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37 320 vues Sortie le 7 mars 2025 #Economie #Afrique #Finance
Comment l'Afrique peut-elle se prendre en main pour développer ses économies et les rendre moins vulnérables aux chocs internationaux ? C'est la question au coeur du débat que nous avons organisé avec Stanislas Zézé, fondateur de Bloomfield Investment Corporation, agence de notation financière panafricaine et Christian de Boissieu, économiste français, professeur à l'Université Paris I et vice-président du Cercle des économistes.

Dans cette discussion conviviale et approfondie, ces deux spécialistes de la finance africaine analysent au micro de Bruno Faure (RFI) les grandes problématiques du moment : poids de la démographie et de la pauvreté, fragilités monétaires, faiblesse des marchés financiers, suspension de l'aide américaine, possible fin de la guerre en Ukraine, création d'une agence de notation par l'Union africaine, gestion des dettes cachées.
#Afrique #Economie #Finance #StanislasZeze

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Transcription
00:00:00Bonjour, bonjour à tous, ravi de vous retrouver pour une nouvelle vidéo avec des acteurs et
00:00:17observateurs de l'économie mondiale, deux invités à mes côtés aujourd'hui pour
00:00:22commenter ce début d'année 2025 qui ressemble déjà aux précédentes avec des chocs, des
00:00:28bras de fer, à répétition, les conflits commerciaux initiés par le président américain
00:00:33ont des conséquences planétaires en Europe, en Asie et en Afrique, l'Afrique elle-même
00:00:39en plein questionnement sur son développement, la recherche de ressources financières, d'investisseurs
00:00:45étrangers malgré un climat des affaires que l'on peut qualifier d'inégal, pour
00:00:50nous aider à réfléchir et à en débattre, deux personnalités de premier plan ici dans
00:00:55notre studio, d'abord Christian de Boissieux, bonjour, vous êtes l'un des plus grands
00:00:59économistes français, professeur émérite à l'université Paris 1, vice-président
00:01:04du cercle des économistes, vous êtes particulièrement intéressé par ce continent africain que
00:01:10vous parcourez très souvent et puis vous publiez un nouvel ouvrage, la nouvelle guerre
00:01:16des monnaies, publié aux éditions Odile Jacob, les questions monétaires dont on
00:01:21parlera d'ailleurs tout à l'heure. Face à vous, un pur spécialiste de la finance
00:01:26en Afrique, bonjour Stanislas Zezé, on connaît votre parcours au sein de grandes institutions
00:01:32comme la Banque Mondiale et puis depuis 2007 la direction de Bloomfield Investment Corporation,
00:01:39une agence de notation africaine basée dans votre pays, la Côte d'Ivoire, mais qui
00:01:46intervient partout sur le continent et vous venez de lancer à Abidjan une filiale spécialisée
00:01:52en intelligence économique Bloomfield Intelligence. Le climat des affaires n'a donc a priori
00:01:58pas trop de secrets pour vous. Précisément avant de parler de solutions pour le continent
00:02:04africain, brossons rapidement le tableau de cette Afrique, une démographie que l'on
00:02:11dit galopante, une pauvreté endémique, malgré aussi parfois quelques progrès dans
00:02:17certains pays, il y a aussi des conflits armés, des populations déplacées et puis des difficultés
00:02:24aussi pour les transports, un déficit d'infrastructures. Christian de Boissieux, je vous pose la première
00:02:31question directe. Les afro-optimistes ont-ils totalement raison de l'être ?
00:02:37Écoutez, moi je suis, de manière générale, je suis plutôt optimiste parce que quand vous êtes économiste,
00:02:44être totalement pessimiste et expliquer aux autorités qu'il n'y a rien à faire, ce n'est pas très intéressant.
00:02:49Ou alors il faut changer de métier. Donc ce qui m'intéresse dans la vie, c'est comme ça que j'ai construit ma,
00:02:54si je puis dire, ma feuille de route ou ma carrière, c'est, il y a des sujets à traiter et il y a des défis
00:03:01que vous avez évoqués. Puis en même temps, essayons d'améliorer la situation. Alors comment et à combien ?
00:03:12Je veux dire, souvent, on le voit bien aujourd'hui en Europe, la solution elle n'est pas individuelle ou nationale,
00:03:21il faut de la coopération internationale. Moi je crois beaucoup, Stanislas pourra en dire plus que moi là-dessus,
00:03:28je crois beaucoup quand même à la coopération régionale africaine. Alors vous avez parlé des défis,
00:03:35je ne vais pas les relever les uns les autres. Stanislas, il vient de là-bas, il connaît le sujet mieux que moi,
00:03:41mais un mot sur la démographie, puisque vous avez démarré là-dessus. Au fond, la démographie, c'est un défi à relever,
00:03:53parce qu'il faut, ça veut dire qu'il faut, c'est la question de l'éducation, de la formation qui est un sujet central,
00:04:01c'est la question des emplois qui est un sujet central, c'est la question de la pauvreté que vous évoquez,
00:04:08mais en même temps, moi je considère que l'Afrique reste le continent du XXIe siècle, en partie, pas uniquement,
00:04:16mais en partie grâce à la démographie, dans un contexte où les populations baissent dans pas mal d'endroits du monde.
00:04:24Vous avez vu, nous en France, la population ne baisse pas, mais on normalise du côté de la démographie avec une baisse du taux de fécondité.
00:04:33Moi je considère que la démographie, globalement, est une chance, pour des tas de raisons.
00:04:39Je termine en citant cette formule de Jean Baudin, ancien penseur, il y a longtemps, qui disait
00:04:48« Il n'y a de richesse que d'hommes, d'hommes et de femmes ». Voilà ce que je pense.
00:04:53— Vous êtes d'accord avec ça, Stanislas Zezé ? Tout aussi afro-optimiste, ou pas ?
00:04:57— Non, moi je suis très très optimiste, d'ailleurs, ça je vous le cache pas, on en a déjà parlé.
00:05:04Je suis d'accord avec lui quand il parle de la démographie en Afrique comme un avantage.
00:05:10En réalité, oui, c'est un grand avantage, d'ailleurs, surtout que c'est une démographie qui est rajeunie de plus en plus.
00:05:17En 2030 déjà, 60% de la population africaine s'est rajeunie. Le défi, ce n'est pas la démographie elle-même.
00:05:25Le défi, c'est comment organiser et structurer ces démographies. C'est ça qui devient un défi pour les pays africains.
00:05:32Et aujourd'hui, la question qu'on se pose, c'est les pays africains sont arrivés à un croisement des chemins.
00:05:41Extrêmement important aujourd'hui qu'ils repensent leurs modèles économiques et leurs modèles politiques
00:05:47de sorte à anticiper justement sur cette démographie, parce que c'est pas en 2050 qu'ils vont commencer à se préparer.
00:05:54C'est maintenant s'organiser, se structurer, anticiper sur la démographie, anticiper sur le type d'emploi qu'il faut pour absorber tous ces jeunes,
00:06:03le type d'économie qu'il faut pour justement nourrir toute cette population, l'occuper, l'organiser, la structurer
00:06:10et surtout faire que l'Afrique devienne justement ce continent qui va avoir une importance significative
00:06:22dans la mesure où aujourd'hui, on voit bien que dans cette nouvelle mutation géopolitique et économique, l'Afrique est centrale.
00:06:30Même si on ne le dit pas ouvertement, on voit bien les jeux d'alliances, les jeux de coalitions qui se jouent autour de l'Afrique.
00:06:41Et aujourd'hui, c'est la question que l'Afrique doit se poser ou que les Africains doivent se poser.
00:06:46Est-ce que dans cette mutation et cette importance grandissante de l'Afrique, ils ont envie d'être des acteurs ou des spectateurs ?
00:06:54Puisqu'on en est au constat, je vais vous redonner la parole de Christian de Boissieu, une autre fragilité africaine, la fragilité monétaire,
00:07:02avec une dépendance au dollar. On le sait, le dollar américain, on a des risques d'inflation, de dettes qui se creusent.
00:07:12Est-ce que, en plus des difficultés qu'on a évoquées en début d'émission, est-ce que c'est ça aussi qui explique une certaine frilosité des investisseurs internationaux, Christian de Boissieu ?
00:07:22Peut-être. Si vous voulez, la dépendance au dollar, ce n'est pas uniquement pour l'Afrique, c'est pour le reste du monde.
00:07:28Je veux dire, le dollar représente près de 60% des réserves de change des banques centrales.
00:07:33Le dollar facture presque la moitié du commerce mondial.
00:07:36Et moi, je participe à des émissions, des conférences sur le thème de la dé-dollarisation.
00:07:43Point d'interrogation. Ce qui est important, c'est le point d'interrogation, parce qu'effectivement, ce qu'on appelle le sud global,
00:07:50si vous voulez, les pays émergents, les pays en développement, contestent, et d'une certaine façon, ils ont raison,
00:07:57nous, occidentaux, contestent la domination américaine, la domination monétaire du dollar, etc.
00:08:04Donc, il y avait... La monnaie, c'est pouvoir, disait le président américain Andrew Jackson, 1835.
00:08:12On n'a pas attendu, vous voyez, 2025 pour dire que la monnaie est pouvoir, et que derrière ces problèmes monétaires,
00:08:19vous avez des questions de contrôle, de souveraineté, de dépendance ou pas dépendance.
00:08:24Donc moi, je ne veux pas rentrer dans les détails techniques, mais je pense que du point de vue monétaire, je ne suis pas conservateur.
00:08:32En tout cas dans ce domaine-là, et j'espère pas l'être trop dans d'autres.
00:08:35Mais moi, ça fait quand même assez longtemps que j'ai essayé de réfléchir, par exemple, à la question du franc CFA, pour être précis,
00:08:43qui concerne aujourd'hui 14 pays africains, à la fois Afrique de l'Ouest et Afrique centrale.
00:08:48Et moi, je suis très pragmatique. Je ne raisonne pas en tant que français, en disant la France, la France, la France.
00:08:54Ce qui m'intéresse en tant qu'économiste, c'est de voir ce que les pays africains doivent faire aujourd'hui.
00:08:59Et par rapport au franc CFA, je suis persuadé de deux choses.
