Séminaire Art & Psychanalyse : Soirée FREUD le 3/04/2025.
Philippe COMAR, plasticien, scénographe, commissaire d'exposition, écrivain, intervient sur la relation à l'art de Sigmund FREUD.
Cette soirée était organisée par l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne (Diane WATTEAU)
Philippe COMAR, plasticien, scénographe, commissaire d'exposition, écrivain, intervient sur la relation à l'art de Sigmund FREUD.
Cette soirée était organisée par l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne (Diane WATTEAU)
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Art et designTranscription
00:00...entretien avec les oeuvres d'art, qui est un rapport assez complexe.
00:04D'abord, je vais rappeler que Freud est un grand collectionneur de statuettes antiques.
00:10Il avait collectionné tout au long de sa vie, en les achetant chez des antiquaires viennois,
00:15entre pratiquement 3000 statuettes.
00:183000 statuettes qui sont toutes des statuettes gégoromaines, égyptiennes, assyriennes, babyloniennes,
00:26donc des oeuvres antiques, rien que contemporain, enfin rien que contemporain même de l'histoire de la modernité de l'Occident.
00:34Ça c'est la première chose.
00:35Il ne les a jamais quasiment commentées dans ses oeuvres.
00:39Par contre, il était fait rue de mythes, c'est le mythe ancien,
00:43donc ce sont les mythes partout, partout où on parle toujours de l'origine.
00:46Et donc ces statuettes, c'était un peu son univers, c'était sa collection en quelque sorte avec la mythologie du monde humain.
00:57Mais en dehors de ça, chez lui, il n'y a pratiquement pas de peinture.
01:01La peinture, ça ne l'intéresse pas.
01:03Les seules choses qu'on trouve, ce sont plutôt des gravures.
01:06Il y a quelques gravures anciennes reprises qui sont des copies de Rubens.
01:12Parmi les oeuvres, il y a une gravure dans les tableaux de Fusseli qui représente le cauchemar,
01:21qu'on trouvait dans sa salle d'attente.
01:23Là, je parle de son domicile à Vienne, dans la Vergasse.
01:31Il y a aussi une représentation de l'île des morts d'Arnold Böcklin,
01:35gravée par Félix Springer, qu'on trouvait dans son bureau.
01:39Et puis encore quelques autres gravures, tout ça, mais très très peu de choses,
01:43et surtout pas de peinture.
01:44Concernant ses écrits, Freud, vous savez, était polygraphe, il a énormément écrit,
01:50il a une correspondance très très très abondante, et pratiquement il ne parle jamais, jamais, jamais de peinture.
01:56Les seuls écrits qui peuvent concerner la peinture, c'est naturellement son petit livre sur Léonard de Vinci,
02:02mais ce n'est pas tellement sur la peinture de Léonard, c'est sur un souvenir d'enfance de la peinture de Léonard,
02:06donc il démortique le texte beaucoup plus que l'image.
02:10Il y a deux, trois allusions à dépeindre, notamment à un moment donné, dans Le déliré rêve, dans La gravida,
02:15il évoque Félicien Rox, qui est un graveur namuroi de la génération qui précède Freud.
02:28Il l'évoque à propos d'une estampe qui représente la tentation de Saint Antoine,
02:33et il la présente comme étant une très belle illustration du retour de refoulé.
02:37Mais en dehors de ce commentaire-là, il y a encore un autre tableau à propos des rêves qu'il cite.
02:42Je crois que dans l'interprétation du rêve, il cite une fois Bocline, mais c'est tout.
02:46Il n'y a pratiquement rien sur la peinture, il n'en parle pas, ça ne l'intéresse manifestement pas.
02:51Et puis, il faut quand même revenir un tout petit peu à Vienne,
02:53Vienne en 1900, disons entre 1890 et 1930, c'est un extraordinaire foyer culturel,
03:00aussi important que Paris, non seulement dans le domaine de la peinture,
03:05mais à peu près dans tous les domaines.
03:07On peut rappeler qu'en littérature, vous avez des gens comme Hermann Broch,
03:11Arthur Schmister, Robert Musil,
03:15dans le domaine de l'architecture, naturellement,
03:16Otto Wagner avec ses stations de métro,
03:20Joseph-Marie Holbrich, qui est celui qui a construit ce fameux palais de la sécession magnifique à Vienne.
