Ses rêves d'enfant, les mimiques d'OSS, ses techniques pour faire rire…
Jean Dujardin discute avec Augustin Trapenard pour Brut, alors qu’il présente “OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire” en clôture du Festival de Cannes.
Jean Dujardin discute avec Augustin Trapenard pour Brut, alors qu’il présente “OSS 117 Alerte rouge en Afrique noire” en clôture du Festival de Cannes.
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00:00De toute façon, le cinéma, c'est faire les poches, de toute façon.
00:02Que ce soit pour un acteur ou un metteur en scène,
00:03on sait très bien qu'il y a un vol caractérisé à chaque film.
00:05Pour OSS, par exemple, le rire de Paul Newman.
00:09C'est ça ?
00:12Ça, c'est la scène dans l'arnaque en VF.
00:17Bien sûr, parce que j'avais vu la première fois que j'avais vu l'arnaque, c'était en VF.
00:20Et je me souviens de ce rire moqueur de Paul Newman,
00:23qui est en train de plumer les mecs au poker.
00:25Il a un rire comme ça.
00:28C'est dommage pour vous, le Negan.
00:29La voix française de Sean Connery dans Docteur Non.
00:32À l'époque, il n'y avait pas de bandes rythmo, on doublait au texte.
00:35Donc, en fait, on regardait l'image et on doublait, on faisait du labial.
00:37Et on regardait, on faisait...
00:39C'est pour ça qu'ils ont toujours des espèces de petits chapeaux de phrase
00:41avant de commencer à faire des petits...
00:44Ma foi, dame de la pression.
00:46La gestuelle de Belmondo dans Le Magnifique.
00:48Oui, Peter Sellers, Belmondo, Pierre Richard,
00:50tous ces mecs qui ont joué en plan large,
00:53qui se servent beaucoup de leur corps.
00:55OSS, il y a un peu les figures imposées, c'est-à-dire le je dégaine,
01:00je me retourne par derrière.
01:01Je ne me retourne pas comme ça.
01:02Ah, c'est retourner par derrière.
01:03C'est un retour, ça, tu vois, je vais me retourner par là.
01:05C'est un retour à l'indolent.
01:07D'accord.
01:07Ça, tu vois, ça, c'est pas pareil que ça.
01:11En fait, l'acteur, c'est un voleur.
01:13Mais complètement.
01:13Mais je ne vole pas que dans les films.
01:15Peut-être que là, je te vole des choses.
01:16Attends, moi, j'ai peut-être enlevé mes lunettes.
01:18Moi, ça va.
01:19Ah ben, moi aussi, alors.
01:20Comment est-ce qu'on retrouve un personnage ?
01:22Pardon ?
01:24Pardon ?
01:25Non, on ne commence pas comme ça.
01:27Comment est-ce qu'on retrouve un personnage ?
01:28Ce que vous avez fait pour OSS,
01:30ce que vous avez fait pour Brise de Nice aussi.
01:31Comment ça se passe ?
01:33J'ai l'impression que c'est très chimique.
01:37On s'en est parlé, d'ailleurs.
01:38Le jour où j'ai fait ça, j'ai mis un impair,
01:40des petites bottines, une cravate club.
01:43J'ai retrouvé cette démarche.
01:45La voix est revenue aussi assez rapidement.
01:46Pour autant, je suppose qu'il faut le recomposer aussi en tant qu'acteur.
01:49Oui.
01:49Pour OSS, par exemple, là, qui a quand même pris un sacré coup.
01:52Comment on écrit sa débandade ?
01:53Comment on réécrit sa débandade ?
01:55C'est en s'arrêtant peut-être dans des séquences.
01:58Il y a sûrement des interstices dans les séquences.
01:59On se dit, là, on peut développer un petit peu plus.
02:02C'est-à-dire qu'en fait,
02:03Jean-François Allain nous offre le film, les séquences.
02:08Et à nous, ensuite, de tirer le petit bout de laine
02:10et d'aller chercher les tourments, les conflits intérieurs,
02:15mettre à mal son alpha-malité,
02:17s'amuser avec le personnage, l'abîmer, casser le jouet.
02:20En fait, c'est ce qu'on a fait très rapidement avec Nicolas.
02:22Ces personnages, c'est quand même vous qui les avez composés.
02:25Et c'est quelque chose qui reste souvent secret.
02:26Comment ça se passe pour des artistes, par exemple ?
02:28Si on prend cet exemple qui vous avait mis un Oscar,
02:30vous vous souvenez de comment vous l'avez composé ?
02:32Comment vous l'avez trouvé ?
02:34Je l'ai trouvé en allant à la cinémathèque
02:38et en regardant beaucoup de films de Murnau,
02:40en me rassurant déjà beaucoup.
02:41Parce que ce n'est pas simple d'attaquer un truc comme The Artist.
02:44Il y a évidemment Chaplin, qui est un génie.
02:46On ne peut pas se frotter à un génie.
02:47Donc, on va voir d'autres films.
02:49Et puis, il y a des films des années 20,
02:50comme effectivement La Foule, City Girl.
02:52Et on voit finalement, ce n'est pas de la pantomime.