00:09:02Premièrement, il faut changer le nom, et ça devrait pouvoir se faire sans trop de difficultés juridiques.
00:09:09Et deuxièmement, il faut que les 14 pays qui sont aujourd'hui concernés par le franc CFA,
00:09:16il faut qu'ils fassent, à mon avis, une politique d'ancrage par rapport à un panier de monnaie, dans lequel il y aura le dollar,
00:09:23il y aura l'euro, qui est aujourd'hui la référence du franc CFA, et puis le yuan chinois.
00:09:28C'est-à-dire qu'il faut être réaliste. Il faut tenir compte de la structure du commerce extérieur des pays africains,
00:09:32pour dire, voilà, ces pays doivent ancrer leur devise en fonction de leur commerce extérieur, et ça aura des conséquences.
00:09:38Moi, quand je discute de ça avec un certain nombre de responsables français,
00:09:42qu'on considère comme un... pas un dangereux révolutionnaire, personne ne m'a jamais considéré comme un dangereux révolutionnaire,
00:09:47mais comme quelqu'un qui remet en cause... Eh bien, moi, je renverse la table. S'il faut renverser la table, je renverse la table.
00:09:53Et je pense qu'il faut sortir de ces débats qui sont parfois un peu dogmatiques de part et d'autre.
00:09:59Et moi, j'essaie d'être pragmatique.
00:10:00— Le problème aussi, c'est que les Africains ne sont pas tous d'accord entre eux.
00:10:04— Non, mais... Et nous non plus, on n'est pas tous d'accord au Nord. Et heureusement qu'il y a des conversations.
00:10:08Heureusement qu'il y a des discussions.
00:10:10— Stanislas Zezé, sur cette fragilité monétaire et ces débats qui ont un peu de mal à avancer, quand même.
00:10:16— Je crois qu'il y a une chose qui est très simple. C'est-à-dire que tant que les économies africaines seront dépendantes de leurs importations,
00:10:24elles auront toujours cette fragilité monétaire. À un moment donné, la question n'est même pas une question de monnaie.
00:10:31C'est une question de transformation de l'économie. Il va falloir que ces économies soient transformées.
00:10:36Plus elles seront transformées, plus elles vont fabriquer des produits finis dont elles ont besoin,
00:10:43elles vont importer moins, et elles vont commencer à avoir des réserves de dévises qui seront beaucoup plus importantes.
00:10:49Donc à un moment donné, ces réserves de dévises importantes vont consolider leur propre monnaie et leur propre position monétaire.
00:10:56Donc la question, c'est pas vraiment la monnaie elle-même.
00:11:00— Donc c'est pas urgent de réformer le franc CFA ?
00:11:02— Ce qui est urgent, c'est que le franc CFA, aujourd'hui, c'est une monnaie qui est une monnaie forte, parce qu'elle rime à l'euro,
00:11:12dans des pays qui importent essentiellement tout ce qu'ils consomment. Donc évidemment, ils ont besoin d'avoir une monnaie forte.
00:11:20Qu'elle soit appelée CFA, qu'elle s'appelle Coenza ou ce que vous voulez, il faut qu'ils aient, à l'étape où leurs économies sont,
00:11:28ils ont besoin d'avoir des monnaies fortes, parce qu'elles importent plus qu'elles exportent. Ça, c'est extrêmement important.
00:11:34Donc maintenant, après, évidemment, avoir une souveraineté monétaire, c'est essentiel.
00:11:40Mais la souveraineté monétaire va venir avec la structure de l'économie. Aujourd'hui, il faut se préoccuper de la transformation des économies africaines
00:11:50pour devenir des économies exportatrices de produits finis plutôt qu'importatrices de produits finis.
00:11:56— C'est ce que font déjà certains pays, quand même, sur le continent africain. — Quels pays ?
00:12:01— Le Bénin, par exemple, est un pays qui cherche, en tout cas, qui entre dans ce mouvement vers une transformation locale.
00:12:10— Aujourd'hui, le seul pays vraiment... Enfin évidemment, vous avez les pays comme le Maroc qui sont dans cette logique.
00:12:14Le Botswana a réussi cette transformation dans ce sens où aucun diamant ne soit brut du Botswana,
00:12:23ce qui est un des seuls pays qui a réussi à imposer que les matières premières soient transformées sur son territoire.
00:12:29Donc la vraie problématique des pays africains sur le plan monétaire, c'est de transformer leurs économies déjà,
00:12:34arriver à un point où ces économies ne sont plus dépendantes mais plutôt indépendantes de produits finis.
00:12:40— C'est ce que voudrait faire le Sénégal aussi, avec le nouveau duo au pouvoir. — Tous les pays voudraient le faire.
00:12:44Oui. Maintenant, il faut le faire. Il s'agit pas de vouloir le faire. Maintenant, il faut s'organiser pour pouvoir le faire.
00:12:49Je crois que c'est le plus gros défi des pays africains aujourd'hui, c'est de transformer leurs économies de sorte à être indépendants.
00:12:57Et vous allez voir que dès qu'ils seront indépendants, la problématique monétaire ne se posera plus.
00:13:03— Est-ce que je peux rebondir rapidement là-dessus ? Parce qu'il y a un point fondamental sur lequel je pense que nous sommes d'accord.
00:13:11C'est le fait qu'il faut pas séparer les questions monétaires et ce que j'appelle la question de l'économie réelle.
00:13:18— Absolument. — Et moi, en tant qu'économiste, ce qui m'intéresse, c'est l'économie réelle, c'est-à-dire les performances ou pas,
00:13:24d'investissement, de croissance, d'emploi, de répartition des revenus. Enfin, toutes ces questions qui sont fondamentales.
00:13:33Et la monnaie et la finance ne peuvent pas et ne doivent pas être des fins par elles-mêmes.
00:13:39— Ce sont des instruments. — Des instruments. Il faut pas que ça bloque. Il faut que ça aide, la monnaie.
00:13:44Et je voudrais, deuxième point, revenir sur... Puisque vous aviez démarré la discussion monétaire sur la question de la dépendance,
00:13:50moi, ce qui m'a frappé sur les 2-3 dernières années, mais c'est beaucoup plus ancien et puis ça va continuer,
00:13:58c'est que les économies africaines sont quand même, comme nous aussi, mais plus que nous, très dépendantes d'éventuelles sorties de capitaux,
00:14:07en liaison avec aussi les problèmes de surendettement sur lesquels, j'imagine, on reviendra.
00:14:12Et quand vous avez eu une montée des taux d'intérêt aux États-Unis et en Europe, mais je pense aux États-Unis en particulier...
00:14:19— Les vulnérabilités... — Il y a eu des sorties de capitaux qui fragilisent les économies. Donc je pense, et là, je rejoins Stanislas,
00:14:26que, bon, les entrées et sorties de capitaux, c'est le monde d'aujourd'hui. Même s'il y a une fragmentation de l'économie mondiale,
00:14:34il n'y a pas de démondialisation. Il y a une fragmentation de l'économie mondiale. Et en matière financière,
00:14:41il y a toujours les mouvements de capitaux qui se baladent, les capitaux qui se baladent ici ou là en fonction des rendements anticipés,
00:14:48de l'incertitude, de l'instabilité politique, etc. Mais donc, moi, je souhaite aussi qu'en renforçant leur économie réelle,
00:14:56qu'évoquait Stanislas, que la crédibilité des économies des pays africains soit améliorée.
00:15:03Et donc, ils vont rester dépendants de ce qui se passe dans les pays du Nord, du point de vue monétaire, mais qu'ils le soient un peu moins.
00:15:09Ça va prendre du temps, de la même manière que la transformation qu'évoquait Stanislas, la transformation des structures de l'économie africaine,
00:15:16ça ne peut pas se faire en six mois. Mais il faut l'aborder maintenant pour avoir des résultats à moyen terme.
00:15:22Absolument, absolument. Il ne faudrait pas oublier que les pays africains sont encore jeunes en termes d'indépendance.
00:15:27On entend parler de 60 ans. Ce n'est pas 600 ans, c'est 60 ans.
00:15:33Ceci dit, c'est maintenant qu'il faut commencer cette stratégie de transformation des économies.
00:15:38Peut-être que ce sera dans 30 ans, mais il faut commencer maintenant.
00:15:41Parce que, dès l'instant où ces pays atteindront le niveau d'indépendance économique en réalité, à ce moment-là, tout ce que nous disons se mettra en place.
00:15:53On va parler de solutions encore plus précisément dans quelques minutes.
00:15:58Parmi les instruments que vous avez évoqués, Christian de Boissieu, il y a aussi les marchés financiers pour retenir les capitaux.
00:16:05On constate quand même une faiblesse de ce point de vue-là, surtout en Afrique francophone.
00:16:11Est-ce que le départ des banques françaises, par exemple, c'est un signe que la finance africaine ne fonctionne pas suffisamment bien aujourd'hui ?
00:16:22Écoutez, il y a deux choses différentes. Il y a le départ des banques françaises, que je trouve, moi, une erreur de la part des banques françaises.
00:16:29Et je reviens sur ce que j'ai dit au début. Pour moi, l'Afrique est et restera le continent du XXIe siècle.
00:16:36Donc je prends ça comme des décisions de court terme qui négligent, à mon avis, les perspectives sur le moyen long terme de ces économies pour les banques qui sont installées.
00:16:45Donc quand la Société Générale, pour ne pas la nommer, se retire de tel ou tel pays africain,
00:16:51bon, c'est la stratégie affichée depuis 2-3 ans par la nouvelle direction de la Société Générale,
00:16:56mais en tant qu'économiste, je ne la donne pas en tant que français, je la donne en tant qu'économiste, ça me paraît une erreur stratégique.
00:17:03Sur les marchés financiers ?
00:17:04Alors, deuxièmement, voilà, sur les marchés financiers, il se trouve que moi, j'ai commencé ma carrière africaine, si je puis dire.
00:17:11Mes premiers voyages étaient au Maroc, en Tunisie, à l'époque, dans les pays du Maghreb, et après je suis allé en Afrique subsaharienne.
00:17:17Et mes premières enquêtes ou analyses, ça a été au début des années 80, d'essayer de prendre des mesures, d'aider les autorités à prendre des mesures pour développer la bourse de Casablanca.