03:28Et puis, un petit peu plus tard, en 1920, tout ça, Adolf Luss,
03:32mais une invention, une inventivité qui va marquer l'Europe de façon extrêmement profonde,
03:38c'est toute la sécession viennoise, c'est-à-dire le mouvement de l'art nouveau,
03:42mais pas seulement, ça va ensuite se prolonger vers les années 20 et 30.
03:48Et puis, si on parle musique, naturellement, Mahler, les Trois Viennois,
03:54on est dans une période de fécondité sur le plan culturel
03:58qui n'a l'équivalent que Paris, en Europe, en Occident,
04:02et encore, je pense que Vienne surpasse Paris, en tout cas dans les années 1900.
04:07Alors, dans le domaine de la peinture, qui est présent ?
04:11Pour citer les trois grands noms qui viennent immédiatement,
04:14c'est Gustav Klimt, Oskar Poposhka et puis Hegel Schill.
04:18Pas un mot sur ces artistes, ils ne les ignorent totalement.
04:24Alors, Hegel Schill, on pourrait presque le comprendre,
04:26parce qu'il a exposé un peu dans des lieux relativement,
04:29qui n'étaient pas, disons, sans trop.
04:33Kokochka aussi, parce que, bon, en tant que peintre,
04:35un peu à cheval entre l'expressionnisme et le phobisme,
04:39et disons qu'il était un petit peu marginal par rapport au grand circuit,
04:42mais Gustav Klimt, non seulement il y a eu les fameuses fesses
04:46que l'exposait dans le Palais de la Sédition,
04:48mais il était extrêmement connu à Vienne.
04:51C'est un peintre mondain, c'est un peintre célèbre, pas un mot.
04:55Or, ces trois artistes que je viens de citer ont des sujets
04:59qui sont étroitement liés à, non pas les écrits de Freud,
05:04je ne sais pas s'ils les ont lus, mais en tout cas à la pensée de Freud.
05:08On peut rappeler que chez Klimt, par exemple, dans sa fameuse fresque
05:11qui avait faite pour l'université, la fresque qui représente la médecine,
05:18présente un corps de phare hystéalisé avec la convulsion en arc de cercle, etc.
05:24Que par ailleurs, dans pratiquement toutes ces peintures,
05:26on a Eros et Thanatos, vous avez à la fois l'amour,
05:29mais toujours il y a un crâne au pied, etc.
05:31Donc c'est vraiment des sujets qui pouvaient intéresser Freud.
05:34Je rappellerai aussi que dans la fameuse fresque de Beethoven,
05:37dans le Palais de la Sécession, il y a les Gorgones,
05:39et puis il y a le monstre du mal.
05:42Donc toutes ces choses-là, on est dans l'univers de Freud.
05:46Quant à Oscar Pesca, vous savez qu'il était tombé follement amoureux de la veuve de Mahler
05:51et qu'il avait créé un fétiche, grandeur nature de Madame Mahler,
05:57avec qui il couchait, qui l'emportait, n'est-ce pas, dans la rue,
06:00qui le traînait, il allait au restaurant avec elle,
06:01qui l'a fini par la décapité parce que, manifestement,
06:04il le fétiche n'était pas peut-être assez, je ne sais pas,
06:09assez consentant.
06:11Et tant à Chille, je pense que c'est l'artiste occidental
06:14qui a le mieux exprimé une des théories fondamentales, finalement,
06:19de Freud, qui est le refoulement,
06:22le refoulement de la sexualité,
06:23c'est-à-dire le conflit entre l'épulsion sexuelle
06:26et la nécessité de les réprimer
06:29parce que la société ne peut pas vivre ça avec des individus
06:33qui simplement exprimeraient leur sexualité à la nuit.
06:37Repensez simplement à tous les dessins et aux peintures,
06:41mais surtout les dessins de Chilleux.
06:44Ce sont des corps avec une carnation quasiment moisie.
06:47Ils ont tous des attitudes hystérisées
06:49avec des crampes, n'est-ce pas, des contorsions.
06:52Je crois que Hegel-Chille est le premier artiste en Occident
06:57à se représenter en tant qu'artiste,
07:00en train de se masturber.
07:01Et là aussi, on sent, et la culpabilité,
07:03là-haut, il est comme ça, il est prostré,
07:06la verge est molle,
07:07on n'est pas du tout dans l'idée du palus, n'est-ce pas,
07:10héroïsé, comme on trouve Raché, par exemple,
07:14chez Rops.
