Après le refus du secrétaire général de l'Élysée d'être auditionné, la commission d'enquête sénatoriale sur les eaux en bouteille a dévoilé, mardi 8 avril, des documents montrant selon le rapporteur de la commission la "densité" des échanges entre Nestlé et la présidence
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00:00que le secrétaire général avait rencontré les dirigeants du groupe
00:03ou était en contact téléphonique avec eux sur la question des eaux en bouteille
00:07jusqu'à une date très récente, c'est-à-dire même pendant les travaux de notre commission d'enquête.
00:13Que le secrétaire général de l'Elysée avait suivi au moins une partie du dossier
00:17et ménagé des facilités de contact à Nestlé au sein des administrations de l'État.
00:21Nous avons donc souhaité que M. Collère s'explique sur ce document devant notre commission.
00:26M. Collère vient de nous indiquer qu'il refusait de déposer.
00:28Nous nous sommes interrogés avec le rapporteur sur la pertinence d'une saisine de la justice.
00:34Notre souci depuis le début de cette affaire et de nos travaux est d'établir une véritable transparence
00:38sur un dossier qui n'a cessé de faire l'objet de dissimulations publiques à certaines administrations,
00:43voire à la représentation nationale.
00:46Dans ce cadre, il nous a semblé que la meilleure réponse à faire à la dérobate du secrétaire général de l'Elysée
00:51était de rendre public les documents sur lesquels il refuse de s'expliquer.
00:55Notre commission d'enquête vient de décider à l'unanimité de suivre cette proposition.
01:02Notre rapporteur va donc vous donner communication des documents les plus significatifs.
01:08Ces documents seront ensuite insérés en annexe à notre rapport
01:11et mis à disposition des internautes sur la page internet de la commission.
01:15Nous aurons fait preuve de vérité et de transparence jusqu'au bout.
01:20M. le rapporteur, vous avez la parole.
01:22Je vous remercie, M. le Président.
01:26La situation est exceptionnelle, vous l'avez dit.
01:29Notre commission d'enquête a un mandat,
01:32faire la vérité sur le scandale des pratiques des industriels des eaux en bouteille
01:36et en particulier analyser la réponse des pouvoirs publics face aux agissements de la société Nestlé Waters.
01:43Nous avons demandé cette commission d'enquête avec mes collègues du groupe Socialiste
01:47car nous défendons une idée finalement assez simple.
01:51Les Français ont le droit de savoir ce qu'ils boivent.
01:55Nous constatons aujourd'hui qu'Alexis Colleur, le secrétaire général de la présidence de la République,
02:00n'est pas venu à la convocation que nous lui avons fait parvenir.
02:03L'Elysée a décidé de jouer la chaise vide.
02:08Cette décision, soyons honnêtes, elle est lourde.
02:11Elle instille le poison du doute et constitue un affront à la représentation nationale
02:17et surtout, surtout, un refus d'aller au bout de la vérité devant les Français.
02:22Cette décision, elle est pour nous, le Président l'a dit, incompréhensible.
02:27Monsieur Colleur nous oppose la séparation des pouvoirs pour ne pas venir répondre à nos questions.
02:34C'est incompréhensible car s'il y avait une difficulté de principe de cette orde, de cette nature,
02:39l'Elysée ne nous aurait pas transmis les documents, les mails, les notes,
02:45les échanges de collaborateurs de la présidence de la République sur cette affaire.
02:49Comment accepter de transmettre de tels documents alors et dire qu'ils ne font pas obstacle à la séparation de pouvoirs
02:56et refuser de venir devant nous pour discuter de tels documents ?
03:01Deuxièmement, cela est incompréhensible car M. Victor Blonde, conseiller partagé entre Matignon et l'Elysée,
03:08qui était chargé de ce dossier au sein de l'Elysée, est venu répondre à nos questions
03:13sans invoquer à aucun moment le principe de la séparation des pouvoirs.
03:19Je le dis donc solennellement, il n'y a pas de dispense pour Alexis Colleur.
03:24L'Elysée n'est pas une cité interdite.
03:27Et donc, M. le Président, à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle,
03:32nous allons faire toute la transparence sur ce que nous savons de la présence de l'Elysée dans cette affaire.
03:40Nous avons donc décidé de faire un acte inédit.
03:44Nous avons reçu un total de 74 pages de documents, ce qui démontre d'ailleurs la densité des échanges entre Nestlé et l'Elysée.
03:54Je vais vous présenter dans quelques instants le contenu des documents les plus significatifs et qui sont issus de la présidence de la République.