00:17:31Bon, à l'époque, elle était ouverte une demi-journée par semaine, ou à peine, et voilà.
00:17:39Donc ça, les marchés se sont développés, les marchés financiers se sont développés, au Maroc.
00:17:45Il y a des marchés financiers, je pense à Johannesburg, je pense à Nairobi, je pense à Abidjan,
00:17:53même si Abidjan, qui est une bourse régionale, finalement a évidemment beaucoup souffert de la guerre civile,
00:18:00bon, et a mis du temps à rebondir.
00:18:03Je dis simplement que l'Afrique pose un problème plus général de savoir, au fond, la question des marchés financiers émergents,
00:18:11qui se posent aussi en Amérique latine, dans certaines places, en Asie, etc., c'est pas propre à l'Afrique.
00:18:17C'est que c'est très compliqué de développer des marchés financiers dans un pays qui en a peu ou pas au départ,
00:18:24il y a des problèmes de liquidités qui doivent être traités.
00:18:29Bon, mais il faut persévérer, et moi j'avais proposé, quand je dis j'ai, on était quelques-uns,
00:18:36à avoir dit, au fond, puisque chaque marché financier en Afrique est nécessaire, mais peut-être pas suffisant,
00:18:43pourquoi pas essayer de développer une sorte de coopération entre plusieurs places financières,
00:18:47comme on l'a fait en Europe avec Euronext.
00:18:49Je prends l'exemple d'Euronext, aujourd'hui, qui rassemble Paris, mais bien d'autres places européennes,
00:18:55une sorte de fédération-confédération de places financières.
00:18:58Bon, voilà, c'est pas facile à faire.
00:19:00Il y a les distances géographiques, il y a les susceptibilités politiques,
00:19:04les souverainetés qui peuvent résister par rapport à la coopération.
00:19:08Comme s'il n'y avait pas de susceptibilités politiques en Europe aussi.
00:19:11Il y en a chez nous, mais le modèle Euronext a réussi à surmonter ça.
00:19:14On a tous les mêmes qualités, les mêmes défauts.
00:19:18Voilà, mais c'était cette idée d'atteindre une taille critique, voilà.
00:19:24– Stanislas Zezé, cette idée vous séduit, de regrouper les places financières pour les rendre…
00:19:28– Mais non, ne regroupez pas ou regroupez. Faire travailler ensemble.
00:19:31– Les faire travailler ensemble pour les rendre plus fortes ?
00:19:33– Oui, absolument. D'ailleurs, c'est ce que j'ai toujours prôné.
00:19:36Je vais peut-être commencer par les banques.
00:19:39En réalité, le fait que les banques françaises se rétirent ne veut absolument rien dire.
00:19:44Au contraire, c'est une opportunité pour les Africains.
00:19:47Vous savez, la nature n'aime pas le vide.
00:19:49BNP Paribas s'est retiré de Côte d'Ivoire.
00:19:51Des Ivoiriens ont acheté la banque.
00:19:52Donc en réalité, c'est une opportunité même pour ces pays africains de contrôler le secteur financier.
00:19:57Vous ne pouvez pas maîtriser votre économie si vous ne contrôlez pas votre secteur financier.
00:20:02Parce que c'est le secteur financier qui finance l'économie.
00:20:04Donc pour moi, c'est une opportunité.
00:20:06C'est une erreur pour les banques françaises, mais c'est leur stratégie, ce qu'on respecte.
00:20:12Mais ça n'a pas de conséquences négatives.
00:20:15Au contraire, c'est une opportunité.
00:20:17Sur les marchés financiers, la vraie faiblesse de l'Afrique aujourd'hui,
00:20:21c'est qu'elle a des marchés financiers qui soient cloisonnés.
00:20:25Et quand vous regardez la capitalisation de ces marchés financiers,
00:20:29en soi, en stand alone, ce n'est pas très élevé.
00:20:32Donc aujourd'hui, ce qui serait une solution pour l'Afrique, c'est la mutualisation.
00:20:37La mutualisation des marchés, des capitaux.
00:20:40De baisser toutes ces cloisons, la coopération d'abord.
00:20:43Et l'idée, c'est d'avoir aujourd'hui, imaginez une seule bourse africaine,
00:20:48avec une seule monnaie africaine.
00:20:50Parce qu'évidemment, il y a la problématique de la non-convertibilité
00:20:54des monnaies africaines entre elles, qui limite la possibilité des pays africains.
00:20:59Donc aujourd'hui, vous avez 54 pays africains.
00:21:01S'il n'y avait pas, s'il n'y avait un seul marché boursier, une seule monnaie,
00:21:04en réalité, les pays africains n'auront pas besoin d'aller émettre des eurobondes,
00:21:09parce qu'ils n'en auront pas besoin.
00:21:10Il y aura suffisamment de liquidités sur le continent
00:21:13pour financer l'économie, les économies africaines.
00:21:18La deuxième chose, la profondeur des marchés ne se décrète pas.
00:21:21Ça se construit.
00:21:22Et ça se construit à travers des outils, à travers des instruments financiers
00:21:27qui correspondent au type d'investisseurs que nous avons sur le continent.
00:21:31Et certains marchés financiers l'ont compris.
00:21:36Prenez la BRVM par exemple.
00:21:38Au début, vous n'aviez que des obligations d'État, des obligations corporate et de banque de trésor.
00:21:43Ensuite, ils ont ajouté les soukouks.
00:21:45Ça élargit la base d'investisseurs, donc la profondeur du marché.
00:21:50Introduit les diaspora bonds, introduit les green bonds.
00:21:54Et maintenant, ils sont en train de parler des blue bonds.
00:21:57Au fur et à mesure qu'on introduit des nouveaux instruments financiers,
00:22:01ça crée une nouvelle catégorie d'investisseurs
00:22:04et qui renforce la profondeur du marché.
00:22:07Les marchés financiers sont fragiles parce qu'ils ne sont pas bien organisés et bien structurés.
00:22:12La logique de la mutualisation aujourd'hui serait la solution, la grande solution,
00:22:17dont je suis d'accord avec lui, la grande solution pour l'Afrique,
00:22:20pour renforcer les marchés des capitaux.
00:22:22Très rapidement, Christian Boissieu.
00:22:24Très rapidement, parce que Stanislas vient d'évoquer la fragmentation des marchés financiers en Afrique.
00:22:29Et vous voyez que je ne fais pas de différence avec le problème qu'on a en Europe.
00:22:32On a aussi eu en Europe, malgré ce qu'on appelle le marché unique,
00:22:35une fragmentation des marchés financiers.
00:22:37Et c'est la raison pour laquelle, si vous prenez le rapport Draghi,
00:22:40du nom de l'ancien président de la Banque Centrale Européenne,
00:22:43rapport qui a été présenté en septembre dernier et qui me paraît très important,
00:22:46pour que l'Europe se bouge un peu,
00:22:48eh bien, ce que dit le rapport Draghi, parmi les axes évoqués,
00:22:52c'est de vraiment réaliser ce qu'on appelle l'union des marchés de capitaux,
00:22:56c'est-à-dire l'union de l'épargne et de l'investissement,
00:22:58pour utiliser les termes aujourd'hui qui sont peut-être plus clairs.
00:23:02Et donc, je pense que nous sommes dans un contexte aussi
00:23:07où la concurrence, la compétitivité, ça concerne les marchés financiers,
00:23:10avec des conséquences très importantes sur l'économie réelle,
00:23:13Stanislas, sur le financement des PME, par exemple,
00:23:16et pas uniquement sur le financement des grandes entreprises.
00:23:18Et donc, c'est pour ça que je disais...
00:23:20Alors, Stanislas évoque le scénario où il n'y aurait qu'un seul marché financier en Afrique.
00:23:26Bon, moi je dirais...
00:23:28Il faut commencer peut-être par des coopérations régionales.
00:23:31Abidjan est une coopération régionale,
00:23:33il y a peut-être d'autres espaces en Afrique de l'Est.
00:23:35Mais il a commencé même à y avoir des coopérations entre les différentes bourses,
00:23:38juste que ce n'est pas suffisamment avancé.
00:23:40Aujourd'hui, il va falloir renforcer ça dans une logique
00:23:43de se retrouver avec un marché financier.
00:23:45Naturellement, les blocages, c'est vrai, comme tu disais, Christian,
00:23:48les problématiques de souveraineté, d'égo politique,
00:23:52mais c'est des choses que, à un moment donné, les Africains devraient surmonter
00:23:55parce qu'aujourd'hui, l'Afrique n'a pas d'autre choix
00:23:58que de rentrer dans une logique de mutualisation.
00:24:00Stanislas Zezé, Bloomfield Investment Corporation
00:24:03et l'économiste français Christian de Boissieux
00:24:06sont nos invités sur Radio France Internationale.
00:24:08Dans ce tableau général africain,
00:24:11et avant d'aller plus précisément sur des solutions,
00:24:14une question d'actualité.
00:24:16On parlait de l'Europe et de l'Afrique dans le contexte mondial,
00:24:20un contexte commercial tourmenté
00:24:23avec les décisions prises récemment par Donald Trump.
00:24:27L'Afrique n'en est pas exempte.
00:24:29Donald Trump qui suspend aussi l'aide américaine en Afrique.
00:24:34Question directe, est-ce que c'est une catastrophe pour le continent
00:24:38ou est-ce que c'est une opportunité ?
00:24:40C'est une opportunité. Je vois toujours le verre à moitié plat.
00:24:44C'est une opportunité.
00:24:46C'est une opportunité pour les Africains de se réorganiser
00:24:49et de comprendre que les jeux de relations internationaux
00:24:55sont des jeux d'intérêts.
00:24:59Donc évidemment, un accompagnement, une aide
00:25:02peut s'arrêter à tout moment si les intérêts changent.
00:25:05Donc c'est une question de s'adapter,
00:25:07s'organiser, se structurer pour pouvoir remplacer
00:25:10le vide que va créer cet arrêt des aides.
00:25:14Ce n'est pas une fatalité.
00:25:17Je crois qu'aujourd'hui, de plus en plus,
00:25:20il y aura ce type de changement dans les relations internationales.