07:15Donc c'est vraiment des thèmes
07:17qui sont récurrents chez Freud.
07:20Or, Freud vit à quelques centaines de mètres.
07:23Quand Klimt peint la fresque de la médecine,
07:28son atelier est à 400 mètres de la Bergasse.
07:31Donc vraiment, ces gens-là étaient les uns sur les autres,
07:34et Freud ne voit rien.
07:37Ça, c'est la première chose.
07:38Deuxième évocation qu'on peut avancer,
07:41c'est aussi son rapport au surréalisme.
07:43Alors là, on sort de Vienne,
07:44on va à Paris,
07:45entre les années 1920 et 1930,
07:481935, vous connaissez le développement du surréalisme en France.
07:51Or, il se trouve que les deux fondateurs du surréalisme,
07:53à savoir André Breton et Louis Aragon,
07:58ont tous deux fait médecine,
08:01ils ont fait psychiatrie,
08:03on est juste avant la guerre de 1914,
08:05et c'est en étudiant la psychiatrie
08:06qu'ils découvrent les théories de Freud
08:08et les théories sur l'inconscient.
08:10Et ça va être déterminant dans l'histoire du surréalisme,
08:14au point que Breton, en 1921,
08:17fasciné par les écrits de Freud,
08:19prend le train, va jusqu'à Vienne,
08:21sonne à la porte, n'est-ce pas,
08:22au 19 de la Bergasse,
08:24et demande à rencontrer le patriarche de Vienne.
08:27Et il y a un vieux monsieur qui a un signe dans la bouche,
08:31qui lui ouvre,
08:32et qui lui dit « Mais qu'est-ce que vous voulez, jeune homme ? »
08:34Et l'autre lui dit « Mais je vous admire,
08:36je ne parle que de vous, etc. »
08:38Et il le reçoit gentiment pendant dix minutes,
08:40il essaie de lui poser quelques questions,
08:42l'autre répond trois banalités,
08:44il repart complètement déconfie, n'est-ce pas,
08:47l'idole de Vienne s'est écroulée, en quelque sorte,
08:50et il rentre à Paris,
08:51et il le raconte très bien,
08:53d'ailleurs, dans plusieurs de ses textes.
08:56Il n'en a pas moins qu'il continue à lire Freud,
09:00et elle lui a envoyé régulièrement
09:02toutes ses publications,
09:04y compris les manifestes du surréalisme,
09:06au point que dix ans plus tard, en 1932,
09:09Freud se sent un peu par politesse obligé
09:11de répondre aux différents endroits
09:13que fait le breton,
09:16et il lui écrit une lettre
09:18dans laquelle il lui dit
09:19« Bien que je reçoive tant de témoignages
09:22de l'intérêt que vous et vos amis
09:24portez à mes recherches,
09:26moi-même, je ne suis pas en état
09:28de comprendre ce qu'est
09:30et ce que veut le surréalisme,
09:31peut-être ne suis-je en rien fait pour le comprendre,
09:35moi qui suis si éloigné de l'art. »
09:39Donc, c'est radical.
09:42Freud ne s'intéresse pas à l'art,
09:44ne s'intéresse pas à la peinture,
09:45et il n'est pas capable de voir
09:47que même dans la peinture surréaliste,
09:50il y a des sujets qui auraient pu
09:51tout simplement l'intéresser
09:53ou simplement faire écho
09:54à quelques-uns de ses textes.
09:56Alors, ça, c'est pour les œuvres d'art elles-mêmes.
10:02Je vais prendre un tout petit peu de recul
10:04et me demander maintenant
10:05quel rapport Freud entretient
10:06avec l'esthétique,
10:08ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
10:10Et là, dans un de ses livres
10:11les plus célèbres,
10:12« Malaises dans la culture »,
10:14Freud écrit, malheureusement,
10:16c'est encore la psychanalyse
10:18qui a le moins à dire sur la beauté.
10:21Là aussi, Freud prend immédiatement
10:24ses distances.
10:25Alors, comment on peut expliquer
10:27cette peine distance de Freud
10:29vis-à-vis d'un problème
10:30relativement quand même central
10:32dans l'histoire de la pensée occidentale
10:33qu'elle est esthétique ?
10:35Première raison, je dirais,
10:37il y a la primauté accordée naturellement
10:38à la parole sur l'interprétation des textes.
