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  • 25/03/2025
C’est l’un des rares services d’urgences psy spécialisé pour les mineurs en France. Pour Brut, notre reporter Juliette Deshormes a pu filmer pendant plusieurs jours Rémi, un jeune infirmier, et la vie des 8 ados hospitalisés ici.
Transcription
00:00On a une patiente qui refuse d'aller à l'atelier.
00:04Il a fait quoi ?
00:05Tu sais ce que c'est ta maladie ?
00:06La dépression.
00:07C'est-à-dire ?
00:08T'as craqué hier ?
00:09Non, en fait, avoir mes moments où je suis triste, c'est une partie de ma vie.
00:10Il faut avoir un âne parce qu'il est lassé.
00:11On est dans une génération où les maladies mentales se développent de plus en plus.
00:12Ça s'est bien passé ce matin ?
00:13C'est juste une tristesse complètement qui s'écroule sur nous et on a l'impression
00:14de s'effondrer en fait.
00:15Puis t'es là, t'es là, t'es là, t'es là, t'es là, t'es là, t'es là, t'es là, t'es là,
00:17Et les scarifications, c'est le moyen de dire « ok, je vais vraiment mal ».
00:18T'as donné un coup de poing dans la porte ?
00:19Là, il y a deux jours, j'étais soulerée.
00:20On n'en parlait pas auparavant à des pathologies psy.
00:21On disait c'est des fous, on les met à l'asile et puis basta.
00:22Il faut avoir un âne parce qu'il est lassé.
00:23On est dans une génération où les maladies mentales se développent de plus en plus.
00:24Ça s'est bien passé ce matin ?
00:25C'est juste une tristesse complètement qui s'écroule sur nous et on a l'impression
00:26de s'effondrer en fait.
00:27qui croulent sur nous, on a l'impression de s'effondrer, en fait.
00:29Tu te sens angoissé, tu te sens stressé.
00:32Parfois, les gens, ils ne peuvent pas se rendre compte
00:33de quel point on souffre mentalement.
00:35L'esclavification, c'est le moyen de dire
00:36« OK, je vais vraiment mal ».
00:37Tu t'es donné un coup de poing dans la porte ?
00:39Là, il y a deux jours, j'étais sous l'erreur.
00:41Avant, on n'en parlait pas, des pathologies psy.
00:43On disait « c'est des fous », on les met à l'asile et puis basta.
00:46Salut, c'est Juliette.
00:48Depuis quelques années, et surtout depuis le Covid,
00:50on parle beaucoup de la santé mentale des jeunes.
00:52J'ai voulu passer quelques jours
00:53dans une unité d'urgence psychiatrique
00:55dédiée entièrement aux jeunes pour voir comment ça se passait.
00:58C'est une des rares unités qui existe comme ça en France.
01:01L'équipe médicale et les adolescents du service
01:03ont accepté que je vienne les rencontrer
01:05et filmer pendant plusieurs jours
01:06pour raconter ce qui se passe sur l'unité.
01:08C'est là que j'ai rencontré Rémi,
01:09un jeune infirmier de 25 ans qui croit à fond dans son travail
01:13et ne compte pas ses heures pour aider ses jeunes au quotidien.
01:23Voilà pour vous.
01:24Ok, ok.
01:27C'est quoi le programme ?
01:30Je vais préparer les traitements, on va réveiller les ados,
01:32on va administrer les traitements,
01:34je vais faire ma prise de sang, après le petit-déj.
01:43Bonjour, c'est Simon.
01:46Comment tu vas ? Tu as bien dormi ?
01:49Tu as bien dormi ?
01:51Tu as bien dormi ?
01:53Je vais te réveiller,
01:54je vais prendre tes médicaments, le petit-déjeuner, d'accord ?
02:00C'est ça, contrairement aux autres services de somatique
02:03où on va aller voir chacun leur tour dans leur chambre
02:05pour leur donner un traitement.
02:06C'est un lieu de vie.
02:10Ils vivent tous ensemble,
02:11on essaie de les autonomiser le plus possible.
02:16Il y en a qui ne veulent pas dormir du tout ?
02:19Ça dépend.
