L’actrice québécoise Charlotte Le Bon a réalisé son premier film, “Falcon Lake”. L’occasion de revenir sur sa relation avec les fantômes…
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Court métrageTranscription
00:00C'est vrai qu'il y avait un fantôme ici.
00:02Je n'y crois pas trop, donc...
00:04J'aime les fantômes.
00:05J'y crois vraiment fermement.
00:06J'aime bien les choses qu'on n'arrive pas trop à expliquer avec la science.
00:11Mais je crois aussi que, comme j'ai été confrontée à la mort assez rapidement dans ma vie,
00:16puisque j'ai perdu mon père quand j'avais 10 ans,
00:18je pense que ça a été une façon pour moi d'un peu romantiser la mort
00:22et de romantiser le deuil et d'en faire quelque chose d'un peu apaisant, en fait.
00:25Donc l'idée qu'il y ait une présence qui, malgré cette absence, me suit tout le temps,
00:30je crois que ça m'a calmée et ça m'a permis d'être en paix, en fait, avec mon deuil.
00:33Les conversations sur le rapport à l'existence ou pas des fantômes et spiritualités,
00:37c'est des conversations que tu as eues avec tes comédiens, avec l'équipe technique du film, etc.
00:41Vous en parliez, tout ça ?
00:42On en parlait.
00:43Après, c'est comme n'importe où.
00:45Il y a des gens qui y croient, il y a des gens qui n'y croient pas.
00:47Donc je sais que ma jeune actrice, elle y croyait.
00:49Je sais que mon jeune acteur, des fois oui, des fois non.
00:52Ce n'est pas grave de ne pas y croire.
00:54De toute façon, je n'y crois pas parce que d'autres personnes m'ont dit d'y croire.
00:57J'y crois parce que j'ai décidé de le faire et que ça m'apaise et qu'il y a quelque chose de beau là-dedans.
01:00Je pense qu'il ne faut jamais forcer les gens à croire en quelque chose s'ils n'ont pas envie, en fait.
01:04Ce n'est pas grave.
01:05Les fantômes, ils n'étaient pas présents dans la bande dessinée qui est à l'origine de ton scénario.
01:09Tout de suite, tu t'es dit je vais mettre des fantômes là-dedans ?
01:12Non.
01:13Non, ça a été un peu long.
01:15Au début, j'ai fait une première version du scénario qui était beaucoup plus proche de la BD,
01:20et en fait, ce n'était pas bien.
01:22Mon scénario n'était pas bon.
01:23C'était de la merde.
01:24Je n'arrivais pas à trouver de l'argent.
01:26À un moment, je me suis juste assise et j'ai réfléchi.
01:31Je me suis demandé pourquoi j'avais envie de faire ce film,
01:33pourquoi j'avais envie de faire un film encore sur l'éveil sexuel.
01:38C'est un film sur un récit d'apprentissage et il y en a plein de films qui ont été faits là-dessus.
01:43Je me suis dit qu'est-ce qui, moi, pourrait faire en sorte que j'arrive à rendre ça un peu plus singulier.
01:48Je pense que la seule façon de rendre quelque chose singulier, c'est vraiment en s'appropriant une histoire.
01:53J'ai été tentée d'utiliser des trucs qui, moi, me plaisent,
01:57qui sont des codes qu'on retrouve dans les films de genre, par exemple,
02:00parce que j'aime beaucoup les films de genre.
02:01Puis de ramener des petites bribes de mon histoire à moi, de mon enfance, de mon adolescence,
02:06de mes craintes, de mes joies, de mes traumas.
02:09Au-delà des deux personnages principaux, à mon sens, le troisième personnage vraiment principal, c'est le lieu, cet endroit.
02:15Comment tu l'as trouvé ?
02:16Ah putain, j'ai une super histoire pour vous.
02:17Cette maison, on l'a trouvée parce qu'une fille à la production au Québec a distribué des flyers partout,
02:23dans des petits commerces dans la région où on voulait tourner, qui s'appelle les Laurentides.
02:26Et il y a une femme qui a appelé.
02:28C'était une femme endeuillée.
02:30Ça faisait un an que son mari était mort.
02:32Elle avait vécu dans cette maison très, très longtemps avec lui.
02:34Ils avaient élevé leur enfant dedans et ils avaient fait même l'école dans la maison.
02:38La maison était vraiment très, très, très, très riche.
02:40Quand on l'a visitée, c'était très, très dense.
02:43Et on ne sait pas si l'homme en question est mort dans la maison.
02:47Personne n'a osé poser la question.
02:49Mais lors du dernier jour de tournage, dans la maison,
02:53il y avait une scène où j'ai demandé à des acteurs de jouer du djembé, du tam-tam.
02:58Et c'était la dernière prise.
03:00Et ensuite, on rappelle le décor.
03:02Et je leur ai juste dit, faites le maximum de bruit que vous pouvez.
03:06Vraiment, donnez tout ce que vous avez.
03:07Et ils se sont tous mis à gueuler et à taper hyper fort sur les tam-tams.
03:12Et à un moment, il y a un truc qui a poppé du mur, comme ça,
03:16et qui est venu s'écraser au sol.
03:18Et ça ressemblait à du charbon ou en tout cas à des cendres un peu étranges.
03:23Vous me voyez venir.
03:25Et trois jours plus tard, il y a mon chef déco qui m'appelle pour me dire,
03:29est-ce que tu savais ce qu'il y avait dans la petite chose qui a explosé au sol,
03:35qui était comme une espèce de vase ou un truc comme ça ?
03:37Et je dis non.
03:38Il dit, c'était les cendres du propriétaire, de l'ancien propriétaire.
03:43Et il m'a dit, et tu sais ce que détestait le propriétaire par-dessus tout ?
03:46Je dis non.
03:47Il m'a dit, le bruit.
03:51C'était la moitié des cendres du propriétaire qui était dans cette petite urne.
03:56L'autre moitié avait été dispersée sur le terrain.
04:01Voilà, donc c'était pas complètement perdu.
04:03On n'a pas juste genre jeté les cendres.
04:05C'était important quand même de noter bien.