Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 25/03/2025
S'extraire du genre, des idées reçues sur l'orgasme féminin et masculin et repenser entièrement nos rapports. C'est ce que propose Maïa Mazaurette dans son livre "Sortir du trou".
Transcription
00:00Je ne suis pas un trou, même si je suis une femme, même si j'ai une sexualité débordante.
00:04Je ne suis pas un trou parce que, en fait, quand on parle des femmes en tant que trous,
00:08on essaye de sous-entendre que, déjà, leur sexe est limité à leur vagin.
00:12Alors on sait bien aujourd'hui qu'il y a le clitoris et puis, accessoirement, il y a tout le reste du corps et puis il y a le cerveau.
00:16Et aussi, si on parle des femmes comme d'un trou, on sous-entend qu'elles ont une espèce de sexe comme ça qui est forcément un pôle réceptif, passif, négatif.
00:23Quand on construit idéologiquement les femmes comme trous, il va de soi qu'évidemment, elles doivent être comblées, qu'on peut leur mâcher dessus.
00:29Qu'on peut leur mâcher dedans. Et en fait, c'est un imaginaire qu'on peut lire des fois dans les magazines féminins de
00:34lâcher prise, il ne faut pas trop réfléchir, il faut être dans le moment présent.
00:38Comme si, quelque part, être une femme, c'était toujours être un peu vide à l'intérieur.
00:41Et ce que ça construit aussi, c'est un attachement, des fois excessif par rapport à la peau,
00:46au fait d'être qu'une enveloppe, une apparence, d'être toujours un peu dans la recherche de la beauté.
00:50Quand j'étais plus jeune, j'ai cru, à un moment, que, effectivement, mon sexe était un espace vide, comme ça, qui attendait d'être envahi.
00:57Et puis, en commençant à écrire mes livres, je me suis aperçue, sur l'échéma anatomique,
01:01que le vagin des femmes était dessiné comme un espace ouvert.
01:05Mais évidemment qu'il n'est pas ouvert. Evidemment que, pendant que là, je suis en train de vous parler,
01:09il n'y a pas de l'air qui passe dans mon vagin.
01:11Et là, je me suis aperçue qu'il y avait une déconnexion totale entre la manière dont mon sexe était décrit
01:15et la manière dont moi, je le vivais. Parce qu'évidemment que mon sexe de femme,
01:19il ressent du désir, il y a des sécrétions, il peut saigner, il peut faire des bébés,
01:22enfin, je peux faire plein de choses avec mon sexe.
01:24Et que, si on en parle comme d'un trou, on nie la réalité de mon expérience vécue,
01:29et puis on nie, évidemment, une partie de ma sexualité.
01:31Et d'ailleurs, cette espèce d'amputation du sexe féminin,
01:34qui a longtemps consisté, par exemple, à ne pas faire attention aux clitoris,
01:38on voit qu'elle est aussi à l'œuvre sur le corps masculin.
01:40Donc, quand on pense au sexe des hommes, on pense qu'au pénis.
01:43Alors qu'évidemment, le système génital masculin, c'est aussi la prostate, c'est aussi les testicules.
01:48Donc, c'est vraiment intéressant de se demander comment est-ce que notre corps,
01:51il est construit dans l'anatomie, dans la science, d'une manière qui est en fait très idéologique.
01:56Et aujourd'hui, avec les connaissances dont on dispose sur le corps des hommes et des femmes,
01:59on s'aperçoit que le corps qu'on a, c'est aussi un corps imaginaire.
02:03Et moi, avec mes livres, j'ai envie de parler du corps réel.
02:06Quand les scientifiques observent l'orgasme des femmes,
02:09on voit que les femmes hétérosexuelles, généralement, ont des orgasmes peut-être deux fois sur trois.
02:13Alors que chez les lesbiennes, c'est beaucoup trop élevé.
02:15Pourquoi ? Bon, parce que les lesbiennes ont plus de talent, peut-être.
02:19Mais aussi parce que les pratiques lesbiennes sont plus en adéquation avec la réalité du corps féminin.
