On entend souvent que les réseaux peuvent nous créer des complexes, mais on entend rarement qu’ils peuvent nous aider à nous accepter. Très active sur sa chaîne YouTube, Elsa a longtemps caché qu’elle était en fauteuil roulant dans ses vidéos. Un jour, elle décide finalement d'en parler...
Je suis Mina Soundiram, journaliste chez Brut, et mon métier, c’est de raconter des histoires. Pour moi, un des meilleurs endroits pour les trouver, c'est les réseaux sociaux.
Du revenge porn, des retrouvailles inattendues, en passant par des histoires d'amour toxique et dévastatrices... Les personnes que j’ai rencontrées ont toutes vécu une histoire qui a bouleversé leur vie,
et dans ce podcast, ils me racontent ce qu’ils ont vécu derrière leur écran.
Je suis Mina Soundiram, journaliste chez Brut, et mon métier, c’est de raconter des histoires. Pour moi, un des meilleurs endroits pour les trouver, c'est les réseaux sociaux.
Du revenge porn, des retrouvailles inattendues, en passant par des histoires d'amour toxique et dévastatrices... Les personnes que j’ai rencontrées ont toutes vécu une histoire qui a bouleversé leur vie,
et dans ce podcast, ils me racontent ce qu’ils ont vécu derrière leur écran.
Catégorie
🛠️
Style de vieTranscription
00:00Moi-même, j'avais beaucoup de mal à ce moment-là, je détestais l'image que je renvoyais,
00:08je détestais ce fauteuil, donc je ne voulais pas le partager vraiment. Mais d'un autre côté,
00:13je m'en sentais un peu, j'avais l'impression d'être une menteuse et tout. Et même à l'époque,
00:18je me suis dit, j'en parlerai quand je le sentirai. Et ça s'est produit, je crois, trois ans après.
00:26Elle, c'est Elsa. Elle est youtubeuse beauté sous le pseudo Elsa Makeup depuis 11 ans. Alors,
00:32elle est surtout connue pour ses tutos maquillage, mais aussi parce qu'elle est en fauteuil roulant.
00:35Elle a mis plusieurs années à assumer son handicap et sa maladie génétique sur les réseaux. Je me
00:41suis demandé à quel point les réseaux peuvent changer l'image qu'on a de nous-mêmes, dans le
00:44bon sens. Parce qu'on entend souvent qu'ils peuvent nous créer des complexes, mais on parle peu de
00:48leur influence positive, de la façon dont ils nous aident à nous accepter avec nos différences.
00:53Je suis journaliste chez Brut, et mon métier, c'est de raconter des histoires. Et pour moi,
00:59un des meilleurs endroits pour les trouver, c'est les réseaux sociaux. Du revenge porn,
01:03des retrouvailles inattendues, ou encore des relations d'amour toxiques et dévastatrices,
01:07les personnes que j'ai rencontrées ont toutes vécu une histoire qui a bouleversé leur vie. Et dans
01:12ce podcast, elles me racontent ce qu'elles ont vécu derrière leur écran. Je suis Mina
01:16Soundiram, et vous écoutez C'est Réel. Salut Elsa, comment ça va ? Ça va très bien,
01:40même à distance, je suis ravie d'être là. C'est vrai qu'on est assez éloigné,
01:43parce que nous, on est à Paris et toi, t'es chez toi. Exactement, oui, c'est le merveille de la
01:47technologie, on fait ça à distance, mais ça va le faire. Je suis sûre que tu as plein de trucs
01:51à me raconter. Oh oui, sans doute. Alors, si on commençait par le début, tu étais qui avant
01:57d'être Elsa Makeup sur les réseaux ? Alors, avant d'être Elsa Makeup sur les réseaux,
02:03moi j'ai commencé, déjà j'étais au lycée, donc j'étais une lycéenne, comme n'importe qui,
02:08je faisais des études de secrétariat, et voilà, j'étudiais, moi je suis dans le sud,
02:14dans le sud-ouest, et voilà, et mon but c'était juste d'être secrétaire médicale, je traversais
02:19une période difficile à ce moment-là, j'avais eu un accident médical et tout, donc c'était,
02:23il y avait plein de choses qui se passaient dans ma vie, qui faisaient que c'était pas hyper simple,
02:27et que je me sentais très seule. T'avais quel âge ? J'avais, je pense, 19 ans, quelque chose
02:34comme ça. Alors t'es à la fin de ton adolescence, mais t'étais quel genre d'adolescente ? Hyper
02:39timide, hyper réservée, très renfermée sur elle-même, vraiment, le package total. Non,
02:46j'étais vraiment très renfermée sur moi-même, après j'avais juste, allez, deux, trois amis,
02:52ma famille, et c'était tout, mais à ce moment-là, ouais, j'étais très, très, très renfermée.
