“C”est le soutien d’un pays qui a vécu la même chose”. Brut s’est entretenu avec Salomé Zourabichvili, président de la Géorgie.
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00:00On a été attaqué en 1991, juste après la déclaration d'indépendance.
00:05C'était une façon d'essayer de limiter l'indépendance et la souveraineté du pays.
00:10Cette fois-ci, en Ukraine, comme en 2014 pour la Crimée,
00:13il y a une agression venant de la Russie qui cherche des prétextes.
00:18En l'occurrence, là, c'était de dire que l'Ukraine n'existe pas,
00:22que c'est le même peuple, qu'il y a des nazis.
00:24Toutes sortes de prétextes recherchés,
00:27mais qui, en réalité, ont le même objectif d'expansion et de domination.
00:33Quand on regarde la carte, on voit que la Russie est une énorme puissance
00:38et que si elle avait choisi des voies pacifiques,
00:41elle serait certainement la puissance dominante dans toutes ces régions.
00:45Ils ont choisi la méthode de l'expansion permanente,
00:48de l'agression sur les voisins, qui ensuite, c'est le serpent qui se mord la queue,
00:55parce qu'ensuite, ces voisins, évidemment, deviennent moins conciliants.
00:59Il y a un sentiment ensuite de la Russie qu'elle est entourée
01:02de gens qui ne sont pas bien disposés à son égard.
01:05C'est sans doute vrai, mais c'est la conséquence de ses propres actions.
01:09On peut imaginer quelle sera la disposition d'esprit des Ukrainiens demain,
01:14quelle que soit l'issue du conflit, quand leurs églises ont été bombardées,
01:21soi-disant la même religion orthodoxe qui unirait les Ukrainiens et les Russes,
01:27ça, ça marque évidemment pour très très longtemps la population ukrainienne.
01:31Combien de temps, selon vous, la résistance ukrainienne peut tenir ?
01:34La Russie, sûrement, avait dans l'idée que ça allait se passer en deux ou trois jours,
01:40et je crois que même les partenaires des Ukrainiens ne pensaient pas,
01:45et certains des pronostics américains, au départ,
01:48donnaient que la résistance à Kiev, par exemple, ne durerait pas plus de deux ou trois jours.
01:55Eh bien, ils ont déjoué tous les pronostics,
01:58et ça, c'est le signe que quand on défend son propre pays,
02:03on est dans une autre situation, ce que les Russes devraient savoir d'ailleurs de leur propre histoire.
02:08Quand ils ont été attaqués par Napoléon,
02:13ils ont résisté parce que, justement, ils défendaient leur territoire.
02:18Vous êtes souvent, je crois, en contact avec le président Zelensky.
02:21Justement, quelle est la teneur de vos échanges ?
02:23De mon côté, c'est principalement pour exprimer la solidarité et le soutien.
02:29C'est ça, le soutien moral, principalement.
02:32La Géorgie est, encore une fois, un petit pays qui n'a pas les ressources d'armement qu'ont les pays européens,
02:38et là, il y a de grands soutiens qui viennent, en particulier, par exemple, de la Pologne.
02:43Mais de notre côté, c'est justement le soutien d'un pays qui a vécu la même chose
02:48et qui peut mieux que d'autres comprendre ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui.
02:54Est-ce qu'aujourd'hui, dans votre pays, il y a un sentiment anti-russe de la part de la population ?
02:58On a été envahi par de multiples puissances,
03:01et envahi à plusieurs reprises, puisque la capitale a été brûlée 26 fois,
03:06et pratiquement tous nos voisins, les empires voisins,
03:10ont envahi allègrement, je dirais, la Géorgie.
03:14Et malgré ça, il est toujours resté une grande tolérance envers les populations.
03:21Mais il y a une grande hostilité à la politique russe,
03:27qui est incarnée par le leader russe, par Poutine.
03:31Au vu de votre situation géographique, quand on voit ce qui se passe en Ukraine,
03:35est-ce que vous avez peur que ça puisse se passer chez vous ?
03:38D'abord, on peut avoir toujours peur, puisqu'on a déjà eu une invasion,
03:41et il y a deux territoires qui sont occupés, qui font 20% du territoire du pays.
03:48Effectivement, nous sommes très proches de deux grandes bases militaires russes,
03:53une troisième qui est de l'autre côté du Caucase.
03:56La Géorgie a décidé, en 2008 comme en 1991, de continuer à avancer
04:01pour assurer son indépendance et sa souveraineté autrement.
04:05Autrement, c'est l'aspiration européenne, l'intégration à l'Union européenne et à l'OTAN,
04:12qui sont la façon dont nous concevons notre avenir.
04:15Est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait vous mettre Moscou à dos
04:19d'avoir demandé votre adhésion à l'Union européenne ?
04:21De toute façon, Moscou est à dos, donc ça ne change pas grand-chose.
04:25Et ça ne doit pas changer, en tout cas, ce qu'un pays, une nation veut pour son avenir.
04:32Ça a été le cas pour la Géorgie, en dépit de la guerre, en dépit des différentes formes de pression.
04:38C'est la volonté de la population géorgienne, exprimée à 80 %,
04:44et c'est parce que l'Europe représente l'ensemble des valeurs
04:48qui ont été les valeurs fondatrices de la nation géorgienne depuis des siècles.
04:53Ursula von der Leyen a dit aux Ukrainiens « vous êtes des nôtres »,
04:57mais ça englobe les autres pays candidats associés comme la Moldavie et la Géorgie.
05:04Je ne sais pas sur quoi cela débouchera et de quelle forme,
05:08mais cette réflexion qui est ouverte et que nous essayons de saisir,
05:12nous la devons aux Ukrainiens et aux nouveaux Européens.