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  • 25/03/2025
Elle a été renvoyée pour avoir dénoncé dans Envoyé spécial les conditions de vie dans les Ehpad. Aujourd'hui, Hella Kherief témoigne.
Transcription
00:00Je me suis sentie vraiment trahie, jetée, complètement dénigrée.
00:21Je suis blacklistée dans tous les établissements.
00:23La boîte d'intérim qui m'envoyait des missions tous les jours
00:27ne m'a plus envoyé aucune mission depuis ce lundi 24 septembre.
00:44Et là, l'hôpital pour lequel j'avais signé un CDI au 1er septembre
00:51me contacte le lendemain de l'émission pour m'annoncer qu'on m'attend le lundi
00:57pour mettre fin à ma période d'essai.
00:59On ne me le dit pas clairement, mais c'est comme ça que je le ressens.
01:02Je vais à cet entretien-là, et le cadre de santé me reçoit très peinée.
01:08Et il me dit « Et là, on va mettre fin à la période d'essai, même si elle n'est pas terminée. »
01:13Je lui dis « Qu'est-ce qui se passe ? Je tombe des nues.
01:15Je ne sais pas pourquoi il met fin à ma période d'essai.
01:18Dites-moi, est-ce que j'ai fait une faute ?
01:20Si vous saviez que vous alliez mettre fin à ma période d'essai,
01:22pourquoi m'avez-vous laissé travailler le samedi et le dimanche ? »
01:24Et là, il ne me répond pas.
01:26Je lui dis « Mais alors, c'est à cause de l'émission.
01:28Dites-moi que c'est à cause de l'émission d'envoyé spécial. »
01:30Il noce les épaules, il me dit « Et là, je suis désolée.
01:33Ce n'est pas moi qui ai pris la décision.
01:35On n'a pas à se justifier.
01:37On ne doit pas vous donner de motifs, étant donné que vous êtes en période d'essai. »
01:40Dans les heures qui suivent, je reçois un appel d'une boîte d'intérim,
01:44qui me contacte régulièrement, voire tous les jours,
01:47pour me proposer quatre missions de nuit, consécutives,
01:51et qui devaient commencer ce soir-là, le lundi 24.
01:53Moi, je les accepte volontiers. Je me dis « Ella, tu ne vas pas te laisser t'abattre. »
01:56Alors, j'y vais bien entendu à l'avance.
01:58Au bout de 25 minutes, la 4 sort en panique, me disant « Excusez-moi.
02:01Je suis vraiment désolée. La réunion a pris du retard.
02:03J'en ai pour cinq minutes et on va visiter l'établissement. »
02:05Et là, elle ressort 30 secondes plus tard,
02:08elle me regarde, elle re-rentre dans la pièce,
02:11et elle n'est plus jamais ressortie.
02:13J'ai la boîte d'intérim qui m'appelle,
02:15et qui me dit « Ella, je suis désolée.
02:17On va annuler les quatre missions. Rentrez chez vous.
02:19On vous paye trois heures pour le déplacement. »
02:22Je craque, en fait. Je pleure parce que c'était trop pour moi.
02:26J'avais bossé toute la nuit dernière.
02:28Le matin, j'apprenais que j'étais licenciée de l'hôpital.
02:31Le soir même, je suis virée de l'établissement
02:34pour lequel je dois aller travailler,
02:36comme une malpropre, quelque part.
02:39Et c'est lourd, quoi. C'est beaucoup.
02:42Ça fait beaucoup parce que je fais juste mon devoir de citoyenne.
02:46Je dénonce simplement des faits qui sont réels.
02:49Aujourd'hui, c'est pas possible d'être deux aides-soignantes
02:51pour un établissement qui accueille 94 résidents la nuit.
02:54C'est juste pas possible.
02:56On n'a que deux bras, deux jambes. On peut pas être partout à la fois.
02:58C'est des personnes qui sont âgées, qui ont besoin d'attention.
03:01Et les traiter comme ça, on doit les accompagner dignement
03:04vers une fin de vie correcte.
03:06Aujourd'hui, les traiter comme on les traite, c'est inadmissible.
03:08On peut pas se permettre de dire
03:11« Si elle a fait pipi et que j'ai plus de couches,
03:13on la laisse dans sa couche plein d'urine. »
03:15C'est horrible.
03:17On demande une couche supplémentaire.
03:19Ah non, mais vous avez dépassé le quota. On peut pas vous en donner une.
03:21Aujourd'hui, on en est arrivé à un point où ces entreprises,
03:24ces grands groupes,
03:26ils calculent même le grammage alimentaire pour les résidents.
03:30Vous avez 50 grammes pour l'entrée, 100 grammes pour le plat.
03:33Au goûter, c'est une madeleine, un sirop de fraise.
03:36Et quand il y a du sirop, parce que parfois, c'est de l'eau,
03:39c'est des personnes qui sont abandonnées dans ces maisons de retraite.
03:42Il faut pas oublier que nos jeunes d'aujourd'hui,
03:45c'est les vieux de demain. J'arrête pas de le dire,
03:47mais il faut vraiment qu'on prenne conscience
03:50que ça pourrait être nos grands-parents, nos parents,
03:52et nous-mêmes dans quelques années,
03:54qu'il faut pas qu'on laisse un modèle de société
03:57comme celui-ci pour nos enfants,
03:59parce qu'on court vers la catastrophe.

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