02:58Comment tu expliques cette solitude, est-ce que je peux employer ce mot-là ? Oui, bien sûr,
03:03c'est la vérité. Le fait que tu sois renfermée, tu te sentais seule, comment tu expliques ? Parce
03:08que, j'explique tout simplement, parce que des années auparavant, je m'étais fait opérer,
03:12je suis sortie du bloc paraplégique, donc ça a été un événement qui a, vous vous en doutez,
03:17transformé, chamboulé ma vie, j'étais pas prête, personne ne l'est, qu'on se le dise. Moi,
03:24mes, disons, de mes 14 ans à l'époque, j'y étais encore moins, donc ça a chamboulé ma vie,
03:28et j'ai eu beaucoup de mal à me remettre. Donc, voilà, c'était pas comme ça que je me voyais
03:34rentrer dans l'âge adulte, c'est pas comme ça que je me voyais vivre mes meilleures années d'ado,
03:39et du coup, je me suis un peu renfermée sur ma situation, sur mon malheur, entre guillemets,
03:44et il m'a fallu du temps. Est-ce que tu peux en dire plus sur les raisons de ton opération ? J'étais
03:48opérée, en fait, juste grosso modo, j'avais une scoliose, donc j'avais une scoliose, on m'a
03:54détectée une scoliose vers mes 10-12 ans, quelque chose comme ça, quelque chose de très
03:58commun, enfin vraiment, ça n'a rien d'exceptionnel, du coup, ils m'ont proposé de m'opérer, donc
04:03c'est sous la forme de ce qu'on appelle une arthrodèse, c'est juste la mise en place d'une
04:07tige tout le long de la colonne vertébrale pour maintenir et empêcher que la scoliose évolue,
04:12justement. Donc, c'est encore une fois une opération très commune, pratiquée quasi tous
04:16les jours, donc encore une fois, rien d'exceptionnel, j'ai accepté, c'était pas ma première opération à
04:20ce moment-là, j'ai tout un passé médical, donc voilà, je me suis dit, je leur fais confiance,
04:24ils le préconisent, ils ont le fait, quoi, et voilà, et c'est ce qui s'est passé, l'opération
04:30s'était bien passée, entre guillemets, et ils m'avaient refermée, j'avais tout le matériel,
04:35sauf que de retour en réanimation, c'est là qu'ils te testent tous tes réflexes pour voir
04:39si justement tout va bien, et c'est là qu'ils se sont rendus compte qu'il n'y avait aucun réflexe
04:43dans les membres inférieurs, donc ils m'ont renvoyée au bloc opératoire, pensant que je
04:48faisais un rejet du matériel à ce moment-là, ou qu'il y avait une compression, donc ils m'ont
04:52tout enlevé, sauf que le mal était fait, entre guillemets, et la paralysie est restée,
04:57et je n'ai jamais récupéré depuis, mais c'est tout un mystère médical, parce qu'il n'y a pas
05:02eu d'erreur médicale, c'est très compliqué, c'est ce qu'on appelle des aléas thérapeutiques,
05:06ce sont des choses qui peuvent arriver. Et tu dis que c'était pas ta première opération ?
05:10Ouh là, non, pas du tout, non, non, parce qu'en fait, il faut savoir que je suis née avec une
05:15maladie génétique. Lorsque j'ai eu 4 ans, on m'a diagnostiqué une dysplasie spondylo-épiphysaire,
05:22en gros c'est un retard ossé au niveau des têtes fémorales, c'est-à-dire que c'est,
05:25comment expliquer, ça retarde un petit peu la croissance, du coup j'ai été opérée,
05:30donc j'ai eu ma première opération à l'âge de 4 ans, jusqu'à mes 10-11 ans à peu près,
05:35et c'était une opération par année, parfois deux, donc ouais, à ce moment-là, je pense que juste
05:43avant de me faire opérer du dos, j'avais dû être opérée 11-12 fois.
