Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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00:00Régis et Julia, nous voici dans les jardins du musée Albert Kahn.
00:04Alors Albert Kahn, c'est un homme d'affaires richissime qui, au début du XXe siècle, a ouvert cet espace qu'il voulait, je le cite,
00:13« ouvert à la diversité du monde », tout ça condensé en un seul lieu. Un peu comme un témoignage, quoi.
00:18J'imagine que ça, ça vous parle, Régis ?
00:20Ce qui me parle, c'est tout ce décor. On pourrait être en Asie, même si j'ai préféré tourner vraiment en Asie.
00:27Vous auriez pu tourner ici ?
00:28Sinon, on aurait pu faire des raccords et on aurait pu faire des scènes qui manquent, quoi.
00:31Vous avez quand même tourné au Cambodge, au Vietnam, à Taïwan, en Afrique centrale, dans l'ex-URSS.
00:36Disons que pour travailler, pour écrire, pour rêver, pour vivre aussi, moi j'aime bien m'éloigner de mes bases.
00:44Franchement, je n'aime pas tourner à Paris. J'ai fait un premier film, on n'avait pas de soupe, j'ai fait un film à Paris, un polar,
00:49mais je me cassais la tête sur comment filmer cette vie dans laquelle je vis, que j'essayais de la voir avec un regard différent.
00:58Alors que la chance pour moi de tourner loin, c'est que d'abord je me mets en immersion, mais j'ai un œil, j'espère que j'ai un œil neuf.
01:06D'ailleurs, un des paris du film qu'on a fait ensemble, aussi pour des raisons de production, j'ai décidé d'emmener au bout du monde une équipe française minimum.
01:18On est parti à quatre.
01:19C'est peu, oui.
01:20Oui, parce qu'en général, parce que les films d'avant, on était 25 ou 30 Français, ce qui veut dire qu'ils sont là, ils vous entourent et vous ne voyez plus le pays.
01:29Vous n'entendez pas parler le mandat.
01:31Vous êtes avec des Français qui sont gentils, qui vous protègent, mais qui vous coupent du pays où vous êtes.
01:35Et là, on n'était que quatre techniciens français et on a pris l'équipe asiatique et pour moi, c'était un bonheur.
01:42Julia, vous avez cet esprit vagabond, vous aussi ?
01:45Peut-être grâce à Régis, justement.
01:48Moi, avant de partir à Taïwan, j'avais assez peu voyagé.
01:52J'avais très peu pris l'avion parce que j'ai très peur de l'avion.
01:56Je suis même phobique.
01:58Et ce film-là, et peut-être aussi grâce à cette histoire, ça m'a permis d'avoir une certaine force,
02:05c'est tellement qu'on y est retourné pour de la promotion à Taïwan.
02:08Et après, j'ai décidé de partir toute seule quelques jours aux Philippines.
02:11Ça y est, elle a le virus.
02:14Vous avez hésité au départ, avec votre phobie de l'avion, d'accepter un tournage aussi lointain ?
02:18Très franchement.
02:19C'est vrai ?
02:20Oui.
02:20Si Régis ne m'avait pas envoyé un message à l'aéroport avant de partir, de prendre l'avion,
02:25j'étais avec mon amoureux de l'époque qui m'avait accompagnée à l'aéroport.
02:29Franchement, j'étais prête à faire demi-tour.
02:31Et Régis m'a envoyé un message pour me dire, alors que je ne lui en avais pas forcément parlé,
02:36je lui avais vaguement dit que j'avais un petit peu peur de l'avion.
02:38Il m'a envoyé un message pour me dire, ne t'inquiète pas, je suis avec toi, je suis dans la soute.
02:42Je suis dans la soute.
02:42Régis, vous dites, je vous cite, je ne me souviens pas de grands films romanesques
02:48sans une héroïne féminine telle Brigitte Bardot dans Le Mépris.
02:52Est-ce la raison pour laquelle vous avez proposé le rôle à celle qu'il a incarné dans la série de Daniel Thompson ?
02:56Je lui ai toujours dit que j'admire son audace et son inconscience.
03:00Naïveté, je pense plutôt.
03:01Non, à 20 ans, sans expérience de l'image.
03:05Première expérience de la télévision, de se jeter dans ce film
03:09pour incarner un des plus grands mythes du XXe siècle
03:13et qu'elle ne peut pas comprendre ou recevoir,
03:16ressentir comme on l'a ressenti, nous,
03:17parce qu'on a grandi un peu avec Bardot.
03:19C'est ce qui permet justement d'y avoir accès sans que ce soit paralysant, j'imagine.
