Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Éric Delbecque, expert en sécurité intérieure, et Christophe Korell, ancien policier détaché au ministère de la Justice, étaient les invités du Grand entretien de France Inter, jeudi 17 avril.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00La cocotte minute carcérale est-elle sur le point d'exploser les prisons en question ce matin
00:13après une série d'attaques et d'intimidations contre les agents pénitentiaires ?
00:17Trois invités pour en parler avec nous, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonot, bonjour.
00:24Eric Delbecq également, bonjour à vous.
00:26Vous êtes expert en sécurité intérieure, ancien directeur sûreté de Charlie Hebdo après les attentats de 2015.
00:32Vous en avez tiré un livre, irresponsable, dix ans après Charlie Hebdo, qui a paru chez Plon.
00:38Et Christophe Corel, bonjour.
00:39Bonjour.
00:40Ancien policier détaché au ministère de la Justice, vous avez publié chez De Noël le crime organisé en France,
00:46le comprendre pour mieux le combattre.
00:48La sécurité à l'intérieur et à l'extérieur des prisons, la surpopulation qui bat tous les records,
00:53les solutions pour tenter d'y remédier, les blocages politiques aussi, on va en parler avec vous
00:57et avec nos auditeurs qui peuvent vous interpeller comme d'habitude au 01, 45, 24, 7000.
01:03Sur ces attaques coordonnées, pour commencer, on est évidemment au tout début de l'enquête,
01:07il y a plusieurs pistes, celle de l'ultra-gauche ou de la mouvance anarchiste avec d'assez obscures revendications,
01:14celle du narcotrafic aussi qui a été très vite mise en avant par Gérald Darmanin,
01:17voire celle de l'ingérence étrangère.
01:20On n'est pas là évidemment pour aller plus vite que le parquet national antiterroriste qui est saisi de l'enquête.
01:26Malgré tout, que disent, d'après vous, ces violences de l'atmosphère qui règne dans et autour des prisons ?
01:33Dominique Simonneau.
01:35Moi, je n'ai absolument pas à me prononcer sur qui a pu bien faire ça,
01:39qu'il soit plus... Enfin bon, bref.
01:41Je voudrais d'abord dire ma solidarité envers le personnel,
01:45mais surtout, je voudrais revenir sur ce que le contrôle général des lieux de privation de liberté clame depuis longtemps,
01:52à savoir l'abandon total de l'état, enfin total, de l'état de ces prisons.
01:56Parce que, que ce soit les détenus et le personnel pénitentiaire,
02:01je vais vous dire, nous, dans les prisons, ils nous voient arriver avec plaisir.
02:04Et ils nous disent, on a notre devoir de réserve, soyez nos porte-parole,
02:09ça ne peut pas durer cette surpopulation. On va devenir fous, tous.
02:13On va en parler, évidemment, et longuement, de la surpopulation.
02:16Éric Delbecq, sur ce climat qui règne.
02:19Oui, alors le climat, effectivement, il est extrêmement inquiétant,
02:22parce qu'on a l'impression de passer, c'est ce qu'attendent nos concitoyens,
02:27d'un état protecteur à un état victime.
02:30Moi, c'est ce qui me frappe le plus, c'est à quel point on a un sentiment de fragilité des pouvoirs publics.
02:35Et d'ailleurs, les déclarations publiques parlaient d'intimidation de l'État.
02:40La question, c'est qu'on en soit à vivre une intimidation de l'État,
02:44et que des gens, pour le moment encore inidentifiés, parce qu'il y a plusieurs hypothèses sur la table,
02:48se croient en capacité suffisamment fort assurée pour essayer d'intimider l'État.
02:53Donc, c'est quand même quelque chose qu'il faut considérer,
02:56il faut analyser les racines avant même de pouvoir proposer des solutions.
02:58Vous dites qu'on a basculé dans une nouvelle ère, en particulier depuis un an,
03:03et la mort, l'assassinat de deux surveillants.
03:08Trois autres ont été blessés aussi au péage d'Incarville dans l'heure,
03:12par un commando, lors de l'évasion du narcotrafiquant Mohamed Amra.
03:17Vous êtes d'accord avec ça, Christophe Correl ? On est dans une nouvelle ère aujourd'hui ?
