"Quand mon fils est né, bizarrement je me suis senti un peu plus français."
Ses origines, son histoire, Johnny Hallyday, son rapport à la France... Interview Brut avec le rappeur Youssoupha.
Ses origines, son histoire, Johnny Hallyday, son rapport à la France... Interview Brut avec le rappeur Youssoupha.
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00:00Il y a quand même une large partie de ma vie où, franchement, je ne me sentais pas spécialement français.
00:23Je suis né à Kinshasa et je suis venu ici quand j'avais 10-11 ans.
00:29Et quand on est arrivé ici, le projet, c'était des études et puis on a idéalisé,
00:34on s'est dit voilà, on va vivre dans un super pavillon, on va avoir une vie meilleure, etc.
00:40En fait, ça ne s'est pas passé comme ça devait.
00:43C'était quartier HLM, précarité, du coup, il y a un moment où on tourne mal,
00:51il y a des frères, des sœurs, des cousines qui tournent mal,
00:54la délinquance, les expulsions, le conflit perpétuel avec l'administration,
01:02la stigmatisation quand tu échanges pour le job, quand tu échanges avec la police, etc.
01:10Et puis après, il y a des déclics comme ça de ta vie qui te changent
01:15et qui sont liés à ta personnalité.
01:19Par exemple, moi je sais que comme officier l'aîné, bizarrement,
01:23je me suis senti un peu plus français, je me voyais moins dans le discours de
01:27ouais, mais tu sais, chez toi, ce n'est pas ici, ce n'est pas totalement ici.
01:31Effectivement, le Congo, c'est chez lui, mais en fait, en vrai, jusqu'à preuve du contraire,
01:35oui, effectivement, on va de temps en temps au Congo, mais sa réalité, elle est plus française.
01:39Pourquoi des gens que vous appelez des enfants de la République, parce qu'ils sont français,
01:42qui ont grandi en France, comment ça se fait qu'ils ont la défiance de siffler libre ?
01:45Peut-être parce qu'il y a un malaise dans le pays
01:48et que peut-être le pays ne les inclut pas dans le projet national.
01:52Parce qu'effectivement, les mêmes, par contre,
01:54quand ils voient un modèle de réussite comme Zidane, Abel Fidnabit Fekir,
01:58en fait, ils kiffent, ils n'ont pas un problème avec le groupe France,
02:03ils ont un problème avec certains symboles qui, à des moments, les a réduits
02:07ou les a stigmatisés ou les a humiliés dans leur histoire récente ou un peu plus ancienne.
02:12Quand on parle d'enfants de la République, c'est tous ensemble.
02:14Par contre, dans les faits, quand il faut régler les choses,
02:16il y a des prioritaires et tout.
02:17Et ce double discours, en fait, c'est ça qui nous empêche d'avancer
02:24et de regarder les choses en face.
02:26On a vraiment l'impression que dans les faits,
02:28c'est le fait que les gens soient différents et variés
02:31qui fait qu'ils s'apprennent des choses les uns aux autres,
02:36qui ne se soustraient pas, qui se complètent, mais on veut formater des trucs.
02:40Quand la France mène 4-1 à 5 minutes du coup d'envoi
02:44d'une finale de Coupe du Monde
02:46et que tu commences spontanément à chanter la marseillaise,
02:49tu commences à être un peu un vrai Français.
02:51Quand tu connais par cœur la chanson des Restos du Coeur,
02:55c'est que tu es un vrai Français.
02:56Quand tu connais des génériques du club Dorothée par cœur
03:03ou alors quand tu vois Dorothée, ça te donne envie de chialer,
03:05genre en mode, tu es toute ma vie,
03:08c'est que tu es un peu un vrai Français.
03:09Quand tu commences à râler dès que quelqu'un veut passer devant toi
03:15sur le périph', quand c'est les embouteillages,
03:17tu commences à devenir un vrai Français.
03:19Ah oui, quand on commençait à regarder Joséphine,
03:21j'ai regardé aussi, on est Français.
03:22Dès les funérailles de Johnny, je me suis senti Français.
03:26Je me suis dit, merde, je pleure avec des mecs qui ont des chemises,
03:29des t-shirts avec des loups dessus.
03:31Pour moi, c'était ça, devenir Français.
03:33C'est ce jour-là, c'est par ce jour-là que je suis devenu Français,
03:36il ne faut pas le prendre comme ça,
03:37mais ce jour-là, je m'étais...
03:39J'étais Français, genre Français, genre Franchouillard.