission
19:27de télévision
19:28qui s'appelait
19:28le train des jouets
19:29une émission d'RTL
19:31à l'époque
19:31c'était un train
19:34qui se baladait
19:34dans des obscures
19:36villes belges
19:37et qui s'arrêtait
19:38pour distribuer
19:38des jouets
19:39aux enfants
19:40et sur lequel
19:43se trouvait
19:43Alain Chanfort
19:44je ne sais même pas
19:46si nous avons été présentés
19:47mais
19:48donc ça c'était
19:49juste avant Noël
19:49mais le 6 janvier
19:511984
19:52je crois
19:54ou 83
19:54je ne sais plus
19:55il m'appelle
19:56chez moi
19:57et me demande
19:58si j'accepte
20:00de chanter
20:00la musique du film
20:02Amor l'arbitre
20:03et j'ai accepté
20:06le film
20:06de Jean-Pierre Mocky
20:08qui a été un des films
20:11importants de Mocky
20:12mais dont la musique
20:15avait été écrite
20:16par Alain Chanfort
20:16les paroles
20:17par Boris Berkman
20:18c'est comme ça
20:18que j'ai rencontré
20:19ce paroli
20:20absolument génial
20:21et j'ai accepté
20:24je me voilà à Paris
20:26dans un studio
20:27le studio des Dames
20:28à l'époque
20:28un, deux, trois prises
20:31c'était terminé
20:32tout le monde
20:32était ébahis
20:33parce que
20:33en fait
20:34je me suis rendu compte
20:35à l'époque
20:35que les gens
20:35n'avaient pas l'habitude
20:36de voir des chanteurs
20:37qui chantaient juste
20:38et je chantais juste
20:40voilà
20:41donc ça écrite
20:42tu avais
20:43oui ça n'a pas changé
20:45oui ça c'est important
20:45c'est important
20:46de le rappeler
20:46tu
20:47et t'avais démarré
20:49en faisant comme ça
20:50en montant sur scène
20:51un peu par hasard
20:52j'avais démarré
20:52j'avais fait des faux départs
20:54oui
20:54le premier faux départ
20:55c'était
20:56un bassiste
20:57un pauvre garçon
20:58enfin adorable
20:59qui était persuadé
21:01lui aussi
21:01qu'il allait faire de moi
21:02une grande vedette
21:04et qui m'avait
21:04proposé de chanter
21:06dans une boîte de nuit
21:07obscure
21:08à Bruxelles
21:09le mercredi soir
21:11et j'avais interprété
21:11les chansons
21:12de Barbra Streisand
21:13et ce qui n'a pas été
21:15un mauvais
21:15ce qui n'a pas été
21:16du tout
21:17un mauvais
21:17comment dire
21:19un mauvais entraînement
21:20puisque c'est quand même
21:20des chansons
21:21hyper difficiles à chanter
21:22et je suis
21:24me suis retrouvée là
21:263-4 mercredis
21:27d'affilée
21:28et puis très vite
21:29je me suis rendu compte
21:29qu'il ne se passerait rien
21:30dans ce lieu
21:31sans mépris aucun
21:34mais je n'étais pas faite
21:35pour un public
21:37de
21:38after hours
21:41à 2h du matin
21:43de gens qui étaient
21:43à moitié ivres
21:44ça ne m'intéressait pas
21:45donc ça c'était
21:46un faux départ
21:46puis j'ai enregistré
21:47un disque
21:49pour un publiciste
21:50qui aussi était persuadé
21:52que j'étais une rappeuse
21:53donc j'ai dû enregistrer
21:54un des
21:55non non mais vous savez
21:56il y a un truc
21:56qui est formidable
21:57quand on est
21:57comme nous ici
21:59comme certains
22:00d'entre nous ici
22:01c'est qu'on vous assigne
22:02à des rôles
22:04il y a plein de gens
22:05qui m'ont demandé
22:06mais pourquoi je ne chantais pas
22:07du R'n'B
22:09pourquoi je ne sais pas
22:10du R'n'B
22:11ou même
22:11pourquoi je ne chante pas
22:12en créole
22:13des chansons
22:14pourquoi je ne fais pas
22:15du zouk
22:16pourquoi je ne chante pas
22:18comme Whitney Houston
22:18voilà
22:21alors que
22:22ma culture musicale
22:24c'est du rock alternatif
22:26je n'y peux rien
22:26j'étais élevée en Belgique
22:28avec des Hollandais
22:29j'achetais mes disques
22:30à Eindhoven
22:31j'écoutais Genesis
22:32quoi
22:35Yes
22:36etc
22:38enfin
22:38tous ces groupes de rock
22:40donc voilà
22:40tout ça
22:41c'est une petite digression
22:42mais qu'est-ce que c'est ça ?