02:20Ça dépend des patients, ça dépend des patos.
02:23Hier, il y avait...
02:24Il courait jusqu'à 3h30 dans les couloirs, donc...
02:29Ce n'est pas qu'elle ne veut pas, c'est qu'elle ne peut pas.
02:33C'est-à-dire que tu t'es endormi à quelle heure ?
02:3522h.
02:36Tu viens de te réveiller, là ?
02:37Oui, il y a une heure.
02:40Tu as bien dormi.
02:42Tu n'as pas fait du bain ?
02:44Oui, mais j'ai craqué hier.
02:46C'est-à-dire que tu as craqué hier ?
02:48C'est ce que j'ai cru comprendre.
02:50En gros, nous, on est les yeux des médecins.
02:53Les médecins font les entretiens, effectivement,
02:54sauf que nous, on est tout le temps avec les ados,
02:56on est les yeux des médecins, on observe.
02:58C'est nous qui accueillons les patients quand ils sont angoissés.
03:00C'est nous qui faisons des entretiens infirmiers, justement,
03:02pour essayer de comprendre, d'apaiser les choses.
03:05Notre travail, c'est de transmettre par la suite.
03:08Ça va ?
03:10C'est un peu vide et triste, mais ça va.
03:14Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:16Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:17Rien de spécial.
03:18Comme en début de semaine, un peu ?
03:20Non.
03:22Surtout vide.
03:25J'ai vu que vous faisiez des concours de claquettes,
03:27j'ai l'impression, sur l'unité, là.
03:28Ah bon ?
03:29Vous avez tous des claquettes toutes aussi...
03:31Oui, mais je voulais prendre...
03:33Je suis allé à l'OMG Saint-Pierre à 20h00.
03:34Des chaussons Snoopy ?
03:36Oui.
03:37Et là, c'est les clés.
03:38Voilà, c'est les...
03:39Oui, c'est bien ce que je me disais,
03:41parce que ça fait un peu m'aimer, les claquettes.
03:46Qu'est-ce qu'il y a ?
03:47Rien.
03:48C'est pas le problème.
03:49Et donc, toi, ça fait une semaine et demie que t'es là ?
03:52Oui.
03:53Depuis...
03:54Vendredi, pas...
03:55C'est bien encore d'avoir.
03:56Et comment ça se fait que t'es là ?
03:58J'ai fait une tentative.
04:01T'en avais déjà fait, ou c'était la première fois ?
04:03Non, j'en avais déjà fait.
04:04Je crois qu'ils en voient pas, ici,
04:05quand on fait pour la première fois.
04:08T'es arrivé quand ? Hier soir ?
04:10Oui.
04:11Ça se passe comment, l'arrivée ici ?
04:13Je suis arrivée en ambulance.
04:16J'étais contentionnée.
04:19Et quand je suis arrivée ici,
04:21c'était un peu compliqué, au début.
04:23Enfin, le fait de s'intégrer et tout.
04:26Pourquoi, pardon ?
04:27Le fait de s'intégrer et tout, c'est un peu compliqué.
04:29T'as quel âge ?
04:3016 ans.
04:31Et c'est ta première fois dans une unité psychiatrique ?
04:34Première fois hospitalisée.
04:35Première fois.
04:36Et ça te fait quoi ?
04:37Ça me fait plaisir.
04:38Ça te fait plaisir ?
04:40Oui.
04:41Et ça te fait quoi ?
04:42Ça te fait peur ?
04:43Ça me faisait peur avant de venir.
04:46Là, ça va mieux.
04:48Mais ça fait bizarre.
04:51Et tu penses que ça va t'aider d'être ici ?
04:53J'espère.
04:54Parce que j'aurais envie d'aller mieux, quand même.
04:58Ensuite...
05:00Elle a eu son bilan 100 hier.
05:03Il y a très peu d'élaboration en entretien.
05:05Elle banalise pas mal son geste.
05:07Mais sur l'unité, elle est de bon contact.
05:10Elle est souriante.
05:11Elle est en lien avec les autres ados.
05:13Avec nous, il n'y a aucun problème.
05:15Hier soir, l'équipe à Transmic était pas mal en retrait.