05:47Alors à l'époque, comme tu le dis, t'es au lycée, mais j'imagine que ton quotidien ne devait pas être
05:55très facile entre tous les cours, et j'imagine que t'avais pas mal de soins.
05:58Ouais, c'était un quotidien définitivement particulier, j'avais des soins tous les jours,
06:04parfois même au lycée, quand j'étais à la maison, j'en avais à la maison,
06:09quand j'étais au lycée, entre deux cours, on m'avait octroyé une pièce à l'infirmerie qui
06:15n'était qu'à moi, où j'avais mon lit et tout, et du coup j'avais tous les intervenants qui
06:19venaient, les infirmières, les kinés, entre deux cours, tous les jours.
06:22Et du coup, après ton accident, comment t'as été accueillie au collège ?
06:26En fait, il faut savoir que quand j'ai eu mon accident avec la scoliose, à ce moment-là,
06:31j'allais passer en troisième, donc j'étais au collège, et en fait, quand il s'est passé tout
06:35ce qui s'est passé, je ne suis pas retournée au collège pendant l'année qui a suivi,
06:40je ne pouvais pas, j'avais trop de soucis. Donc, à la rentrée suivante, en fait,
06:46je ne suis pas retournée, j'ai changé de lycée, je suis partie en lycée professionnel,
06:49donc je me suis retrouvée dans un lycée que je ne connaissais pas, je ne connaissais personne,
06:53donc c'était un peu l'inconnu, j'avais juste ma cousine à ce moment-là, mais ouais, c'était
06:59nouveau, donc personne ne me connaissait, personne ne connaissait mon histoire, personne ne savait
07:03ce qui s'était passé, donc c'était un peu particulier. Et du coup, est-ce que tu penses
07:08que tu aurais pu accomplir tout ça sans ton accident ? En fait, c'est une question que je
07:11me pose assez régulièrement, comment ça serait passé, comment ça aurait tourné, je ne sais pas
07:15du tout, franchement, je ne sais pas. Avec le recul, et là, j'ai la maturité, maintenant,
07:20je me dis que rien n'arrive au hasard, mais bon, c'est avec la maturité, mais définitivement,
07:25j'ai perdu, enfin, moi, je le vois comme ça, j'ai perdu quand même beaucoup d'années et je
07:30regrette énormément, mais bon, c'est comme ça, et au final, je m'en suis pas mal sortie maintenant,
07:35mais bon, voilà. Tu l'as dit plusieurs fois que tu étais très renfermée et très seule,
07:51que tu n'avais pas beaucoup d'amis, tu penses que c'était à cause du fauteuil ? Je pense que c'était
07:55juste à cause de moi parce qu'avant l'intervention, j'avais plein de potes partout, c'était vraiment,
08:02j'avais des amis d'enfance depuis le primaire, enfin vraiment, on était une bande à se suivre,
08:07j'étais hyper entourée, donc je ne peux pas dire que j'étais seule parce que je ne l'étais pas,
08:10c'est juste que volontairement, je me suis mis des barrières quand j'ai eu l'accident, quand je me
08:14suis retrouvée en fauteuil et j'ai repoussé, voilà, je le sais, j'ai repoussé les gens volontairement,
08:20il y en a plein qui sont encore dans ma vie aujourd'hui, mais je n'étais pas prête, je ne voulais
08:23pas qu'on m'aide, vraiment, je voyais tout en noir, je n'étais pas très facile, et quand je suis
08:29arrivée dans ce nouveau lycée, j'ai eu plein d'amitiés qui auraient pu se construire parce que
08:35les gens venaient vers moi, mais je n'étais pas prête, donc c'était juste des relations de bonjour,
08:41bonjour, ça n'allait pas plus loin que ça parce que je n'en voulais pas et voilà, donc je sais
08:48qu'on dit souvent, le positif attire le positif et tout, et moi, en l'occurrence, je sais que je
08:53ne dégageais pas forcément beaucoup de positifs à ce moment-là et les gens sentaient que je
09:02mettais des barrières. Alors qu'est-ce que tu fais dans ton quotidien, dans ta vie privée ? Est-ce
09:05que tu as des hobbies, justement, pour attirer le positif, pour t'occuper, pour te changer les
09:09idées ? Eh bien oui, justement, un beau jour, j'ai voulu qu'on remette les choses dans son
09:16contexte. On était en 2009-2010, un truc comme ça et donc j'étais au lycée, je m'ennuyais et je
