"Aujourd’hui, c’est très dur d’être une femme célibataire au Maroc"
Les femmes au Maroc. Et leur combat pour plus d’égalité. Interview Brut du réalisateur Nabil Ayouch.
Les femmes au Maroc. Et leur combat pour plus d’égalité. Interview Brut du réalisateur Nabil Ayouch.
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00:00Pour moi, on n'a pas besoin d'être féministe pour défendre les droits des femmes.
00:12Aujourd'hui, c'est très dur d'être une femme célibataire au Maroc
00:16parce que sa place dans l'entreprise, dans l'économie,
00:21elle se réduit de jour en jour.
00:22Il y a de moins en moins de femmes qui travaillent.
00:24Dans la politique, on voyait il y a 15, 20 ans,
00:27des femmes ministres à des postes importants.
00:29Aujourd'hui, elles sont reléguées tout au bout de la table,
00:32au mieux secrétaire d'État.
00:33Il y a une ministre dans tout le gouvernement.
00:37Et je trouve qu'en matière de liberté individuelle,
00:44de droits civiques fondamentaux,
00:46les grands combats qu'auraient dû mener certaines femmes
00:49n'ont pas été menés.
00:50Parce que souvent, la femme peut aussi être la pire ennemie de la femme.
00:53On l'a vu en 2015, par exemple,
00:56quand le Conseil national des droits de l'homme
00:58a posé au Maroc la question de l'égalité dans l'héritage.
01:01En tête de manif, dans les cortèges,
01:04c'était des femmes qui manifestaient contre leurs propres droits.
01:07Et on le voit d'ailleurs dans le film.
01:09Ça peut être complètement surréaliste à croire.
01:11Et pourtant, ces femmes sont comme liées par des chaînes.
01:16Il y a une forme de tutelle qu'elles n'arrivent pas à briser
01:19à cause de l'ignorance, à cause de l'éducation, pour plein de raisons.
01:22Et pourtant, c'est ces femmes-là qui vont éduquer aussi les hommes de demain,
01:25puisque ce sont leurs enfants.
01:27Et c'est pour ça que c'est très important
01:31d'avoir aussi des exemples de femmes qui mènent ces combats au grand jour,
01:36comme Salima dans le film.
01:38Parce que mener ces combats au grand jour, c'est être inspirante.
01:42C'est qu'une gamine des quartiers populaires,
01:45des faubourgs de Casablanca, se dise
01:48« Mais bon sang, je veux être comme elle !
01:50C'est elle à qui j'ai envie de ressembler.
01:52C'est elle mon modèle.
01:54Et moi, je crois beaucoup à cette idée d'exemplarité. »
02:01Le mouvement MeToo n'a pas encore véritablement atteint le Maroc,
02:05parce qu'il y a des femmes qui ont témoigné dans les journaux marocains
02:09de scènes de harcèlement qu'elles ont subies,
02:11mais sans véritablement que ça aille plus loin.
02:15À part récemment, où il y a un journaliste qui a été accusé de harcèlement,
02:21et cette fois-ci, de manière totalement ouverte.
02:24Et ça a été la première fois.
02:30Il y a un article qui a été aboli,
02:34qui disait qu'un violeur peut,
02:38au cas où la victime l'accepte,
02:43épouser la femme qui l'aurait violée.
02:46Bon, alors c'était une espèce de truc complètement dingue.
02:49Là, ça a été aboli.
02:51Donc il y a des avancées, si vous voulez.
02:53Après, quand je regarde par exemple cette loi contre le harcèlement,
02:58je me dis que c'est bien, mais elle ne va pas assez loin.
03:01Le viol conjugal, par exemple,
03:03qui représente le cas le plus répandu de violences faites aux femmes,
03:10il n'est même pas évoqué dans cette loi.
03:11Je crois qu'il ne faut rien lâcher,
03:13parce qu'il y a aujourd'hui un clivage très très fort
03:17entre deux schémas de société.
03:19Il y a un schéma de société qui veut nous ramener en arrière
03:24et mettre des interdits, des tabous à chaque coin de rue,
03:30nous contraindre, nous restreindre.
03:33Et puis, il y a aussi des gens qui ont envie de se projeter vers l'avant.
03:37Et moi, j'ai envie de croire que même si on est minoritaire dans ce cas-là,
03:42les grands changements dans l'histoire de l'humanité,
03:44ils ont été menés par des minorités.
03:46Donc j'ai envie d'avoir de l'espoir.