04:01Mais surtout, surtout, tous les documents, et je dis bien tous les documents en notre possession,
04:08seront publiés dans leur intégralité, en ligne et annexés à notre rapport.
04:14Et nous venons, comme le Président l'a dit, d'en délibérer avec les membres de notre commission.
04:18Et je vais donc maintenant vous présenter les principaux points qui nous avaient conduits à demander l'audition d'Alexis Collaire
04:27pour que chacun puisse en être informé.
04:30Voilà les faits.
04:32Le 11 juillet 2022, le secrétaire général de l'Elysée, accompagné de Victor Blonde, conseiller Matignon et Elysée,
04:39comme je l'ai dit, que nous avons entendu, rencontre Marc Schneider, directeur général de Nestlé, dans le cadre du sommet Choose France.
04:46Deux sujets de préoccupation selon Victor Blonde, les suites de la triste affaire Buitoni et le dossier Nestlé-Watters.
04:55Je cite, remise d'un rapport IGA cette semaine après enquête des GCRF, mettant en évidence un usage trop important de filtration
05:02pour corriger la qualité des eaux vitels, Contrex et Épare, avec de potentiels impacts sur les sites concernés
05:09et un enjeu de com' pour bien gérer la séquence.
05:12Tout y est ou presque.
05:13L'Elysée sait qu'il y a un problème de qualité des eaux et Nestlé a mis les pouvoirs publics sous pression à propos des risques pour les sites.
05:22Le 26 septembre 2022, l'Elysée reçoit des cabinets Industrie et Santé une note conjointe
05:28destinée à préparer une rencontre entre Nestlé-Watters et la présidence de la République.
05:34Cette note propose notamment d'autoriser Nestlé, au-delà de toute réglementation, d'utiliser une filtration à 0,2 micron.
05:42D'autoriser la production des parts à titre transitoire, je cite, entre les guillemets, sur tous les forages,
05:49alors que certains de ces forages ont des, ouvrez les guillemets, vulnérabilités.
05:53Euphémisme pour parler en réalité de contamination régulière.
05:56En février 2023, l'Elysée reçoit le projet de bleu interministériel, autorisant Nestlé-Watters, par une interprétation très contestable des textes,
06:08à pratiquer la microfiltration à 0,2 micron, puis le bleu tel que validé par Matignon.
06:13Le 23 janvier 2024, M. Keller est sollicité par le lobbyiste de Nestlé-Watters, Nicolas Bouvier, pour un échange,
06:22je cite, encore une fois, dès que possible, dans la journée, avec Marc Schneider, directeur général de Nestlé.
06:28Manifestement, il y a urgence. Nous apprenons par un courrier de Victoire-Vanville du 23 janvier 2024
06:35que le directeur général de Nestlé s'inquiète de l'enquête en cours menée par Le Monde et Radio France, qui va sortir une semaine plus tard.
06:44Je note le 1er février 2024, un courriel de Victor Blonde, toujours conseillé à l'Elysée et à Matignon,
06:50qui indique à la présidence, au cabinet industrie et au cabinet santé,
06:53même si la pression de l'enquête de presse diminue, voilà une version reformatée des éléments de langage sur l'affaire Nestlé-Watters.
07:01Ces éléments de langage visent à dédouaner l'exécutif et accumulent les imprécisions.
07:06Par exemple, ils affirment que la justice est saisie, alors que ce n'est le cas qu'à Epinal,
07:10mais pas sur les affaires Alma dans l'Allier, ni dans l'affaire Perrier, dans le Gard.
07:15Autre exemple, les EDL affirment, je cite, « il n'existe pas de risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées,
07:20et de fait, la mise en place de ces traitements renforce plutôt la sécurité sanitaire. »
07:25Cette présentation est parfaitement spécieuse, car il y a traitement interdit,
07:29précisément parce qu'il y a un enjeu sanitaire sur la qualité de l'eau.
07:34Le 10 octobre 2024, alors que la proposition de commission d'enquête au Sénat existe déjà,
07:40le secrétaire général de l'Elysée reçoit le nouveau directeur général de Nestlé,
07:44Laurent Frex, accompagné de Muriel Lienno, présidente de Nestlé-Watters.
07:48Dans la note qui lui est fournie par ses services à cette occasion, nous lisons,
07:51« pendant de nombreuses années, des eaux vendues comme de sources ou minérales ont subi des techniques de purification interdites
07:57pour traiter des contaminations d'origine bactérienne ou chimique. »
08:01En juillet dernier, la commission a publié un rapport d'audit ciblant l'incapacité des autorités françaises
08:06à enrayer les fraudes de l'entreprise.
