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  • 12/04/2025
Diplômée des arts décoratifs et des Beaux-arts de Paris, Mona Cara développe une pratique autour de la tapisserie. Pour son exposition personnelle, l’artiste présente notamment des pièces nées d’une résidence à Rio de Janeiro au Brésil, durant laquelle elle a mené des recherches autour de la déesse Lemanja.

Issue du panthéon africain Yoruba, considérée comme la reine des mondes aquatiques, cette dernière prend vie dans une narration à l’esthétique pop où cohabitent une surabondance de références issues de la culture collective, de la bande dessinée et d’iconographies enfantines.
Sont également exposées des pièces brodées par 8 femmes des favelas de Rio de Janeiro, rencontrées lors de la résidence de l’artiste dans la ville.
Avec les artistes invités : Nàto Bosc-Ducros, Mariana Guimarães, Luciana da Silveira
Et le collectif Transborda : Beatriz Barboza, Susana Brito, Silvia de Melo Meireles, Rita Moura, Alda Pachu, Renata Ribeiro Florêncio, Regina de Souza, Antonia Zilma Sousa
Transcription
00:00Je m'appelle Mona Cara, j'ai eu une double formation au Beaux-Arts de Paris et aux Arts Déco de Paris.
00:15J'ai plutôt appris le textile aux Arts Déco et aux Beaux-Arts.
00:19J'étais d'abord dans des ateliers de peinture et ensuite j'ai réuni les deux
00:23et je me suis sentie plus à l'aise à mélanger les couleurs de fil
00:27que faire bâton bouille dans la palette.
00:31C'est vrai que pour comprendre le tissage, d'abord j'ai appris manuellement
00:34pour comprendre le croisement de fil.
00:37Et puis même quand tu utilises les logiciels destinés à coder les tissages
00:42et à les faire tisser par des machines industrielles par exemple
00:45qui ont le processus automatisé,
00:50ça demande quand même d'avoir la logique du croisement de fil,
00:53quel fil passe dessus, quel fil passe dessous.
00:55Il y a toute une partie de mon travail qui est beaucoup derrière l'ordinateur
00:59à anticiper des résultats et à imaginer du volume et de la texture.
01:06Sauf que je vais avoir la surprise qu'au moment de l'échantillonnage,
01:09quand je vais faire mes premiers tests,
01:12d'où aussi la nécessité de faire plusieurs échantillons
01:15pour ensuite adapter, voir comment ça sort de la machine.
01:18Mon travail est vraiment très relié à la technique,
01:22le fond, la forme, tout.
01:25J'ai besoin de maîtriser cet outil-là pour pouvoir dire toutes ces choses-là
01:32parce que des fois c'est même des techniques qui me donnent des idées de forme.
01:37Donc vraiment tout est mélangé dans le processus de travail.
01:41C'est vrai qu'au début, je n'avais pas du tout pensé à croiser le monde de l'industrie,
01:45mais grâce à mon entourage, à des professeurs aux arts déco,
01:50j'ai rencontré les tissages de Charlieu,
01:53qui est une usine en Haute-Loire,
01:56où j'ai fait un stage d'abord là-bas.
01:59Et progressivement, j'ai noué des liens avec eux
02:01et j'ai eu envie de travailler de plus en plus avec elles et eux
02:07parce que je trouve qu'aussi en industrie,
02:14c'est vrai que ça permet de tisser beaucoup plus vite,
02:18mais c'est aussi une manière de travailler en équipe qui me plaît.
02:22Et je pense qu'à partir de ce moment-là où j'ai plus travaillé en équipe,
02:25ça m'a ouvert aussi de plus en plus à avoir des pratiques collaboratives.
02:38Pour cette exposition, Où vont les sirènes ?
02:40On diva au Asselejas en portugais.
02:43J'ai souhaité montrer les pièces réalisées pendant ma résidence
02:47en novembre dernier au Brésil, à Rio,
02:50avec le Consulat de France au Solar de Sabacachis.
02:54Et j'ai eu la chance de travailler avec quatre artisanes merveilleuses
02:59qui sont Susanna Brito, Sylvia Meraïles, Renata Ribeiro et Antonia Zilma,
03:07coordonnées par Luciana da Silveira.
03:10Et donc la pièce principale, Où le diva au Asselejas,
03:16a été dessinée, je pense, sur le long de deux ans
03:19et après tissée en France et prolongée ensemble par les techniques de crochet et de broderie.
03:35En fait, j'ai eu assez vite l'envie d'explorer des pièces en forme,
03:39qui ont des formes moins classiques et qui sont tendues dans l'espace
03:44par des filets, par exemple, ou ici par des perles.
03:49Mais qu'on ait un jeu de tension, que ça nous paraît peut-être un peu fragile,
03:53un peu brinque-ballant, mais en fait, ça se tient.
03:56Et trouver de la beauté dans un effet un peu bancal.
04:04Quand j'ai découvert le Brésil, Rio et San Paolo,
04:08j'ai vu un personnage comme un peu une vierge,
04:15une vierge Marie en bleu.
04:18Donc je me disais, mais qu'est-ce que c'est que ce personnage ?
04:21Et en me renseignant, j'ai appris que c'était Yemanja, la déesse de la mer.
04:26Et c'est pour ça qu'elle apparaît sans doute plus à Rio.
04:31Mais elle est très, très...
04:32Je me suis rendue compte qu'elle était très, très populaire au Brésil
04:35et qu'elle était célébrée par des personnes de tous horizons,
04:39de cultes très différents.