05:18Il la sentait assez triste.
05:21Elle était en retrait même du groupe.
05:23Elle est partie se coucher assez tôt.
05:26Mais ce matin, justement, j'ai voulu évaluer.
05:28De bon contact, souriante, au petit-déj.
05:30Je ne sais pas comment c'est passé.
05:31Ça s'est bien passé.
05:32Ça s'est bien passé.
05:34Pas de problème.
05:36Tout le monde est prêt ?
05:38Tout le monde est prêt.
05:40Du coup, est-ce que tout le monde a une toile ?
05:42Est-ce que tous les patients ont la toile ?
05:44Si.
05:46Et où ?
05:47Et après quoi ?
05:50Comment vas-tu ?
05:53Tu sais pas ?
05:56Tu sais qu'il y a un atelier thérapeutique ?
05:58Un magasin ?
05:59Non.
06:00Tu sais qu'il y a un atelier thérapeutique ?
06:02Non.
06:04Oui, Naïma ?
06:07Oui, excuse-moi de te déranger.
06:09Est-ce que t'as un interne qui s'occupe de chier à côté de toi ?
06:12Tu peux pas te réfugier comme ça dans une semaine.
06:15T'es ici aussi pour qu'on puisse t'aider.
06:17D'accord ?
06:19On n'est pas là pour t'enfoncer ou te dire
06:22qu'il faut aller aux ateliers comme s'il fallait donner des performances.
06:25C'est pas le but.
06:26Est-ce que tu comprends ça ?
06:28C'est ça, ce que j'aimerais.
06:30Si tu me fais pas confiance, on va pas pouvoir avancer.
06:33Tu te sens angoissée ?
06:35Tu te sens stressée ?
06:37Est-ce que t'as peur d'être ici ?
06:39Oui.
06:41Oui ?
06:42Oui.
06:43Qu'est-ce qui te fait peur ici ?
06:45Tout.
06:46Tout ?
06:48C'est le fait d'être enfermée ?
06:50Oui.
06:51Oui.
06:52D'accord.
06:53C'est tes chaussures qui sont ailes ?
06:56Oui.
06:57Il faut avoir un œil, parce que l'aile est lassée.
07:00Et si on prend l'aile lassée ?
07:02Je veux pas la brosquer.
07:03Il faut juste avoir l'aile.
07:04OK.
07:09En fait, ça représente...
07:11Bah, les...
07:12Les bodes émotions
07:14qui sont envahies par les idées suicidaires, donc par le noir.
07:17Euh...
07:19Et ce noir qui prend de plus en plus de place.
07:22Et du coup, j'appelle ça...
07:25Je sais pas.
07:26Euh...
07:28Invasion du noir.
07:30OK.
07:32Et c'est...
07:33Qu'est-ce qui t'a inspiré ça ?
07:35Mon état de santé.
07:37OK.
07:38Une femme avec ses démons intérieurs
07:42qui l'étranglent et qui la serrent.
07:45Et...
07:46Et le brouillard qui est en train de se refermer sur elle.
07:49Et...
07:50Et en haut, il y a quelques traces du bonheur passé.
07:54OK.
07:55Vous pouvez critiquer, vous avez le droit.
07:58Je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait.
08:00J'ai juste pris des couleurs que je trouvais belles.
08:02J'ai essayé de faire quelque chose d'abstrait, comme dirait Yemsen.
08:05C'est ce que j'essaie de faire depuis que je suis là.
08:08C'est toujours très laid.
08:10À chaque fois, j'en fais un peu trop.
08:12Qu'est-ce que c'est, ta maladie ?
08:14La dépression.
08:15Enfin, c'est ce qu'on m'a dit, donc...
08:18Je suis vraiment, genre, fatiguée de la vie.
08:21Et que...
08:22Des fois, je vais être en train de travailler.
08:25Et tout d'un coup,
08:27je n'ai plus rien dans mon cerveau.
08:29Je n'ai plus de force dans mon corps.
08:32Du coup, je vais juste être allongée sur la table.
08:34Je ne vais rien faire.
08:35Même mon père, des fois, il essaie de me faire me lever.