22:43et donc
22:44tu as commencé comme ça
22:46et puis ce qui t'a vraiment lancé
22:47c'est quand Alain Chanfort
22:48Alain Chanfort
22:49t'a demandé
22:49voilà
22:50et ce disque est sorti
22:51il a été signé
22:52à l'époque
22:53c'était chez
22:53je ne sais plus
22:55en fait c'est une grosse maison de disques
22:57qui est devenue Universal
22:58ce qui s'appelait
23:00je ne sais plus comment avant
23:01il y a encore deux places devant
23:02il y a deux places là devant
23:03deux places
23:03et donc
23:06donc
23:09donc
23:09donc
23:10et donc
23:10je signe
23:11je signe
23:12ce backdoor man
23:13chez Universal
23:14et ça part
23:16ça part tout de suite
23:17français français
23:20sur ce
23:21j'enregistre un premier album
23:24un premier LP
23:25qui lui
23:27a un succès immédiat
23:29en Allemagne
23:29en Hollande
23:30en Belgique
23:31en France
23:32en Italie
23:34enfin dans toute l'Europe
23:35on se rend compte
23:36trois mois plus tard
23:38que Chadé
23:39sort son album
23:41et que c'est le même genre
23:42de musique
23:42et donc
23:44pendant toute ma vie
23:45on m'a comparé à Chadé
23:46en me disant
23:46ah mais oui
23:47mais vous faites du Chadé
23:48j'ai dit
23:48mais non
23:48mon album est sorti avant
23:50mais bon
23:51il s'est vendu beaucoup moins
23:51mais n'empêche
23:52c'est ce qui m'a fait connaître
23:53ce qui a fait que
23:55deux années plus tard
23:56on m'a demandé
23:56de présenter l'Eurovision
23:57et ça c'est devenu
23:59ça s'est
24:01diffusé
24:02dans une grande partie du monde
24:04oui puis après
24:04il y a eu
24:05Canoe Rose
24:06Premier River
24:07tout ça
24:08donc c'est
24:09là c'est parti
24:10c'était parti
24:11et puis
24:11la grande vie
24:12tu voyageais
24:13tu voyageais partout
24:14tu vivais à l'hôtel
24:16tu vivais à l'hôtel
24:17pratiquement
24:17quasiment
24:18oui
24:18des années
24:19j'étais chez moi
24:2050 jours par an
24:21mais ça c'était avant
24:23la naissance de mon fils
24:24mais surtout
24:25c'était
24:27c'était les années 80
24:29et je n'aime pas revenir
24:31sur
24:32parce que ce livre
24:33est tout sauf une biographie
24:35une autobiographie
24:37larmoyante
24:38sur les années 80
24:39je n'ai pas forcément aimé
24:41les années 80
24:41c'est juste qu'il y avait
24:42une grande permissivité
24:44et une grande
24:46il y avait beaucoup d'argent
24:48qui circulait
24:49et donc
24:49beaucoup d'argent
24:51qui circulait
24:52et donc
24:52de plus grandes possibilités
24:55d'éclosion
24:57internationale
24:59alors qu'aujourd'hui
25:02si on ne fait pas
25:04un succès
25:05dans son pays
25:06on ne va nulle part
25:06c'est ici que ça se passe
25:08d'abord
25:08et ensuite
25:08éventuellement
25:09et c'est pareil
25:12pour les livres
25:12non
25:14c'était vraiment
25:15ce livre
25:16c'est vraiment
25:17la confession
25:18d'une traversée
25:20c'est une vie de femme
25:22une vie de femme amoureuse
25:24dont le cœur
25:25fait beaucoup de bruit
25:26et plus ça va
25:30plus il est bruyant
25:31alors justement
25:32les hommes
25:32alors qu'est-ce que tu
25:34mets dans la couche
25:34pardon
25:35parce que c'est vrai
25:37qu'il y a plus de ça
25:38que de
25:38alors c'est truffé
25:40d'anecdotes professionnelles
25:41mais
25:41elles viennent aussi
25:43raconter des moments
25:46avec des rencontres
25:48des rencontres
25:48avec des hommes
25:49que j'ai croisés
25:50dans le métier
25:51c'est aussi
25:52les hommes
25:53ils sont partis
25:54ils sont à chaque page
25:56alors il y en a un
25:57qu'on déteste
25:58et malheureusement
25:58c'est le fil rouge
25:59celui-là
26:00on le déteste
26:01l'homme de la barbade
26:02qui est un homme
26:05qui te tient
26:08sous une espèce
26:09d'emprise
26:10on ne comprend pas
26:12pourquoi tu es
26:14pourquoi tu es
26:15non mais je vous recommande
26:17c'est invraisemblable
26:19la façon dont il te traite
26:21tu te laisses maltraiter
26:23sans réagir
26:25ou presque
26:26et pourtant
26:28tu en redemandes
26:29et donc
26:33oh la honte
26:34il n'est pas éteint
26:35de les lumières
26:35non mais c'est malheureusement
26:37c'est malheureusement
26:38le
26:38non mais je pense
26:39que c'est
26:39à la limite
26:40c'est important
26:41de lire ça
26:41parce que
26:42c'est malheureusement
26:43le
26:43c'est malheureusement
26:45le cas de beaucoup de femmes
26:47ben oui voilà
26:47c'est pour ça
26:48que je me suis résolue
26:49à écrire cette histoire
26:50et qui ne parviennent pas
26:51à s'en défaire
26:52oui
26:52j'ai écrit
26:54parce que
26:55parce que ça arrive
26:55à de nombreuses
26:57femmes
26:58et
26:58et surtout
26:59parce que
27:00personne ne s'attend
27:01à ça de ma part
27:02personne ne
27:03ne s'y attend
27:04de ma part
27:05ça paraît
27:06invraisemblable
27:07que je puisse tomber
27:08dans le même piège
27:08que toutes les autres femmes
27:09pourquoi
27:09je suis une femme
27:10ni plus ni moins
27:12en gros
27:13c'est un homme