03:20Oui, je crois fondamentalement que cette attaque d'Incarville doit absolument, pour l'État, constituer,
03:26il doit y avoir un avant et un après dans la lutte contre le narcotrafique en France,
03:31comme contre le crime organisé de façon générale.
03:34Effectivement, c'est important de recontextualiser tout ça,
03:36parce que c'est un petit peu de l'axe à part, en fait, les événements.
03:38Suite à ces assassinats, on a effectivement une reprise en main de l'État,
03:42qui constate que dans les prisons, on a beaucoup de narcos qui continuent leur activité à l'intérieur de la prison.
03:49Donc c'est évidemment un problème, ça fait très longtemps que les policiers le disent quand même.
03:54J'ai été enquêteur quand même il y a quelques années,
03:56on voyait déjà à l'époque que beaucoup de nos clients avaient été équipés en prison,
04:00donc c'est pas nouveau, et ça constitue véritablement un problème.
04:04Donc ensuite, le ministre effectivement se positionne en temps de mettre en place un nouveau système.
04:09Je crois que c'est bien, il faut avancer, en tout cas il faut essayer de nouvelles choses.
04:12Actuellement, ça ne fonctionne pas, donc il faut essayer de nouvelles choses.
04:14Donc l'incarcération de 200 prisonniers, en majorité des narcotrafiquants,
04:20considérés comme les plus dangereux de France, dans des prisons de haute sécurité, c'est de ça dont vous parlez ?
04:24Ça pose d'autres problèmes, ça pose d'autres problématiques,
04:26notamment en termes d'instruction, en termes d'audition, des choses comme ça.
04:29Mais sur le fait de les isoler réellement, et de faire en sorte qu'ils ne puissent plus communiquer à l'extérieur
04:34avec les téléphones portables, ça c'est une réalité, et c'est une bonne chose.
04:37Justement, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a très vite évoqué la piste du narcotrafic,
04:41même si, encore une fois, on en est dans les premiers jours, même les premières heures de l'enquête.
04:46Mais lui, bien sûr, il voit la conséquence de ses mesures de durcissement et sa politique
04:53qu'il veut plus dure vis-à-vis des narcotrafiquants.
04:56Mais ce que vous évoquiez, Christophe Correl, c'est le lien entre le dedans et le dehors, finalement, Éric Delbecq.
05:03Comment vous faites le lien entre ce qui se passe aujourd'hui et le climat à l'intérieur aussi ?
05:07C'est-à-dire qu'on se focalise et on le comprend sur les prisons.
05:11Effectivement, on sera bien obligé à ce moment-là de parler de surpopulation carcérale
05:15et des conditions qui prévalent.
05:18Mais il faut bien se rendre compte que si la prison continue de fonctionner
05:23comme une base d'action criminelle, c'est bien parce qu'il y a à l'extérieur des gens
05:27que l'on peut mobiliser et qu'il y a des liens et qu'il n'y a pas d'étanchéité.
05:31Donc la question également, c'est de s'attaquer aux bases criminelles en dehors de la prison.
05:36Et jusqu'à présent, alors on parlait effectivement de l'évasion assez rocambolesque et dramatique d'Amras,
05:44mais il faudrait parler de tous ces lieux dans lesquels des écosystèmes criminels se sont mis en place.
05:50On parle régulièrement de Marseille, mais il n'y a pas que Marseille aujourd'hui.
05:53Quand on voit ce qu'est devenu l'Isère et Grenoble en particulier,
05:57quand on voit ce qui se passe dans le nord de la France,
05:59quand on voit ce qui se passe à Valence ou en région toulousaine,
06:02on voit bien qu'il y a des écosystèmes criminels.
06:04Donc la question, c'est de penser l'intégralité de la problématique,
06:07c'est-à-dire les prisons bien évidemment,
06:09mais également ceux avec quoi les prisons font lien et avec ces écosystèmes.
06:13Et après, avec ces personnes-là et le type de comportement,
06:16moi j'ai été quand même très frappé, on s'en rappelle tous,
06:19parce que ça a marqué les esprits.
06:20Quand on a arrêté Amra, il avait encore le front d'avoir un sourire pas possible
06:28entre deux armoires à glace, c'est quand même impressionnant
06:32sur ce que ça dit du comportement de cette haute criminalité
06:36ou criminalité du haut du spectre, comme on voudra.