10:41Freud est un homme d'interprétation,
10:43il est profondément athée,
10:45profondément non-croyant,
10:48mais il est marqué par la culture juive,
10:51il est né dans un milieu
10:52peu pratiquant,
10:54mais ouvert à la Ascala,
10:55qui était les lumières juives
10:57du XVIIIe siècle,
10:59et il reste, il demeure,
11:03il est marqué par la culture juive,
11:05la culture de l'interprétation du texte.
11:07En revanche, l'image est toujours
11:09trompeuse.
11:13L'image est rattachée à l'illusion,
11:15l'image est rattachée à quelque chose
11:16qui suppose,
11:19qui demande une certaine suspicion,
11:20et donc il est défiant vis-à-vis des images,
11:23qu'il ne l'a pas du tout vis-à-vis des textes.
11:25Et donc, on peut, à ce titre-là,
11:28comprendre que c'est vraiment un homme de parole.
11:31N'oublions pas, pour faire un raccourci très rapidement,
11:34que quand il vient à Paris,
11:35entre, dans l'hiver 1884 et 1885,
11:38il assiste au tour de Charcot à la salle pétrière,
11:41et les cours du lundi de Charcot à la salle pétrière,
11:44essentiellement,
11:45Charcot présentait des malades,
11:47des hystériques, essentiellement des femmes,
11:50qu'il mettait en scène dans un amphithéâtre,
11:52il y avait autour de lui
11:54une quarantaine, une cinquantaine de personnes
11:56qui étaient spectateurs,
11:57tous des hommes,
11:58et il hypnotisait ces femmes,
12:01il leur faisait revivre
12:02leur posture hystérique, etc.
12:04Et Freud comprend qu'en fait,
12:07les symptômes hystériques
12:09sont hypertrophiés
12:10par le fait que cette femme
12:12est elle-même mise en spectacle
12:14par l'ensemble des gens qui sont autour.
12:16Donc, pour aller très vite,
12:17parce que ce n'est pas aussi vite que ça,
12:18parce qu'il y a une période
12:19où Freud s'intéresse à l'hypnose,
12:21lui aussi,
12:22mais, grosso modo,
12:23quand il revient à Vienne,
12:24il tourne le doigt à son patient.
12:27À la salle pétrière,
12:28on est face au patient,
12:29on est face à la malade hystérique,
12:31on la regarde,
12:32et en fait, on ne dévoue rien
12:33parce qu'on ne fait que cultiver
12:34et hypertrophier les symptômes.
12:36En tournant le dos,
12:38Freud pense, en tout cas,
12:39qu'il va pouvoir dénouer la névrose,
12:42et donc, il y a ce refus,
12:44en quelque sorte, de voir,
12:46cette impossibilité de regarder pour Freud
12:48qui va à l'encontre, en quelque sorte,
12:51de toute thérapie.
12:53Ça, c'est le premier point.
12:54La seconde raison pour laquelle
12:56Freud se démarque de l'esthétique,
12:58ne s'intéresse pas à l'esthétique,
13:01elle est liée au fait que, d'une part,
13:02la culture de Freud
13:04et Freud est un médecin,
13:06Freud est un biologiste,
13:08et donc, il a besoin,
13:10à chaque phénomène,
13:12une cause, un effet.
13:15Or, toute l'esthétique,
13:16de Platon jusqu'à Kant,
13:18pour aller très rapidement,
13:19toute l'esthétique est basée,
13:23toute la tradition, disons,
13:24esthétique en Occident,
13:26est une tradition basée sur l'idéalisme,
13:28sur la transcendance,
13:29et donc, sur des choses qui sont
13:31impossibles à saisir,
13:33impossibles à juger.
13:36Vous savez que la grande théorie de Kant,
13:38par exemple,
13:38c'était que le beau, n'est-ce pas,
13:40procure une satisfaction désintéressée.
13:42L'idée qu'on puisse avoir
13:43une satisfaction désintéressée,
13:45pour Freud, c'est incompatible.
13:46Ça ne peut pas exister.
13:48Il y a forcément une cause,
13:49il y a forcément un effet,
13:50et il y a une raison
13:51pour laquelle on peut trouver ça.
13:53Et donc, Freud, en fait,
13:54va se tourner tout simplement
13:55vers la biologie,
13:57et avant la biologie,
14:00vers Darwin.
14:02Darwin publie en 1859
14:03l'origine des espèces,
14:05première version.