08:38Je ne peux pas.
08:39Je suis juste...
08:41Moi, en fait, avoir mes moments où je suis triste,
08:44ça fait partie de ma vie.
08:45Du coup, je n'aimerais pas changer.
08:47Je suis bien, comme ça.
08:48Là, il y a deux jours,
08:50j'étais à deux doigts de me jeter sous l'erreur.
08:53A chaque fois, c'est par peur ou par reconnexion à la réalité
08:56que ça m'empêche de mourir.
08:57Et tu sais pourquoi t'as cette pulsion ?
08:59Non.
09:00T'as des pensées ?
09:02Si ça n'a pas de facteur, il n'y a pas de facteur.
09:04Vous arrivez à m'expliquer
09:06ce que vous ressentez pendant une crise ?
09:08Ça, à peu près.
09:09C'est tellement fort, la douleur mentale,
09:12que si je n'y mets pas fin moi-même,
09:14en me mettant fin à mes jours,
09:16ça va me tuer au long terme, en fait.
09:18C'est juste une tristesse qui s'écroule sur nous
09:21et t'as l'impression de t'effondrer, en fait.
09:23Moi, ça me fait ça.
09:25Après, j'ai des pulsions qui pourraient essayer de mettre fin à ça.
09:28C'est des pulsions pas saines du tout.
09:30C'est de la scarification, le suicide, des choses comme ça.
09:34Par exemple, quand tu te scarifies,
09:36t'as l'impression que ça t'enlève cette pression de la pulsion ?
09:42Ça détourne un peu la tension.
09:44Je ne sais pas.
09:45Je me dis que peut-être que ça m'aide à m'ancrer un peu dans le réel
09:48et essayer de ressentir quelque chose.
09:50Et puis aussi essayer de déplacer la souffrance mentale
09:54vers le physique aussi.
09:56Parce que quand ça devient trop fort dans l'esprit,
09:58ça fait du bien de se dire, là, j'ai mal dans cet endroit,
10:01je me suis coupée, je me suis griffée,
10:03j'ai ce truc-là,
10:04et puis je ne suis pas que dans mon esprit.
10:07Ça rend le truc réel.
10:08Parce que parfois, les gens ne peuvent pas se rendre compte
10:10à quel point on se sent mal,
10:11à quel point on se sent mal.
10:12Parce que parfois, les gens ne peuvent pas se rendre compte
10:14à quel point on souffre mentalement.
10:16Alors que quand t'as des traces physiques,
10:18tout de suite, ça marque les gens.
10:20En fait, les scarifications, c'est le moyen de dire,
10:22OK, je vais vraiment mal.
10:23Et c'est le moyen que je trouve le mieux pour me faire entendre
10:28et me faire comprendre, en fait.
10:30Et je suis d'accord, c'est une douleur mentale
10:32transformée en douleur physique.
10:33Et en douleur physique, ça cicatrise.
10:35Une douleur mentale,
10:37quand on a des stress post-traumatiques, ça cicatrise pas.
10:40Et je sais qu'il y en a qui ont un peu honte de leur cicatrise,
10:43mais moi, c'est malsain, mais quasi.
10:45Moi, je suis contente quand j'en ai, en fait,
10:46parce que j'ai l'impression que ça me permet de...
10:52de rendre tangible ce qui se passe dans mon esprit.
10:54Forcément, quand on entend des histoires de vie comme ça,
10:58il faut prendre du recul sur la situation,
11:00parce qu'en fait, il faut être empathique,
11:01mais il faut pas non plus être impacté par ce qu'il nous dit.
11:05Parce qu'en fait, sinon, on les aide pas.
11:06Donc on prend... Je sais pas.
11:08Moi, c'est inconsciemment, ça...
11:11Forcément, je suis empathique envers eux,
11:13mais ça m'atteint pas personnellement.
11:17Parce que je pars du principe que mon métier, c'est de les aider.
11:19Si je commence à me mettre à chialer avec eux,
11:22on va aller nulle part.
11:24Oui, c'est moi.
11:27Bien sûr que tu peux avoir ton téléphone, si tu veux.
11:33Vas-y, rentre.
11:34Hop.
