Dans les Alpes, loin des caméras, des bénévoles organisent des maraudes la nuit pour secourir les migrants qui tentent de rejoindre la France dans des conditions glaciales. À Briançon, notre reporter Sébastien Olland les a suivis et a rencontré des exilés qui ont réussi à traverser les montagnes.
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00:00Pour Brut je me trouve du côté de Briançon dans les Alpes à quelques kilomètres de la frontière avec l'Italie et si le jour les
00:05vacanciers font du ski sur les pistes voilà ce qu'il se passe la nuit là-haut, loin des caméras.
00:16Il est 21h, il fait moins 5 degrés et ici en pleine montagne chaque nuit il y a des migrants qui tentent de rejoindre
00:21la France depuis l'Italie sur les dix kilomètres qui séparent les deux pays par les montagnes.
00:25Ce sont des hommes, des familles, des femmes enceintes, des ados, souvent des demandeurs d'asile.
00:30J'ai suivi des bénévoles qui organisent des maraudes la nuit pour leur venir en aide.
00:55Ils ont beau mettre des renforts de flics, toujours plus de police, en fait les gens ils continuent de passer en fait juste
01:10l'effet que ça fait de rajouter tous ces flics en plus, c'est juste que les gens vont prendre des
01:15chemins plus difficiles, plus haut dans la montagne pour se cacher de la police et donc ils vont juste
01:19se mettre plus en danger en fait. La plupart des gens qui arrivent ils ont vécu l'horreur avant donc
01:23en fait je pense que ça ça leur fait pas peur non plus.
01:25Vous avez le droit d'être là ?
01:34Ouais.
01:34C'est complètement légal d'être là, ce qui n'est pas légal c'est de traverser la frontière avec des gens mais en fait on reste tout le temps côté français.
01:44Par contre ce qui n'est pas normal c'est la raison pour laquelle on est là.
01:48Pourquoi vous êtes là ?
01:50On est là pour éviter qu'il y ait des gens qui meurent en montagne.
01:53C'est aussi parce que les gens n'ont pas le droit de passer ?
01:56Non mais alors il y a ce truc qu'à chaque fois ils disent personne en situation irrégulière
02:01mais en fait quelqu'un qui veut demander l'asile il n'est pas en situation irrégulière parce qu'il
02:04veut faire une demande d'asile et en fait là ce qui se passe concrètement à mon gelèvre c'est
02:08que si un exilé arrive et se présente à la face et dit je veux demander l'asile mais il leur foule en Italie quand même.
02:14Mais s'il y a des gens qui arrivent là, qu'est ce qui se passe ? Qu'est ce qu'on fait ?
02:18Qu'est ce qui se passe ? On s'assure qu'ils vont bien déjà.
02:22On voit s'il n'y a pas besoin d'appeler les pompiers, d'appeler les secours si physiquement ils vont bien.
02:29Quand on part en route on a du thé, on a des choses à grignoter, on a des vêtements chauds en plus si besoin,
02:35des couvertures de survie donc s'ils ne sont pas assez bien équipés on leur donne des vêtements chauds
02:40et on essaie d'amener leur recul avec l'ensemble.
02:44Là on est vraiment en train de marcher en pleine montagne, il y a quand même beaucoup de neige.
02:54Je suis mort.
02:59Putain ils ont du courage.
03:04C'est très probablement une voiture de gendarmes ou de la police, c'est un endroit où ils stationnent régulièrement
03:11parce qu'ils peuvent très bien observer tout le front de neige, la forêt qui est en face d'eux,
03:16la route au bord de laquelle ils sont garés, c'est la route directe à l'Italie, 200 mètres après la voiture t'es en Italie.
03:24Les policiers qui sont en montagne à Montgenèvre, s'ils vont tomber sur des gens, ils vont les ramener à la police sur frontière,
03:31les garder un certain temps et ensuite la police italienne va venir les récupérer ici et les ramener le plus loin,
03:37à 15 ou 15 bornes d'ici.
03:41Donc la nuit d'un côté il y a les policiers, de l'autre il y a les maraudeurs.
03:44C'est le jeu du chat et la souris dans tous les sens, c'est juste absurde.