02:24Qu'est-ce que ça veut dire ?
02:25Que quand on touche une femme seulement vaginalement, donc quand on fait une pénétration dite normale,
02:30on s'aperçoit que déjà il faut beaucoup de temps avant d'atteindre l'orgasme.
02:34Et puis aussi que ça ne va pas marcher à tous les coups, donc ça va marcher les deux tiers du temps.
02:39Alors que si on touche à la fois le clitoris, le vagin, et si on embrasse une femme,
02:43on arrive au score des lesbiennes, on arrive à un taux d'orgasme
02:46qui est comparable à celui des hommes hétérosexuels ou homosexuels ou bisexuels.
02:51Donc là, c'est intéressant parce qu'il y a une technique sexuelle normale
02:54qui, en fait, est une technique de reproduction.
02:57Le pénis dans le vagin, en fait, à quoi ça sert ? À faire des bébés.
03:00Si c'est pour prendre du plaisir, ou pour s'endormir de soi, ou pour oublier une douleur,
03:04ou pour partager un moment de tendresse, il n'y a aucune raison de faire ce rapport sexuel là,
03:07alors que des rapports sexuels, il y en a plein.
03:09Même le nom de rapport sexuel.
03:11Tant qu'il y a au moins un sexe, tant qu'il y a au moins un rapport, c'est un rapport sexuel.
03:15Une masturbation, c'est un rapport sexuel.
03:17Une masturbation à deux par webcam, c'est un rapport sexuel.
03:20Évidemment qu'un cunnilingus, c'est un rapport sexuel.
03:22Donc il y a aussi, nous, changé la manière dont on conçoit ce qu'est le sexe, le vrai sexe.
03:28Et en fait, dès qu'il y a du plaisir, dès qu'il y a du désir, dès que c'est intéressant,
03:31c'est déjà du sexe, et c'est du sexe tout aussi légitime qu'un rapport sexuel dit normal.
03:37Souvent, on dit qu'en 1968, il y a eu une révolution sexuelle.
03:41Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.
03:43Non, il y a eu une révolution de la reproduction.
03:45C'est-à-dire qu'en mai 68, juste avant, on a eu la libération de la contraception et l'avortement,
03:50et ça voulait dire qu'on pouvait faire l'amour sans prendre le risque de tomber forcément enceinte.
03:54À ce moment-là, après mai 68, on peut faire l'amour avec plus de personnes.
03:58Mais si on fait toujours la même chose avec plus de personnes,
04:00est-ce que c'est vraiment une libération sexuelle ?
04:02Et c'est pour ça que moi, je pense que c'était une libération de la reproduction,
04:05et que la révolution sexuelle, on est en train de la faire maintenant.
04:08Elle prend plein de formes.
04:09Déjà, le fait de ne pas forcément être hétérosexuel,
04:12le fait de ne pas forcément avoir une sexualité, on peut très bien être asexuel,
04:16de ne pas forcément vivre en monogamie, on voit l'essor du polyamour,
04:19le fait de ne pas forcément considérer le rapport sexuel comme une pénétration vaginale,
04:23alors là, effectivement, il y a plein d'autres choses à inventer,
04:26il y a les masturbations, il y a les massages, il y a les pratiques sans pénétration,
04:31donc il y a plein de choses à faire.
04:32Et avec tout ça, on remet en jeu à la fois le sexe qu'on a,
04:35qu'est-ce qu'on utilise de notre corps, le sexe qu'on fait,
04:38avec qui, pourquoi, comment, avec ou sans consentement,
04:41et là, on est vraiment en train de faire une révolution sexuelle.
04:44J'ai écrit ce livre, Sortir du trou, pour expliquer que les femmes ne sont pas que des trous.
04:48Et de l'autre côté, parce que c'est un double livre qu'on peut lire à deux en 69,
04:53levé la tête, j'explique toutes les solutions pour sortir de cette idéologie du trou,
04:58pour récupérer l'intégrité de son corps quand on est une femme,
05:00mais aussi quand on est un homme, et pour être deux au lit dans les rapports sexuels.

Recommandations