27:14qui vit
27:14à la barbade
27:15et qui
27:17qui est capable
27:20de te faire venir
27:21de Paris
27:22à la barbade
27:23uniquement
27:23pour
27:24ben puis pour te dire
27:25qu'il n'a pas le temps
27:26de me voir
27:27qu'il n'a pas le temps
27:27de te voir
27:28et donc tu restes là
27:29seule à l'hôtel
27:30à l'attendre
27:31et il ne vient pas
27:32et tu repars
27:33sans l'avoir vu
27:34pratiquement
27:34et voilà
27:36et donc évidemment
27:37à tomber
27:37quelques semaines après
27:39il te fait envoyer
27:40je ne sais combien
27:41de roses
27:41100
27:41100 roses
27:42chaque fois
27:44c'est 100 roses
27:45à chaque fois
27:45plusieurs fois
27:46il t'envoyait
27:47100 roses
27:47chaque fois
27:48qu'il y avait
27:48quelque chose
27:49à se faire parler
27:49enfin bon
27:50c'est malheureusement
27:50le grand
27:51c'est un grand classique
27:53c'est un grand classique
27:54mais quand même
27:55c'est très énervant
27:57oui c'est énervant
27:58c'est surtout pour moi
27:59que c'était énervant
28:00ben oui
28:00mais c'est vrai
28:01tu nous fais partager
28:02c'est vrai
28:03c'est vrai que
28:04quand mon éditeur a lu ça
28:05d'abord il l'a appelé
28:07l'ectoplasme
28:07et c'est somme toute
28:12un garçon très sympathique
28:13vraiment
28:14très très sympathique
28:16très drôle
28:16on l'espère
28:17il est très drôle
28:18il m'arrive encore
28:20de rigoler avec lui
28:21enfin très très rarement
28:23peut-être une fois par an
28:24mais au téléphone
28:25mais j'avais
28:28en fait le livre
28:30a démarré là-dessus
28:31c'était
28:33quand je me suis rendu compte
28:35que j'étais tombée
28:35dans ce piège
28:36pour remplir un vide
28:38voilà
28:39tout simplement
28:40j'ai commencé
28:42cette histoire
28:43et je me suis dit
28:43finalement
28:44ce schéma
28:46dans lequel
28:46je continue
28:48de me retrouver
28:49est un fil rouge
28:51qui explique
28:54comment
28:55un sentiment
28:57comment dire
28:58comment l'espoir
28:59de l'amour
29:02peut se construire
29:03et se déconstruire
29:04au fil d'une vie
29:05à l'aune des expériences
29:07que l'on fait
29:07des hommes
29:08que l'on rencontre
29:09des femmes
29:09que l'on rencontre
29:10de toutes les expériences
29:12que l'on a
29:13voilà
29:13c'est la construction
29:15et la déconstruction
29:16de ce sentiment
29:16et c'est
29:18ça passe par
29:20par des catastrophes
29:22annoncées
29:23comme cet homme
29:24de Barbade
29:25qui est un personnage
29:27plus recommandable
29:29j'ai aucune envie
29:30que tu me le présentes
29:31à moi
29:32aucune envie
29:35de le rencontrer
29:36mais
29:36et ça t'a fait du bien
29:38d'écrire ce livre
29:39c'était important
29:40c'était très difficile
29:41et j'ai eu beaucoup
29:42de mal
29:43à retraverser
29:44certains
29:45certains
29:46comment dire
29:48certains souvenirs
29:49que j'ai
29:51enfin pour moi
29:52ce sont des souvenirs
29:52infréquentables
29:53de l'enfance
29:54parce que
29:56je me rends compte
29:57que beaucoup de plaies
29:58ne sont pas refermées
29:59et elles ne seront
30:01jamais refermées
30:02on est
30:03qu'on soit
30:04homme ou femme
30:05ou autre
30:06on est
30:07toujours
30:08cette petite
30:10chose fragile
30:13de l'enfance
30:13elle existe toujours
30:16et elle vient
30:16elle vient toujours
30:17irriguer
30:18les failles
30:20quand
30:22celles-ci se présentent
30:23tout à coup
30:24c'est à l'enfant
30:25que ça fait mal
30:25c'est à la petite
30:27fille que ça fait mal
30:27c'est au petit garçon
30:28que ça fait mal
30:29pourquoi
30:30les victimes
30:31de viol
30:32par les curés
30:35peuvent se déclarer
30:37aujourd'hui
30:3840 ans après
30:38sont toujours
30:40en souffrance
30:4040 ans après
30:41parce que ça fait mal
30:42à vie
30:42ce sont des blessures
30:43qui ne se
30:44ferment pas
30:45qui ne se
30:46qui ne guérissent pas
30:47mais sur lesquelles
30:48on construit
30:49on vit
30:50on rit
30:52et on écrit
30:55et on crée
30:55et c'est vraiment
30:57la création
30:57qui m'a tenu en vie
31:00et surtout l'écriture
31:01et l'écriture
31:02tu y viens
31:03donc ton premier livre
31:05tu l'écris
31:05alors j'y viens
31:06très tôt
31:07puisque
31:07à la caisse
31:11tu ne pars pas
31:14sans l'acheter
31:14surtout sur
31:15le passage des hommes
31:16moi je me dis
31:17pour ça
31:18pour le vivre
31:20qu'est-ce que
31:23je voulais dire
31:23le premier livre
31:27très tôt
31:28le premier livre
31:30il sort en 2010
31:30mais j'écris
31:32à 12 ans
31:32ma première nouvelle
31:33etc
31:34je sais que ça fera partie
31:36de mon avenir
31:37professionnel
31:39et en 1990
31:40en 2000
31:41j'appelle Grasset
31:42c'était déjà Grasset
31:43à l'époque
31:43et Emmanuel Carcassonne
31:45lit
31:46un début de texte
31:49que j'ai
31:49le fait lire
31:50au comité de lecture
31:52qui décrète
31:52qu'ils me publieront
31:53en 2000
31:54et il me dit ça
31:57je le remercie
31:58je prends mon texte