06:38Donc j'en reviens à mon idée qu'il y a quand même un sujet
06:40sur ce qu'un certain nombre de ces criminels,
06:44notamment les narcotrafiquants, sont prêts aujourd'hui à faire contre l'État
06:47ou le personnel pénitentiaire par exemple.
06:49La question urgente aujourd'hui, après cette série d'attaques,
06:53c'est celle de la sécurité des personnels, des surveillants,
06:57des agents pénitentiaires en général.
06:59Et vous l'évoquiez tout à l'heure Dominique Simonneau
07:01en faisant le lien notamment avec la surpopulation
07:03qui est encore une fois le problème central et dont on va parler.
07:06Mais en termes de moyens simplement aujourd'hui,
07:09de leur équipement, de ce qu'ils ont le droit de faire,
07:11de ne pas faire, du nombre aussi de surveillants,
07:15est-ce qu'ils sont suffisamment protégés ?
07:17Mais il manque 7000 surveillants en France.
07:19Et un taux d'encadrement qui est l'un des pires d'Europe, c'est ça ?
07:21Mais oui !
07:22Combien de détenus pour un surveillant aujourd'hui ?
07:25Écoutez, dans les maisons d'arrêt,
07:27les surveillants ont commencé il y a très longtemps à 1 pour 60 détenus,
07:31ils en sont à 1 pour 120, 1 pour 130.
07:34Il n'y a plus assez de surveillants pour amener les détenus
07:37aux rendez-vous médicaux à l'intérieur de la prison,
07:40ni aux activités, ni nulle part.
07:42Les directeurs nous disent, on a notre devoir de réserve,
07:45soyez nos porte-parole, dites, ça ne peut pas durer.
07:49Mais ça ne peut pas durer.
07:50Et cet abandon, je trouve, là moi je parle pour l'immense majorité des détenus,
07:55ne sont pas du crime organisé, ne sont pas...
07:58Mais ils vivent au milieu,
08:01ça grouille de portables en détention,
08:03ça grouille de vermines, ça grouille de cafards,
08:05ça grouille de punaises de lits,
08:07ça grouille de shit, de drogue.
08:09Est-ce que vous vous rendez compte que ce n'est pas dans ces conditions
08:12qu'on sort de prison dans un bon état ?
08:15Et je trouve que...
08:16Vous dites que c'est totalement contre-productif, en fait,
08:18on produit de la délinquance.
08:19Oui, c'est un détenu qui me l'a écrit un jour,
08:21il m'a dit, madame, on vous coûte 120 euros chacun par jour,
08:25c'est un peu cher pour fabriquer de la récidive.
08:28Je trouve ce détenu très spirituel,
08:29qui a tout résumé en une phrase.
08:31Effectivement, Christophe Correl,
08:33cette surpopulation, elle est délétère
08:35pour les surveillants, pour les détenus.
08:38Un exemple dramatique, récemment, au mois de février,
08:41un détenu de l'établissement Dex-Luine,
08:43dans les Bouches-du-Rhône,
08:44battu à mort pendant une promenade,
08:46faute de surveillance, justement.
08:48Mais c'est un problème pour tout le monde,
08:49effectivement, vous l'avez rappelé,
08:50c'est un problème sociétal, en fait, au final.
08:53Évidemment, pour tous ceux qui vivent à l'intérieur,
08:55et les détenus, évidemment,
08:57mais les surveillants au premier rang desquels,
09:00ils travaillent toute la journée, quand même,
09:02ces surveillants, dans ces établissements-là.
09:04Moi, je ne sais pas comment on peut vivre
09:05dans ces conditions, comment on peut y travailler.
09:08Et c'est un problème, encore une fois,
09:09sociétal, c'est un échec de notre société.
09:11Si, à un moment donné, on estime
09:12qu'on met en prison des gens
09:13pour les écarter à un moment de la société,
09:15c'est une chose, c'est très bien.
09:18Mais l'idée, c'est quand même
09:19d'essayer de les récupérer à l'extérieur,
09:20après, un peu meilleur, en fait.
09:22Et c'est totalement un échec,
09:24de ce point de vue-là, en fait.
09:24On fabrique de la récidive,
09:26on a une récidive délectuelle,
09:27aujourd'hui, qui est à hauteur de 40%.
09:28C'est absolument énorme, ce chiffre-là, quand même.
09:31Donc, on ne peut pas se contenter de...