08:09Le 14 octobre 2024, Nicolas Bouvier, lobbyste de Nestlé-Watters, relance le secrétariat de M. Colleur,
08:16celui-ci ayant indiqué à Laurent Frex, directeur général de Nestlé, lors de leur entretien du 10 octobre,
08:22qu'il fournirait les bons contacts à solliciter au sein des ministères.
08:26Le jour même, Alexis Colleur recommande de contacter Matignon et les directeurs de cabinet des ministères de la Santé et de l'Industrie,
08:33alors respectivement Geneviève Dariosec et Marc Ferracci.
08:37Le 17 décembre 2024, notre commission est ancrée depuis presque un mois.
08:43Nicolas Bouvier, lobbyste de Nestlé-Watters, encore lui, sollicite à nouveau Alexis Colleur
08:47pour un entretien avec Muriel Liennot, présidente de Nestlé-Watters, le plus rapidement possible.
08:52Encore une fois, j'ouvre les guillemets.
08:54Une mention manuscrite nous indique que le secrétaire général de l'Elysée l'a rappelé le lendemain, le 18 décembre 2024.
09:01Ce jour-là, 18 décembre 2024, le secrétaire général de l'Elysée reçoit de Benoît Farrakau,
09:08conseiller énergie, environnement, transport et agriculture à la présidence de la République,
09:12un courriel vraisemblablement destiné à cadrer la situation pour l'entretien qui se prépare.
09:18Dans ce courriel figure notamment un chapitre intitulé « Problèmes de Perrier,
09:23les nappes dont dépendent les sources sont de plus en plus régulièrement polluées,
09:26notamment de sources bactériologiques et en partie de matières fécales.
09:31Cela disqualifie donc régulièrement les eaux qui doivent être traitées pour être rendues propres à la consommation,
09:37ce qui constitue une grosse perte de valeur pour les entreprises ».
09:40Je ferme les guillemets.
09:41Un peu plus loin, j'ouvre les guillemets, le cadre réglementaire a évolué un peu mais reste complexe
09:46et l'administration a été plutôt à lente mais in fine, cela créera des problèmes entre les marques.
09:51Ceux qui ont une eau pure n'ont pas intérêt à ce que leurs concurrents puissent utiliser
09:55des techniques de purification fermées.
09:58Le 18 décembre 2024, toujours, Mathias Ginet, conseiller agriculture à la présidence, indique
10:04« Je pense qu'elle, il parle de Muriel Liennot, veut parler du sujet Perrier
10:08à la suite de la fuite du rapport de l'ARS avant-hier.
10:12Il s'agit du rapport d'inspection du site de Vergès, inspection intervenue à l'été 2024.
10:17Le sujet, je continue la citation, est le maintien de l'appellation eau minérale naturelle.
10:22Par dérogation, en 2023, le site avait été autorisé à utiliser des techniques de micro-filtration.
10:27L'ARS considère que ce n'est pas aligné avec l'appellation et que cela ne règle que partiellement
10:32le sujet de la qualité sanitaire de l'eau.
10:35Forte présence, ce qui est écrit, de virus et ce que nous aurions aimé pouvoir confirmer
10:39de manière régulière, qui ne sont pas éliminés par la filtration.
10:43Toujours ce 18 décembre 2024, Claire Vernet-Garnier, conseillère industrie, innovation et numérique
10:50à l'Elysée, transmet un courriel à Alexis Colleur qui évoque plusieurs sujets.
10:55Je cite « Pendant plusieurs années, sur de nombreux sites, Nestlé Waters a usé de traitement
10:59de désinfection de ces eaux minérales pour éviter toute contamination bactérienne ou virale,
11:04tout en continuant à vendre les bouteilles sous l'appellation eau de source ou eau minérale
11:08naturelle.
11:08Sur les forages de Vergès dans le Gard, Marc Perrier, des contaminations bactériennes
11:13et ou virologiques épisodiques se produisent.
11:15Par conséquent, Nestlé doit recourir à des filtrations, ce qui a un rôle de désinfection
11:20en contradiction avec la directive UE de 2009.
11:23Ces filtres étant inopérants sur les virus, n'ont pas de solution évidente aux contaminations
11:28virologiques épisodiques.
11:30Un rapport de l'IGAS de l'été dernier estime que l'entreprise doit donc envisager un arrêt
11:35de la production d'eau minérale naturelle sur le site de Vergès.
11:38Je m'arrête là.
11:40Il me semble, à la lecture de ces documents, que les choses sont assez claires.