02:54On voit que sans le son, ça fonctionne.
02:56Il y a juste à jouer l'émotion.
02:57Donc, ça m'a rassuré.
02:58Vous parliez de Belmondo dans Le Magnifique.
02:59Alors, c'est intéressant parce que c'est un film archétypal pour vous.
03:02C'est l'origine de votre désir pour le cinéma, en fait.
03:04J'ai l'impression, quand on me demande,
03:06j'ai l'impression que c'est celui-ci.
03:07Vous vous souvenez ?
03:08Oui, je me souviens.
03:09Je me souviens, gosse, je me souviens.
03:11Oui, je me souviens de vouloir être un homme comme ça.
03:15Quand je serais grand, je ressemblais à un enfant,
03:17comme ce personnage-là.
03:19C'est-à-dire que vous le voyez enfant
03:20et vous vous dites que déjà, vous savez que jouer,
03:22c'est déjà revenir à un état d'enfance.
03:23Exactement.
03:24C'est-à-dire que quand je suis petit, je veux être grand.
03:27Et maintenant, je fais un métier de petit.
03:29Je fais un métier d'enfant.
03:30Un métier d'enfant.
03:31C'est-à-dire celui qui imite,
03:33celui qui raconte des histoires,
03:34celui qui imagine.
03:35Celui qui est dans son jardin et qui se raconte plein de trucs.
03:37Celui qui se déguise.
03:39Qui se déguise énormément, qui a des amis imaginaires,
03:42qui adore les cabanes, qui aime être en extérieur.
03:45Je suis un acteur d'extérieur.
03:46J'adore être en extérieur.
03:47J'y crois toujours plus que lorsque je suis en studio
03:49avec une cloison qui bouge.
03:52C'est intéressant parce que vous avez aussi,
03:53dans votre filmographie, incarné un grand nombre d'enfants.
03:56Est-ce que ça veut dire qu'on ne le perd jamais, cet enfant ?
03:58Ou même que le plateau, pour vous,
04:00c'est le lieu où vous allez le rechercher ?
04:02Ce n'est quand même pas très sérieux.
04:04Je veux dire, c'est peut-être aussi une façon...
04:06C'est une pudeur qui est encore en moi.
04:07C'est une façon de me planquer aussi, sûrement.
04:10D'avoir encore un lien avec cette enfance-là.
04:12Peut-être de la réparer.
04:14Peut-être de m'apprécier,
04:17alors que ce n'était pas vraiment le cas quand j'étais enfant.
04:19Je dois sûrement faire un chemin vers lui en me disant
04:22« Voilà, maintenant, regarde.
04:24Finalement, il n'était pas si débile que ça, ce petit.
04:27T'en fais quelque chose. »
04:27Qu'est-ce qui vous fait rire, vous, Jean Dujardin ?
04:29Un peu comme tout le monde, des choses très méchantes.
04:33Mais on ne peut pas le dire.
04:35Ça va de la chose très méchante, très cynique,
04:37très fine, très...
04:40La petite saloperie glissée dans l'oreille
04:42à la grosse peau de banane, en fait.
04:43Je pense que la vraie question, c'est comment on fait rire,
04:45surtout quand on est acteur.
04:46C'est une question que vous devez vous poser tout le temps.
04:47Ce n'est pas tellement la vanne,
04:49c'est le temps qui suit, qui précède.
04:51Ça veut dire une rupture ?
04:52Oui, et puis une inconduité, en fait.
04:54Un moment un peu absurde, c'est ça, en fait.
04:56L'absurdité me fait beaucoup rire.
04:57C'est-à-dire qu'à une seconde près, ça ne marche pas ?
04:59Pas loin.
05:00Oui, je crois.
05:01Enfin, ça se voit.
05:02C'est pour ça qu'il y a quand même des monteurs géniaux
05:04qui font du bien à des projets, à des tournages.
05:06Une gestuelle aussi, une grimace.
05:08Je pense, par exemple, au lever de sourcils de SS.
05:12Oui, ça...
05:14Oui, ça, effectivement, le lever de sourcils...
05:17Et puis les mots, vous êtes modeste,
05:18vous revenez toujours à votre scénariste, à votre réalisateur.
05:20Mais dans quelle mesure est-ce que vous l'écrivez aussi, ce rôle ?
05:22Dans quelle mesure est-ce que vous rajoutez quelque chose dans la réplique ?
05:26Je crois que je le chante plus que je me le dis.
05:29Je me trouve une musique qui me convient,
05:31surtout sur les OSS.
05:32Vraiment, c'est très particulier.
05:34Par exemple, c'est l'inexpugnable arrogance de votre beauté qui m'asperge.
05:37C'est compliqué comme phrase.
05:38Si je ne la chante pas et si je ne m'amuse pas avec,
05:40c'est un saut de haie très compliqué, quoi.
05:44Je vais perdre beaucoup de temps à l'équipe.
05:46Je suis forcément obligé de la malaxer et de m'amuser avec
05:50et de lui trouver un air.
05:52Je vous dirais oui, ça serait de la prétention.
05:54Je vous dirais non, ça serait de la bêtise.