00:25:24Il faut que l'Afrique développe sa capacité de résilience,
00:25:27sa capacité d'absorption de ce type de choc
00:25:30et de ne pas voir ça comme une fatalité.
00:25:32Parce que je veux dire, les aides ne devraient pas être
00:25:38partie composante des budgets des Africains,
00:25:41mais plutôt quelque chose de supplémentaire.
00:25:43Donc ça veut dire qu'en réalité, on devrait anticiper
00:25:45sur la possibilité que ça s'arrête un jour.
00:25:47Donc moi, je ne vois pas ça comme une fatalité.
00:25:49Au contraire, je vois ça comme une opportunité
00:25:52de consolider et de crier, de consolider
00:25:55l'indépendance vis-à-vis de l'extérieur des pays africains.
00:25:58Question de dessus, catastrophe, opportunité ?
00:26:00Il y a souvent et toujours presque les deux aspects.
00:26:04C'est-à-dire que, d'un côté,
00:26:06les initiatives unilatérales du président américain
00:26:10nous obligent, nous, le reste du monde, à nous bouger.
00:26:13Sans ça, on crève.
00:26:15Bon, et l'Europe doit se bouger,
00:26:17et pas en matière de défense,
00:26:19mais aussi en matière économique,
00:26:21face aux initiatives de M. Trump.
00:26:23Et ce que vient de dire Stanislas,
00:26:25c'est comme ça que je l'interprète,
00:26:27c'est que l'Afrique doit se bouger aussi.
00:26:29C'est le côté positif.
00:26:30Alors, le côté un peu négatif quand même
00:26:32de tout ça au plan mondial, je voudrais le rappeler,
00:26:34c'est que vous avez cette montée du protectionnisme
00:26:37d'initiatives américaines,
00:26:39puisque les droits de douane, etc.
00:26:41Nous, les autres, le reste du monde,
00:26:43on réagit par des droits de douane,
00:26:45donc on est dans cette escalade
00:26:47où, au bout du compte,
00:26:49il n'y aura que des perdants.
00:26:51Il n'y aura que des perdants.
00:26:52On l'a bien vu dans les années 1930,
00:26:54la montée du protectionnisme,
00:26:56il n'y a pas de gagnants.
00:26:58Même les Américains vont souffrir des initiatives de leur président.
00:27:01Et on va tous souffrir, au moins par devoir.
00:27:04Il va y avoir une relance de l'inflation.
00:27:07Aux Etats-Unis, parce que ça augmente les prix,
00:27:10et puis dans le reste du monde,
00:27:12avec les répliques.
00:27:14Montée des droits de douane, ça veut dire plus d'inflation,
00:27:17et ça veut dire peut-être des politiques monétaires,
00:27:20des banques centrales qui vont arrêter de baisser leurs taux d'intérêt,
00:27:23et qui pourraient même les remonter.
00:27:25Et deuxièmement, en plus de l'inflation,
00:27:27il y a, derrière tout ça,
00:27:30une croissance mondiale qui va ralentir,
00:27:32et ça va tous nous concerner,
00:27:35le monde, l'Europe et l'Afrique.
00:27:38Je regardais les prévisions du FMI.
00:27:40Le FMI, il peut se tromper comme tout le monde.
00:27:43C'est pas parce que vous avez 2000 personnes ou 3000 économistes à Washington
00:27:46que le FMI ne se trompe pas.
00:27:48Mais en janvier, donc juste avant les annonces récentes de M. Trump,
00:27:53en gros, si je résume,
00:27:55le FMI prévoyait pour l'Afrique subsaharienne
00:27:57une croissance moyenne.
00:27:59La moyenne, ça ne veut rien dire.
00:28:01Enfin, je raisonne comme ça pour simplifier.
00:28:03Une croissance moyenne autour de 4%, un peu plus de 4%
00:28:062025 et l'année prochaine, 2026.
00:28:10Bon, et là, un point au-dessus de la croissance mondiale,
00:28:13une croissance mondiale autour de, un peu supérieure à 3,
00:28:15une croissance subsaharienne un peu supérieure à 4.
00:28:18Je crains qu'on revoie
00:28:20toutes nos prévisions de croissance
00:28:22un peu à la baisse, malheureusement,
00:28:24et ça aura des conséquences pour l'Afrique
00:28:26comme ça aura des conséquences pour nous en Europe,
00:28:28à cause de l'effet négatif
00:28:30et potentiellement démascateur
00:28:32de la montée du protectionnisme.
00:28:34Toujours pour l'Afrique, est-ce qu'il y a
00:28:36un espoir
00:28:38avec l'éventuelle ou la possible
00:28:40fin de la guerre en Ukraine ?
00:28:42Est-ce qu'on va vers une
00:28:44détente économique mondiale,
00:28:47par exemple sur le marché des matières premières ?
00:28:49On sait que l'Ukraine
00:28:51et la Russie y participent activement.
00:28:54Oui, je pense que la raison pour laquelle l'Afrique
00:28:56était affectée indirectement,
00:28:58c'était parce que l'Afrique est dépendante de l'Europe
00:29:00et l'Europe subissait justement
00:29:02cette guerre, ce qui avait renfloué
00:29:04les coûts de certains produits
00:29:06et des coûts de la logistique
00:29:08et certainement que ça va détendre.
00:29:10Ça va dépendre de combien
00:29:12de temps les Européens prendront pour se remettre
00:29:14de cette guerre également
00:29:16qu'ils ont subie de plein fouet.
00:29:18Mais c'est toujours
00:29:20une très bonne chose que la guerre s'arrête
00:29:22de sorte à ce que les gens se réorganisent.
00:29:24L'impact va être
00:29:26certainement de
00:29:28la capacité de rebondir
00:29:30va peut-être être de moyen terme.
00:29:32Et comme Christian disait
00:29:34tout à l'heure,
00:29:36sur les impacts des décisions
00:29:38du Président américain, il faut comprendre
00:29:40que ça fera mal de façon ponctuelle
00:29:42mais dans tous les cas, à un moment donné,
00:29:44c'est des choses qui changent, les politiques publiques
00:29:46changent. Le Président américain changera
00:29:48dans 4 ans, il y aura un autre Président
00:29:50qui prendra certainement d'autres décisions
00:29:52pour venir...
00:29:53Ça sera peut-être son vice-président.
00:29:55Pas forcément, ça pourrait l'être, ça pourrait être
00:29:57quelqu'un d'autre, ça pourrait être des démocrates également.
00:29:594 ans, c'est beaucoup. On verra
00:30:01ce qui va se passer dans ces 4 ans.
00:30:03Les conséquences de ces décisions vont peut-être affaiblir
00:30:05les républicains. On verra bien.
00:30:07Mais ce que je veux dire, c'est que
00:30:09il y a des situations conjoncturelles comme ça,
00:30:11c'est comme ça que je les appelle, où il y a des décisions
00:30:13qui ont des impacts immédiats, qui font mal
00:30:15mais après qui sont rectifiées au fur et à mesure.
00:30:17Mais dans tout ça,
00:30:19il est extrêmement important
00:30:21que l'Afrique, je reviens dessus,
00:30:23construise progressivement
00:30:25son indépendance, de sorte
00:30:27à ce qu'elle développe une capacité
00:30:29d'absorption beaucoup plus importante.
00:30:31C'était une alerte, cette guerre en Ukraine ?
00:30:33C'était une alerte.
00:30:35La guerre en Ukraine a été une alerte.
00:30:37Le Covid a été une alerte. Les décisions
00:30:39prises aujourd'hui par le président américain sont des alertes.
00:30:41Et ces alertes, il faut que les pays africains
00:30:43les comprennent et s'organisent
00:30:45pour développer cette
00:30:47indépendance vis-à-vis du reste du monde.
00:30:49On est dans un monde globalisé, ça ne changera pas.
00:30:51Mais dans ce monde globalisé,
00:30:53il est extrêmement important
00:30:55d'avoir une sorte
00:30:57de capacité de résilience.
00:30:59Même la tendance
00:31:01à, si vous voulez,
00:31:03aux protectionnistes
00:31:05à se recroqueviller sur soi-même,
00:31:07c'est très limité. Aujourd'hui, il est
00:31:09impossible de penser qu'on pourra revenir
00:31:11à un monde où chacun vit de façon
00:31:13autarcique. C'est impossible.
00:31:15C'est pour ça que je ne parle pas
00:31:17de démondialisation.
00:31:19On ne va pas dérouler à l'envers
00:31:21le film qu'on déroule depuis 30
00:31:23ou 40 ans. Mais je dis, il y a des tendances
00:31:25à la fragmentation. Je le vois bien
00:31:27avec, disons, l'élargissement
00:31:29des BRICS, les relations entre
00:31:31les BRICS élargies et les
00:31:33pays du Nord. Il y a quand même des tensions
00:31:35qui se développent. Il y a une tendance...
00:31:37Ça a été montré dans les travaux de
00:31:39l'Acnucède. Le commerce
00:31:41intra-bloc
00:31:43se développe plus vite que le commerce mondial,
00:31:45d'une certaine façon. Quand je regarde
00:31:47la croissance du commerce entre les BRICS,
00:31:49c'est plus fort, et tant mieux
00:31:51pour eux, que le commerce entre nous.
00:31:53Je voudrais revenir sur le... Rapidement.
00:31:55Sur la possible fin
00:31:57de la guerre en Ukraine et l'impact en Afrique.
00:31:59Je voudrais vous entendre là-dessus.
00:32:01D'abord, je suis comme tout le monde, chouette que tout ça s'arrête
00:32:03le plus vite possible parce qu'il y a quand même...
00:32:05Il y a surtout, malheureusement, beaucoup de morts
00:32:07de part et d'autre.
00:32:09Comme disait André
00:32:11Malraux,
00:32:13la vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie.
00:32:15Et j'aime beaucoup cette formule de Malraux.