09:32Sur l'ensemble des détenus sortis de prison,
09:3540% récidive.
09:36Sur 5 ans.
09:37C'est ça.
09:38C'est ça.
09:39Donc, c'est totalement un échec.
09:41Donc, on doit vraiment travailler.
09:43Aujourd'hui, la prison, si vous voulez,
09:44c'est un endroit où on attend.
09:46On attend que le temps passe,
09:47on fait sa peine.
09:48Alors, on peut vendre l'image d'épinal,
09:50il y a la télé, il y a la PS4, la PS5,
09:52mais tout ça, encore une fois,
09:53c'est l'image d'épinal, c'est juste...
09:55Est-ce que certains veulent se rappeler par rapport...
09:56C'est l'image que nourrit un discours politique,
09:59aussi, au sein du...
10:00Mais que les détenus eux-mêmes montrent,
10:02si vous voulez, quand vous voyez,
10:03effectivement, sur les réseaux sociaux,
10:05que les détenus se filment dans ces conditions-là.
10:08Mais ça, c'est juste un paraître, si vous voulez.
10:10Et ça dit quelque chose.
10:11Non, mais j'en suis conscient, moi.
10:12C'est un paraître, en fait.
10:13C'est absolument pas la réalité.
10:14Et moi, ce qui me frappe,
10:15je terminerai juste là-dessus, quand même.
10:16C'est qu'il y a quelques mois,
10:17j'étais dans...
10:17Je discutais avec des jeunes
10:18dans un quartier du 18e arrondissement parisien.
10:21Et ces jeunes-là,
10:23qui ont entre 15 et 18 ans,
10:25ils ont cette image-là de la prison.
10:26C'est-à-dire qu'ils se disent
10:27« Bon, ben, si un jour,
10:28il faut aller en prison, après tout... »
10:29Ce ne sera pas si terrible.
10:30Ce ne sera pas si terrible,
10:31parce qu'il y a la télé,
10:32il y a la PS5,
10:33et on ne fait qu'attendre,
10:34il n'y a pas d'obligation, rien du tout.
10:35Et ça, c'est grave,
10:36parce qu'ils ont vraiment intégré
10:37cette image d'épinal
10:38qui ne correspond absolument pas à la réalité.
10:40Eric Delbecq.
10:41Ah oui, je suis absolument d'accord avec ça.
10:43Et puis, moi, je suis également
10:44assez quand même convaincu
10:47par le fait qu'il faut faire
10:48des distinctions au sein des détenus.
10:50C'est-à-dire qu'on n'a pas affaire
10:51tout le temps à un djihadiste
10:54condamné pour des faits de terrorisme
10:57ou à des narcotrafiquants.
10:58Et là, dans ce cadre-là,
10:59moi, je suis effectivement également convaincu
11:02qu'il y a des mesures particulières,
11:04parce qu'autant que les gens très dangereux,
11:07et alors pour le coup,
11:07dont la réinsertion va être extrêmement compliquée,
11:11soit dans des endroits
11:11où les mesures soient un petit peu dérogatoires,
11:13mais pour l'ensemble des autres détenus,
11:15non seulement, effectivement,
11:16il faut penser quelque chose
11:18qui soit plus favorable à la réinsertion
11:21et qu'on n'ait pas ces taux absolument incroyables
11:23qui montrent l'échec du dispositif.
11:26Et je ne sais pas comment on pourrait l'organiser,
11:28parce que moi, je n'en suis pas spécialiste,
11:30mais une forme de pédagogie
11:31sur ce que c'est d'être privé de liberté,
11:34et que ce ne sont pas des images d'épinal
11:35et que c'est bien plus dur qu'on le dit,
11:37que ce ne sera pas à l'extérieur
11:38un titre de gloire
11:39ou une capacité pour certains en ressortant
11:41à devenir des cadors,
11:43parce qu'ils sont allés en détention.
11:44Justement, Dominique Simonot,
11:45comment on peut répondre à ça ?
11:46Et moi, j'en veux beaucoup
11:47à certains, à beaucoup d'élus
11:49qui vont visiter les prisons,
11:50qui connaissent leur état
11:51et qui ressortent en disant
11:52« Oui, il faut encore envoyer plus de monde,
11:56il faut être plus sévère,
11:57il faut plus de répression, etc. »
11:59Il n'y a aucune politique véritablement carcérale pensée
12:04pour le moment.
