Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 26 mars 2025 : le musicien et écrivain Mathias Malzieu. Son livre "L'homme qui écoutait battre le cœur des chats" vient de sortir aux éditions Albin Michel.
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00:00Bonjour Mathias Malzieux, vous êtes de ces artistes qui insulent de l'énergie de la poésie en gardant
00:05sous vos chapeaux arborants souvent des cœurs, d'ailleurs votre casquette de rockeur de Dionysos
00:09à l'univers surréaliste. Oui, vous êtes un dieu des vignes et de l'ivresse à votre manière et sans
00:14être en état d'ébriété, vous assumez d'être un vampire en pyjama, vous revendiquez aussi de faire
00:20le con poétiquement, c'est un métier formidable, au point d'être d'ailleurs une sorte de cowboy
00:24solitaire tiré d'un western recouvert par la neige avec à ses côtés quelques monstres d'amour
00:30pour davantage percer les secrets de la mécanique du cœur. L'écriture a toujours été le liant et le
00:36lien de toutes vos coiffes sans jamais scalper personne si ce n'est vous-même car vos histoires
00:43vous racontent. Aujourd'hui vous publiez L'homme qui écoutait battre le cœur des chats aux éditions
00:48Albain Michel, un ouvrage qui met en avant June et Tornado et qui raconte la résilience au travers
00:55d'une fausse couche qui impacte Mathias et Daria au point de leur faire perdre pied. Il y a beaucoup
01:01de vrais dans ce roman, Mathias, je crois que ça c'est votre force, c'est de transformer les peines
01:07en joie, de mettre des couleurs là où la vie nous réserve de mauvaises nouvelles. C'est la ligne de
01:13Crète en tout cas parce que le risque de ces outils magiques de l'imagination ce serait d'aller dans
01:20une fuite, c'est dans un déni. Et en même temps si on ne les utilise pas on rend un récit de drame,
01:26on fait du ton sur ton et ça devient non comestible. Alors que pour essayer de faire
01:33circuler un petit peu de beauté il faut le pas de côté de la littérature, le conte qui renseigne
01:38sur le réel et là il y a deux armes principales pour moi qui sont l'humour et la poésie qui sont
01:45finalement des mécaniques assez similaires parce que pour raconter une blague il faut regarder le
01:50monde un peu de côté et la poésie c'est un peu la même chose. Et souvent les clowns sont tristes et
01:56c'est un peu ce qui se dégage de vous finalement, c'est-à-dire que vous avez toujours ce sourire,
02:01vous arborez ce sourire, cette posture finalement d'aller chercher le positif, la lumière là où
02:06la majorité du temps est souvent c'est sombre. Est-ce que vous ne vous oubliez pas vous-même
02:12finalement ? C'est ce qu'on découvre à travers cet ouvrage, que vous vous protégez beaucoup en
02:18parlant d'abord des autres. Peut-être, mais en tout cas c'est ce qui me permet d'avoir accès à la
02:25joie je crois. On est heureux, le bonheur en fait c'est une moyenne mais le bonheur c'est une bonne
02:32nouvelle. Il y a plein de gens qui ont aimé le livre alors ça va me rendre heureux comme ça de
02:37manière mécanique mais il y a une autonomie quand même possible dans la joie et celle-là il faut
02:41aller se la chercher. Et c'est vrai que c'est beaucoup dans l'altérité que je la trouve. Je
02:46dis à un moment dans le livre que l'imagination ne sert pas qu'à faire parler des chats ou chanter
02:51des fantômes mais ça sert aussi pour l'empathie, pour se mettre à la place de l'autre. Il faut de
02:57l'imagination et c'est vrai que ça me rend heureux. Je ne crois pas que ça me fasse m'oublier, au
03:04contraire je crois que ça me permet d'avoir accès à cet autre moi-même qui plongait dans les autres,
03:09me rend tout simplement plus heureux. Comment il est né ce roman Mathias ? Parce qu'on sent qu'il
03:15est né dans une forme de douleur, de tristesse. Il fait partie de ces livres qui s'imposent à vous,
03:21c'est-à-dire qu'il y a des livres qu'on choisit d'écrire et d'autres qu'on n'a presque pas le
03:27choix d'écrire. Après tout le travail c'est de transformer ce besoin en envie et que ça devienne
03:33joyeux quand même. Quand j'ai perdu ma mère j'ai écrit mon premier roman, quand j'étais en chambre
03:38stérile pour ma grève de malosseuse j'en ai écrit un autre auquel vous faisiez allusion tout à l'heure,
03:44Journal d'un vampire en pyjama. Et là ça a été pareil, j'ai mis deux ans à ne pas l'écrire
03:48finalement. Parce que j'ai écrit une première version du livre qui fonctionnait pas, qui manquait
03:53de recul justement, qui était trop collée comme ça. Et puis finalement le fait est que dans le
04:01réel les chats m'ont aidé, nous ont aidé. Ils ne sont pas un prétexte en fait. Non mais je le
04:06précise, ils ne sont pas pris en otage les chats dans cet ouvrage, on s'en fout. C'est-à-dire que
04:11je voulais surtout pas écrire un livre avec des chats qui parlent. Je voulais raconter cette
04:15histoire d'arriver à être heureux malgré un rêve important qui ne se réalise pas. Et pour moi la
04:22meilleure musique, le meilleur recul, la meilleure distance c'était de passer par le biais des chats
04:26parce que tout simplement dans le réel les chats nous consolaient. Les chats rassurent de rien. Ils