14:07La dernière version,
14:08publiée en 1872,
14:11comporte un chapitre sur la beauté,
14:13et Darwin est le premier biologiste
14:16à donner une définition biologique
14:18de la beauté.
14:19Alors, Darwin est méfiant,
14:20il ne parle pas trop des humains,
14:21parce qu'il n'a pas envie
14:22de se mettre à dos l'église, etc.
14:24Et donc, il va prendre des exemples,
14:26c'est un peu comme nos parents
14:26qui nous expliquaient la sexualité
14:28avec des fleurs, n'est-ce pas ?
14:29Il va prendre deux exemples,
14:31chez les fleurs et chez les oiseaux,
14:32comme ça, au moins,
14:32ils ne se montrent pas.
14:33Et il dit, ben voilà,
14:34si les fleurs ont des corolles de couleurs,
14:36si les fleurs sont bons,
14:38ce n'est pas pour le plaisir de la beauté,
14:39ce n'est pas pour le plaisir de mon arène,
14:41c'est simplement parce que
14:42ce sont deux moyens
14:43d'attirer les insectes
14:44qui les fait combler.
14:46Et par ailleurs,
14:46si les mâles,
14:48chez les oiseaux,
14:49ont des plumes de couleurs
14:50extrêmement voyantes,
14:51extrêmement chatoyantes,
14:53ça n'est pas pour nous régaler
14:54dans le jardin d'Eden,
14:56c'est simplement parce que
14:57c'est un moyen,
14:59c'est le moyen qu'a trouvé la nature
15:01pour favoriser l'attraction sexuelle.
15:04Autrement dit,
15:05pour Darwin,
15:07la question de la beauté
15:09est un problème biologique
15:10et la beauté, pour lui,
15:12entretient un rapport
15:13avec ce qui engendre
15:15l'attirance sexuelle.
15:16Pour le prendre très simplement
15:17chez les humains,
15:18nous considérons beaux
15:20les êtres
15:21que nous considérons
15:22attirants.
15:23Quand on dit
15:23une jolie fille
15:24ou un âme d'un homme,
15:25on suppose intrinsèquement
15:27qu'en fait,
15:28ce sont des gens
15:28sexuellement attirants.
15:30Alors,
15:31ce problème de la beauté,
15:33Freud va tout à fait
15:34abonder,
15:35il va pratiquement
15:36reprendre mot à mot
15:37le texte de Darwin.
15:41Alors,
15:42vous savez que chez Darwin,
15:43il y a deux choses,
15:43il y a la sélection naturelle,
15:45qui est le
15:46« struggle of life »
15:47où ce sont
15:49les plus aptes
15:49qui demeurent.
15:52Et puis,
15:52il y a ce qu'il appelle
15:52la sélection sexuelle,
15:54à savoir que
15:55la sélection sexuelle
15:56favorise
15:57le développement
15:58de caractères
16:00secondaires
16:00susceptibles
16:01d'attirer
16:02un partenaire
16:03en lui
16:03de se reproduire.
16:04Autrement dit,
16:05si les pans
16:06ont des queues
16:07magnifiques,
16:08etc.,
16:09c'est pas
16:09parce que ça leur sert
16:11dans la vie
16:11à mieux manger
16:12ou à mieux
16:13s'échapper
16:14en cas de prédateurs
16:15parce que plutôt
16:16ça les handicap,
16:16mais comme c'est
16:17un élément
16:18qui va attirer
16:19les femelles,
16:20ils vont se reproduire
16:21plus facilement
16:21que les autres
16:22et donc,
16:22ce reproduissement,
16:23à chaque fois,
16:24on va sélectionner
16:24des caractères
16:25qui sont
16:26ce qu'on appelle
16:29des caractères sexuels,
16:30lesquels peuvent finir
16:31par,
16:31comme la tente
16:32du Mahoud,
16:32n'est-ce pas,
16:33ça peut finir
16:34par les handicapés,
16:35n'est-ce pas,
16:36dans leur vie.