04:42Et elle est notamment célébrée le 2 février, c'est sa fête.
04:46Donc tout le monde va jeter dans l'océan des roses blanches,
04:51va faire des offrandes, des barques avec des bougies,
04:54avec des perles et des miroirs qui sont ses attributs.
04:59Et cette déesse, elle vient d'un mythe Yoruba.
05:05Donc elle vient du Nigeria.
05:07Et en fait, elle a traversé l'Atlantique.
05:09Elle se retrouve au Brésil.
05:10Et bien sûr, pour les anciens esclaves,
05:15pour continuer à pratiquer leur culte,
05:19ils se sont adaptés.
05:21Donc il y a eu tout un syncrétisme.
05:23C'est pour ça que Yemanja a parfois les traits de la Vierge Marie.
05:27Mais traditionnellement,
05:28elle n'est pas du tout représentée comme la Vierge.
05:31Elle est bien en chair.
05:32Elle a des perles qui tombent sur son visage.
05:34Elle a des robes très colorées, des miroirs.
05:43Et donc ça, c'est sa représentation telle qu'elle est pratiquée dans le camp d'Omblé,
05:50cette religion Yoruba.
05:53Vous accueille, à l'entrée de cette exposition,
05:57un horrible personnage.
06:01Il a un côté à la fois mignon et dérangeant.
06:03Il s'appelle le Dictateur.
06:06Mais cette fois-ci,
06:07il est dans une posture qui est moins sérieuse et vilaine que d'habitude.
06:12Parce que d'habitude,
06:13de ses quatre mètres de haut,
06:15il semble nous dominer comme ça.
06:17Il a les rênes coupées du monde dans la main.
06:20Et en fait, on se retourne,
06:21on tourne autour de lui,
06:22on se rend compte qu'il a un slip Superman
06:24et qu'il est monté sur les chasses.
06:26Et là, on le retrouve dans une posture un peu différente.
06:29C'est-à-dire qu'il est attendri
06:30par une petite sirène qu'il a trouvée.
06:33Donc, il la porte comme ça sur sa main,
06:36tout délicatement.
06:37Et j'avais envie de produire un petit choc esthétique.
06:43La rivière magique,
06:46c'est à la base un décor de théâtre
06:49que j'ai fait pour Barthélémy Guimard,
06:53qui est comédien.
06:54C'est la première fois que je la montre
06:56lors d'une exposition
06:57et qu'elle sort du monde du théâtre.
07:02Et justement, c'est l'occasion de la présenter autrement
07:05et peut-être de lui donner des courbes,
07:07de la montrer un peu en l'air,
07:09alors que jusqu'à présent,
07:11elle a toujours été montrée au sol,
07:13dans une dimension toujours assez immersive.
07:17Les tigres-sirènes,
07:18c'est une pièce assez importante pour moi
07:21parce que c'est un peu les prémices de la mère poubelle
07:23qui est la première pièce que j'ai faite
07:26vraiment sur le thème de la mère.
07:28Et les tigres-sirènes, c'est juste avant.
07:30Souvent, je pioche des dessins dans mes carnets
07:32et je les réinterprète en tapisserie.
07:35Donc, c'était le cas pour les tigres-sirènes
07:37de manière assez spontanée.
07:39Et très vite, le motif du filet est venu
07:41et il ne m'a plus jamais quittée.
07:43J'ai eu à cœur d'inviter les artisanes
07:47avec qui j'avais travaillé
07:48pour une carte blanche plus personnelle.
07:52Donc, elles ont produit des petites broderies
07:54inspirées par la sirène.
07:58Et donc, ce sont joints à elles.
08:03Rita Moura, Alda Pachou et Regina Dessouza
08:07et Beatriz Barbosa, que je ne connaissais pas,
08:10mais qui font partie du collectif transbordain.
08:15Un collectif, une association d'inclusion des femmes,
08:21souvent en situation un peu compliquée,
08:24des favelas,
08:25et qui vont faire des ateliers de crochets,
08:30de broderies, surtout de broderies.
08:32Tous les artistes que j'ai souhaité inviter
08:34ont un lien avec la mère.
08:37Parce que soit ils ont grandi au bord de la mère,
08:40soit elles habitent au bord de l'eau.
08:45Et donc, c'est des histoires qui sont plus ou moins intimes, cachées.
08:50Moi, c'est vrai que j'ai une pratique qui est assez figurative.
08:55Natto, ce que j'aimais bien, c'est qu'il apportait un contrepoint
08:59avec un rapport toujours au tissu et à la broderie,
09:06mais avec beaucoup plus de sobriété,
09:09des perles placées comme ça,
09:10comme une cicatrice sur l'une des pièces.
09:13Et donc, je trouvais que ça apportait un équilibre.
09:19Et après, Mariana, j'avais envie de l'inviter aussi,
09:25parce que j'aime beaucoup son travail de broderie, tout simplement.
09:29qu'elle a un lien au textile qui est très différent du mien.
09:34Et son travail, il est aussi lié à la maternité.
09:40Et Luciana da Silveira,
09:42je trouvais ça super chouette aussi qu'elle accepte de participer.
09:47Ce que j'aime beaucoup, c'est qu'elle est vraiment aux antipodes
09:50de ma pratique figurative.
09:52Mais elle a eu envie, en tout cas, de penser ces mailles,
09:57ces distances de mailles,
09:58en pensant à la distance Rio hier,
10:01de manière à connecter par l'océan et par la mer nos géographies.
10:28Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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