L'Everest, elle en a atteint 3 fois le sommet. Mais Marion Chaygneaud-Dupuy est aussi à l'origine d'un autre exploit : l'avoir débarrassé de plusieurs tonnes de déchets laissés par les autres alpinistes. Brut nature l'a rencontrée.
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00:00En 2018, on m'a annoncé que je battais un record de la première femme européenne à
00:13avoir grimpé trois fois l'Everest.
00:14Pendant ma première expédition jusqu'au sommet, j'explore vraiment toute la zone
00:19autour du camp de base avancé et je me rends compte que c'est comme si c'était une décharge
00:23finalement.
00:24Il y a des conserves, des bocaux, même des tubes de dentifrice, des toiles de tente.
00:46Au camp 3, on est à 8300 mètres.
00:49Là, c'est vraiment ce qu'on appelle « dead zone ». C'est-à-dire qu'il n'y a plus
00:52du tout de place pour la vie.
00:54Si on reste trop longtemps dans cette zone, on meurt en fait.
00:57C'est là où les déchets sont laissés le plus abondamment parce que finalement,
01:01il y a cette urgence de monter ou de descendre, donc il n'y a plus du tout de conscience
01:05de respect de ce lieu.
01:10Au total, sur les six camps pour monter au sommet de l'Everest, sur la face nord, côté
01:14tibétain, il y a 10 tonnes de déchets.
01:22Après quatre ans dans le monastère, je suis partie de l'autre côté de la chaîne Himalaya
01:38au Tibet où je suis devenue responsable de projets pour aider des populations nomades
01:47au Tibet.
01:48Moi, je ne m'attendais pas du tout à me retrouver sur les pentes de l'Everest pour
01:53aller au sommet.
01:54J'étais déjà guide en fait depuis 2011-2012, j'avais été jusqu'au camp avancé sur
02:01l'Everest.
02:02Ce n'était pas du tout un objectif d'aller là-haut.
02:05Et puis en fait, c'est en 2012 que la compagnie des guides, une entreprise privée qui s'occupe
02:13des expéditions chinoises sur l'Everest, m'a demandé d'aller jusqu'au sommet pour
02:17vraiment comprendre pourquoi les gens laissent les déchets à cette altitude et pourquoi
02:24c'est si difficile aussi pour les professionnels de la montagne qui sont là pour encadrer
02:27ces expéditions, de trouver un système en fait pour les redescendre.
02:33Petit coucou du soir sur l'ABC, c'est sympa d'être ici.
02:42Juste avant de faire ces derniers pas pour arriver au sommet, qui est à la suite évidemment
02:46complètement grisant, de voir apparaître très très bientôt la fin de l'ascension.
02:50C'est extrêmement lumineux, c'est très très spacieux.
02:53Et puis il y a tout au-dessous de nous en fait une mer de sommets tout autour du massif
02:59de l'Everest.
03:00C'est absolument magnifique.
03:01Chaque sommet a une histoire, un nom, je les connais, j'en ai même certains que je gravis.
03:16Il y a de plus en plus de touristes qui viennent juste pour atteindre le sommet sans vraiment
03:32prendre en compte l'importance de garder la montagne propre et pure.
03:37La coulée de déchets en fait c'était comme une larme qui polluait la montagne et
03:45c'est par cette même blessure en moi-même que j'ai ressenti la motivation finalement
03:51d'arriver à passer à l'action.
03:53Une fois que les sacs sont redescendus par les yaks jusqu'au camp de base, il y a des
04:15camions qui viennent chercher ces sacs et qui les amènent dans les différentes décharges
04:19pour les déchets recyclables et les déchets non recyclables.
04:22Toute cette infrastructure, cette coordination, ça a motivé les troupes.
04:28Ce qui fait qu'il n'y avait pas que les professionnels de la montagne qui étaient
04:32là mobilisés pour ramasser les déchets mais il y avait aussi tous les alpinistes
04:36des différentes expéditions de différents pays.
04:37Un enjeu majeur à dépasser c'était le ramassage des déchets en très haute altitude.
04:48Ces déchets-là, comme en fait il n'y a que les professionnels de la montagne, les
04:51Sherpas tibétains ou népalais qui peuvent aller les chercher, on a estimé que c'était
04:56indispensable de payer ce travail.
04:59Donc là en fait on a monté des programmes qui s'appellent « Cash for Trash » où
05:04chaque kilo de déchets, de « trash » est payé en monnaie locale, sur place.
05:26Il a fallu commencer par vraiment faire une charte de principes sur la base de la conscience
05:33écologique tibétaine qui était déjà là.
05:35Il a fallu mettre en place une infrastructure avec des zones de dépôt des différents
05:40déchets, des recyclables, des non-recyclables, pour que continuellement, quand les expéditions
05:45viennent, elles puissent déposer leurs sacs de déchets au fur et à mesure qu'ils
05:50les produisent.
05:51Donc on compte les nombres de déchets qui sont redescendus par expédition.
05:55Chaque alpiniste doit descendre au moins 8 kilos de déchets et si les agences de voyage
06:00ne jouent pas le jeu de redescendre leurs déchets, bien simplement ils sont rayés
06:05de la liste des agences pour l'année suivante.
06:14Pour moi ça a été aussi sortir d'un isolement.
06:16Je croyais que la voie spirituelle me menait à rester seule, en retraite, dans les grottes
06:22ou même dans ma tente sur la montagne.
06:24Mais que finalement, cette idée d'être isolée, c'est vraiment dissous.
06:29Et c'est dissous dans une conscience beaucoup plus vaste d'être en interdépendance avec
06:32tout ce qui m'entoure.
06:52Aujourd'hui, je redescends cette écolabelle à Tlinévrest, vers toutes les plaines du
06:57Tibet, pour pas seulement nettoyer les glaciers, mais aussi garder les sources d'eau dans
07:03la plaine propres.
07:11L'évreste en tibétain, ça se dit Jomolangma.
07:13Jomolangma, c'est la déesse mère éléphant qui est protectrice du monde et protectrice
07:17des humains, des animaux.
07:20Ceux qui vivent du métier de guide en montagne, forcément, ils ont un salaire grâce à Jomolangma.
07:26C'est comme cette respiration entre recevoir de la montagne et donner en échange.
07:32Donner quoi ? Lui redonner sa pureté, toute sa beauté.
07:36Cette relation sacrée avec la montagne, c'est de comprendre qu'il y a toujours des équilibres
07:41à respecter.
07:42On ne peut pas tout prendre qu'il faut redonner à un moment donné pour prendre soin en retour.