03:53Paradoxalement tout ce migrant a reçu un prix pour son action pour la défense des droits humains, remis par l'Etat, c'est paradoxal quand même.
04:01Oui c'est hyper paradoxal, il y a tellement de choses paradoxales, il y a tellement de nonsens ici en fait.
04:07Ils peuvent en mettre autant de prix qu'ils veulent, tant qu'ils sont là à repousser des gens,
04:13malheureusement on sera là en montagne pour essayer d'éviter que ces gens ne meurent pas, ne prennent pas trop de risques.
04:23Ce soir on n'a croisé personne, c'est des choses qui arrivent,
04:28tu peux te dire, s'il n'y a personne, soit ils n'étaient pas sur le même chemin que nous, soit ils n'en avaient pas,
04:33mais limite des fois tu te dis, ils ne prennent pas de risques.
04:36En quelques années les bénévoles ont secouru plus de 18 000 personnes ici dans les montagnes,
04:40c'est plus que la population de Briançon et une fois qu'ils les ont récupérées,
04:43ils les emmènent dans un refuge tenu par des citoyens.
04:47Après la maraude, d'autres bénévoles ont croisé la route de 6 migrants, il était 5h du matin,
04:51ils les ont emmenés ici au refuge solidaire dans Briançon,
04:54certains y ont retrouvé des membres de leur famille, j'ai pu échanger avec l'un d'entre eux.
04:58Comment tu es arrivé ici ?
04:59J'ai arrivé avec les montagnes, on est allé, difficile oui, difficile avec les montagnes, la neige.
05:11Après je marchais 4h, 5h, je parlais avec ma femme, avec mon père, il faut pleurer.
05:25Tu as quel âge ?
05:2735, je n'ai jamais sorti de mon pays, c'est la première fois.
05:31Pourquoi t'es parti ?
05:33J'ai parti parce que j'ai un problème de mon pays, j'avais un local, pizzeria, cafétéria,
05:41et entre le corona, j'ai déclaré faillite, voilà c'est ça, j'ai marié, j'ai deux enfants.
05:51Ils sont où là tes enfants ?
05:54Ils sont en Algérie.
05:56Et là l'idée c'est de venir travailler en France ?
05:58Voilà, pour aider mes enfants et ma femme, c'est le travail, je travaille, et après je retourne à mon pays.
06:1024 sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours sur 365.
06:17Capacité d'accueil de 81 personnes la journée, 80 publics, 15 personnels, et la nuit on tombe à 60 publics, 15 personnels.
06:29Refuge solidaire garde les petites chambres pour les familles, et les grosses chambres c'est plutôt des dortoirs,
06:35donc c'est plusieurs personnes qui dorment ensemble.
06:39Ici c'est typiquement un dortoir, donc il y a 2, 4, 5 lits.
06:44Moi j'étais là 3 jours avant maintenant.
06:48C'était bien, c'était bien.
06:50Tu es passé à la montagne, et après les gens t'ont amené ici c'est ça ?
06:53Quoi ? Oui oui, c'est les gens qui m'ont amené ici.
07:01Il s'est instauré un espèce de climat d'aide, on peut dire que les montagnards c'est dans leur sens de l'hospitalité.
07:08Le manquement, nous on le vit depuis des années.
07:10On a assumé ce que l'Etat devrait assumer, c'est-à-dire un accueil humain des gens qui sont en exil.
07:19Et pas seulement les considérer comme des populations inexistantes, parce que à partir du moment où tu es sans papier tu n'existes pas.
07:26C'est faux, ce sont des humains, et c'est des humains qui ont droit comme tout le monde à l'accueil.
07:34Dans le refuge j'ai croisé une trentaine de personnes, tous sont passés par la montagne ces derniers jours.
07:38Ils sont principalement afghans et iraniens, mais aussi marocains et algériens, comme ce mineur de 17 ans en exil depuis 3 ans.
07:45Toutes les personnes ici ont fait un coup de main pour nous.
07:48Ils nous donnent pour manger, ils nous donnent des t-shirts, des vêtements.
07:53Je dis un grand merci pour ça.
07:55Tu es parti à 14 ans tout seul ?
07:5814 ans tout seul avec le bateau, jusqu'à Sardinia.