09:25reste une lycéenne et donc je voulais juste savoir comment me boucler les cheveux avec un fer à
09:30lisser. C'est une question que je me posais et j'ai tapé sur YouTube et là, je suis tombée sur des
09:35vidéos d'une fille, donc d'une Française, qui montrait en l'occurrence comment se boucler les
09:39cheveux avec un fer à lisser et sur le moment, j'ai trouvé ça complètement fou parce que moi,
09:43à l'époque, j'allais sur YouTube pour écouter la musique ou voir les bandes annonces mais c'était
09:47tout et j'ai trouvé le concept trop sympa et du coup, j'ai regardé ses autres vidéos et là, j'ai
09:52vu qu'elle parlait de maquillage, qu'elle apprenait en gros les gens à se maquiller, elle partageait
09:56tous ses produits et c'était la façon dont elle le faisait avec vraiment beaucoup de naturel et
10:01c'est juste une fille comme toi et moi et je trouvais ça génial et je ne saurais pas l'expliquer
10:05mais il s'est passé un truc, un déclic, j'ai complètement été attirée par ce truc-là et
10:10c'est comme ça que j'ai tout appris pour me maquiller, sachant qu'à l'époque, je le précise,
10:16je ne me maquillais pas du tout, je m'étais totalement laissée aller alors qu'avant l'opération,
10:22j'étais hyper coquette, ça m'a fait beaucoup de bien de tomber sur ces vidéos et c'est là que
10:27j'ai tout appris. Alors tu parles de cette fille, j'imagine que ce n'était pas la seule et tu as
10:33regardé d'autres vidéos, qui étaient tes modèles à l'époque de youtubeuse beauté ? Alors à l'époque,
10:40j'ai commencé par les anciens vont reconnaître, Julie Lausmac, 07, c'était vraiment la première
10:49pour moi, c'est l'origine de tout et après j'ai commencé par regarder les vidéos des Américaines
10:54comme Michelle Phan. Il faut quand même pas mal de courage pour prendre sa caméra et se lancer
11:00pour faire une première vidéo, qu'est-ce qui t'a poussé à passer le cap, à te dire bah voilà,
11:05moi je vais faire une vidéo aussi ? Franchement, même avec le recul, je me pose toujours la
11:09question parce que j'étais tellement tellement timide et tellement réservée que c'est hyper
11:14contradictoire. J'ai du mal à me dire comment tu as réussi à faire ça quoi. Je pense que
11:19l'époque était très différente et aujourd'hui on sait plus ou moins, on sait avec les réseaux
11:26sociaux, l'importance que tu as à avoir, les dangers qu'il peut y avoir. A l'époque, c'était
11:30tellement nouveau, c'était tellement naïf que je ne me suis pas vraiment posé la question,
11:34je me suis dit pourquoi pas moi ? J'avais vraiment envie de partager cette nouvelle passion et de
11:40partager mes petits produits et tout. J'ai juste dit de toute façon personne ne va s'attarder sur
11:44mes vidéos. C'était juste pour passer le temps donc je ne me suis pas posé de questions en vrai.
11:48Est-ce que tu avais une certaine appréhension à cause de ton handicap ? Parce que s'exposer
11:58comme ça sur les réseaux face à une caméra, j'imagine que c'est un peu compliqué.
12:02Oui, hyper compliqué. D'ailleurs, c'est quelque chose avec lequel j'ai beaucoup bataillé dès le
12:07début parce qu'en fait, je ne veux surtout pas parler du fauteuil, je ne veux pas qu'on le sache
12:11et je ne veux pas qu'on le voit. Je voulais m'en détacher totalement. Le seul truc, c'est ce qui
12:18m'a trahi d'ailleurs, c'est qu'à l'époque, j'avais un fauteuil où les poignets dépassaient un
12:22petit peu du dos. Du coup, on le voyait, peu importe la position, on voyait les poignets
12:25toujours. Au début, je mettais des serviettes, je mettais des supports. J'ai tout inventé,
12:31sauf qu'au bout d'un moment, c'est un peu pénible. Je le laissais et je me suis dit
12:34« de toute façon, les gens ne vont pas voir que tu parles ». Même à l'époque, les gens quand
12:40même, au bout d'un moment, j'ai commencé par recevoir des questions sur « c'est bizarre,
12:45ta chaise est bizarre, pourquoi il y a des poignets ? ». J'ai toujours mis de côté,
12:51balayé les questions et pendant très longtemps, je n'y répondais pas.