31:59je rentre chez moi
32:00je le mets dans un tiroir
32:01et je n'y pense plus
32:02attend
32:03on était en quelle année
32:04en 2000
32:04en 2000
32:0510 ans avant
32:06la publication
32:06de mon premier roman
32:07et c'était le début
32:08de ce premier roman
32:09parce que je n'étais pas prête
32:10donc j'ai mis
32:11beaucoup beaucoup de temps
32:12à éclore
32:13comme autrice publiable
32:17c'est-à-dire
32:17quand je dis
32:18éclore comme autrice publiable
32:19je veux surtout dire
32:20accepter
32:21que ce qui
32:23sortait
32:24de mes tripes
32:26soit donné
32:26au plus grand nombre
32:29au public
32:30chanter
32:30ce n'est pas du tout
32:31la même chose
32:31être sur scène
32:33pour du théâtre
32:34ça n'a rien à voir
32:35l'écriture
32:37ça sort de l'intime
32:39tous les écrivains
32:39qui sont
32:40ici
32:41je pense que personne
32:43ne me contredira
32:44on est seul
32:46on travaille
32:47on va au fond de soi
32:50on plonge au fond de soi
32:52pour ressortir
32:53quelque chose
32:54de vrai
32:55pour ressortir
32:56une vérité
32:59même si elle passe
32:59par le conte
33:00même si elle passe
33:01par la fiction
33:01on sort une vérité
33:03et c'est pour ça
33:07qu'il faut être prêt
33:09en tout cas
33:09d'assumer
33:11il faut être prêt
33:11à assumer
33:12le regard des autres
33:13la critique
33:14pour
33:17avant
33:18de
33:18voilà
33:20pour publier
33:22voilà pardon
33:23j'ai perdu le fil
33:24de ce que je disais
33:24il y a trop de lumière
33:26et
33:28d'ailleurs
33:29moi le premier livre
33:31que j'ai lu de toi
33:32c'était
33:32Les Passages des Sexes
33:35c'était le quatrième
33:36c'était le quatrième roman
33:37voilà
33:38c'est là où j'étais découverte
33:39et
33:41et
33:41et
33:42ce qui était parce que
33:43tu
33:43tu racontais
33:45les deux tragédies
33:46parallèles
33:47de la Shoah
33:47et de
33:48et de l'esclavage
33:49et de l'esclavage
33:50et que j'avais trouvé
33:51j'avais adoré
33:52ce
33:52ce
33:52ce
33:54voilà
33:54et tu racontes
33:55justement dans ce livre
33:57comment tu
33:58tu
33:58tu aurais aimé être juive
34:00en fait
34:01j'ai toujours pensé
34:02que j'étais juive
34:02voilà
34:03j'ai toujours pensé
34:03que j'étais juive
34:04parce que
34:05je n'ai eu
34:06accès à mon histoire
34:07personnelle
34:08à l'histoire de ma famille
34:10à notre héritage
34:11je n'y ai eu accès que
34:12très tard
34:15finalement
34:15et
34:16et
34:17comme je sentais
34:18une
34:19je sentais
34:20une
34:20tragédie
34:22je sentais une tragédie
34:23antérieure
34:24qui
34:25qui
34:25était passée dans mes veines
34:27d'une façon ou d'une autre
34:28et que
34:29finalement
34:30les premiers témoins que j'ai eus
34:31c'était des témoins
34:32de la Shoah
34:34enfin des
34:35des enfants
34:35à petits enfants
34:36de témoins de la Shoah
34:37donc
34:38voilà
34:39j'avais besoin de témoins
34:40donc
34:41j'ai
34:42cette histoire
34:43est devenue
34:44la mienne
34:44d'une certaine manière
34:45j'ai rêvé
34:46pendant des années
34:47que j'étais une petite fille
34:48cachée dans un piano
34:49à l'arrivée des bottes
34:50des nazis
34:52et puis
34:54au fil du temps
34:55au fil de mes voyages
34:56en Martinique
34:56parce que
34:57même si je suis arrivée
34:58en Martinique
34:59à l'âge de 9 ans
34:59je n'ai pas compris
35:00tout de suite
35:00quelle était l'histoire
35:01de la Martinique
35:02quelle était
35:02cette île
35:06traversée
35:07par les tragédies
35:08par la tragédie
35:09de l'esclavage
35:10par le
35:10le
35:12la
35:14comment dire
35:15la société
35:15de la plantation
35:16qui
35:18prévaut encore
35:19aujourd'hui
35:20d'une certaine manière
35:21qui donne une société
35:22complètement schizophrène
35:23je n'avais pas compris
35:24tout ça
35:25donc c'est très très tard
35:26jusqu'à l'université
35:27j'étais
35:28vraiment
35:29embarquée
35:31dans l'histoire
35:32de mes amis
35:33à Chkenaz
35:34essentiellement à Chkenaz
35:36parce qu'à Bruxelles
35:36c'est vrai qu'il y avait
35:37une grande communauté
35:38polonaise
35:38oncroise etc
35:39et puis
35:42petit à petit
35:43je me suis rendu compte
35:44que je n'étais peut-être
35:45pas de là
35:45mais que j'étais de là
35:46et ça
35:47c'était pas mieux
35:48donc
35:50il y a eu tellement
35:51de ponts
35:52comment dire
35:54j'ai compris
35:55qu'il y avait
35:56tellement de similitudes
35:57entre
35:58les trajectoires
36:00de ces deux
36:01populations
36:02que
36:04c'était impossible
36:06de les mettre
36:06dos à dos
36:07qu'il était impossible
36:08de les mettre
36:09en concurrence
36:10et qu'il y avait
36:11à écrire
36:11une histoire
36:12dans laquelle
36:14ces populations
36:14se croisaient
36:15parce qu'ils avaient
36:16les mêmes
36:16les mêmes aspirations
36:18les mêmes rêves
36:20de société
36:21la société
36:22que ce soit
36:22la société
36:23des kibbutz
36:24ou
36:24l'époque
36:26de
36:26l'acquisition
36:27des droits
36:28des noirs américains
