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"On a des familles qui sont empêchées de pouvoir faire leur deuil, […] c'est terriblement indigne pour une société."

Le cri d'alarme de la philosophe Cynthia Fleury.

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Transcription
00:00On a des familles qui sont littéralement empêchées de pouvoir faire leur deuil.
00:04Pourquoi ? Elles n'ont pas vu le corps, elles n'ont pas pu accéder dans les 1, 2, 3, 4, 5 dernières semaines de la vie de ceux qu'elles aiment.
00:13Elles n'ont pas pu être présentes.
00:16Elles n'ont pas vu le corps mis dans le sac mortuaire.
00:20Elles n'ont pas vu le corps mis en bière.
00:23C'est une folie pour la santé mentale des familles, mais c'est aussi quelque chose de terriblement indigne pour une société.
00:30Lors du premier confinement, il y avait eu effectivement un cri absolument fort de la part des familles sur le fait que c'était impossible d'accéder aux malades atteints du Covid,
00:43que c'était impossible de faire son deuil.
00:45Et on pensait que, justement, nous avions tiré des leçons et que nous nous étions rappelés qu'accompagner les vivants jusqu'au bout,
00:56mais tout le temps, pas simplement lors du dernier souffle, mais les accompagner tout le temps, ça fait partie du soin, ça fait partie du droit des patients,
01:05ça fait partie de l'humanité et ça fait partie de la gestion, on pourrait dire, démocratique de la pandémie.
01:12Or, il s'avère que ce n'est pas le cas.
01:13Résultat, vous avez une impossibilité très forte pour les familles de faire leur deuil.
01:17Ce qui nous remonte des familles, c'est pourquoi ce n'était pas possible ?
01:21Parce qu'il n'y a pas assez de personnel, ils n'ont pas le temps pour mettre les blouses, les surblouses, il y a du danger.
01:30Mais surtout, très souvent, il y a un manque d'équipement, il y a un rationalisme gestionnaire qui fait que de toute façon, ce n'est pas possible.
01:37Je pense à qui ?
01:38Je pense aux témoignages cinglants de par exemple Stéphanie Bataille, je pense aux témoignages cinglants de Laurent Frémont.
01:46Je cite ces deux-là, il y en a quantité d'autres, il y a des pages entières qui se noircissent sur les réseaux sociaux.
01:51C'est un droit absolu, non négociable, d'accompagner ses proches tout le temps, pas simplement au dernier souffle.
01:59Ça, c'est déjà un enjeu absolu, c'est la bataille, la bataille contre la maladie.
02:04Il faut que toutes les forces soient réunies pour que l'on se batte le plus solidairement possible pour traverser cette maladie.
02:12Et puis parfois, l'irréversible arrive. L'irréversible, c'est la mort, donc elle est bien évidemment totalement inacceptable.
02:18Mais de fait, si on s'est battu avant, elle est déjà beaucoup plus acceptable parce qu'on sait qu'on a tout fait, tout fait pour ne pas aller vers cette issue.
02:28En revanche, si on a été empêchés, là oui, on rentre dans un phénomène terrible d'irréalisation, on n'a pas vu le corps, on n'a pas pu être là,
02:39on n'a pas pu faire son adieu, on n'a pas pu… un sentiment de culpabilité immense, un sentiment d'incompréhension, un sentiment de colère aussi.
02:53Ce sont des étapes bien connues dans le deuil, mais qui là sont extraordinairement renforcées par la situation exceptionnelle que nous vivons.
03:01Et ce n'est pas parce que c'est une situation exceptionnelle qu'il faut tout d'un coup se dire « ces histoires d'éthique, elles sont sentimentales, elles sont superfétatoires ».
03:12En fait, c'est ce qui nous maintient en tant que communauté. La ritualisation de la mort, l'aide aux malades, la présence absolument déterminante de la famille auprès des malades,
03:27tout ça, c'est ce qui fait que nous faisons dignement société.

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