12:55Alors toi qui voulais à tout prix cacher ce handicap, finalement, tu te sens un peu mise
13:01à nu, découverte. Comment tu le vis ? Assez mal. Assez mal parce que je me sentais
13:05un peu prise au coin du mur parce que d'un côté, j'adorais vraiment les vidéos. À cette époque-là,
13:14plus que jamais, c'était une vraie bouffée d'air frais. C'était le moment où je me
13:19détachais du fauteuil et j'étais juste Elsa et j'adorais ce que je faisais. Du coup,
13:24je n'avais pas envie d'encore une fois de faire entrer le fauteuil, de faire entrer ce qui s'était
13:30passé, de partager mon histoire parce que moi-même, j'avais beaucoup de mal à ce moment-là. Je
13:35détestais l'image que je renvoyais, je détestais ce fauteuil. Donc, je ne voulais pas le partager
13:41vraiment. Mais d'un autre côté, je m'en sentais un peu… J'avais l'impression d'être une menteuse
13:46et tout. Et même à l'époque, je me suis dit que j'en parlerai quand je le sentirai. Et ça s'est
13:53produit, je crois, trois ans après la première vidéo. Donc, ça ne s'est pas fait de suite.
13:58Enfin, je l'avais dit une première fois, je crois, deux ans après, dans une foire aux questions
14:05justement où, comme on le disait, il y avait beaucoup de questions. Donc, j'avais juste dit,
14:09en gros, je suis en fauteuil, mais c'est tout. Je n'avais pas légué le truc. Je m'étais dit
14:16« Bon, maintenant, ils le savent, ils vont passer à autre chose. Tu parles encore une fois ? » Pas
14:19du tout. Au contraire, ça attirait encore plus la curiosité. Et pourquoi ? Et comment ? Et voilà.
14:25Et encore une fois, ce n'était pas méchant, mais ça attirait encore plus la curiosité,
14:28ce qui est tout à fait normal avec le recul, je comprends. J'ai fini par vraiment, vraiment
14:32en parler bien comme il faut l'année suivante, je crois. Et alors, comment tu as fait ? Tu as fait
14:38une vidéo ? Oui, j'ai fait une vidéo. Alors en fait, le contexte était un petit peu différent.
14:43Donc, à ce moment-là, j'avais terminé le lycée, j'avais eu mon bac et tout. Et en fait,
14:49je m'étais toujours dit, une fois que tu as ton bac, tu prends une année sabbatique parce que
14:54physiquement, d'un point de vue santé, ça n'allait pas. J'étais hyper affaiblie parce que quand j'ai
15:00eu mon accident, le but, c'était de me poser cette tige dans la colonne. Et quand ils se sont
15:04aperçus que je n'avais pas de réflexe, ils l'ont enlevé. Donc, à ce moment-là, en gros,
15:07j'ai été un petit peu opérée pour rien puisque je n'avais plus du tout de matériel. Sauf qu'entre
15:11temps, les années ont passé, la scoliose a évolué. Donc, je savais que tôt ou tard,
15:15il fallait que je me refasse opérer. Donc, je m'étais dit, une fois que tu as ton bac,
15:21tu prends une année sabbatique, tu réfléchis un petit peu à la suite. Est-ce que tu te fais
15:25opérer maintenant ou pas ? Mais je souffrais énormément du dos. Donc, c'était le moment.
15:30Bref, année sabbatique. Et il s'est passé ce qui s'est passé. J'ai eu beaucoup de douleurs au dos.
15:36J'ai passé beaucoup de temps à l'IT. Mais en parallèle, je n'ai jamais arrêté mes vidéos.