36:30c'était une société
36:31socialiste
36:32progressiste
36:34etc
36:34donc évidemment
36:36tout ça
36:37a été perverti
36:38on ne parle pas
36:39d'aujourd'hui
36:39je parle vraiment
36:40de l'époque
36:40mais
36:40il me paraissait
36:43important
36:43d'établir des ponts
36:44entre ces deux
36:45trajectoires
36:47qui avaient été
36:49miennes
36:50d'une certaine manière
36:51si vous
36:52si vous n'avez pas lu
36:54les passagers du siècle
36:55et le deuxième
36:56et la suite
36:57c'est trafiquant de colère
36:58et trafiquant de colère
36:59c'est absolument
36:59magnifique
37:00il faut vraiment
37:01que vous les
37:02c'est grâce à aussi
37:02ils sont sortis en poche
37:04passagers du siècle
37:05oui
37:05trafiquant de colère
37:06bientôt
37:07donc non non
37:08c'est important
37:09de les lire
37:09il y a aussi ce moment
37:10où première fois
37:11j'ai pas noté
37:13bêtement
37:13j'ai pas noté
37:14la page
37:14première fois
37:16où tu t'es autorisée
37:17à te considérer
37:18comme noire
37:19ah oui
37:20il y a plusieurs
37:21il y a plusieurs
37:23il y a plusieurs pages
37:25là dessus
37:26il y a plusieurs moments
37:29de reconnaissance
37:31la première
37:34je pense que c'est
37:34elle vient de
37:36elle est venue
37:36par le biais
37:38de mon ami
37:39David Links
37:40qui m'a
37:41introduite
37:42à
37:43la
37:45littérature
37:46de James Baldwin
37:47et qui m'a permis
37:49aussi d'enregistrer
37:50sur cet album
37:53mémorable
37:53dans lequel
37:54il y a la voix
37:55de James Baldwin
37:55et donc il y a une espèce
37:57de
37:57il y a eu ça
37:59il y a eu aussi
37:59quand j'avais 23 ans
38:02j'ai failli épouser
38:03je sais pas si j'ai raconté
38:04ça d'ailleurs
38:04parce qu'en fait
38:05il y a
38:06il y a encore
38:07des hommes
38:07ah mais il y a
38:08trois tomes encore
38:09mais je vais
38:10je vous épargnerai
38:12les autres
38:13mais j'ai failli épouser
38:15un homme
38:16si je raconte
38:17un Congolais
38:19quand j'avais
38:2021 ans
38:21ou 22 ans
38:22Congo
38:23non
38:23Congo Kinshasa
38:24pas Congo Brazzaville
38:25et
38:26toutes ces petites pierres
38:28dans ma vie
38:30m'ont
38:30m'ont fait
38:31me reconnaître
38:31même si on m'appelait
38:32Mundel
38:33et dans les
38:33dans les marchés
38:35à Lubumbashi
38:37j'étais à Lubumbashi
38:38essentiellement
38:39il y avait
38:41j'avais besoin
38:42de encore une fois
38:43du regard
38:43d'un regard d'homme
38:45aller savoir
38:46chercher papa
38:47pour reconnaître
38:49ma
38:49pour reconnaître
38:51mon corps noir
38:52voilà
38:53et ça
38:55c'est arrivé
38:55à plusieurs reprises
38:57dans mon existence
38:57il y a eu également
38:58la rencontre
38:59avec Harry Belafonte
39:00alors voilà
39:01justement
39:01nous dit voilà
39:02parce que là
39:03ce passage
39:04est extrêmement savoureux
39:05moi j'ai beaucoup ri
39:07j'ai à la fois ri
39:08et j'étais sidérée
39:09par le
39:10si
39:11si t'avais voulu
39:12l'inventer
39:12t'aurais
39:13t'aurais
39:13t'aurais pas pu
39:14c'est où
39:15t'aurais pas pu
39:16c'est une histoire
39:17démente
39:18attends
39:19281
39:20c'est où
39:20Harry Belafonte
39:23non non
39:24c'est beaucoup plus tôt
39:25non non
39:26bah si
39:27c'est plus tôt
39:27parce que la fin
39:28c'est
39:28la fin c'est
39:30voilà
39:34Harry Belafonte
39:36voilà
39:36Harry Belafonte
39:37comment on disait
39:39la preuve c'est que
39:40c'est bien vous
39:41qui l'avez écrit
39:41voilà
39:43alors
39:46souvenez-vous
39:47je vous ai dit au début
39:48de ce récit
39:49que mon père ressemble
39:50comme deux gouttes d'eau
39:51à Harry Belafonte
39:52et depuis toujours
39:53je vis avec la préscience
39:55du jour
39:55où je le rencontrerai
39:56et me délesterai
39:57de cette évidence
39:58l'occasion me fut donnée
40:00un 6 octobre
40:01veille de mes 32 ans
40:03j'étais invité
40:05à Dresde
40:05pour un concert
40:06à l'opéra
40:06mon ami et frère
40:08David Link
40:08c'était du voyage
40:09ainsi que mon compagnon
40:11du moment
40:11arrivé dans la salle
40:13de spectacle
40:13j'appris que
40:14Harry Belafonte
40:15faisait également
40:15partie des invités
40:16à l'issue
40:18de mon soundcheck
40:18un homme raide
40:19et obsécueux
40:20vint me voir
40:21dans ma loge
40:22et me dit
40:22que monsieur Belafonte
40:23m'avait écouté chanter
40:25et souhaitait faire
40:25ma connaissance
40:26acceptais-je de le retrouver
40:29dans sa loge
40:29il ne voulait pas
40:30me déranger
40:30dans la mienne
40:31au summum de la joie
40:33je suivis l'homme
40:34qui était son avocat
40:36prêt à lui avouer
40:37ce que je retenais
40:38depuis tant d'années
40:39je pénétrais dans la loge
40:41Harry Belafonte
40:43était grand
40:44plus grand que mon père
40:45et un peu plus âgé
40:46me sembla-t-il
40:47mais à l'instar
40:48de mon père
40:49il était toujours
40:50diablement beau
40:51il m'accueillit
40:53avec un large sourire
40:54en murmurant