12:05L'Allemagne, qui a 20 millions d'habitants
12:07de plus que nous,
12:08a 15 à 20 000 de détenus de moins
12:10et un taux de récidive bien inférieur.
12:12Donc, pourquoi nous, on rate tout ?
12:15Justement, aujourd'hui en France,
12:1780 détenus pour 62 000 places,
12:20record absolu,
12:21ce sont les derniers chiffres au 1er mars.
12:24Vous dites que les détenus
12:26sont des poulets en batterie.
12:27Oui, je l'ai dit.
12:29Et en plus, bouffés par les vermines.
12:31Vous saviez-vous que les cafards,
12:32ça apporte des graves maladies ?
12:34Moi, non.
12:34Je l'ai appris par des collègues médecins.
12:39Ils sont bouffés par les punaises de lit.
12:43Mais comment on explique
12:44qu'on en soit là aujourd'hui ?
12:45Plus 30% de détenus
12:47sur ces 4 dernières années.
12:48En 2021, on était un peu au-dessus
12:50du nombre de places disponibles.
12:52Il n'y a pas de courage politique.
12:53en la matière.
12:56Combien d'élus de la République,
12:58de députés viennent me voir,
13:00me disent
13:00« Oui, vous avez raison,
13:02il faut vider les prisons,
13:03mais on ne peut pas,
13:04parce qu'on a l'opinion publique contre nous. »
13:06Je n'appelle pas ça.
13:08Et pareil avec les ministres,
13:10mais je n'appelle pas ça gouverner.
13:12Alors, il faut prendre...
13:12Simplement, vider les prisons,
13:13qu'est-ce que ça veut dire ?
13:14Libérer les détenus
13:15un mois avant leur peine.
13:17À la fin de leur peine, c'est ça.
13:19Une sortie encadrée
13:20par les services pénitentiaires.
13:21Oui, c'est ça.
13:22Comme avant avec les grâces présidentielles
13:25que Nicolas Sarkozy a supprimées en 2009.
13:28Éric Delbecq,
13:28ça peut être une solution ?
13:29Je crois qu'il y a quelque chose
13:30sur lequel on peut se mettre
13:32toutes et tous d'accord.
13:34C'est qu'en fait,
13:34et ça répond aussi en partie
13:35à la question que vous posez,
13:36c'est qu'il n'y a pas de grande politique
13:39de la sécurité et de la justice
13:41dans ce pays.
13:42De temps en temps,
13:43on a des briquettes
13:44ou alors on va faire quelques annonces
13:46sur un sujet.
13:47Mais pensez,
13:48l'intégralité de la chaîne
13:50qui va de la prévention
13:51à la détention,
13:53puis à la réinsertion,
13:54on n'est pas capable de le faire.
13:55Donc, on a une espèce de patchwork
13:57et qui, du coup,
13:59est assez incohérent.
14:01Et Christophe, dans nos occasions,
14:02l'a très bien dit également.
14:03Par exemple,
14:04c'est une autre illustration,
14:06on ne doit pas penser
14:06une forme de rivalité
14:08entre la police de proximité
14:09ou la police d'intervention.
14:11On doit penser l'intégralité
14:13et l'arc de leur mission.
14:15Alors, on a beaucoup de mal
14:16à penser de manière exhaustive
14:18et holistique
14:19quand on parle de ces questions.
14:20Pour revenir sur la solution
14:22que vous proposez,
14:23Dominique Simonot,
14:24libérer les détenus
14:25un mois avant la fin de leur peine,
14:27ça ferait aujourd'hui
14:28à peu près 7000 détenus.
14:29Justement, en 2020,
14:30pendant la crise du Covid,
14:32on avait voulu
14:33abaisser un peu
14:34la pression dans les prisons.
14:36La garde des Sceaux de l'époque,
14:37Nicole Belloubet,
14:38avait libéré 7000 détenus.
14:40A priori,
14:41il n'y avait pas eu de problème,
14:42Christophe Correl ?
14:43Non, a priori,
14:44il n'y avait pas de problème.
14:45Après, on était dans une période
14:45quand même un petit peu particulière
14:46du Covid.
14:47Donc, personne ne sortait de chez soi
14:49et puis tout le monde,
14:50qu'on soit délinquant,
14:53qu'on fasse des bêtises ou pas,
14:54tout le monde restait chez soi
14:54parce qu'il y avait une notion
14:55de santé publique
14:56pour tout le monde, en fait.