00:32:17Bon, alors,
00:32:19à partir de là,
00:32:21il y aura aussi des conséquences sur l'évolution
00:32:23des matières premières. Moi, ce qui m'a frappé
00:32:25quand même, c'est que, malgré
00:32:27la possibilité de la guerre, vous avez eu,
00:32:29pour d'autres raisons, une détente des prix
00:32:31du baril, par exemple. C'est-à-dire que
00:32:33quand la guerre
00:32:35a démarré en 2022,
00:32:37en février 2022, il y a eu un choc
00:32:39initial sur les prix
00:32:41du pétrole et du gaz, et puis ensuite,
00:32:43parce qu'on s'adapte,
00:32:45parce qu'on s'ajuste, c'est un peu...
00:32:47C'est très difficile de faire des prévisions
00:32:49matière première au plan mondial,
00:32:51parce qu'il faut raisonner, j'allais dire, presque matière première
00:32:53par matière première, d'une certaine façon.
00:32:55Et même, vous avez
00:32:57une décorrélation qui s'est installée
00:32:59entre les prix du pétrole et les prix du gaz, alors qu'avant,
00:33:01c'était complètement corrélé.
00:33:03Bon, et par rapport à l'Afrique,
00:33:05il y a les céréales
00:33:07quand même qui ont été...
00:33:09Et puis, sur les matières
00:33:11premières industrielles,
00:33:13vous avez, comme toujours,
00:33:15comme chez nous aussi, vous avez des gagnants et des perdants.
00:33:17Vous avez des pays producteurs, et puis
00:33:19des pays importateurs de ces matières premières.
00:33:21Moi, je souhaite,
00:33:23il se trouve que je me suis
00:33:25récemment penché un peu
00:33:27sur un pays que connaît bien Stanislas,
00:33:29c'est le cas de la Guinée, Conakry.
00:33:31Je salue le fait
00:33:33que la Guinée
00:33:35a mis en place, ce qu'ont fait déjà
00:33:37d'autres pays africains, d'ailleurs, un fonds souverain.
00:33:39C'est-à-dire, pour raisonner sur le moyen long terme,
00:33:41pour, en quelque sorte,
00:33:43essayer de gommer un peu les fluctuations
00:33:45inévitables à court terme des prix des matières premières,
00:33:47et se dire, voilà, on produit
00:33:49des matières premières, une partie importante
00:33:51doit revenir vers les
00:33:53États, vers les pays concernés,
00:33:55et être un peu moins accaparée par les
00:33:57Chinois, les Russes, les Français, les autres, etc.
00:33:59Et que cet argent, il doit
00:34:01servir à financer le développement
00:34:03à moyen long terme des pays et les infrastructures.
00:34:05– Bon, est-ce pas que les fonds souverains, c'est une excellente chose
00:34:07si ces fonds souverains sont bien gérés ?
00:34:09– Oui. – Après, il y a une question de gouvernance.
00:34:11Je crois que ce problème
00:34:13de gouvernance revient toujours.
00:34:15On peut avoir des
00:34:17idées extraordinaires, mais non, après,
00:34:19comment on les gère ? Est-ce que il ne suffit pas d'avoir
00:34:21un fonds souverain qui ne serve pas,
00:34:23finalement, à grand-chose ?
00:34:25Je crois que les expériences des autres pays ont bien montré
00:34:27que les fonds souverains, quand ils ne sont pas
00:34:29bien gérés, on finit par avoir des
00:34:31caisses qui servent
00:34:33à financer autre chose. Donc, pour moi,
00:34:35oui, c'est une très bonne chose, mais
00:34:37en espérant qu'ils mettront en place un mécanisme
00:34:39de gestion de ce fonds souverain
00:34:41qui répondra à des normes de
00:34:43gouvernance efficaces
00:34:45qui feront que ce serait
00:34:47une sorte de bouée de sauvetage
00:34:49en cas de crise, par exemple.
00:34:51– Une phrase, parce que je suis complètement d'accord,
00:34:53mais les questions de bonne gouvernance,
00:34:55de lutte contre la corruption, etc.,
00:34:57c'est des problèmes qui se posent
00:34:59en Afrique, chez nous aussi, au Nord.
00:35:01Donc, je veux dire, moi, je travaille
00:35:03beaucoup sur le problème de la gouvernance
00:35:05où le gouvernement des entreprises,
00:35:07dans un pays comme la France ou en Europe,
00:35:09on a des tas de sujets à aborder.
00:35:11Des problèmes de transparence, des problèmes
00:35:13de lutte contre les conflits d'intérêts.
00:35:15On le voit bien aujourd'hui aux Etats-Unis,
00:35:17les conflits d'intérêts avec M. Elon Musk.
00:35:19Tous les jours, il affiche
00:35:21ses propres conflits d'intérêts, si je puis dire.
00:35:23– On poursuit notre discussion
00:35:25avec Stanislas Zezé
00:35:27et Christian Deboisieux. Justement,
00:35:29Stanislas Zezé, votre travail
00:35:31depuis des années, c'est de
00:35:33changer la perception
00:35:35du risque, la perception
00:35:37de ces difficultés
00:35:39africaines qui existent,
00:35:41certes, mais pourquoi ne pas
00:35:43évaluer autrement
00:35:45les économies africaines ?
00:35:47Allons droit au but. Est-ce que l'Afrique
00:35:49est aujourd'hui victime d'injustice
00:35:51de la part des grandes agences de notation
00:35:53internationales ?
00:35:55Je voudrais d'abord que l'on écoute quelques secondes
00:35:57William Ruto, le président kényan.
00:35:59C'était il y a quelques semaines.
00:36:01Le moment est venu
00:36:03de réécrire notre histoire
00:36:05et de recréer notre narratif
00:36:07et d'envoyer
00:36:09la rénaissance africaine
00:36:11à l'avant.
00:36:13Chers collègues,
00:36:15notre appel urgent
00:36:17est de réaliser
00:36:19notre devoir pour les
00:36:21gens d'Afrique et d'assurer
00:36:23que notre continent
00:36:25prend son lieu de droit
00:36:27en formant
00:36:29un progrès
00:36:31dans sa capacité
00:36:33et son potentiel
00:36:35tant
00:36:37en tant que peuple
00:36:39qu'en tant
00:36:41que pays.
00:36:43C'est pourquoi nous sommes
00:36:45ici aujourd'hui.
00:36:47L'économie africaine est
00:36:49empêchée par un système
00:36:51financier
00:36:53qui misréprésente,
00:36:55distorde
00:36:57et sous-estime
00:36:59notre réalité.
00:37:01Les agences
00:37:03de comptabilisation mondiale
00:37:05n'ont pas seulement
00:37:07fait une mauvaise main.
00:37:09Elles ont aussi délibérément
00:37:11failli l'Afrique.
00:37:13Stanislas Zezé, William Ruto n'y va pas
00:37:15avec le dos de la cuillère, comme on dit
00:37:17sur les agences de notation
00:37:19internationales. Fitch,
00:37:21Moody, Standard & Poor's,
00:37:23clairement visés.
00:37:25Vous avez tout à fait raison sur
00:37:27l'approche un peu biaisée
00:37:29des agents de notation financière
00:37:31internationale.
00:37:33Dans ce sens où
00:37:35ce qu'ils évaluent en réalité, ce n'est pas
00:37:37la qualité de crédit des pays africains
00:37:39mais leur capacité à rembourser en dollars.
00:37:41Et vu la structure de leur économie,
00:37:43tant qu'ils seront
00:37:45dans cette structure d'économie, ils auront
00:37:47toujours des mauvaises notes. Et c'est là
00:37:49où il y a un biais. Et ce que nous disons,
00:37:51nous, la notation en monnaie locale,
00:37:53c'est d'établir la qualité de crédit
00:37:55intrinsèque de ces pays-là dans leur propre monnaie.
00:37:57Maintenant, la différence, c'est que
00:37:59quand vous allez emprunter en dollars, vous remboursez en dollars.
00:38:01Vous empruntez en euros, vous remboursez en euros.
00:38:03Mais ça ne détermine pas votre qualité
00:38:05de crédit intrinsèque. Ceci dit,
00:38:07je suis tout à fait d'accord
00:38:09avec cette dénonciation, parce que
00:38:11c'est ce que j'ai fait, moi, il y a 18 ans, c'est pourquoi
00:38:13j'ai créé cette agence.
00:38:15Mais la façon de créer...
00:38:17La façon de
00:38:19répondre à ça, c'est là où j'ai un problème.
00:38:21Parce que l'Union africaine
00:38:23a décidé de créer une agence de notation financière
00:38:25qui serait une agence de notation financière
00:38:27publique. Ce n'est pas
00:38:29une affaire du public, les notations financières.
00:38:31C'est une affaire du privé.
00:38:33Les trois agences internationales sont privées.
00:38:35Les deux agences africaines,
00:38:37Bloomfield et Augusto, sont privées.
00:38:39Ce que nous avons suggéré à l'Union africaine,
00:38:41c'est de renforcer la capacité
00:38:43des deux agences qui existent déjà
00:38:45et n'ont pas créé
00:38:47une agence de notation publique qui ne sera pas crédible.
00:38:49Elle ne sera pas crédible
00:38:51parce qu'il y a déjà un conflit d'intérêts.
00:38:53Les pays africains
00:38:55créent une agence de notation financière qui va les noter.
00:38:57Ça n'a pas beaucoup de sens.
00:38:59Et donc c'est là où
00:39:01la solution qu'ils apportent ne fonctionnera pas.
00:39:03Mais le fait d'avoir dénoncé,
00:39:05on l'a dénoncé nous aussi il y a longtemps.
00:39:07Nous il y a 18 ans, Augusto il y a 30 ans.
00:39:09C'est pourquoi nous avons créé ces agences.
00:39:11Nous notons aujourd'hui les pays.
00:39:13Nous avons changé la narrative. Nous sommes
00:39:15progressivement en train de changer
00:39:17la configuration des marchés financiers en Afrique.
00:39:19Maintenant il s'agit
00:39:21qu'il y ait une
00:39:23collaboration avec l'Union africaine pour renforcer
00:39:25la capacité de ces deux agences
00:39:27de notation financière.
00:39:29Alors cette réunion
00:39:31de l'Union africaine, ce sommet
00:39:33de l'Union africaine à Addis-Abeba
00:39:35où a donc été clairement
00:39:37évoqué la création d'une agence
00:39:39de notation panafricaine.
