Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 25/03/2025
"Le sexe est important dans la vie des ados, mais pas que chez les garçons."

BRUT LOVE. À 30 ans, Lucie Mikaelian est tombée sur son journal intime qu'elle tenait à 14 ans, l'année où elle a perdu sa virginité. Alors elle a décidé de se replonger dans les premiers pas de sa vie sexuelle…
Transcription
00:00Ce qu'on a voulu dire avec cette BD, c'était que le sexe est forcément important dans la vie d'une ado,
00:05mais pas que chez les garçons.
00:07Ce journal, ça permettait aussi de casser le mythe du désir féminin romantique, fleur bleue, etc.
00:12Je suis retombée sur mon journal intime quand j'avais 30 ans.
00:14J'avais constaté que mon père avait réarrangé tous mes livres dans ma bibliothèque,
00:17dont ce journal intime.
00:19Et là, j'ai été un peu tétanisée.
00:21Je me suis dit, j'espère vraiment qu'il n'a pas ouvert ce journal intime.
00:24Parce que ce journal intime, c'est le journal que je tenais quand j'avais 14 ans, l'année de ma troisième.
00:28Et c'est l'année où il s'est passé quelque chose de dingue.
00:30J'ai perdu ma virginité.
00:32Ce journal, quand je l'ai ouvert, j'ai été parcourue par plusieurs émotions.
00:35D'abord, celle que j'avais ressentie jusque-là, c'est-à-dire la honte.
00:39Il y a eu mi-tour entre-temps, la libération de certaines paroles des femmes,
00:42l'interrogation du désir féminin aussi.
00:44Et du coup, je ne l'ai plus vue seulement comme un objet de honte,
00:47mais plus comme un objet de curiosité.
00:48Et c'est là où j'ai commencé à me dire,
00:50est-ce qu'il y a autre chose à voir que des paroles un peu nièces d'adolescentes,
00:55mais quelque chose de plus profond ?
00:56Du coup, je l'ai publiée sur Instagram et ensuite, c'est devenu un podcast.
00:59Et ensuite, c'est devenu une BD qui a été coécrite par Jeanne Bouezec et moi
01:04et illustrée par Lisa Chéteau.
01:05Je rencontre Camille sur MSN.
01:07On tombe amoureux, il se passe trois mois de découverte de nos corps.
01:12Et un jour, le 19 novembre 2003, on fait l'amour pour la première fois.
01:16Dans la société, une des injonctions, c'est qu'une fille, ça doit être respectable.
01:20Et pour ça, du coup, il faut que tout se passe selon les normes du couple hétérosexuel,
01:25c'est-à-dire respecter certaines règles, notamment celles du couple.
01:28Je me pose une question que je trouve intéressante et que je trouve plus universelle.
01:31Est-ce que j'étais amoureuse passionnément du petit copain de l'époque que j'avais
01:35qui s'appelait donc Camille ?
01:37Ou alors, est-ce que c'était une manière pour moi de légitimer ma perte de virginité ?
01:41Puisque la différence entre les filles et les garçons,
01:43c'est qu'une fille a besoin d'être en couple et de montrer qu'elle est amoureuse
01:47pour ne pas avoir l'air salie ou ne pas avoir l'air d'être une salope
01:50avec autant de guillemets qu'il le faut pour le dire.
01:52Alors qu'un garçon, lui, va plutôt se vanter d'avoir perdu sa virginité,
01:55c'est que la Lucie de 14 ans, à ce moment-là,
01:57je pense qu'elle savait un peu qu'elle sortait avec Camille pour aussi perdre sa virginité.
02:02Mais sauf que ça, jamais elle l'aurait avoué.
02:04Quand j'ai perdu ma virginité, il y avait 50% de moi qui avait envie de le faire
02:09parce que j'avais un désir assez débordant de jeunes filles, de jeunes femmes.
02:14Et puis, je pense qu'il y avait 50% qui étaient de pouvoir dire que je l'avais fait.
02:18Mais là où se loge toute l'ambivalence de la femme,
02:21c'est qu'à la fois, il y a une pression qui dit qu'on ne doit pas faire l'amour
02:25et en même temps, si on ne fait rien, on est coincé.
02:28Le désir féminin, il se loge toujours entre ces deux injonctions très contradictoires.
02:31Progressivement, je me rends compte que je suis amoureuse
02:34d'un garçon de ma classe qui s'appelle Ben.
02:36Je quitte Camille et on sort ensemble pendant quelques mois
02:40jusqu'à ce que Ben me quitte.
02:42Ces premiers moments où on expérimente en tant qu'adolescente
02:45le rejet, la frustration, le chagrin d'amour
02:48et la réalisation que l'amour, c'est très douloureux.
02:51À l'époque, on n'avait pas grand monde avec qui parler de sexualité.
02:55Les réseaux sociaux n'existaient pas, je n'avais pas regardé de porno.
02:57Mais par contre, j'avais accès au magazine féminin
03:00qui, à l'époque, était une mine d'injonctions permanentes
03:03entre le poids qu'il faut perdre, telle technique d'épilation.
03:08L'apprentissage de la sexualité se faisait avec toutes ces injonctions.
03:11Moi, je regardais Sex and the City et Bridget Jones
03:14qui étaient quand même deux femmes, deux héroïnes
03:17qui passaient leur temps à vouloir s'émanciper des garçons
03:19tout en étant obsédées par les garçons.
03:21Je pense que ça m'a énormément influencée
03:23parce que ce n'étaient absolument pas des femmes
03:25qui ne vivaient que pour elles-mêmes
03:27et qui prenaient des décisions pour éclairer professionnellement, amicalement.
03:32Non, tout tournait autour de l'amour, du grand amour, du petit amour.
03:35Ma mère savait que j'avais ce projet en tête
03:38et m'avait encouragée à aller voir la gynéco.
03:40Il y avait beaucoup de conversations
03:42et qui étaient beaucoup centrées autour de la protection.
03:44Il fallait avoir peur, c'est-à-dire ne pas attraper le sida,
03:47ne pas tomber enceinte, mais rien autour du plaisir.
03:49Je pense que c'est ça que j'aurais aimé qu'on m'apprenne,
03:51c'est qu'en fait la sexualité n'est pas quelque chose que de sale et de dangereux,
03:54mais quelque chose de positif.
03:55Je pense que le plus important, c'est de ne pas céder à la pression,
03:58que ce soit à la pression des autres, à la pression de ses parents parfois même,
04:02à la pression des garçons à l'école ou à la pression des médias.
04:06Depuis la sortie de la BD,
04:07j'ai reçu beaucoup de témoignages d'ados entre 14 et 16 ans,
04:10beaucoup de filles principalement,
04:12mais qui avaient le sentiment de ne pas être anormales.
04:15Ce désir féminin cru, un peu brut,
04:17il n'y avait pas que moi qui le ressentais.
04:19Et aujourd'hui, des jeunes filles se disent
04:21« Ah ben ça fait du bien d'entendre qu'en fait la sexualité
04:24et la manière dont on en parle n'est pas réservée qu'aux garçons. »

Recommandations