11:36Vous aurez vos téléphones autant que vous voulez,
11:39ou ça se passe comment ?
11:4030 minutes par jour.
11:4130 minutes par jour ?
11:42Oui, et on va dans une petite salle à part.
11:45Ah, OK, donc chacune à son tour.
11:50Et tu fais quoi sur ton tel ?
11:53En fait, j'ai pas la 4G, du coup...
11:56J'ai pas de Wi-Fi, mais j'écoute de la musique.
12:00Et je parle à la mère.
12:05Alors, moi, j'ai un DVD.
12:08Déjà, je vais choisir.
12:14C'est quel DVD ?
12:16Tu as choisi quel DVD, le nom, le titre ?
12:18C'est Toilette 2.
12:20Toilette 2, hein.
12:25Du coup, là, il y a les DVDs et tout, les lecteurs,
12:27si on va dans les deux films.
12:29Pourquoi ils sont sur... ?
12:32Je pense que c'est pour pas qu'on les prenne comme ça aussi,
12:34ou qu'on les vole.
12:37C'est pour éviter que quoi ?
12:38Le cas de ces DVD et qu'on s'ouvre les veines.
12:54Oui, bonjour, Rime.
12:56Comment vas-tu, Rime ?
12:58Très bien. C'était pour savoir,
12:59est-ce que tu pourrais venir descendre signer la feuille de R.S. ?
13:02Ça marche.
13:03Pas de doute.
13:05Là, en ce moment,
13:06on est censé être 10 infirmiers, on est 4.
13:094 sur 10 ?
13:12Et comment est-ce que vous arrivez à gérer
13:15avec en dessous de la moitié des... ?
13:17On vit au travail.
13:20Oui, c'est ça.
13:21On pose très peu de congés parce que...
13:24Parce que sinon, il manque des soignants.
13:26Donc, en fait, ça date.
13:28On fait comme on peut.
13:32Installe-toi.
13:34Mademoiselle.
13:35On ne fait jamais ce métier par hasard, je pense.
13:38Ces métiers-là où on accompagne les gens,
13:40je pense que personne ne le fait de façon anodine.
13:44Toi, tu as une raison de le faire ?
13:46Oui, bien sûr.
13:47On a tous une raison de le faire, je pense.
13:49C'est quoi, ta raison ?
13:51Non, mais je pense qu'on essaie de rendre
13:53un petit peu ce qu'on nous a donné un jour ou l'autre.
13:56Je pense qu'il y a de ça.
14:03Et du coup, tes amis qui sont dépressifs, là ?
14:05Oui.
14:07Ils sont tous suivis aussi ?
14:08Oui, ben...
14:10Enfin, la plupart, ils ne sont pas tous dépressifs.
14:12C'est un peu une généralité, mais genre...
14:14La plupart sont soit ADHD, soit dépressifs,
14:18soit dans l'haine ou des choses comme ça.
14:21Et la plupart sont suivis par des psychiatres.
14:24Et il y en a déjà qui ont été hospitalisés ?
14:25Oui.
14:26Mon ex, par exemple, qui fait partie du groupe d'amis,
14:28elle a été hospitalisée trois fois, par exemple.
14:31Ah oui.
14:33Je pense qu'il y a aussi un côté...
14:34Enfin, vous êtes toutes, du coup, ados,
14:36que des fois, on joue ça sur le côté
14:38« Ah, mais c'est une crise d'ado. »
14:40Oui, c'est ce que j'avais dit la dernière fois.
14:42J'ai l'impression que c'est...
14:43À chaque fois, ils me le disent.
14:45« On ne peut pas te diagnostiquer, tu es trop jeune. »
14:46Ça, c'est normal.
14:48C'est l'adolescence.
14:49Tout le monde est comme ça.
14:50Et moi, j'ai dit « Ben oui, mais non. »
14:51Enfin, j'en connais pas beaucoup
14:52qui ont envie de se jeter sous les rails
14:54ou qui...
14:55Ou qui...
14:56Enfin, la plupart de ceux qui pensent en se levant,
14:59c'est prendre des médicaments le soir, etc.
15:01J'en connais pas beaucoup.
