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  • 25/03/2025
"Aujourd’hui, c’est très dur d’être une femme célibataire au Maroc"
Les femmes au Maroc. Et leur combat pour plus d’égalité. Interview Brut du réalisateur Nabil Ayouch.
Transcription
00:00Pour moi, on n'a pas besoin d'être féministe pour défendre les droits des femmes.
00:12Aujourd'hui, c'est très dur d'être une femme célibataire au Maroc
00:16parce que sa place dans l'entreprise, dans l'économie,
00:21elle se réduit de jour en jour.
00:22Il y a de moins en moins de femmes qui travaillent.
00:24Dans la politique, on voyait il y a 15, 20 ans,
00:27des femmes ministres à des postes importants.
00:29Aujourd'hui, elles sont reléguées tout au bout de la table,
00:32au mieux secrétaire d'État.
00:33Il y a une ministre dans tout le gouvernement.
00:37Et je trouve qu'en matière de liberté individuelle,
00:44de droits civiques fondamentaux,
00:46les grands combats qu'auraient dû mener certaines femmes
00:49n'ont pas été menés.
00:50Parce que souvent, la femme peut aussi être la pire ennemie de la femme.
00:53On l'a vu en 2015, par exemple,
00:56quand le Conseil national des droits de l'homme
00:58a posé au Maroc la question de l'égalité dans l'héritage.
01:01En tête de manif, dans les cortèges,
01:04c'était des femmes qui manifestaient contre leurs propres droits.
01:07Et on le voit d'ailleurs dans le film.
01:09Ça peut être complètement surréaliste à croire.
01:11Et pourtant, ces femmes sont comme liées par des chaînes.
01:16Il y a une forme de tutelle qu'elles n'arrivent pas à briser
01:19à cause de l'ignorance, à cause de l'éducation, pour plein de raisons.
01:22Et pourtant, c'est ces femmes-là qui vont éduquer aussi les hommes de demain,
01:25puisque ce sont leurs enfants.
01:27Et c'est pour ça que c'est très important
01:31d'avoir aussi des exemples de femmes qui mènent ces combats au grand jour,
01:36comme Salima dans le film.
01:38Parce que mener ces combats au grand jour, c'est être inspirante.
01:42C'est qu'une gamine des quartiers populaires,
01:45des faubourgs de Casablanca, se dise
01:48« Mais bon sang, je veux être comme elle !
01:50C'est elle à qui j'ai envie de ressembler.
01:52C'est elle mon modèle.
01:54Et moi, je crois beaucoup à cette idée d'exemplarité. »
02:01Le mouvement MeToo n'a pas encore véritablement atteint le Maroc,
02:05parce qu'il y a des femmes qui ont témoigné dans les journaux marocains
02:09de scènes de harcèlement qu'elles ont subies,
02:11mais sans véritablement que ça aille plus loin.
02:15À part récemment, où il y a un journaliste qui a été accusé de harcèlement,
02:21et cette fois-ci, de manière totalement ouverte.
02:24Et ça a été la première fois.
02:30Il y a un article qui a été aboli,
02:34qui disait qu'un violeur peut,
02:38au cas où la victime l'accepte,
02:43épouser la femme qui l'aurait violée.
02:46Bon, alors c'était une espèce de truc complètement dingue.
02:49Là, ça a été aboli.
02:51Donc il y a des avancées, si vous voulez.
02:53Après, quand je regarde par exemple cette loi contre le harcèlement,
02:58je me dis que c'est bien, mais elle ne va pas assez loin.
03:01Le viol conjugal, par exemple,
03:03qui représente le cas le plus répandu de violences faites aux femmes,
03:10il n'est même pas évoqué dans cette loi.
03:11Je crois qu'il ne faut rien lâcher,
03:13parce qu'il y a aujourd'hui un clivage très très fort
03:17entre deux schémas de société.
03:19Il y a un schéma de société qui veut nous ramener en arrière
03:24et mettre des interdits, des tabous à chaque coin de rue,
03:30nous contraindre, nous restreindre.
03:33Et puis, il y a aussi des gens qui ont envie de se projeter vers l'avant.
03:37Et moi, j'ai envie de croire que même si on est minoritaire dans ce cas-là,
03:42les grands changements dans l'histoire de l'humanité,
03:44ils ont été menés par des minorités.
03:46Donc j'ai envie d'avoir de l'espoir.

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