15:41J'ai toujours poursuivi les vidéos parce que j'adorais ça. Et puis, j'ai pris la décision
15:46de me faire opérer, je crois que c'était quelques mois plus tard. Donc, je me suis dit,
15:52sauf que ce n'est pas compatible en fait parce que tu vas partir, tu vas te faire opérer, tu vas partir
15:56longtemps. Il va falloir que tu l'expliques aux gens. Et à ce moment-là, je ne sais pas,
15:59j'étais dans un mood où je me sentais prête et j'avais envie d'en parler. J'avais envie de parler
16:06de mon histoire et je me suis dit, en fait, c'est le bon moment. J'étais peut-être plus apaisée
16:10et puis de toute façon, je n'avais plus vraiment le choix aussi à ce moment-là. Donc, j'ai pris
16:16la décision de faire une vidéo que j'ai intitulée « Mon histoire » et qui est d'ailleurs à ce jour,
16:21je crois, une des plus vues de ma chaîne. C'est fou.
16:23Ah oui, c'est dingue.
16:24Oui, oui, c'est dingue surtout à l'époque parce que ça commence à dater. C'est une vidéo très
16:29longue et dans laquelle je parle de mon histoire. Donc, pas seulement le fait que je sois en fauteuil
16:35effectivement, mais tout mon passé médical. À l'époque, vraiment, j'étais terrifiée à l'idée
16:41déjà de la filmer et de la poster. J'avais très, très peur du retour des gens et je me suis dit,
16:46ça y est, plus personne ne va me suivre. C'est la fin. Enfin, vraiment, je me faisais tout un film.
16:51C'était hyper angoissant pour moi. C'est la première fois que je parlais d'un handicap,
16:56en fait.
16:56Et alors, tu as eu quel retour sur cette vidéo ? C'est la plus vue, donc j'imagine qu'elle a été
17:03vachement partagée à la tournée.
17:04Je m'en souviens encore alors que ça date, mais les retours ont été incroyables. J'ai reçu des
17:12milliers et des milliers de messages, pas seulement en commentaire, mais sur tous les réseaux. Ça a
17:16été une avalanche de bienveillance et ils étaient tous à me dire, prends soin de toi Elsa, on sera
17:22toujours là quand tu reviendras et tout. Et c'est tout bête, mais vraiment, j'ai pleuré un nombre
17:26incalculable de fois à la lecture des commentaires parce que ça m'a fait vachement plaisir et ça m'a
17:31fait chaud au cœur. Et en fait, ça m'a donné un boost terrible et ça m'a vraiment encouragée.
17:36Parce que ce n'était pas facile pour moi, comme vous pouvez l'imaginer, de me refaire opérer avec
17:41ce qui s'est passé la première fois. J'étais terrifiée. Et le fait de me sentir aussi soutenue
17:47en fait sur cette deuxième famille d'Internet, ça m'a vachement boostée. Et c'est pour ça que
17:52j'ai aussi pris la décision de partager un petit peu. Après, quand je me suis fait opérer,
17:56j'ai partagé, j'ai donné beaucoup de nouvelles. Ça m'a mis en confiance et c'est quelque chose
18:02que je n'aurais pas fait si ça ne s'était pas bien passé les retours après cette vidéo.
18:06Est-ce que tu as eu des retours de tes abonnés qui, eux aussi, traversaient comme ça des périodes
18:12très difficiles ou qui étaient non valides ? À ce moment-là, c'est vrai qu'on voyait assez peu de
18:17personnes en fauteuil sur YouTube. C'était ma plateforme à l'époque, mais même sur les réseaux
18:24d'ailleurs. Et je pense que ça a été un moteur pour beaucoup. Et moi, c'est quelque chose que je
18:30ne mesurais pas du tout parce que j'étais un peu dans mon truc à moi et je ne mesurais pas
18:35l'importance que le fait de partager mon histoire pouvait impacter sur la vie de certaines personnes.
18:41Et justement, dans les médias et sur Internet, tu le dis, il y a quand même un manque de
18:45représentation des personnes handicapées et surtout encore plus à l'époque. J'imagine
18:49c'était il y a dix ans. Est-ce que tu as pu te sentir un peu seule sur les réseaux ?
18:54Oui et non. Étant donné qu'au contraire, je filais le handicap, très honnêtement,
18:58ce n'est pas quelque chose que je recherchais à ce moment-là. Après, avec les années,
19:04au fur et à mesure des années, d'un autre côté, je me disais que c'est vrai que je suis un petit
19:09peu toute seule dans ce milieu-là, qui est quand même un milieu pas toujours évident,
19:13très basé sur le physique, il faut le dire, il faut être honnête. Et sur certains aspects,
19:17moi, je me sentais un petit peu seule parfois, mais ça n'a jamais été... Je n'en ai jamais
19:21souffert en particulier. On sent dans ce que tu me racontes que YouTube, ça a été comme une
19:27sorte de thérapie pour toi, ça t'a permis de t'affranchir de cette maladie, de ce fauteuil.