40:55c'est impossible
40:56mon Dieu
40:58comment est-ce possible
40:59coupé dans mon élan
41:01je me demandais
41:02ce qu'il voulait dire
41:03qu'est-ce qui est impossible
41:04la ressemblance
41:06vous ressemblez
41:07comme deux gouttes d'eau
41:08à ma seconde fille
41:08et de sortir
41:11une photo
41:12de son portefeuille
41:13pour me montrer
41:13mon sosie
41:15les rôles
41:16par un hasard
41:17hautement improbable
41:18s'étaient inversés
41:19il ne me restait plus
41:20qu'à lui montrer
41:21la photo de mon père
41:22devant laquelle
41:23il reste la bouche bée
41:24voilà
41:25c'est génial
41:26et puis la nuit continue
41:28donc
41:28mais je ne vais pas tout lire
41:29mais voilà
41:30la nuit continue
41:30mais pas avec
41:31non non
41:32dans tout vient tout honneur
41:34autour d'un piano
41:34avec des chansons
41:36du gâteau patate
41:37et du rhum
41:37voilà
41:38alors il y a des hommes
41:40que tu cites
41:41oui
41:42d'autres que tu ne cites pas
41:43oui voilà
41:44alors
41:44pourquoi
41:45donc je ne cite pas
41:47pour la plupart
41:48les vivants
41:48par respect
41:51sauf
41:54ceux dont je sais
41:56qu'ils ne se sentiront pas
41:58abîmés
42:00ou menacés
42:01par ce que je raconte d'eux
42:03parce que je trouve
42:05que c'est croustillant
42:06enfin croustillant
42:07pas au sens sexuel du terme
42:09mais
42:09que ce sont des
42:11je pense à l'avillier
42:12par exemple
42:13difficile de parler de l'avillier
42:15sans citer l'avillier
42:16parce que c'est un personnage
42:17et que voilà
42:18et il ne craint pas
42:19il ne craint pas
42:20ce qu'on peut dire de lui
42:21on a déjà tout dit sur lui
42:22donc
42:23et donc vous avez
42:24vous avez vécu
42:25huit mois
42:26d'amour fou
42:27oui on a vécu huit mois
42:27d'une espèce de chose
42:29et
42:30il y a très longtemps
42:33et puis je parle
42:35je nomme les morts
42:39comme Bernard Giraudot
42:42par exemple
42:42voilà
42:43et puis
42:44c'est assez
42:45ah mais c'est très compliqué
42:47enfin je
42:48on ne va peut-être
42:49pas en parler
42:50mais c'est
42:51simplement parce que
42:52c'est un exemple
42:53de
42:53voilà tout le monde
42:54peut-être que toutes les femmes
42:55ne sont pas tombées
42:56sur une forme
42:58de perversité narcissique
42:59mais
43:00voilà
43:01c'était pour moi
43:02c'était ça
43:03il y avait de la perversion
43:04narcissique là-dedans
43:05et donc voilà
43:06ça m'est arrivé aussi
43:07et je ne
43:09et il y a
43:10des gens très très très très connus
43:12avec qui je n'ai pas envie
43:13de me retrouver en procès
43:14donc je nomme pas
43:15voilà
43:16mais tout le monde devinera
43:18ouais
43:20ouais
43:21voilà
43:21et puis il y a un grand amour
43:23de 14 ans
43:24que tu ne nommes pas
43:24voilà il y a un grand amour
43:25que je ne nomme pas
43:26que tu ne nommes pas
43:26voilà
43:27est-ce qu'il y a des questions
43:31est-ce que vous voulez
43:32poser des questions
43:33est-ce que tout le monde est prêt
43:33à beurre un verre
43:34j'ai soif
43:35non moi j'avais juste envie
43:37tu nous redis
43:37parce que tu as
43:38tu as dit que
43:39avec la
43:40tu as juste dit
43:41très rapidement
43:42qu'avec la chanson
43:43c'était pas du tout pareil
43:44c'est-à-dire que
43:45quand tu as parlé de
43:47quand on écrit
43:48on va très profond
43:50dans sa vérité
43:51et avec la chanson
43:52c'est pas du tout pareil
43:53quand on est sur scène
43:55et qu'on chante
43:56on est face à un public
43:57mais quand on écrit
44:00des chansons
44:01non ça n'a rien à voir
44:02l'écriture de chansons
44:03est une écriture assez succincte
44:05rapide
44:06c'est une idée
44:07qui doit être forte
44:08qui doit être dite
44:08en peu de mots
44:09je ne passe pas 4 ans
44:11sur une chanson
44:12non
44:12mais tu as l'impression
44:13que tu ne révèles pas
44:14de toi
44:15c'est beaucoup plus difficile
44:17si tu révèles de toi
44:19mais par l'organe
44:20je pense qu'on révèle de soi
44:21par l'organe
44:22par les cordes vocales
44:23par la
44:24la vibration
44:25la vibration
44:26elle est intime
44:26elle est profondément intime
44:28mais pas
44:29pas le processus
44:32de l'écriture
44:33de la restitution
44:34il est très différent
44:36il ne met pas en danger
44:39je trouve
44:40de la même façon
44:41que l'écriture
44:42c'est différent
44:44l'écriture d'un roman
44:45d'une
44:46celle d'une
44:48d'une autobiographie
44:49bah c'est
44:51évidemment
44:52c'est très très différent
44:53puis c'est vraiment
44:54pas un truc
44:54enfin je ne le souhaite
44:56à personne
44:56parce que c'est vraiment
44:57je ne trouve pas ça
44:58un exercice
44:59simple
45:01alors que je me cache
45:02dans absolument
45:03toutes mes histoires
45:03tous mes romans
45:04oh voilà
45:05je me cache
45:07dans tous mes romans
45:08là je ne me cache pas
45:12c'est moi
45:13point
45:14alors c'est pas tout moi
45:15mais c'est
45:17tout est
45:18tout est véridique