05:55Ou pa-pa-pa-ti, pa-pa-pa-ta, pa-ta-pa-ti, pa-ta-pa-ta...
05:58Et peut-être recréer la possibilité du culte.
06:01Qu'est-ce qui fait qu'une réplique va devenir culte ?
06:03Je pense à certaines, mais il y en a qui sont totalement...
06:06Je pense à certaines.
06:07Non, je pense à certaines, effectivement.
06:09On en reparlera quand on aura Tababas qui jette le freeze,
06:11quand il est à l'informatique.
06:13Ça, ça m'amuse, des vannes internes informatiques,
06:15c'est vraiment pas drôle.
06:16Oui, parce qu'il a une expérience de geek, sans rien révéler.
06:19Il a un moment geek.
06:20Oui, il a un moment geek, il est un peu au placard.
06:22Et c'est assez marrant, on en reparlera quand on aura Tababas qui jette le freeze.
06:24Tababas qui jette le freeze, ça peut peut-être faire un bout de chemin.
06:27Vous avez confiance dans le temps, vous ?
06:28Oui, bien sûr, bien sûr.
06:29Et surtout avec les OSS.
06:31Ça mûrit bien parce qu'en fait, c'est tellement vieux,
06:35tellement ringard.
06:36Ce sont des films du passé.
06:37Oui, ce sont des films du passé, oui, oui, bien sûr.
06:38C'est intéressant, est-ce que nombre de vos personnages
06:40sont des personnages du passé, Jean ?
06:42Parce que j'aime bien rentrer dans la photo.
06:44Parce que je trouve ça pas mal de rentrer dans la mythologie,
06:49dans ce que j'ai vu, dans ce que j'ai aimé.
06:51C'est sûrement mon...
06:53Oui, c'est mon petit terrain de jeu.
06:56Il doit être un peu plus grand et un peu mieux que la vie.
06:59Parce que OSS, il nous raconte un temps disparu,
07:02qui a du bon, je suppose, mais aussi du moins bon.
07:05Oui, bien sûr, bien sûr, il a du moins bon.
07:07Non, non, mais une fois de plus, on passe par cette époque
07:08pour dire que c'était quand même moins bon.
07:10Mais c'est ça.
07:10Regardez un peu ce qui a évolué, ce qui a bougé, bien sûr.
07:12Ah non, je suis pas du tout dans le c'était mieux avant.
07:15C'était différent.
07:16C'était autre chose.
07:18Mais c'était la France.
07:19Et le problème avec OSS, c'est qu'il est très français.
07:22Et qu'il ait cette mauvaise conscience des Français.
07:25Oui, mais c'est pas grave.
07:26On peut se soigner.
07:28On peut en rire.
07:28On peut en rire.
07:29Vaut mieux en rire.
07:29Je trouve que c'est un peu ce qu'on a un peu perdu.
07:31Par exemple, j'enfonce des portes ouvertes,
07:32mais on a un peu perdu, oui, ça fait du bien quand même
07:36de tirer la chasse, de se dire que oui,
07:37on a une espèce de xénophobie culturelle très forte
07:40qui fait qu'on ne supporte pas vraiment ce qui n'est pas français.
07:44On a un peu de mal à le dire.
07:45On a un gendre noir dans une famille.
07:47On ne sait pas trop comment le dire.
07:48On ne sait même pas dire noir.
07:49On ne sait même pas dire arabe.
07:51Alors on dit black ou beurre ou on a des petits soucis avec ces trucs.
07:55Mais ça veut dire que c'est un rire coupable.
07:58Mais bien sûr, c'est un rire coupable.
07:59C'est évidemment, évidemment.
08:00C'est pour ça qu'il plaît, d'ailleurs.
08:01Et d'ailleurs, dans les premiers OSS, c'était très drôle.
08:04C'est que les mecs se regardent entre eux dans le public.
08:06Ils se regardent en se disant
08:07est-ce que tu m'autorises à rire à cette saloperie là ?
08:09Bon, je vais le prendre parce que ça me fait du bien.
08:12J'ai un peu honte, mais ça me fait du bien.
08:13Mais c'est la question qui me vient.
08:15Dans quelle mesure ce rire là, il se réalise d'abord et surtout au cinéma ?
08:19Parce que parfois, c'est effectivement beaucoup plus confortable
08:21de rire à plusieurs, de rire ensemble
08:23que de rire seul à ce type de blague devant son petit écran.
08:25Oui, c'est compliqué.
08:26C'est compliqué d'être seul dans une salle devant OSS.
08:29Quel avenir vous lui voyez à la salle de cinéma, vous ?
08:32Je pense qu'il y aura toujours du cinéma.
08:35Il y aura un variant cinéma.
08:37C'est à dire que forcément, il va muter.
08:39Il va devenir autre chose.
08:40Qu'est-ce qui va rester comme film ?
08:42Il y a des films qu'on ne fera plus, peut-être.
08:44Il faudra créer des événements.
08:45J'ai le sentiment que ça va être un peu un peu marginal, en fait.
08:48Et effectivement, on ira comme à l'opéra.
08:51Merci Jean-Luc.
08:52Merci Augustin, c'était très agréable.