19:32Est-ce que tu as ou avais l'impression d'être quelqu'un d'autre, comme dans un personnage ?
19:39Moi, je pense dans un sens, probablement, parce que surtout les premières années,
19:47parce qu'étant donné que je voulais vraiment me détacher du fauteuil et tout, j'avais l'impression
19:53d'être quelqu'un d'autre. Il y avait Elsa et Elsa Make-up. À partir du moment où j'en ai vraiment
20:00parlé et où je me sentais plus à l'aise, à ce moment-là, ça allait mieux. Mais c'est vrai
20:07que ça a toujours été ma thérapie YouTube et je le dis toujours, je pense que je le dirai tout le
20:12temps. C'est vraiment ce qui m'a sauvée dans un sens. Je me suis reconnectée grâce à YouTube et
20:18je me suis trouvée grâce à ça et j'ai retrouvé confiance en moi grâce aux gens. Vraiment,
20:24c'est pas quelque chose que j'aurais pu trouver dans la vie de tous les jours, pas aussi rapidement,
20:27ça c'est sûr. À l'époque, tu te sentais comment quand tu finissais le tournage d'une vidéo et que
20:32tu éteignais ta caméra ? Je pensais déjà à la suivante. J'avais qu'une hâte, c'était de faire
20:38la suivante, de savoir de quoi j'allais parler. Je pensais qu'à ça. Et le fait d'éteindre la
20:44caméra et de finalement te retrouver seule avec toi-même et de retrouver ta vie entre guillemets
20:50normale, loin des écrans, loin des réseaux, c'était pas difficile ? Si, ça m'a énormément manqué. C'est
20:58là que je me suis rendu compte que ça faisait partie intégrante de ma vie et que c'était pas
21:04juste un hobby ou un passe-temps comme ça devait l'être au départ. Au début de ton histoire,
21:14tu évoquais le fait que tu te sentais très seule, que tu avais peu d'amis. Et dans ton récit,
21:18dans ce que tu m'as raconté, tu as dit « ma grande famille » en parlant de tes abonnés.
21:22En fait, comment des personnes qui te sont inconnues t'ont aidé à devenir ce que tu es
21:28aujourd'hui ? Parce que c'est ce que tu me disais. Oui, c'est difficile à expliquer très honnêtement
21:34parce que c'est vraiment un lien qui s'est construit progressivement. C'est un lien qui
21:40s'est fait petit à petit. Et ce qui est marrant, c'est que quand je croise des abonnés dans la rue,
21:47par exemple, dans la vraie vie, bien souvent, elles me disent « mais ça te fait pas bizarre ? Nous,
21:51on te connaît, mais toi, tu ne nous connais pas. Est-ce que ce n'est pas étrange ? » Et c'est
21:54vrai que ça pourrait l'être, mais en fait, il n'y a jamais eu de gêne. Le feeling, il se fait
21:59toujours hyper naturellement. Et je sens toujours que c'est des personnes vraiment qui t'ont suivi
22:03depuis plus ou moins longtemps parce que, je ne sais pas, il y a une bienveillance, un respect.
22:08C'est comme ça. Et c'est vraiment ce que je ressens. J'ai beaucoup de respect. Le respect,
22:12il va dans les deux sens. J'ai toujours essayé d'être honnête et de partager beaucoup de choses
22:16avec eux et d'être la plus authentique possible et toujours avec beaucoup de respect et de
22:20bienveillance. Donc, il me renvoie bien. Et du coup, c'est une relation très authentique et c'est
22:28très fort. Et pour moi, c'est ma deuxième famille. Est-ce que tu arrives à garder une partie de ta
22:34vie privée ou au contraire, tu as choisi de tout exposer à ta communauté ? Non, pas du tout. Je
22:41partage beaucoup, beaucoup de choses, mais pas tout. Vraiment tout, en termes de tout ce qui est
22:48relation amicale, amoureuse, c'est vraiment ma limite. C'est le seul truc que je ne veux pas
22:54partager, que je n'ai jamais partagé d'ailleurs. Parce que c'est hyper important pour moi d'avoir
22:59mon jardin secret et que je sois du principe que moi, j'ai fait le choix de me mettre sur Internet
23:04et de m'exposer. Mais je ne vais pas l'imposer à mes amis ou aux personnes que je fréquente. Et à
23:11côté de ça, j'ai une vie comme tout le monde. Et même si on a du mal à l'imaginer, je reste très
23:17réservée, je reste timide et je reste quand même cette Elsa qui aime bien rester dans son coin,
23:22avoir sa tranquillité. Et même si je me suis affirmée depuis, c'est vrai que j'apprécie de
23:28couper ma caméra et d'avoir cette vie à moi, qui n'appartient qu'à moi et que je ne partage pas.