00:39:41Qu'est-ce que ça vous inspire Christian Boisieu ?
00:39:43Ça m'inspire que d'abord je voudrais
00:39:45évaluer le travail
00:39:47de Stanislas Zeze
00:39:49de Blomfield parce qu'effectivement
00:39:51moi je fais partie des gens
00:39:53qui considèrent que
00:39:55il faut que
00:39:57il faut que se constituent
00:39:59une ou plusieurs agences
00:40:01si possible pas 36 non plus
00:40:03il ne faut pas de fragmentation là
00:40:05d'agences plus
00:40:07proches du terrain, plus proches
00:40:09de la réalité du risque
00:40:11africain. Et les raisons
00:40:13qu'évoquait Stanislas sont intéressantes
00:40:15parce qu'elles sont liées au problème de taux de change
00:40:17et risque de change en disant
00:40:19évaluer le risque en modèle local
00:40:21c'est pas la même chose qu'en dollar
00:40:23compte tenu des fluctuations
00:40:25et du fait que
00:40:27le dollar peut monter
00:40:29ce qui fait que quand vous avez une dette en dollar
00:40:31et que vous êtes un pays africain, vous n'êtes pas très bien.
00:40:33Donc cette agence panafricaine
00:40:35on la met à la poubelle ?
00:40:37On a eu une discussion avec Stanislas, je pense qu'il s'en souvient
00:40:39à Dakar, dans un sommet
00:40:41on a eu une rencontre avec le président
00:40:43Matissas et d'autres responsables africains
00:40:45à l'époque, c'était il y a quelques années
00:40:47et effectivement on a parlé
00:40:49d'agence panafricaine mais
00:40:51c'est pas du tout pour minimiser le rôle de
00:40:53Blomfield, c'est à dire je pense que
00:40:55il faut
00:40:57faire pièce, c'est à dire il faut
00:40:59il s'agit pas de
00:41:01s'asseoir sur les notes de Standard & Poor's
00:41:03Moody's et Fitch qui sont les
00:41:05trois grandes agences de notation
00:41:07dans le monde, toutes
00:41:09américaines, j'allais dire toutes américaines
00:41:11malheureusement, mais j'aimerais bien aussi qu'il y ait une agence
00:41:13de rating européenne, elle n'existe pas
00:41:15aujourd'hui, il y a des petites agences de rating
00:41:17mais généralement elles sont
00:41:19plutôt spécialisées sur la notation
00:41:21de l'extra financier. Je reviens sur
00:41:23l'Afrique, donc je pense qu'il faut
00:41:25effectivement que Blomfield
00:41:27croisse, je l'espère, c'est tout ce
00:41:29que je souhaite de mieux pour Stanislas et
00:41:31ses équipes, que il y ait
00:41:33éventuellement des fusions, etc.
00:41:35Alors panafricaine ça va pas
00:41:37on est les 54 pays
00:41:39Je suis curieux de savoir ce qu'ils entendent par panafricaine
00:41:41Nous on intervient dans
00:41:4320 pays africains
00:41:45on prouve tous les 54 pays en termes
00:41:47ce que je veux dire c'est éviter absolument la fragmentation
00:41:49se rapprocher, fusionner éventuellement
00:41:51grossir, grossir
00:41:53mais ça vous êtes en train de le faire
00:41:55pour atteindre ce que j'appelle l'attaque critique
00:41:57d'accord avec
00:41:59Stanislas, elle doit surtout
00:42:01pas être publique parce qu'elle peut pas
00:42:03noter les états, il y a un conflit d'intérêts
00:42:05mais là où le rôle des états peut jouer
00:42:07c'est
00:42:09favoriser un tour de table
00:42:11des banques, des
00:42:13compagnies d'assurance, d'un certain nombre d'actionnaires
00:42:15de ces agences
00:42:17mais qui doivent être privées, qui doivent
00:42:19absolument être privées, voilà
00:42:21c'est ça qu'on veut dire, panafricaine ça va pas concerner
00:42:23les 54 pays. Si je peux rajouter quelque chose rapidement
00:42:25c'est exactement ce que je dis
00:42:27il y a deux agences qui existent déjà
00:42:29la raison pour laquelle Stanislas,
00:42:31Moody's et Fitch sont à ce niveau, parce que
00:42:33il y a eu justement ce soutien
00:42:35là des états américains
00:42:37et des autres états européens pour consolider
00:42:39leur position
00:42:41et c'est de ça que nous parlons
00:42:43nous disons que l'union africaine ferait
00:42:45mieux de chercher à consolider
00:42:47la position des deux agences
00:42:49Bloomfield
00:42:51et Augusto pour qu'elles atteignent un certain
00:42:53niveau critique de taille
00:42:55pour pouvoir rivaliser
00:42:57systématiquement avec les trois agences
00:42:59il ne s'agit pas de créer une agence
00:43:01publique, pour moi c'est une réaction
00:43:03émotive, malheureusement
00:43:05c'est une relation émotive et qui n'a pas
00:43:07de succès
00:43:09je parle des pays africains
00:43:11de créer une société publique
00:43:13on se rejoint, pour moi
00:43:15créer une société, une agence de notation publique
00:43:17est une réaction émotive
00:43:19j'ai entendu le discours du président Routeau
00:43:21c'est une réaction tout à fait
00:43:23juste un mot, si Bruno me permet
00:43:25un mot, on a eu en France
00:43:27il y a
00:43:2940 ans
00:43:31on a créé une agence de notation
00:43:33française publique
00:43:35qui dépendait de ce qu'on appelait à l'époque
00:43:37le crédit national
00:43:39institution qui a disparu, ça a fusionné, etc
00:43:41ça n'a pas marché
00:43:43mais de la même
00:43:45manière que moi je souhaiterais
00:43:47qu'il y ait au moins une grande agence de rating
00:43:49européenne, un capitaux européen
00:43:51comme l'était Fitch
00:43:53il y a 20 ans, Fitch était dépendant
00:43:55d'un groupe français
00:43:57privé, Fimalac
00:43:59ils ont été rachetés par Hearst, le groupe américain
00:44:01privé, donc de la manière
00:44:03que je souhaite
00:44:05les agences de rating ne peuvent pas être
00:44:07américaines, parce que ça participe de cette
00:44:09asymétrie qu'on évoquait au début de l'émission
00:44:11et de la domination
00:44:13du dollar, donc de la manière
00:44:15qu'il faut qu'on ait au moins une
00:44:17grande agence de rating européenne qui soit
00:44:19crédible, bonne réputation
00:44:21il faut que Blomfield croisse
00:44:23et atteindre ce qu'on appelle
00:44:25l'un et l'autre, l'attaque crédible. En tout cas c'est devenu stratégique
00:44:27il y a d'autres idées
00:44:29qui émergent pour desserrer
00:44:31les taux financiers
00:44:33par exemple la création d'un mécanisme
00:44:35de garantie financière
00:44:37c'est une idée qui a été appuyée par
00:44:39le président de la BAD
00:44:41Akinwemi Adesina
00:44:43qui termine son mandat. Écoutez
00:44:45il faut avaloir
00:44:47partout dans le monde
00:44:49donc aussi en Afrique
00:44:51financer la transition écologique et énergétique
00:44:53bon
00:44:55et ça m'a demandé beaucoup d'argent
00:44:57et moi j'ai travaillé
00:44:59un peu là dessus pour essayer de voir
00:45:01ce que ça coûtait dans le monde
00:45:03en Europe, en Afrique, etc
00:45:05il faut rassembler beaucoup d'argent
00:45:07bon et l'argent
00:45:09qu'il faut rassembler pour financer cette transition
00:45:11dans un contexte où il y a d'autres dépenses
00:45:13à assurer, la défense
00:45:15l'éducation, la santé, les infrastructures
00:45:17dont on parlait au début de l'émission
00:45:19l'argent pour financer la transition
00:45:21écologique, il doit à la fois
00:45:23il doit être mixte, il doit y avoir des capitaux privés
00:45:25et de l'argent public
00:45:27et je termine là dessus sur le problème de garantie
00:45:29parce que les mécanismes de garantie
00:45:31on l'a bien vu à plusieurs reprises
00:45:33c'est intelligent parce que l'État
00:45:35donne sa garantie
00:45:37à la fin
00:45:39ça lui revient moins cher
00:45:41que donner de l'argent
00:45:43parce que les emprunteurs ne vont pas tous
00:45:45faire défaut, donc les systèmes de garantie
00:45:47c'est à la fois une manière
00:45:49de réduire le risque
00:45:51vous investissez et vous récupérez votre mise
00:45:53si ça ne fonctionne pas
00:45:55et en même temps ça rétablit la confiance
00:45:57ça transfère le risque vers l'État
00:45:59mais in fine ça coûte moins cher que de faire
00:46:01des dépenses budgétaires brutes
00:46:03ou directes telles quelles
00:46:05c'est là que les États peuvent intervenir, doivent intervenir
00:46:07c'est un histoire saisie
00:46:09je pense que la logique de garantie
00:46:11doit être liée à la logique de crédibilité
00:46:13on ne garantit pas systématiquement
00:46:15on garantit une probabilité
00:46:17de défaut, une probabilité
00:46:19de ne pas pouvoir faire face à ses obligations
00:46:21et
00:46:23c'est pourquoi ça doit être toujours lié
00:46:25à la notation financière ou lié
00:46:27à une évaluation en tout cas qui établit
00:46:29la crédibilité, parce que la garantie
00:46:31systématique vous demande
00:46:33de donner une garantie à 100% ce qui est
00:46:35excessif, en sachant que
00:46:37une garantie va rentrer
00:46:39dans justement les obligations de l'État
00:46:41même si ce n'est pas de l'argent décaissé
00:46:43c'est de l'argent potentiellement
00:46:45décaissable
00:46:47moi je suis un partisan de
00:46:49minimiser les garanties
00:46:51en fonction de la qualité
00:46:53de crédit, c'est à dire déterminer
00:46:55la partie qui représente
00:46:57un risque et la garantie, seulement
00:46:59cette partie là, pas systématiquement
00:47:01garantie des transactions