04:33vont pas vous dire t'inquiète pas ça va aller mieux. Mais par contre leur présence suffit à
04:37consoler au jour le jour et ça ressemble beaucoup à un livre qu'on peut lire de quelqu'un d'autre ou
04:43quand on écrit. Et du coup je me suis dit c'est les chats qui vont parler. Vous parlez de paternité
04:47qui s'éloigne à travers cet ouvrage et on vous voit enfant, on vous revoit enfant. C'est assez
04:53étonnant d'ailleurs dans l'écriture. Est-ce que l'espèce de petite lumière que vous avez dans
04:59les yeux Mathias a changé un jour ou l'autre ? On a l'impression que vous avez toujours ce même
05:03regard que vous aviez enfant, que vous portez sur la vie, sur la curiosité. Ça je crois que ça n'a
05:08pas changé et je crois que c'est vital pour moi. J'aurais pas la prétention de dire il faut, chacun
05:14vit comme il peut et comme il veut surtout. Mais moi si j'ai plus l'étincelle, s'il n'y a pas ce bleu
05:21de la flamme, de la curiosité, de l'aventure, de quelque chose que je connais pas, que je pourrais
05:25apprendre, découvrir, quitte à me tromper et ce que je vais faire justement de mes erreurs, alors
05:31là le risque dépressif serait grand. Alors que finalement ce jeu, c'est un jeu en fait. C'est un
05:36grand jeu, on dit, enfin on je sais plus, c'est un philosophe qui disait ça, la vie est un théâtre
05:41je crois. Et je crois à ça et c'est pas cynique quand je le dis. Au contraire c'est fantastique
05:46une pièce de théâtre, une salle de théâtre, une scène, on peut s'amuser, on peut, voilà par exemple
05:52moi sur scène là je vais porter un masque de chat et c'est comme dans la comédie à l'art et en fait
05:58je vais me révéler, je vais dire plus de mots encore que si je portais pas le masque. Et la
06:03fiction c'est un peu ça aussi et c'est tout ce qui me passionne dans les choses que je fabrique,
06:10mais dans mon rapport aux autres et dans les livres que je lis des autres, dans les films que je vois
06:14des autres, dans les gens que je rencontre. Et tant que ce flux il est là et il était même là
06:19justement dans les moments les plus sombres après la maltraitance inécologique qu'a subi ma
06:27femme. En fait le fait de pouvoir continuer d'être créatif a été très important.
06:33A quel âge vous avez découvert que vous étiez d'abord un raconteur d'histoire ?
06:36Assez tôt. Alors je ne l'ai pas conscientisé, mais en tout cas très tôt. Quand j'étais tout
06:45petit j'avais inventé une entreprise qui s'appelait l'entreprise de tout. E-D-T. Donc j'écrivais ça
06:53partout. L'entreprise de tout. Et c'était avec un singe en peluche qui s'appelait Kim. Et on
06:58s'était dit qu'on pouvait tout entreprendre tous les deux et que c'était mon associé. Alors on
07:03faisait des courses de tortues avec mes deux tortues que j'avais. On faisait des tournois de
07:08tennis avec des figurines de Strumpf et des Playmobil. Mais j'inventais beaucoup d'histoires
07:13et il y avait beaucoup d'histoires de dinosaures et de systèmes solaires et d'étoiles et de choses
07:20comme ça. Le point de départ de l'écriture de cet ouvrage, c'est une porte qui se referme.
07:25Oui, tout à fait. Qui ne s'ouvre pas ou qui se referme, comme on veut. Et vous, ce roman,
07:30ça devient une porte sur autre chose, qui invite à autre chose. Le titre, il est incroyable,
07:37Mathias. Je voudrais qu'on revienne dessus. L'homme qui écoutait battre le cœur des chats. Un
07:43cœur qui bat, c'est un cœur qui vit. Tout ce symbolisme-là est essentiel aussi pour vous.
07:49Oui, c'est encore ce petit pas de côté.
07:53Une mise d'écologie aussi derrière.
07:55Oui, parce que moi, j'utilise... J'en ai parlé une fois avec Lola Lafon, elle enregistre tous ses
08:02livres en le gueuloir de Flaubert, c'est-à-dire qu'elle s'enregistre entièrement. Alors moi,
08:08je ne vais pas jusque-là, si j'ai beaucoup d'admiration pour elle. Mais il y a des moments
08:13où, par contre, je m'enregistre quand même. Certains dialogues ou des descriptions, des
08:18choses comme ça. Et j'aime aussi la musique des mots, terriblement. Donc ça, c'est important.
08:25C'est important pour moi que ça sonne. Mais en même temps, la question sur la symbolique,
08:29elle est très forte aussi, parce que moi, j'aime comprendre par la métaphore. J'aime
08:35comprendre par la question. C'est ce que j'aime aussi, avec les chats, c'est qu'ils nous voient,
08:44comme on disait un petit peu tout à l'heure, ils ne vous répondent sur rien. Mais je continue
08:48de me poser des questions en travaillant sur le livre. C'est juste qu'en trouvant plein de
08:52questions à se poser, en fait, c'est comme ça que je chemine et j'ai moins besoin des réponses.
08:57La première version du livre que j'avais fait sans les chats répondait beaucoup plus. On voulait
09:02se concentrer, voulait être presque engagé sur ce sujet. En frontal. Alors que là, finalement,
09:10j'ai essayé de faire un livre plus engageant qu'engagé, à dire qu'il est engagé aussi,
09:15mais je ne milite pas pour ma cause ou pour une cause. J'essaye de poser des
09:20questions pour voir qui peut les attraper, ces fameuses bouteilles à la mer.