14:57Ce serait possible aujourd'hui
14:58de faire ça, d'après vous ?
15:00On a déjà des mesures
15:01d'aménagement de peines.
15:02Elles existent déjà,
15:03qu'on soit dans le cadre
15:03de l'instruction
15:05avec les contrôles judiciaires,
15:06qu'on soit dans le cadre
15:06des condamnations
15:07avec l'application des peines,
15:08ça existe déjà.
15:09Mais il n'y a pas de volonté politique
15:11de régler ce problème.
15:12Maintenant, ce que...
15:13Parce qu'il n'y a pas de courage.
15:14Ce que moi, je souligne,
15:15c'est qu'effectivement,
15:16aujourd'hui, la prison
15:17est une école de la délinquance,
15:18de la criminalité.
15:19Clairement, on rentre
15:19voleur de voiture,
15:20on sort trafiquant de stupéfiants
15:21et on va faire des gofastes.
15:22Ça, c'est une réalité aussi.
15:23On a des établissements
15:24qui ne sont plus du tout
15:25à taille humaine, en fait.
15:27Donc, je serais plus
15:28pour construire des choses
15:29beaucoup plus petites.
15:30Mais le problème,
15:31c'est que...
15:32C'est ce qu'on disait
15:32un petit peu tout à l'heure
15:33hors antenne,
15:33c'est que lorsque vous parlez
15:35de construire des prisons,
15:36tout le monde est d'accord
15:36pour dire...
15:37Enfin, tout le monde est d'accord.
15:38Les gens, la population,
15:39dans sa globalité,
15:41dit effectivement,
15:41on veut plus de prison.
15:42Mais une fois qu'on dit
15:43on va la construire chez vous,
15:43plus personne n'en veut de la prison.
15:45Donc, on a cette problématique-là,
15:47cette dualité-là
15:47et personne n'arrive à rien.
15:48Justement, sur la question des places,
15:50Dominique Simonneau,
15:512017, Emmanuel Macron
15:52avait fixé l'objectif
15:5315 000 places en 10 ans.
15:55On en est où,
15:55juste factuellement, là-dessus ?
15:56On en est à 5 000 places nettes.
15:58Donc, on est loin du compte.
15:58Mais de toute façon,
15:59ce truc avait fait rire
16:00tout le monde judiciaire,
16:01pénitentiaire et sécuritaire.
16:05Tout le monde savait
16:06qu'on n'arriverait jamais
16:07à construire ces 15 000 places.
16:08Moi, je ne suis pas pour construire.
16:10Je suis pour qu'on ait
16:12une politique raisonnée,
16:14raisonnable, intelligente.
16:16On a justement...
16:17Alors, une question
16:18sur cette question
16:20sur ce sujet
16:21des places de prison
16:22qui fait partie, effectivement,
16:25des solutions qui reviennent
16:26et qui sont mises en avant
16:27au niveau politique,
16:28même si on voit
16:29que les objectifs
16:29ne sont pas atteints.
16:30Question de Jean-Charles
16:31au Standard France Inter.
16:33Bonjour.
16:34Bonjour.
16:36Nous écoutons.
16:37Oui, voilà.
16:38Moi, je suis maire
16:38d'une commune
16:39de 17 000 habitants
16:40qui est une commune nouvelle.
16:41C'est un regroupement
16:42de 7 communes rurales.
16:43Nous sommes réunis
16:44pour avoir 17 000 habitants.
16:44Quelle commune,
16:45si vous pouvez nous le dire,
16:46Jean-Charles ?
16:46Loire-Otion.
16:47Loire-Otion,
16:47périphérie d'Angers.
16:48Nous allons accueillir
16:49le transfert de la prison d'Angers
16:51qui passe de 350 prisonniers
16:54à 850.
16:56Globalement,
16:57la population
16:57est interrogative.
17:00Et tout ce qui se passe
17:01aujourd'hui
17:01va encore créer
17:02de l'inquiétude,
17:03de l'incertitude,
17:04etc.