15:02Et il me dit
15:03« Oui, mais peut-être que t'en fais un peu trop. »
15:05Et tout.
15:06Et j'étais là « Ben non. »
15:08Enfin, si je le dis, c'est que je le pense.
15:10Et je vois pas pouvoir jouer sur ça.
15:12Enfin, c'est pas un jeu.
15:13T'as pas envie de t'inventer une vie,
15:15surtout une vie comme ça, en plus.
15:17Enfin, je suis désolée,
15:18mais si je voulais m'inventer une vie,
15:19je m'inventerais pas celle-là, quoi.
15:28Tu bois du sirop d'orange, toi ?
15:29Oui.
15:31Enfin.
15:33On a des poires, des kiwis et des oranges.
15:36Je veux bien une poire.
15:37Une poire. La plus belle, je pense.
15:39Bon.
15:40Je te passe la plus moche, alors.
15:44Vous avez fait quoi, aujourd'hui ?
15:46Euh...
15:47J'ai fait le DJ.
15:48Le DJ ?
15:49Oui, j'ai fait un petit peu de la DJ.
15:52Comment ça, t'as fait la DJ ?
15:53J'ai mis un peu de musique.
15:54Ah !
15:55Et c'était quoi, ta musique, t'as mis ?
15:58Oui, j'en ai mis pas mal.
15:59J'en ai mis un peu de tout,
16:00et du René Grandé,
16:02du Mocha l'Amitié,
16:03tout ça.
16:05Tu touilles ton lait comme un petit vieux.
16:10C'est à qui de nettoyer la table, après ?
16:14Tu crois que c'est toi ?
16:18Exactement.
16:20De base, j'arrêtais les études en troisième.
16:23J'ai jamais été très à l'école.
16:25Je m'en foutais totalement.
16:27J'ai commencé un apprentissage en plomberie,
16:29qui s'est très mal passé.
16:30Donc, je me retrouve déscolarisé à 15 ans.
16:33Allez à Pôle Emploi à 16 piges,
16:34parce que, en fait, t'as plus rien.
16:37Et ensuite,
16:38vu que je venais tout juste d'avoir 16 ans,
16:40l'académie,
16:41ils m'ont quand même trouvé une place
16:43en CAP électrotechnique.
16:45Ça se passe très bien,
16:47parce que ça me plaisait,
16:48mais c'était pas non plus foufou.
16:49En été, il me fallait de l'argent
16:51pour partir en vacances avec mes potes.
16:54Et j'ai trouvé...
16:56J'ai trouvé un poste d'aide-soignant à l'hôpital,
16:58de nuit.
16:59Et c'est là, en fait,
17:01j'ai suivi toute l'infirmière...
17:02Toutes les nuits,
17:03je suivais l'infirmière,
17:04parce que je trouvais ça super intéressant,
17:05ce qu'elle faisait.
17:07Je me suis dit,
17:08je vais passer le concours,
17:09ça a l'air trop bien comme boulot.
17:10Et j'ai passé le concours,
17:11j'ai fait mes études.
17:18Depuis que j'ai commencé les études,
17:19j'ai toujours voulu bosser en pédiatrie,
17:21parce que, justement,
17:22ce lien-là avec les enfants,
17:23même quand j'étais plus jeune,
17:25je m'imaginais éducateur de jeunes enfants.
17:27Mais quand j'étais tout petit,
17:28avant que je me rende compte
17:29que les études, c'était nul.
17:30Et avant que je me rerende compte
17:33que les études, c'était bien, en fait.
17:34Je sais pas,
17:35peut-être cette facilité
17:36avec les plus jeunes
17:37par rapport à mon caractère,
17:39je pense qu'il y a beaucoup de...
17:40Le caractère rentre en compte
17:41dans notre métier.
17:44Ça s'est bien passé, ce matin ?
17:45Allez,
17:46on va se mettre là.
17:49J'ai pas toujours une perception de moi
17:52très, très basse.
17:53Et des fois,
17:54c'est neutre.
17:55C'est dans les sentiments
17:56où je me sens vide, etc.
17:57Je me trouve ennuyeuse,
17:59inintéressante,
18:02sans intérêt,
18:03moche, grosse,
18:04des choses comme ça.