45:19et on peut
45:21alors que c'est très drôle
45:23de se retrouver
45:24devant une assemblée
45:25qui a lu
45:25les passagers
45:26du siècle
45:27ou trafiquant de colère
45:28et qui se dit
45:29oui mais alors
45:29tel personnage
45:30est-ce que ce serait pas vous
45:31ou alors le dernier
45:33c'est ce qui est pour toi
45:34à l'arrivée
45:35ne l'emporte pas
45:35oui mais c'est
45:36la petite fille
45:37c'est pas vous
45:37etc
45:38oui c'est moi
45:39un peu partout
45:40même dans les hommes
45:40et là c'est différent
45:43je répète
45:44c'est une fréquentation
45:45de souvenirs
45:46qui n'est pas toujours
45:47agréable
45:48j'ai relu
45:50j'ai relu
45:50mes journaux
45:52d'enfants
45:53mes journaux
45:53d'adolescents
45:54ce sont
45:56les malheurs
45:57de Sonia
45:58c'est vraiment
45:59d'ailleurs
45:59quand j'étais petite
46:00je disais
46:00un jour
46:01je les sortirai
46:02telles qu'elles
46:02évidemment je disais
46:04la comtesse de Ségur
46:05les malheurs de Sophie
46:06je disais
46:07j'écrirai les malheurs
46:09de Sonia
46:09et très jeune
46:11j'ai eu la conscience
46:13d'être dans du malheur
46:14tu les as tous gardés
46:16tes journaux intimes
46:17oui voilà
46:17une tendance
46:18dans tous tes déménagements
46:19ce qui est assez miraculeux
46:21parce que j'ai perdu
46:22par ailleurs
46:22des tonnes d'affaires
46:24mais je ne sais pas
46:25les écrits
46:26sont des choses
46:26que j'ai conservées
46:28et là tu as beaucoup
46:29d'idées de projets
46:31de livres
46:32en tête
46:32tu as déjà
46:33le prochain
46:35oui j'ai une idée
46:37deux idées
46:39de livres
46:39mais pour l'instant
46:41je suis vide
46:41donc j'attends
46:42d'être à nouveau
46:44remplie d'une histoire
46:47j'ai une idée
46:49mais il faut qu'elle
46:50ne se travaille pas
46:51je ne suis pas
46:52une écrivaine
46:52qui s'attèle
46:53chaque matin
46:54à sa table
46:55à écrire une ligne
46:56j'écris pendant la nuit
46:59quand je me réveille
46:59j'ai une idée
47:00j'écris
47:00mais j'attends
47:02que tout ça
47:03monte
47:04et que la gestation
47:06soit à son terme
47:07pour accoucher du texte
47:10voilà
47:11tout simplement
47:12yes
47:13oui mon cher
47:15c'est une très belle question
47:31le monde ne rend pas heureux
47:33mais il empêche que l'on soit ailleurs
47:35le problème c'est
47:36où serait-on heureux
47:38si on n'est pas dans le monde
47:41où peut-on être heureux
47:42dans le grand monde
47:43le grand monde
47:44c'est ça
47:45c'est le sens du grand monde
47:46au sens du
47:47non je ne suis pas d'accord
47:51non je ne suis pas d'accord
47:52avec la brouillère
47:53pas du tout
47:54c'est Mokhtar
47:56mais c'est Mokhtar
47:57Mokhtar
47:58super écrivain
47:59il y en a quelques-uns
48:01là
48:01franchement
48:03merci
48:04les amis
48:05allons boire
48:06est-ce que vous avez d'autres questions
48:07non on va boire
48:08moi j'avais quand même une question
48:09parce que tu as dit
48:10que tu avais été très aimée
48:11oui
48:12comme quoi ça n'empêche pas
48:14d'avoir un vide en soi
48:16ou des blessures
48:17ah non l'amour n'empêche rien
48:18j'ai été très aimée par mes parents
48:20j'ai été très aimée
48:21par des hommes
48:23mais c'est comme
48:25en ça que je dis que les blessures
48:27certaines blessures
48:27sont inguérissibles
48:29mais elles construisent
48:32elles ne sont pas que des destructeurs
48:35d'existence
48:36et tu as su d'où venait ce vide
48:39que tu ressentais ?
48:40oh je pense que c'est
48:41c'est dans notre histoire
48:42notre histoire
48:43comment dire
48:45nos bagages
48:46plus larges
48:47historiques
48:48oui tout simplement
48:48c'est
48:49c'est
48:49moi j'ai jamais été
48:52assez noire
48:53ou assez blanche
48:54déjà
48:55donc je suis
48:56je viens de
48:57Lacal
48:58et Dupont
48:59ouais
49:01c'est assez complexe
49:04contradictoire
49:05c'est un paradoxe
49:06permanent
49:06récemment
49:09je le dis comme ça
49:11c'est peut-être faux
49:12peut-être que c'est de la parano
49:13mais il y a une exposition
49:13qui s'appelle Paris Noir
49:14en ce moment
49:15que vous avez sans doute vu
49:16qui est formidable
49:17il y a
49:18un photographe
49:20qui s'appelle Henri Roy
49:21pour lequel
49:22j'avais
49:22posé
49:24dans le livre
49:24Regard Noir
49:25et la sélection
49:26de photos
49:27qui a été faite
49:28il y a quand même
49:30énormément de photos
49:31et je n'y suis pas
49:32et je me suis dit
49:33je ne suis pas assez noire
49:34pour Paris Noir
49:34c'est un peu l'histoire
49:35de ma vie
49:36et ce n'est pas assez noire
49:37pour Paris Noir
49:37mais pas assez blanche
49:38pour autre chose
49:40donc tout ça
49:42sachant que ça vient
49:43à la fois
49:44du continent africain
49:47de la traite
49:48transatlantique
49:49du voyage
49:50de la cale
49:51dont parlent
49:52tous nos écrivains chers
49:53la blessure de la cale
49:56et
49:56de l'exploitation
49:58du pont
49:58que ce paradoxe