17:05On a donc besoin,
17:06on l'est déjà,
17:07mais on a besoin
17:07d'être plus encore
17:08accompagnés par l'État
17:09et les collectivités
17:10pour faire que ça devienne
17:12un vrai projet de territoire
17:13et que les prisons
17:14ne tombent pas comme ça
17:15dans un endroit
17:16juste pour priver
17:17les gens de liberté,
17:18mais qu'en plus,
17:19ce soit de l'aménagement
17:19du territoire
17:20pour les transports en commun,
17:22pour les transports,
17:26les mobilités,
17:26etc.
17:27mais aussi sur des lois
17:29comme les lois SRU.
17:30Nous, on est obligé
17:30d'avoir des logements sociaux,
17:31c'est très bien,
17:32on en a besoin
17:33et c'est bien
17:33qu'on ait des logements sociaux.
17:35Je suis étiqueté
17:36d'hiver gauche
17:36donc je n'ai aucun problème
17:37là-dessus,
17:38mais le rythme
17:39pour les construire
17:40avec en plus la loisanne,
17:42c'est-à-dire
17:42il faut économiser du terrain,
17:44c'est compliqué.
17:45Sur ces places de prison,
17:47Jean-Charles,
17:48pour rebondir sur ce que disait
17:49Christophe Correl à l'instant,
17:51tout le monde est d'accord
17:52au niveau national
17:53pour construire des places
17:54ou en tout cas...
17:55Moi, je ne suis pas d'accord.
17:56Pas Dominique Simonot,
17:58non, c'est vrai
17:58qu'il n'y a pas de consensus.
17:59Je ne suis pas la seule
17:59à ne pas être d'accord.
18:00Et d'ailleurs,
18:01ce n'est pas ce qu'a fait l'Allemagne.
18:02Je voudrais poser la question
18:03à Jean-Charles.
18:04Au niveau local,
18:05c'est vrai que c'est difficile
18:06de trouver des élus
18:07qui sont d'accord avec ça.
18:08Vous, vous avez été obligé,
18:09Jean-Charles,
18:10qui est volontaire
18:11avec votre commune
18:12pour accueillir
18:12ces places de prison ?
18:14On a été désigné volontaire.
18:16On n'est pas volontaire.
18:17Forcément, moi,
18:17je n'ai rien demandé.
18:18On n'a pas demandé la prison.
18:19Ce n'est pas l'objectif
18:21de mon mandat.
18:22Par contre,
18:23que la prison d'Angers
18:24soit transférée,
18:25ça semble légitime
18:26compte tenu de ce qui s'y passe
18:27où il y a une surpopulation
18:29et des véritables problèmes humains.
18:31Donc, on les entend.
18:33Le lieu choisi
18:34peut convenir, peut-être,
18:36mais il faut que les riverains,
18:37particulièrement,
18:37dont on fait le porte-parole
18:38et le défenseur,
18:40soient entendus,
18:41soient écoutés
18:41pour qu'il y ait le maximum
18:42de choses mises en place
18:44pour que ce soit acceptable
18:46et que l'acceptabilité
18:47soit la plus grande possible.
18:48Un accompagnement de l'État.
18:50Merci beaucoup
18:50pour votre témoignage,
18:52Jean-Charles,
18:52maire de communes
18:53en périphérie d'Angers.
18:55Qu'est-ce qu'on peut lui répondre ?
18:57Éric Delbecq.
18:58Sur l'accompagnement de l'État,
19:01il me semble que c'est une évidence,
19:03surtout sur une question
19:03qui touche autant aux régaliens.
19:06Et ensuite,
19:07pour faire le lien
19:09entre ce qu'il évoquait
19:10et ce que disait Christophe tout à l'heure,
19:11c'est que, bien évidemment,
19:14tant qu'on a le sentiment
19:15étant que les élus
19:16et les populations
19:17ont le sentiment
19:19que ces établissements pénitentiaires
19:21sont des écoles du crime.
19:23Il est assez compréhensible
19:24qu'ils ne veuillent pas
19:25les avoir sur leur territoire.
19:26Si on arrivait, pour le coup,
19:28à en faire une vraie pédagogie
19:29et à se rendre compte
19:31qu'il y a deux vocations
19:33à la prison,
19:34c'est l'isolement,
19:35et effectivement,
19:36pour un certain nombre de,
19:38je dis bien criminels,
19:39notamment quand on parle
19:40de narcotrafiquants,
19:41c'est légitime,
19:41mais également une vocation
19:43de tentative de réinsertion
19:45des gens dans un tissu
19:46social et professionnel.