03:24Moi, justement, je connaissais plutôt bien Brigitte Bardot,
03:28mais c'est vrai que c'est surtout les autres qui m'ont mis la pression.
03:32Ils me disent, mais c'est quand même incroyable que tu aies l'audace d'incarner un tel rôle.
03:35Et heureusement, d'ailleurs, que je n'ai pas eu cette pression avant et pendant le tournage.
03:39Je crois que je l'ai eu après, au moment où tout ça sort
03:42et que les retours, les critiques...
03:45Parce que sans ça, si tu ne passes pas derrière la vitrine,
03:48ce n'est pas possible de rentrer dans l'intimité de la vie de quelqu'un.
03:52Sans ça, ça n'aurait pas été possible.
03:53Mais Régis, pourquoi est-ce que vous associez autant le romanesque aux femmes ?
03:57Est-ce que vous avez une mère romanesque ?
03:58Voilà, j'ai une mère romanesque qui ne vivait pas la vie qu'elle voulait.
04:04Elle avait cru qu'épouser un militaire qui avait fait Saint-Cyr, c'était génial,
04:07parce que c'était une grande école, les gens étaient pleins de prestige.
04:10Sauf que dès qu'elles se marient, ils font la guerre et ils perdent la guerre.
04:14Ils sont en prison en Allemagne, donc ça, c'est déjà moins prestigieux.
04:18Puis c'est quand même assez violent.
04:19Et puis après, il y a eu les guerres coloniales.
04:21Enfin, il y a eu l'Indochine et l'Algérie, il y a eu des années d'absence.
04:25Et avec une mère qui, en gros, avait juste envie de vivre, sauf qu'elle ne pouvait pas vivre.
04:29Elle a essayé de vivre autrement et ailleurs.
04:31Et ça nous ramène au cinéma parce que très souvent, frère et soeur étaient plus âgés.
04:37Très souvent, elle me déposait au cinéma.
04:39Il y avait deux films par séance.
04:41Et je pense qu'elle allait vivre sa vie.
04:43Et tout ça était caché, parce qu'après, j'ai compris tout ça.
04:46Mais alors, ce qui était intéressant, c'est que je voyais des films qui n'étaient pas du tout pour mon âge.
04:51Mais ce que je voyais sur l'écran, c'était ce qu'on me cachait dans la vie.
04:55Des maris absents, des femmes malheureuses, qui buvaient un coup, mettaient des robes rouges, dansaient frénétiquement, qui cherchaient l'amour, etc.
05:05Et j'étais fasciné parce que tout d'un coup, c'était révélé sur l'écran.
05:10Alors, dans un tout autre registre, parce que c'est un film qui parle de gastronomie, de haute cuisine.
05:15Et j'imagine que pour la comédienne, c'est aussi une préparation particulière.
05:18C'est un rôle plus plaisant à préparer que si on vous avait proposé, je ne sais pas, le rôle d'une écarisseuse.
05:23Bah oui, parce qu'en plus, moi, je pars de très loin avec la cuisine.
05:27Oui, oui, oui. Je ne suis pas du tout une fine pâtissière.
05:30Et ce qui était très chouette, c'est que j'ai fait une petite formation dans le restaurant avec l'équipe.
05:37Donc, je me suis introduite comme une petite souris.
05:40Et pendant quelques jours, j'ai un peu regardé comment ça se passait.
05:43Je les ai observées et j'ai découvert vraiment un nouveau monde face à moi.
05:49Parce que la gastronomie demande une rigueur et une précision qui est presque aussi assez comparable au cinéma.
05:57Au cinéma, oui.
05:58Moi, j'ai presque une équipe de travail.
05:59Mais il y a beaucoup de points communs entre la cuisine et le cinéma.
06:01Faire un plat, faire un plan.
06:03Assembler, imaginer.
06:04Assembler, une équipe formidable.
06:06Les ingrédients, le moment clé, la progression, moteur.
06:12Et puis, je vois l'importance pour eux, quand ils ont une étoile et qu'ils en veulent deux, deux, ils en veulent trois.
06:17Je vois l'importance d'avoir pour eux, dans les gens qui les accompagnent, cuisiniers et même serveurs,
06:23il faut des gens qui ont la même ambition, la même intention.
06:27Parce qu'autrement, ça ne marchera pas.
06:28Et pareil, quand on fait du cinéma, si on est entouré de gens qui s'en foutent, on n'y arrivera pas.
06:34Eh bien, trois étoiles, c'est tout le succès que je souhaite à votre film, Régis et Julia.