50:01qui se retrouve
50:02sur la plantation
50:03en Martinique
50:04il est sédimenté
50:07dans nos veines
50:09parce que nos parents
50:11ne sont pas
50:12en règle avec ça
50:13la génération
50:14de mes parents
50:15n'est pas en règle
50:16avec son histoire
50:17caribéenne
50:18donc comment voulez-vous
50:20que moi
50:20alors moi j'écris
50:22je crée
50:22je fais plein de choses
50:23pour justement
50:24me mettre en
50:25me mettre en règle
50:26avec cette histoire
50:27pour poser des questions
50:28et essayer d'obtenir
50:29les réponses
50:30mais cette blessure
50:32m'accompagne
50:32voilà
50:33cette colère aussi
50:34m'accompagne
50:35il y a de belles pages
50:36sur ton passage
50:38sur l'île de Gorée
50:39oui
50:39un moment justement
50:40après un chagrin d'amour
50:42je crois
50:42tu vas te
50:43tu vas penser
50:45tes blessures
50:46au Sénégal
50:46à Dakar
50:47t'as un ami sénégalais
50:48je crois
50:48qui m'envoie
50:49qui m'envoie là-bas
50:50dans un endroit
50:50voilà
50:51et
50:52et
50:53et ça te fait
50:54voilà
50:55une catharsis
50:56voilà
50:56et
50:57et tu vas sur l'île de Gorée
50:58et là tu
50:59dans
51:01la maison des esclaves
51:02il se passe quelque chose
51:03une expérience mystique
51:05littéralement
51:07c'était
51:07c'était assez fou
51:08et aujourd'hui
51:10après tout ce parcours
51:12toutes ces rencontres
51:13tout ce succès
51:15que ce soit
51:16dans la chanson
51:17dans l'écriture
51:18dans l'amour
51:19tu as toujours
51:22besoin
51:22de ce regard
51:24du regard
51:25des hommes
51:25non
51:25non
51:26c'est ce que ça se termine
51:26Dieu merci
51:27ça se termine comme ça
51:28non justement
51:30je n'ai plus besoin
51:31de l'autre
51:31pour être légitime
51:33voilà
51:33je n'ai plus besoin
51:34de l'autre
51:35pour être légitime
51:35mais il reste le cinéma
51:36le cinéma
51:38le cinéma
51:39non
51:40en fait j'en parle presque pas
51:42parce que le cinéma
51:43était une parenthèse
51:45pas toujours très agréable
51:48et puis ça ne m'a jamais vraiment intéressée
51:50je ne me suis jamais estimée
51:52considérée comme une actrice
51:55et encore moins contre une bonne actrice
51:56comme une bonne actrice
51:58et comment tu te sens en Martinique
52:01ah mais bien
52:02la preuve c'est que
52:03j'ai fait fonder un festival
52:04et je suis
52:05vent debout
52:06pour défendre la culture
52:08pour
52:08pour
52:09comment dire
52:10redonner
52:12à
52:13à cette île
52:15sa place
52:16dans
52:17le
52:18comment dire
52:19dans
52:19dans
52:19dans ce qu'elle a pu
52:21irradier
52:21comme
52:22comme pensée
52:23dans le monde entier
52:26à travers
52:27c'est tous ces écrivains
52:28que ce soit Fanon
52:29Glissant
52:30Chamoiseau
52:32et Césaire
52:33et tant d'autres
52:34les Sœurs Nardal également
52:36puisqu'on parle enfin
52:37des Sœurs Nardal
52:38et de Suzanne Rossi
52:39mais voilà
52:41c'est
52:41c'était
52:44il me paraissait
52:44essentiel
52:45de
52:46de
52:46continuer
52:46cette œuvre
52:47de
52:47de
52:48de
52:49de
52:49de
52:50diffusion
52:52de la culture
52:54à la fois caribéenne
52:55et de recevoir
52:56puisque c'est un centre du monde
52:58avec toutes les influences
52:59qu'il y a eu
53:00au fil des siècles
53:02toutes les
53:03les populations
53:04qui sont venues
53:04en remplacement des esclaves
53:06etc etc
53:06commerce etc
53:07c'est un centre du monde
53:09il y a
53:10c'est
53:10c'est un lieu
53:11qui rassemble
53:12tellement
53:13d'identités
53:14tellement de cultures
53:15que
53:16il est
53:17normal
53:18que cette île
53:19irradie
53:20culturellement
53:22et
53:23et littérairement
53:24surtout
53:25philosophiquement
53:26je suis témoin
53:27de ce festival
53:27depuis le début
53:28incroyable
53:29et
53:30toi aussi
53:30ah toi aussi
53:34voilà
53:35on est des anciens
53:37on est des anciens
53:38du festival
53:38et il y a des prochains
53:40qui sont là aussi
53:41et ça fait
53:42et ça fait un bien
53:42et on sent que ça amène
53:43vraiment du bonheur
53:44aux gens quoi
53:45et
53:46ils sont tellement heureux
53:47de pouvoir parler
53:48littérature
53:49de pouvoir parler
53:49avec des auteurs
53:50des autrices
53:51et
53:52et
53:52il y a vraiment
53:53quelque chose
53:53qui passe
53:54et c'est
53:55c'est une semaine
53:56une semaine
53:58de bonheur
53:58d'échange
53:59de
54:00tout le monde
54:01se nourrit
54:02mais
54:03ceux qui sont là
54:04et
54:04ceux qui donnent
54:06ceux qui reçoivent
54:07c'est merveilleux
54:08et ça c'est vraiment
54:09Victor
54:10porte ça
54:11à bout de bras
54:12et
54:13ouais
54:13s'il y a des gens
54:14qui veulent mettre
54:15un peu de
54:15de sous là-dedans
54:17parce qu'on en manque
54:18chaque année
54:18c'est une bataille
54:19chaque année
54:20une bataille financière
54:21chaque année
54:21ouais
54:22voilà
54:23bon ben je vous encourage
54:24en tout cas
54:25à
54:26si vous avez été
54:27on va passer
54:37c'est
54:38c'est