00:47:03ou systématiquement garantie
00:47:05il faut qu'il y ait une granularité
00:47:07justement dans la logique
00:47:09de garantie mais pas une logique de garantie
00:47:11systématique, ça me pose un problème
00:47:13dans l'exemple de ce qui a été fait dans certains pays
00:47:15y compris la France
00:47:17qui n'est pas un modèle
00:47:19mais juste à titre d'exemple, au moment du
00:47:21Covid, c'est à dire qu'en
00:47:232020 quand on a rentré dans le Covid
00:47:25finalement on a eu très peur
00:47:27en France comme dans d'autres pays
00:47:29qu'il y ait une multiplication
00:47:31des faillites de PME
00:47:33d'entreprises en particulier des PME
00:47:35et donc l'État
00:47:37est intervenu pour garantir, mais pas
00:47:39100%, pour garantir entre
00:47:4170 et maximum 90%
00:47:43les crédits accordés par les banques
00:47:45à ces PME durant la période de Covid
00:47:47et finalement
00:47:49ça a coûté de l'argent
00:47:51à l'État parce que dans certains cas, l'emprunteur
00:47:53n'a pas pu rembourser et avec la garantie
00:47:55la garantie de l'État était activée
00:47:57ou actionnée, mais in fine
00:47:59ça coûte moins cher que si
00:48:01l'État au lieu de donner des garanties
00:48:03avait déboursé de l'argent tel quel
00:48:05vous comprenez ce que je veux dire, c'est là où je dis
00:48:07c'est un système
00:48:09qu'il ne faut pas généraliser
00:48:11il faut être relativement granulaire
00:48:13et fin et sélectif, comme l'a dit
00:48:15Stanislas, pour la mise en oeuvre de la garantie
00:48:17sans ça, la notion de garantie
00:48:19disparaît, si elle est appliquée
00:48:21tous azimuts, il faut être
00:48:23sélectif, mais je répète, c'est une
00:48:25manière d'économiser
00:48:27l'argent public par rapport à des dépenses
00:48:29budgétaires directes, dans un contexte
00:48:31où il y a beaucoup de choses à financer
00:48:33et je pense, je répète, en matière de transition
00:48:35écologique, moi les banques de développement
00:48:37doivent jouer un rôle important dans la garantie
00:48:39c'est pas uniquement l'État, la BAD
00:48:41la Banque Africaine de Développement
00:48:43et d'autres banques de développement sur les territoires
00:48:45africains, même que pour nous en Europe
00:48:47on est en train, la
00:48:49Banque Européenne d'Investissement
00:48:51est dans cette optique là également
00:48:53alors si je peux rajouter juste un dernier point
00:48:55rapidement avant qu'on parle du problème de la dette
00:48:57et des dettes cachées, question importante
00:48:59je crois que dans la logique
00:49:01du financement des économies africaines
00:49:03on s'est rendu bien compte que
00:49:05ce sont des économies généralement dont les tissus
00:49:07économiques sont à peu près entre
00:49:0990 et 95% de
00:49:11PME. Le financement des
00:49:13PME ne se fera pas par les banques
00:49:15parce que les banques ne sont pas structurées pour
00:49:17financer de l'amorçage jusqu'à la vitesse
00:49:19de croisière. Aujourd'hui, il faut
00:49:21penser à introduire des fonds d'investissement
00:49:23de petites coupons
00:49:25c'est-à-dire des fonds d'investissement PME
00:49:27il n'y a quasiment
00:49:29pas de fonds d'investissement PME en Afrique
00:49:31il y en a 2-3 qui viennent d'Europe
00:49:33mais des fonds d'investissement locaux
00:49:35au lieu de mettre de l'argent
00:49:37en garantie dans les banques pour financer
00:49:39des PME, et elles ne le feront pas de toute façon
00:49:41parce qu'elles ne changeront pas le système
00:49:43de gestion des risques de contrepartie
00:49:45il faut investir cet argent
00:49:47dans des fonds d'investissement
00:49:49qui vont se créer et qui
00:49:51vont rentrer dans le capital des
00:49:53PME, donc apporter le renforcement
00:49:55des capacités et apporter
00:49:57du financement et sortir
00:49:59chaque 5 ans. Et ça permettra
00:50:01de consolider un tissu de PME
00:50:03de plus en plus solide
00:50:05ce qui permettra de
00:50:07renforcer l'économie de ces pays africains
00:50:09et de financer et développer
00:50:11ces pays africains. C'est quelque chose
00:50:13d'extrêmement important à regarder
00:50:15comme alternative de financement des économies
00:50:17Alors on n'en a pas encore
00:50:19parlé, mais il faut bien en parler
00:50:21de cette question de la dette, des dettes
00:50:23publiques en Afrique, vous parliez
00:50:25de crédibilité budgétaire
00:50:27il y a une question
00:50:29qui n'est peut-être pas totalement
00:50:31centrale mais qui est quand même importante
00:50:33c'est la transparence
00:50:35budgétaire, la question des
00:50:37dettes cachées. Et on sait que dans un certain
00:50:39nombre de pays, ça existe
00:50:41la dette n'est pas forcément
00:50:43affichée dans les
00:50:45bilans budgétaires des Etats. Est-ce que c'est quelque
00:50:47chose que vous regardez ?
00:50:49C'est un slash zézé avec Bloomfield
00:50:51Quand nous regardons la dette
00:50:53évidemment il y a trois choses que nous regardons
00:50:55le niveau de la dette
00:50:57le stock de la dette, pour parler
00:50:59de sur-endettement ou d'endettement modéré
00:51:01et nous regardons
00:51:03l'exposition en dévise pour les pays africains
00:51:05et le service de la dette
00:51:07donc les plus importants parmi ces trois éléments
00:51:09c'est le service de la dette, donc la capacité
00:51:11à rembourser
00:51:13ses engagements et l'exposition
00:51:15nous encourageons toujours les pays africains
00:51:17à emprunter dans leur propre monopole la configuration
00:51:19de leurs économies. Les réserves
00:51:21des dévises sont faibles, donc plus ils s'exposent
00:51:23en dévise, plus ils s'exposent
00:51:25à des potentiels défauts
00:51:27et la question
00:51:29de la transparence est une question
00:51:31d'organisation de leur gouvernance
00:51:33nous avons des pays africains qui
00:51:35généralement ont des concentrations de pouvoir
00:51:37ce qui ne permet pas
00:51:39d'avoir un équilibre de pouvoir
00:51:41donc cet équilibre de pouvoir qui va garantir
00:51:43un contrôle
00:51:45du législatif
00:51:47sur l'exécutif
00:51:49et du judiciaire également en arbitrage
00:51:51on n'a pas malheureusement
00:51:53ces divisions-là. Il faut
00:51:55consolider les institutions
00:51:57la séparation des institutions de sorte
00:51:59à pouvoir créer cet équilibre qui
00:52:01permettra d'avoir un contrôle systématique
00:52:03sur la gestion budgétaire
00:52:05et sur la gestion des dépenses
00:52:07des emprunts. Tant que ce n'est pas
00:52:09fait, l'exécutif dans les pays
00:52:11finira toujours par trouver des moyens
00:52:13d'avoir des...
00:52:15Est-ce que c'est ce qui s'est passé au Sénégal
00:52:17où l'on voit tous les débats
00:52:19sur
00:52:21le possible
00:52:23d'être cachés ou en tout cas
00:52:25de leur maquiller ?
00:52:27Les nouvelles autorités ont
00:52:29décrié la gestion précédente
00:52:31en prenant le risque d'ailleurs
00:52:33de donner
00:52:35de dire que tous les chiffres
00:52:37n'étaient pas des bons chiffres
00:52:39et ils ont sorti les bons chiffres aujourd'hui. On a vu qu'il y avait
00:52:41vraiment une situation
00:52:43assez difficile et
00:52:45aujourd'hui l'idée c'est justement de rectifier ça.
00:52:47Pourquoi c'est arrivé ? C'est arrivé parce que
00:52:49justement l'exécutif contrôle tout
00:52:51et qu'il y a très peu de contrôle
00:52:53parlementaire, très peu de contrôle
00:52:55du système judiciaire. Donc on se retrouve
00:52:57dans des situations comme ça où
00:52:59les gens sont capables
00:53:01de contracter des dettes
00:53:03en dehors du budget parce qu'il n'y a pas
00:53:05de contrôle. En dehors, il n'y a pas suffisamment
00:53:07de contrôle. Donc en dehors du budget
00:53:09contracter des dettes qui aujourd'hui
00:53:11sont des dettes qui sont dilapidées parce qu'on ne sait pas
00:53:13où elles sont passées puisqu'elles ne sont pas dans les systèmes.
00:53:15Ça mérite un commentaire de Christian Boucher.
00:53:17Non mais ça évoque un sujet
00:53:19au fond sur lequel
00:53:21on est obligé
00:53:23de travailler
00:53:25quand on travaille sur l'Afrique mais c'est vrai aussi
00:53:27pour d'autres continents. C'est-à-dire qu'à côté
00:53:29de la dette officielle
00:53:31vous avez aussi la question
00:53:33des arriérés de paiements
00:53:35entre opérateurs.
00:53:37J'ai dirigé l'émission sur la Russie
00:53:39à partir de 1992 où le sujet central
00:53:41c'est qu'il y avait des arriérés de paiements
00:53:43domestiques. C'est pas le même sujet que celui
00:53:45qu'évoque Stanislas mais c'est complémentaire.
00:53:47C'est-à-dire que c'est une forme de dette cachée dont on ne parle pas.
00:53:49Les entreprises
00:53:51ne règlent plus leurs dettes. Par exemple
00:53:53ne payent plus
00:53:55l'État
00:53:57est mauvais payeur dans certains pays,
00:53:59ne paye pas ses contractants
00:54:01au marché public et les entreprises
00:54:03font leur compensation dans leur coin
00:54:05en disant que l'État ne paye pas donc je ne paye pas mes impôts
00:54:07à l'État.
00:54:09Donc ça c'est un problème de confiance.