16:37Et Freud écrit
16:38dans
16:39« Il me paraît incontestable
16:42que le concept du beau
16:44a ses racines
16:44dans le terrain
16:45de l'excitation sexuelle
16:46et qu'il désigne
16:47à l'origine
16:48ce qui est sexuellement
16:49stimulant. »
16:50Alors,
16:50il dit bien « à l'origine »
16:52parce que la grande différence
16:52entre nous et les animaux,
16:54c'est que la culture,
16:57chez nous,
16:58pas seulement,
16:59peut-être chez les grands-magnétaires,
17:00c'est le cas aussi,
17:01en tout cas,
17:02pour ceux qui vivent
17:02en société,
17:03le fondement même
17:04de la culture,
17:06c'est finalement
17:07de contenir
17:08ou de réprimer
17:08l'épulsion
17:10les plus archaïques
17:11chez les êtres humains.
17:13C'est le fondement
17:13de la culture,
17:14c'est de réprimer
17:14ou de refouer
17:16les instincts
17:17les plus grégaires
17:19et l'inconvénient,
17:22c'est que la culture
17:23fabrique des névroses
17:24parce qu'en refoulant,
17:26eh bien,
17:26on est bridé
17:28sur ses propres envies
17:30et que,
17:30grosso modo,
17:31chez Freud,
17:33l'alternative
17:34est assez simple,
17:36soit on est névrosé
17:37parce qu'on refoule
17:39pour pouvoir s'intégrer
17:40dans la société,
17:41soit on ne veut pas
17:42être névrosé,
17:43on laisse libre cours
17:44à ses fantasmes
17:45et autres
17:45et à ce moment-là,
17:46on devient criminel.
17:47La marge entre les deux
17:48est étroite.
17:49On essaie de la faire,
17:50mais elle est étroite.
17:52Alors,
17:52petite chose quand même
17:53qui est intéressante
17:54que l'essentiel
17:56de Freud
17:56à plusieurs reprises,
17:57c'est le fait
17:57que chez les êtres humains,
17:59en tout cas dans les sociétés,
18:00dans d'autres sociétés,
18:02si le sexe
18:03est un élément attracteur
18:05et nécessaire
18:07à la reproduction,
18:08vous avez vu
18:09qu'à peu près
18:09dans toute l'histoire
18:11de l'Occident,
18:12on s'est employé
18:13à réprimer le sexe,
18:14en tout cas à réprimer
18:15la vue du sexe.
18:16Alors,
18:17de façon différente,
18:18chez les Grecs,
18:18par exemple,
18:19les sculptures grecques-mâles
18:20sont atteintes
18:21de micro-génitomorphie,
18:23c'est-à-dire
18:23le sexe des hommes,
18:24les espaces sont minuscules
18:25par rapport à la proportion
18:26de la sculpture.
18:27Quant aux Aphrodites,
18:28eh bien,
18:29vous avez un triangle glau
18:31sans bois d'accès,
18:32la femme est close
18:33sur elle-même,
18:34n'est-ce pas,
18:34il n'y a rien de misé.
18:35Mais,
18:36le génie des Grecs,
18:38c'est d'avoir transposé,
18:40d'avoir déplacé,
18:41en quelque sorte,
18:42la curiosité sexuelle
18:43sur les autres caractères,
18:45sur les autres parties
18:46du corps,
18:47qui,
18:48selon un partage à Zessin,
18:49puisque les hommes et les femmes,
18:51nous ne sommes pas différents
18:52tous par le sexe,
18:53je ne peux pas en faire
18:53une polémique ici
18:54avec les mots,
18:55mais nous sommes différents
18:56des pieds à la tête,
18:58un crâne d'homme,
18:58ce n'est pas un crâne de femme,
18:59un pied d'homme,
19:00ce n'est pas un pied de femme.
19:01Quant à la Renaissance,
19:02des gens comme Michel-Ange
19:03ou Bambinelli
19:04retrouvent des fragments
19:05de sculptures antiques
19:06romaines ou grecques
19:07et qui retrouvent un pied,
19:08ils peuvent tout de suite dire
19:09si c'est un pied d'Aphrodite
19:11ou d'Apollon.
19:12Parce que les Grecs
19:13ont porté une attention
19:14extrême
19:15à l'ensemble du corps
19:17et ils ont détecté
19:18tout ce qui était sexué
19:20à l'intérieur du corps.
19:21Du coup,
19:22comme le sexe est partout
19:23et qu'il est mis
19:24en évidence partout,
19:25la représentation du sexe
19:26lui-même
19:27n'est pas nécessaire
19:28parce que le corps
19:29est investi
19:30par l'érotisme
19:31des pieds à la tête.