08:02Sardinia, l'Italie, après l'Italie, la France.
08:05Je ne fais pas la force maintenant, je fais le calage de la force, obligé maintenant.
08:11La force, la force, jusqu'à la dernière graine.
08:16Il n'y a pas de courage de mourir ici directement.
08:19Quand ils quittent le refuge de Briançon, généralement au bout de 3 jours,
08:22ils rejoignent différentes villes de France ou Calais pour tenter d'accéder au Royaume-Uni.
08:26Certains décident de rester ici, dans le Briançonnet, où différentes structures associatives les accueillent.
08:32Comme ici, à la maison Bisouli, qui est juste derrière moi, au cœur de la station de ski de Cerchevalier.
08:38C'est le cas de Mohamed, il a 19 ans, il est guinéen.
08:42Ça fait 5 mois que je suis là.
08:45Tu as de la famille ici en France, en Europe ?
08:48Non, c'est nous.
08:49C'est à dire, je suis venu ici, je n'avais pas de famille, mais j'ai trouvé une famille,
08:54qui m'a adopté la maison Bisouli.
08:56Pas seulement la maison Bisouli, mais le Briançonnet aussi.
09:00Je suis venu ici, j'ai trouvé la maison Bisouli.
09:03Je suis venu ici, j'ai trouvé la maison Bisouli.
09:06Je suis venu ici, j'ai trouvé la maison Bisouli.
09:09Je suis venu ici, j'ai trouvé la maison Bisouli,
09:12mais le Briançonnet et les habitants, tout récemment, je parlais avec ma mère.
09:17Elle m'appelle, elle est trop inquiète, elle m'appelle, est-ce que ça va ?
09:20Je dis oui, ça va.
09:22Je suis bien hébergé, je suis dans une association.
09:25Ne vous inquiétez pas, tout va bien.
09:28Elle disait, quand tu as choisi de sortir et faire l'aventure,
09:33il faut assumer, il faut accepter tout.
09:37C'est un lieu qui va permettre aux personnes qui veulent rester sur le territoire,
09:42dans le Briançonnet, de rester.
09:44On va faire un accueil qui dure entre 6 mois et un an et demi,
09:47le temps que leurs procédures administratives, juridiques, se mettent en place.
09:52On va faire un accompagnement social et professionnel.
09:58C'est à faire, c'est à faire.
10:00C'est à faire, c'est à faire.
10:02C'est à faire, c'est à faire.
10:06Ça t'a fait quoi, la première fois, quand tu es venu ici ?
10:09Ça m'a fait un peu rêver.
10:11J'ai regardé, j'ai dit, c'est incroyable.
10:16Je fais un peu de la ménagerie.
10:18Mon rêve, c'est de faire encore de plus.
10:20Surtout avec les constructions en bois.
10:23Il n'y a que de bois, de toit, tout, tout.
10:26Pendant que je venais, je voyais ça.
10:28Je me suis dit, mais chez nous, il n'y a pas ça.
10:31Je me suis dit, peut-être tu peux avoir la chance de faire une formation à la langue.
10:36Peut-être que je peux aussi faire les mêmes modèles chez moi.
10:39Écoute, merci beaucoup. Merci à tous les deux.
10:41Merci.
10:42Passez une bonne journée.
10:43Au revoir.
10:46D'autres n'ont pas pu être sauvés dans les montagnes.
10:48Depuis 2018, sept personnes sont mortes
10:50en tentant d'entrer en France dans le brillant sonnet.
10:52Voici leurs noms.
10:53Le 7 mai 2018, Blessing Matthew.
10:56Le 18 mai 2018, Mamadji Kondé.
10:59Le 25 mai 2018, Mohamed Fofana.
11:02Le 26 mai 2018, Nathalie.
11:05Le 27 mai 2018, Nathalie.
11:08Le 28 mai 2018, Nathalie.
11:11Le 28 mai 2018, Nathalie.
11:14Douala Gakou, qui est disparu depuis le 15 novembre 2018.
11:18Tamimou Derman, qui est mort de froid la nuit du 6 février 2019.
11:22Mohamed Ali Bouhamdi, le 7 septembre 2019.
11:26Et le plus récent, Mohamed Mahieddine, le 22 juin 2021.