18:05Et puis, les moments
18:07où je me sens très, très forte
18:08et très heureuse
18:09et un peu euphorique,
18:10voilà.
18:11Il y a des petites choses
18:13qui me rappellent
18:14ce que j'ai pu avoir
18:15dans le passé
18:16et ça déclenche
18:17des réactions très, très fortes.
18:20On voit que
18:21ton humeur
18:22est directement liée
18:23à la relation
18:24que tu peux avoir
18:25avec l'un ou l'autre.
18:27C'est-à-dire,
18:28quand tu es très rassurée,
18:29tu es bien,
18:30tu es plutôt assez stable.
18:31Dès le moment
18:33où tu as peur
18:34qu'on t'abandonne,
18:35qu'on te lâche,
18:36là, ton humeur
18:37commence à être fluctuante.
18:39T'arrives à pointer
18:40les conflits
18:41que tu peux avoir.
18:42Maintenant,
18:43il faut aller peut-être plus loin
18:45en faisant une thérapie
18:46sur l'assertivité.
18:47Ça veut dire
18:48sur l'estime de toi.
18:49Il faut qu'on réfléchisse
18:51vraiment au cœur du problème.
18:52Tu es d'accord ?
18:53L'idée,
18:54c'est de pouvoir t'accompagner.
18:55On ne te lâche pas.
18:57C'est sûr que non.
19:03Vous savez pour combien de temps
19:04vous êtes là ?
19:05Non.
19:06Ils m'ont dit au moins une semaine
19:08parce que c'est la semaine
19:09d'adaptation, on va dire.
19:10Et après,
19:11ils m'ont dit
19:12dix jours, deux semaines,
19:14trois semaines,
19:15et après,
19:16c'est trois semaines max ici.
19:17C'est vrai que j'ai un peu l'impression
19:18qu'ils nous enferment
19:20et puis après,
19:21on ressort
19:22J'ai l'impression
19:24que tous les autres patients,
19:25c'est toujours le même profil.
19:26C'est des personnes qui reviennent.
19:27Moi, à chaque fois,
19:28c'est vrai qu'ici,
19:30c'était pour la plupart
19:31des patients qui étaient là
19:32pour la première fois.
19:33Mais dans mes autres hospitalisations,
19:34il y en avait là
19:36qui étaient là pour la troisième,
19:37quatrième fois.
19:38Et tu te dis,
19:39c'est vrai qu'il n'y a rien
19:40qui avance.
19:42Ça doit être un peu
19:43le problème du fonctionnement
19:44en général,
19:45pas des hôpitaux.
19:46Parce que je sais
19:48qu'ils font de leur mieux ici.
19:49On est là juste
19:50pour apaiser des crises.
19:51On n'a que les patients
19:52qui sont en souffrance.
19:53Et quand ils sortent d'ici,
19:55c'est là qu'ils entament
19:56leur thérapie,
19:57leur prise en charge
19:58pour justement essayer
19:59de se réinsérer dans la société,
20:01reprendre contact
20:02avec la vie normale,
20:03parce que l'ulpice,
20:04ce n'est pas la vie.
20:05C'est qu'un moment
20:07dans leur vie.
20:08Du moins,
20:09on espère.
20:10Le problème,
20:11c'est qu'à l'extérieur,
20:13ça ne suit pas forcément.
20:14Il manque cruellement
20:15de médecins,
20:16de psychologues,
20:17de professionnels
20:19à l'extérieur,
20:20dans les CMP,
20:21en libéral,
20:22qu'en fait,
20:23quand ils sortent
20:25de l'ulpige
20:26et qu'on leur dit
20:27qu'ils ont un rendez-vous
20:28dans trois mois
20:29avec un psychiatre,
20:31ils sortent d'un moment
20:32de crise,
20:33ils sortent d'un moment
20:34où ils ne sont pas bien du tout,
20:35pour que par la suite,
20:37ils doivent attendre
20:38trois mois
20:39pour entamer une thérapie.
20:40Mais ça, c'est
20:41le désert pédopsychiatrique
20:43en France.