11:45La présidence de la République était loin d'être une forteresse inexpugnable à l'égard
11:51du lobbying de Nestlé.
11:53Au contraire, les contacts sont fréquents et l'Elysée ouvre les portes de certains
11:58ministères ou groupes suisses.
11:59La présidence de la République savait au moins depuis 2022 que Nestlé trichait depuis
12:05plusieurs années.
12:07Elle avait conscience que cela créait une distorsion de concurrence avec les autres
12:11minéraliers.
12:13Elle avait connaissance des contaminations bactériologiques, voire, c'est un point
12:17essentiel, virologique sur certains forages.
12:21Et donc, évidemment, les questions que j'aurais aimé que nous puissions poser à
12:24M.
12:24Colleur, s'il avait saisi l'occasion de faire la lumière sur les parts d'ombre de
12:29ce dossier, sont assez simples.
12:31Pourquoi ne pas avoir donné des instructions simples de respect de la loi au ministère,
12:35instructions qui auraient évité les palinodies de la concertation interministérielle de février
12:402023, qui aboutit tout de même à ce que le gouvernement autorise une microfiltration à un industriel,
12:46Nestlé, qui est hors des clous, microfiltration qui, de surcroît, ne règle pas vraiment le
12:52problème des contaminations ? Pourquoi personne au sein de l'exécutif et surtout pas la
12:58présidence ne prend-il ce dossier à bras-le-corps pour en dégager le véritable enjeu, protéger
13:02nos ressources en eau minérale naturelle et les droits du consommateur et aboutir à
13:09une réglementation européenne davantage harmonisée ? Enfin, pourquoi avoir donné tant de
13:14place à Nestlé dans les discussions alors que les autres groupes minéraliers comme
13:19Danone ou Alma, pourtant français, ne font l'objet d'aucune sollicitude particulière
13:23et ne sont même pas consultés lorsqu'il s'agit de modifier la réglementation ? Pourquoi
13:29cette position de Nestlé alors que l'Elysée sait que ce groupe triche depuis des années ?
13:35Voilà ce que je voulais partager avec vous.
13:38J'en conclue, peut-être Monsieur le Président, en vous indiquant que tout au long de cette
13:43commission d'enquête, la société Nestlé Waters n'a eu de cesse de remettre en cause
13:48notre légitimité et qu'il ne s'est pas passé un mois sans que nous ne recevions un courrier
13:55qui questionnait jusqu'à notre existence.
13:59Aussi, aujourd'hui, le secrétaire général de l'Elysée a refusé de déposer devant nous.
14:03Il faut, je le crois, d'urgence conforter les pouvoirs des commissions d'enquête
14:11parlementaires.
14:12L'Assemblée nationale et le Président de la Commission des finances, Éric Coquerel,
14:15ont choisi de porter devant la justice cette question et je vous le dis, en ce qui me
14:19concerne, je considère cela comme légitime.
14:21Nous voulons, nous, aller plus loin et porter notre pierre à l'édifice et pour notre
14:25part porter le sujet devant le Parlement.
14:28Nous proposons dans le cadre de ce rapport de notre commission d'enquête une modernisation
14:34de l'ordonnance du 17 novembre 1958 pour que les pouvoirs du Parlement soient respectés.
14:41Le fait de rendre des comptes est au fondement de notre légitimité démocratique depuis au
14:46moins la déclaration des droits de l'homme de 1789.
14:49Nous allons remettre le Parlement au milieu du village et je vous remercie, M. le Président,
14:56d'avoir permis de faire cette déclaration.
15:00Écoutez, je vous remercie, M. le rapporteur, pour dire qu'on était d'accord sur le fait
15:07de ne pas suivre ce qu'a pu faire la commission d'enquête de l'Assemblée nationale parce
15:14qu'il y a des précédents, il faut le dire, il y a des précédents d'autres commissions
15:17d'enquête où au bout de six mois après il y a eu un classement sans suite, ça ne s'est
15:21pas su et je pense qu'il est beaucoup mieux pour le Sénat, pour l'ensemble de nos concitoyens
15:27de faire la transparence sur des éléments qui nous sont donnés, sur des faits, que de
15:33faire, j'allais dire, déposer plainte et qu'au bout de six mois l'information, pour
15:38des raisons, et je suis très respectueux de la décision judiciaire, quelle qu'elle
15:41soit, ne donne pas suite.
15:43Je trouve que c'est plus important pour nous, dans notre contrôle parlementaire, de faire
15:47le fait.
15:48Merci.
15:49Merci.
15:50Merci.
15:51Merci.