19:48Là, effectivement,
19:49ça devient un projet,
19:50moi je dirais même,
19:51d'intelligence territoriale
19:52et pas simplement
19:53d'aménagement du territoire.
19:54Et ça, on pourrait l'expliquer,
19:55mais on est très loin
19:56du compte.
19:58Donc après,
19:58se pose la question
19:59de faut-il construire
20:01ou pas
20:01un certain nombre de prisons.
20:02Gérald Darmanin vient d'annoncer
20:043000 places
20:04dans des structures modulaires,
20:07donc des vraies prisons
20:07mais construites en usine
20:08plus rapidement.
20:09On n'aura pas forcément tous
20:11la même position sur le sujet.
20:13Moi, j'ai tendance à penser
20:14qu'il en faut,
20:15y compris pour que le traitement
20:16des détenus soit humain.
20:18Mais encore une fois,
20:19si on ne l'accompagne pas,
20:20s'il n'y a pas un projet derrière,
20:22si effectivement,
20:23on n'a pas des activités également
20:24qui permettent cette réinsertion,
20:27je ne vois pas comment
20:27on pourra convaincre des élus
20:29que ce n'est pas une punition
20:30pour leur territoire.
20:31Dominique Simono.
20:31C'est noté que
20:32ces activités par ailleurs en prison
20:34qui mènent à la réinsertion,
20:36elles sont obligatoires.
20:37Elles sont prévues par le code.
20:39Elles sont inscrites dans la loi.
20:41Mais simplement,
20:43trop peu de monde y a accès.
20:44Et finalement,
20:45regardez l'Allemagne,
20:46quand une prison arrive en Allemagne
20:48à 90% d'occupation,
20:50elle se déclare suroccupée,
20:51plus personne n'entre.
20:52Simplement,
20:53vous fustigez le manque
20:54de courage politique
20:55et on l'a entendu avec force
20:57Dominique Simono.
20:58Mais il y a la pression de l'opinion aussi.
20:59Gérald Darmanin dit...
21:00Ça s'appelle le courage.
21:01Les Français ne comprendraient pas
21:04qu'on fasse de la régulation carcérale
21:07aujourd'hui.
21:08C'est très compliqué aujourd'hui
21:10quand on est politique,
21:11je pense,
21:11de lutter contre le populisme.
21:13On est dans une société,
21:14c'est pas encore en France d'ailleurs,
21:15c'est international,
21:16on voit ce qui se passe aux Etats-Unis,
21:17on voit ce qui se passe dans d'autres pays.
21:19Aujourd'hui,
21:19quand vous voulez dire la vérité,
21:22on vous regarde un petit peu de travers
21:23parce que finalement,
21:24c'est pas forcément conforme
21:25à ce qu'on veut vous vendre.
21:27Donc c'est très compliqué aujourd'hui
21:28et moi je suis convaincu
21:30qu'on ne fera rien
21:31tant qu'on décidera pas
21:32de faire quelque chose
21:33avec les détenus
21:33qui soient occupés
21:34à l'intérieur des établissements,
21:36dans des formations,
21:38à apprendre,
21:38des choses comme ça.
21:39Et c'est encore aujourd'hui,
21:40on en revient malheureusement,
21:41c'est tellement cliché de dire ça,
21:43mais on en revient très vite
21:44quand même aux moyens
21:44à la fin.
21:46Et c'est ça qu'on manque fondamentalement.
21:47la justice dans son ensemble
21:49au manque de moyens
21:49depuis très longtemps.
21:51Merci beaucoup.
21:52Merci à tous les trois.
21:53Pardon Éric Delbecq.
21:54J'en prie.
21:55On n'a plus le temps.
21:56Éric Delbecq,
21:57je rappelle le titre de votre livre
21:58Irresponsable,
21:59au pluriel,
22:00et on vous réinvitera.
22:01Irresponsable,
22:02dix ans après Charlie Hebdo,
22:03aux éditions Plon.
22:05Christophe Correl,
22:05votre livre
22:06Le crime organisé en France
22:07chez De Noël
22:08et Dominique Simonot,
22:08je rappelle que vous êtes
22:09la contrôleuse générale
22:10des lieux de privation de liberté.
22:12Alors lisez notre avis
22:13sur la surpopulation carcérale.
22:15Voilà,
22:15qui est disponible en ligne.