19:32Et donc,
19:33vous avez une façon
19:33de cacher en quelque sorte
19:35les organes sexuels
19:36ou de les minimiser
19:37mais de transposer,
19:39de transférer en quelque sorte
19:40la sexualité ailleurs
19:41et c'est le fondement
19:42de l'érotisme.
19:43Alors,
19:43dans la chrétienté,
19:44c'est-à-dire à partir
19:45de la Renaissance,
19:46surtout,
19:47mais déjà
19:47dans le monde médiéval
19:49et surtout
19:50à partir de la Renaissance
19:51où il y a de nouveau
19:52où on redécouvre
19:53cette culture du corps
19:54qu'il y avait
19:54les Grecs
19:54et les Romains,
19:56eh bien,
19:56vous avez vu
19:56que pratiquement
19:57dans tous les tableaux,
19:59les corps humains
20:00sont frappés,
20:01n'est-ce pas,
20:02de feuilles de vie
20:03diverses
20:03ou de poses
20:05qui cachent
20:06en quelque sorte
20:06le sexe
20:07mais ça n'est que
20:07pour déplacer le problème
20:08et donc pour érotiser
20:10en quelque sorte
20:11le sexe.
20:11Alors,
20:11vous allez me dire
20:12oui,
20:12oui,
20:12oui,
20:12mais c'est bien
20:13cette théorie
20:13mais quand je dis
20:14que je trouve
20:15un paysage beau
20:16alors est-ce que
20:17c'est vraiment sexuel ?
20:19Alors,
20:19oui,
20:20d'une certaine façon
20:20oui,
20:21c'est sûrement
20:21le déplacement
20:23est beaucoup plus grand
20:24mais Marie Bonaparte
20:25qui a été une des passionnes
20:28de Freud
20:29et qui a été
20:30une des premières
20:31à divulguer
20:31les écrits de Freud
20:33en France
20:34et qui d'ailleurs
20:34l'a accueilli
20:35au moment en 1938
20:36avant qu'il ne parte
20:37à Londres
20:40en reprenant
20:42des textes
20:43de Romain Rolland
20:43pour ça
20:44a essayé de montrer
20:45que finalement
20:45le sentiment de plaisir
20:47que nous pouvons éprouver
20:48dans une situation
20:50d'un paysage
20:51je ne sais pas
20:51la nuit
20:52un lac
20:53un clair de lune
20:54quelque chose comme ça
20:55et bien que nous
20:56rebaignions en quelque sorte
20:57dans une sorte
20:58de sentiment océanique
20:59dans une sorte
21:00de fusion
21:02avec la nature
21:03qui nous rappelle
21:04finalement
21:04nos premiers plaisirs
21:05et que là encore
21:06d'une certaine façon
21:07ces plaisirs-là
21:09sont d'origine
21:09sinon sexuelle
21:11en tout cas
21:11d'un rapport maternel
21:12de l'enfant
21:13à la mère
21:14voilà
21:15donc j'ai été très rapide
21:16je suis désolé
21:17tout ça pour vous dire
21:18que Freud
21:18ne s'intéressait pas
21:19du tout
21:19aux œuvres d'art
21:20que parler d'art
21:21et psychanalyse
21:22je pense qu'il n'aurait rien
21:23compris du tout
21:24ici à notre séminaire
21:25il serait parti
21:25depuis longtemps
21:26c'est pas vraiment
21:29son sujet
21:29par contre
21:30pour terminer
21:30je ne vais pas
21:31me dire quelque chose
21:32c'est que si Freud
21:32ne s'est vraiment pas
21:33du tout intéressé
21:34aux œuvres d'art
21:34excepté sa manie
21:35de collectionnite
21:36de statuettes
21:38antiques
21:39l'influence
21:41que Freud
21:42a eue
21:42sur l'histoire
21:43de l'art moderne
21:44est colossale
21:44parce que la découverte
21:46de l'inconscience
21:47a été la possibilité
21:48pour les artistes
21:48de se libérer
21:49simplement
21:50de l'image manifeste
21:52ou au profit
21:52de l'image
21:53qui n'est plus latente
21:53c'est à dire
21:54d'introduire les rêves
21:55d'introduire un certain
21:56nombre de choses
21:57qui pratiquement
21:57n'existaient pas
21:58et on le voit
21:59naturellement
22:00au surréaliste
22:00mais surréaliste
22:01le voit affroné
22:02je vous remercie
22:03merci
22:04merci