00:54:11Deuxième remarque complémentaire
00:54:13c'est que derrière
00:54:15évidemment il y a malheureusement pas mal
00:54:17de pays africains qui sont
00:54:19surendettés et la question du risque
00:54:21de change ou du coût du change
00:54:23augmente le surendettement quand
00:54:25on est endetté en devise étrangère
00:54:27et dans un contexte où la monnaie nationale
00:54:29se déprécie par rapport
00:54:31au dollar, par rapport à l'euro
00:54:33et à d'autres devises.
00:54:35Les transferts nord-sud, du nord vers le sud
00:54:37c'est pas la solution
00:54:39mais ça peut aider et je voudrais évoquer
00:54:41deux choses qui sont intervenues récemment
00:54:43enfin il y en a une un peu
00:54:45qui est intervenue il y a 2-3 ans quand
00:54:47on a décidé de réallouer
00:54:49vers les pays africains un peu plus
00:54:51de la dernière allocation de DTS
00:54:53qui avait été organisée dans le cadre du FMI
00:54:55et moi j'ai salué
00:54:57cette initiative.
00:54:59Bon c'est pas des montants énormes mais c'est toujours
00:55:01bon à prendre pour les pays africains et la deuxième chose
00:55:03qui rejoint le débat
00:55:05sur le financement de la transition écologique
00:55:07je trouve que la COP
00:55:09de 29 de Bakou en novembre dernier
00:55:11a donné un signal
00:55:13intéressant mais insuffisant
00:55:15à l'Afrique en disant
00:55:17les transferts du nord vers les pays du sud
00:55:19en particulier l'Afrique doivent passer
00:55:21de 100 milliards de dollars par an à 300 milliards
00:55:23de dollars par an.
00:55:25Les pays émergents ou en développant y compris
00:55:27les pays africains ont dit ok
00:55:29c'est mieux que rien mais c'est clairement insuffisant
00:55:31puisque les pays du sud avaient demandé
00:55:33à l'époque en novembre à Bakou
00:55:35que ça soit 1000 à 1500
00:55:37milliards de dollars qui soient
00:55:39transférés du nord vers le sud. Donc il y a un débat
00:55:41sur les montants mais je signale
00:55:43quand même que cette question des
00:55:45transferts nord-sud est
00:55:47une question qui me paraît assez
00:55:49complémentaire des débats sur les problèmes d'endettement.
00:55:51Tant que les
00:55:53promesses sont tenues aussi.
00:55:55On va conclure
00:55:57dans un instant.
00:55:59C'est ce que je disais, il faut que les pays africains
00:56:01arrêtent d'être toujours en train d'attendre
00:56:03quelque chose des autres
00:56:05et de se mettre toujours dans des positions
00:56:07de faiblesse et d'indépendance.
00:56:09Ça veut dire qu'on se met
00:56:11dans une position où on se dit on réglera
00:56:13nos problèmes si les autres
00:56:15respectent leurs engagements.
00:56:17Mais sur cette question climatique où on parle
00:56:19quand même de dette climatique.
00:56:21Je suis tout à fait d'accord mais ce que je veux dire
00:56:23c'est qu'à un moment donné ce ne sont que des promesses
00:56:25que pour l'instant dans beaucoup de cas
00:56:27ils ne respectent pas. Est-ce que s'ils ne respectent pas
00:56:29les promesses les africains ne règlent pas
00:56:31leurs problématiques liées
00:56:33au changement climatique ? Non.
00:56:35Il va falloir s'organiser de sorte
00:56:37à ce que les promesses
00:56:39soient finalement des choses complémentaires.
00:56:41Parce que si la capacité
00:56:43des africains à gérer
00:56:45le problème de transition écologique
00:56:47est basée sur les promesses des occidentaux
00:56:49on a un gros problème.
00:56:51Il faut changer
00:56:53de narrative
00:56:55quant à régler les problèmes
00:56:57qui concernent l'Afrique, ne pas
00:56:59lier la solution systématiquement
00:57:01à la promesse
00:57:03de ceux qui polluent finalement.
00:57:05Stanislas, je ne dis pas
00:57:07que ce soit la solution miracle.
00:57:09Ce que je dis c'est que ça peut aider.
00:57:11Ça peut aider s'ils respectent
00:57:13les engagements mais on l'a vu
00:57:15qu'ils ne respectent pas souvent les engagements.
00:57:17Pourquoi baser
00:57:19sa capacité
00:57:21de résilience climatique
00:57:23sur des promesses ?
00:57:25On va voir si vous êtes capable
00:57:27de tenir une promesse, si vous avez besoin
00:57:29de paroles. Est-ce que vous êtes capable en une minute
00:57:31de faire une conclusion
00:57:33après tout ce qu'on a dit ?
00:57:35On a évoqué pas mal de problématiques
00:57:37qui sont liées d'ailleurs les unes aux autres.
00:57:39Je vous donne une minute chacun.
00:57:41C'est comme dans un débat politique.
00:57:43Christian Boissieux.
00:57:45D'abord j'ai été ravi de participer à ce débat.
00:57:47Deuxièmement,
00:57:49on est rentré dans une période
00:57:51qui va être très compliquée au plan mondial.
00:57:53Elle était déjà avant
00:57:55puisqu'on est passé de choc en choc,
00:57:57de problèmes systémiques
00:57:59à des problèmes systémiques.
00:58:01Mais il est clair que les décisions unilatérales
00:58:03américaines sont fortes.
00:58:05Elles ne vont pas aider.
00:58:07Dans ce monde qui va être compliqué,
00:58:09avec des guerres qui sont loin
00:58:11d'être terminées, il y a l'Ukraine,
00:58:13il y a le Proche-Orient,
00:58:15il y a aussi des guerres en Afrique dont on n'a pas parlé
00:58:17ou qu'on a juste cité tout à l'heure.
00:58:19Donc un monde très compliqué
00:58:21du point de vue économique, géopolitique, etc.
00:58:23Moi je souhaite
00:58:25plus de solidarité
00:58:27entre l'Europe et l'Afrique.
00:58:29Je le souhaite.
00:58:31Qu'on retrouve un peu
00:58:33l'esprit de la coopération
00:58:35méditerranéenne qui avait été lancée
00:58:37il y a quelques années,
00:58:39qui avait été trop rapidement abandonnée.
00:58:41Et du côté de l'Africain,
00:58:43je respecte complètement la souveraineté
00:58:45des pays africains,
00:58:47donc ce n'est pas à moi de décider pour eux.
00:58:49Mais je souhaite en tout cas
00:58:51qu'on continue à travailler ensemble.
00:58:53C'est un espace parlé d'indépendance.
00:58:55La question que je me pose,
00:58:57c'est à quel niveau ?
00:58:59Nous en Europe, il faut qu'on se mette d'accord
00:59:01en Europe pour avancer, pour réagir.
00:59:03Peut-être pas à 27,
00:59:05mais à plusieurs. Et je pense que sur beaucoup de sujets,
00:59:07les pays africains ont intérêt à développer
00:59:09leur coopération régionale.
00:59:11Merci, toujours un plaisir de vous retrouver
00:59:13Bruno et Christian également.
00:59:15Je crois que moi
00:59:17aujourd'hui, je pense que l'Afrique
00:59:19est un carrefour, un carrefour extrêmement important
00:59:21et extrêmement dangereux
00:59:23si l'Afrique rate ce rendez-vous.
00:59:25Aujourd'hui,
00:59:27les vraies problématiques de l'Afrique
00:59:29vont être résolues dans une logique
00:59:31de mutualisation, de mutualisation des forces,
00:59:33de mutualisation dans ce sens
00:59:35où ce serait bien d'avoir
00:59:37une bonne coopération
00:59:39des marchés financiers,
00:59:41baisser les barrières
00:59:43de transactions inter-Etat
00:59:47et renforcer les relations
00:59:49entre les différents pays africains.
00:59:51Parlez de
00:59:53convaincibilité des monnaies.
00:59:55On dit ça, mais la zlékaf, voilà.
00:59:57Non, la zlékaf est une très bonne chose,
00:59:59mais il y a des préalables.
01:00:01Si vos monnaies ne sont pas convertibles, vous commercez comment ?
01:00:03Enfin, je veux dire, ça commence par là.
01:00:05Puisque vous avez des pays dont les structures économiques
01:00:07font que vous avez des réserves
01:00:09et des devises qui sont faibles, vous devez passer par des devises
01:00:11pour faire du commerce et ça devient
01:00:13beaucoup plus compliqué. Donc c'est-à-dire
01:00:15la problématique de la monnaie,
01:00:17c'est de rendre les monnaies convertibles en elles-mêmes
01:00:19pour arriver à
01:00:21une monnaie unique, ce serait
01:00:23l'idéal pour l'Afrique. Un marché
01:00:25des capitaux communs
01:00:27serait une excellente chose.
01:00:29Baisser toutes les barrières
01:00:31de visas pour qu'il y ait
01:00:33une circulation fluide
01:00:35des personnes
01:00:37dans l'Afrique. Donc,
01:00:39l'Afrique est face à un défi
01:00:41extrêmement important
01:00:43et aujourd'hui,
01:00:45c'est une question de
01:00:47véritablement penser
01:00:49s'organiser dans une
01:00:51logique d'indépendance.
01:00:53D'indépendance vis-à-vis du reste du monde, ça ne veut pas dire
01:00:55qu'on sort de cette logique de
01:00:57mondialisation mais d'être
01:00:59dans une position beaucoup plus forte
01:01:01dans cette logique de mondialisation
01:01:03et ça nécessite une coopération
01:01:05intra-africaine qui a commencé,
01:01:07qui doit être renforcée,
01:01:09qui doit être accélérée et où
01:01:11les pays devraient moins penser
01:01:13à la souveraineté mais plus penser
01:01:15à une logique d'unité.
01:01:17Bravo et merci à vous deux.
01:01:19Christian de Boissieux,
01:01:21La nouvelle guerre des monnaies aux éditions
01:01:23Odile Jacob, Stanislas Zezé,
01:01:25L'homme aux chaussettes rouges,
01:01:27votre livre autobiographique
01:01:29est toujours disponible, n'est-ce pas ?
01:01:31Merci à vous,
01:01:33merci à nos réalisateurs et merci à tous
01:01:35de nous suivre sur la chaîne
01:01:37Youtube de RFI, rubrique
01:01:39Les invités de l'économie.

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