20:44C'est le problème
20:45de la pédopsychiatrie.
20:46C'est qu'en fait,
20:47on n'a pas assez d'unités,
20:49on n'a pas assez
20:50de services adaptés
20:51à la maladie mentale.
20:52C'est un problème
20:53qui se développe
20:55de plus en plus.
20:56Je pense qu'on est
20:57dans une génération
20:58où les maladies mentales
20:59se développent
21:01de plus en plus
21:02et j'ai pas l'impression,
21:03c'est peut-être une impression
21:04parce que je n'y étais pas,
21:05mais j'ai pas l'impression
21:07que c'était ça avant.
21:08Là, il y a vraiment
21:09de plus en plus
21:10de maladies mentales
21:11et les effectifs
21:13ne suivent pas
21:14en conséquence.
21:15Comment tu vas ?
21:16Bien.
21:17Oui.
21:19Oui.
21:22Avant, on n'en parlait pas
21:23à des pathologies psy.
21:24On disait, c'est des fous,
21:25on les met à l'asile
21:27et puis basta.
21:28Ça a changé.
21:29Maintenant,
21:30on a ces points de vue scientifiques
21:31justement sur les pathologies psychiatriques
21:33qui permettent de prendre en charge
21:34les patients.
21:35Plus on les accompagne tôt,
21:36en fait, ça va leur permettre
21:37justement d'avoir
21:39une vie sociale normale,
21:40un travail comme tout le monde.
21:41Ça veut pas dire que...
21:42C'est pas parce que t'as été au l'hôpital psychiatrique
21:43quand t'étais jeune
21:45que tu peux pas avoir
21:46une vie normale par la suite.
21:47Tu as de l'espoir ?
21:48Non, non, oui, oui.
21:49On fait pas ça pour rien,
21:50comme je disais.
21:52Je te laisse t'installer.
21:54Touc.
21:56Mais aujourd'hui,
21:57ça avait pas l'air d'être facile pour ça.
21:58Hum.
21:59Après qu'on soit venus
22:00avec le médecin,
22:02tu t'es sentie comment ?
22:03Je sais pas.
22:06Ni plus ni moins ?
22:07Ouais.
22:08Ouais.
22:10Mais t'es sortie de ta chambre.
22:11Ouais.
22:12T'avais l'air d'être
22:13un peu plus souriante.
22:14Ouais, ça allait mieux.
22:18T'as peur de l'avenir ?
22:19Hum.
22:21En soi, non,
22:22parce que
22:23moi, je me dis,
22:24si je suis toujours là,
22:25genre,
22:27plus tard,
22:28bah,
22:29en fait,
22:30j'aimerais bien voyager beaucoup.
22:31Enfin, je sais que
22:33moi, ce que je vais faire plus tard,
22:34c'est un peu risquer
22:35parce que
22:36je vais me lancer dans la BD.
22:37J'ai envie
22:39d'avoir un bus
22:40et pouvoir voyager
22:41comme ça,
22:42faire le tour un peu du monde.
22:43Ou le tour de l'Amérique, ça.
22:45J'aimerais bien faire
22:46le tour de l'Amérique.
22:48En 2021,
22:49le nombre d'enfants
22:51entre 11 et 17 ans
22:52qui sont passés par les urgences
22:53pour troubles d'humeur
22:54et idées suicidaires
22:55a plus que doublé.
22:57Face à cette crise,
22:58la pédopsychiatrie
22:59manque de moyens.
23:00Dans le service où travaille Rémi,
23:01il y a seulement Willy
23:02et une énorme liste d'attente
23:04pour y avoir accès.
23:05Si vous ou un de vos proches
23:06avez des idées suicidaires,
23:07vous pouvez appeler
23:08le numéro national
23:10de prévention du suicide
23:11au 3114.
23:12C'est un numéro totalement gratuit
23:13et ouvert 24 heures sur 24.
23:17J'espère qu'elle vous a intéressée.
23:18Et si jamais vous avez
23:19d'autres idées de sujets
23:20que vous voulez que j'aborde,
23:21n'hésitez pas à m'envoyer
23:23un message sur Instagram.
23:24À la prochaine !

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