23:35Donc je suis très à l'aise avec ça. Ça fait 11 ans que tu es sur YouTube. Alors
23:39quel bilan tu fais de toutes tes années sur les réseaux ? Le bilan, il est hyper positif parce
23:45que j'en suis très, très fière. En vrai, je ne le dis pas souvent, mais YouTube, c'est vraiment,
23:52je pense, ma fierté numéro une parce que je me suis lancée au moment où c'était le plus
23:56difficile dans ma vie. Et je suis hyper fière de la tournure que ça a pris et du fait de tout ce
24:02que ça m'a apporté et de l'évolution que ça m'a permis d'avoir. Parce que maintenant, j'ai 31 ans,
24:07je suis une jeune femme tout à fait accomplie. J'ai encore plein de golpes, bien sûr,
24:13j'aimerais achever et tout, mais j'ai accompli beaucoup de choses. Je suis allée à mon rythme
24:18et en même temps, ça m'a permis de le partager aussi avec ma communauté. Ils m'ont vu grandir,
24:23on a grandi ensemble, on a évolué ensemble et le changement, il est très positif. Et maintenant,
24:28je n'ai rien à voir avec la Elsa des débuts. Je suis toujours moi, bien sûr, mais j'ai tellement
24:33plus confiance en moi. Je me suis acceptée et c'est la chose la plus difficile pour tout
24:37être humain, peu importe son chemin, c'est de s'accepter. Merci beaucoup pour ton témoignage,
24:46il est très fort. C'est une histoire, j'imagine, qui est très douloureuse à raconter. Je te remercie
24:54de t'être confiée dans ce podcast. J'ai une question de fin. En fait, les réseaux sociaux
24:59ont changé ta vie, mais toi, qu'est-ce que tu aimerais changer sur les réseaux ? J'aimerais
25:03changer l'image qu'on a du handicap, par exemple, puisque moi, en l'occurrence, c'est un peu ma vie,
25:10c'est juste l'image de la personne handicapée. On peut atteindre et juste accomplir un tas de choses,
25:19handicapée ou pas. Moi, en l'occurrence, je n'ai plus mes jambes. Pour autant, j'ai eu l'occasion
25:24de participer, de faire des choses exceptionnelles dans ma vie que je n'aurais jamais pensé pu faire.
25:29À partir du moment où j'ai perdu l'utilisation de mes jambes, je me suis dit que ma vie allait
25:33terminer, sauf que pas du tout. Si j'y ai pensé, je sais que beaucoup le pensent et c'est tout à
25:38fait normal, c'est humain. Sauf que la vie, elle ne s'arrête pas là. On peut accomplir un tas de
25:44choses. On peut être très heureux. On peut vivre de belles choses. Il faut juste se donner les
25:50moyens. Je pense que c'est vraiment l'image que j'ai envie de donner, de montrer que c'est possible
25:54et qu'on peut être heureux et accomplir plein de choses. On peut se créer une vie vraiment,
25:59vraiment sympa et je le pense de tout mon cœur. Merci beaucoup Elsa. Merci à toi. Merci pour ton
26:05témoignage. Avec plaisir. Bye. Vous venez d'écouter un nouvel épisode de C'est Réel. Retrouvez-nous
26:14sur toutes les plateformes d'écoute et découvrez nos autres podcasts originaux,
26:18l'envers de l'assiette et bruit. À bientôt pour un nouvel épisode. C'est Réel est un podcast
26:25original de Brut, produit par Paradiso Media, écrit par Mina Sundiram et Lysiane Larbani.