• il y a 3 jours
EXCLUSIF : Le ministre de l’Intérieur répond à Brut.
Christophe Castaner était interrogé en direct lors de sa visite des forces de l’ordre et du dispositif de police à Paris, au début de la 4ème journée de manifestation des gilets jaunes.

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Transcription
00:00Bonjour, vous êtes en direct sur Brut, en exclusivité, donc ici, sur la place Clémenceau.
00:04Tout d'abord, cette première question, on a pu voir hier des documents de la préfecture de police
00:08fuités sur les réseaux sociaux. Est-ce que vous en confirmez l'authenticité ?
00:12Et si oui, quelle est votre réaction ?
00:13D'abord, ce sont des documents administratifs, quand t'as envoyé à plus de 2 000 personnes,
00:16et donc ça n'est pas un secret d'État, c'est un plan d'action qui est diffusé très largement
00:21sur l'ensemble des policiers parisiens, et donc ça n'est pas une fuite.
00:25Ce n'est pas une fuite, donc ?
00:26Non, mais par contre, c'est pas normal qu'ils se retrouvent là,
00:28et donc j'ai demandé au préfet de police qu'il y ait une enquête administrative
00:32pour voir dans quelle mesure certains membres destinataires,
00:37je vous l'ai dit, sur un très grand nombre de ces documents,
00:40trouvent normal de les diffuser à l'extérieur. Donc c'est un minima, une anomalie.
00:46On est donc à l'aube d'une nouvelle journée de mobilisation aujourd'hui.
00:48C'est un dispositif impressionnant.
00:50Certains disent qu'on n'a jamais vu ça depuis mai 68. C'est ça ?
00:53Ce qui est impressionnant, c'est la violence dont Paris,
00:56la province de nombreuses préfectures ont fait l'objet la semaine dernière,
01:00et donc nous avons voulu apporter une réponse forte.
01:04Mais d'abord, la première, c'est celle de la prudence, c'est celle de la prévenance.
01:08Moi, j'appelle vraiment celles et ceux, Gilets jaunes,
01:10qui veulent porter un message militant à ne pas se mêler aux casseurs.
01:15On sait que les casseurs ne sont forts que parce qu'ils se déguisent en Gilets jaunes
01:19et qu'ils s'immiscent, ils se mettent au milieu des Gilets jaunes.
01:22Ils gênent du coup les interventions de nos forces de sécurité.
01:24Et puis il y a aussi des Gilets jaunes qui se sont radicalisés.
01:27La violence n'est jamais une façon de manifester, de revendiquer.
01:30Le gouvernement a tendu la main, a fait de nombreuses propositions, a fait des efforts.
01:34Il y avait un sujet emblématique qui était la cause de la mobilisation au début,
01:39c'était la taxe sur les produits pétroliers.
01:41Elle a été supprimée et donc elle ne s'appliquera pas.
01:45Maintenant, il faut se mettre autour de la table et discuter.
01:47Certains disent justement dans les commentaires, parce qu'on est en direct sur Facebook,
01:49qu'ils disent que le gouvernement a joué la stratégie du pourrissement,
01:52n'a pas pris au sérieux au début le mouvement des Gilets jaunes,
01:54et a pris beaucoup de temps à répondre, que c'était une situation évitable.
01:57Qu'est-ce que vous leur répondez ?
01:58Vous savez, dès le premier jour, j'ai mobilisé 55 000 policiers et gendarmes.
02:00Donc en matière de ne pas prendre au sérieux, je connais mieux.
02:04Je les ai mobilisés, vous savez pourquoi ? Pour les protéger, les manifestants.
02:06Mais ils disent aussi prendre au sérieux au niveau des revendications.
02:09Écoutez, on les a entendus, on leur a tendu la main très tôt dans la discussion,
02:12mais on n'a pas d'interlocuteur. C'est toute la difficulté que nous avons.
02:15Moi, je pense que ce mouvement a fait naître un monstre qui est né de colère,
02:19de colère ancienne qui est dans ce pays, et que personne aujourd'hui ne peut le tenir.
02:22Donc il faut le ramener dans la table de la discussion, il faut le ramener dans le débat,
02:29il faut le ramener dans la discussion parlementaire, qui a aussi sa place.
02:33Il faut remettre l'Église au milieu du village.
02:36Vous savez, moi, je fais confiance aux 36 000 maires de France qui connaissent leur territoire
02:40et qui ont été élus et qui peuvent parler au nom du territoire.
02:42Je fais confiance aux parlementaires de l'opposition, de la majorité,
02:45parce qu'ils ont cette légitimité-là.
02:47Parlons ensemble, c'est ce qu'on propose dans les jours qui viennent.
02:50Partout en France, on pourra discuter, parler, avancer.
02:53Il y a eu le champ de morse qui avait été ouvert aux manifestants le 24 novembre.
02:56Le 1er décembre, c'était un périmètre sur les Champs-Élysées.
02:58Est-ce qu'aujourd'hui, il y a un périmètre qui est ouvert aux manifestants
03:01qui souhaiteraient manifester de façon pacifique à Paris ?
03:03Il y a eu quelques déclarations qui ont été faites.
03:05La difficulté, c'est qu'aucune ne semble suffisamment sérieuse, ni relayée.
03:09Donc c'est toute la difficulté.
03:10Vous savez, quand on a proposé les Champs-Élysées la semaine dernière,
03:15de tout temps, les ministres de l'Intérieur ont refusé.
03:17Moi, j'ai voulu que ce soit une main tendue, justement, aux Gilets jaunes,
03:19pour faire en sorte qu'ils puissent manifester là où ils voulaient manifester,
03:23dans des conditions de sécurité.
03:24Résultat, au fond, il n'y a eu que 750 manifestants.
03:27Les autres sont restés avec les casseurs et beaucoup ont cassé.
03:30Et là, aujourd'hui, il y a un périmètre qui est ouvert en particulier,
03:32ou c'est vraiment une interdiction manifestée générale
03:34pour les Gilets jaunes aujourd'hui sur Paris ?
03:35En fait, nous n'avons interdit aucune rue, tout simplement.
03:39Mais une manifestation en France, ça se déclare.
03:41Ça ne s'autorise pas, ça se déclare.
03:44Et quand elle est déclarée, elle peut se dérouler correctement.
03:46Elle permet de discuter avec les forces de sécurité
03:48pour protéger les manifestants, pour protéger les commerces.
03:51Là, celles et ceux qui appellent à venir ici à Paris et partout en France
03:54n'ont rien déclaré.
03:56Pour eux, manifestement, le droit se limite à leurs propres revendications
04:00et à leurs seules revendications.
04:01Et vous avez vu qu'elles sont très nombreuses et très diverses.
04:04Que répondez-vous à ceux qui vous disent que c'est la stratégie de la peur d'avoir...
04:09Voilà, on sait que l'Élysée, par exemple, ces derniers jours avait dit
04:10« on redoute qu'il y ait des casseurs et qu'il y ait même des gens qui viennent pour tuer ».
04:13C'est des mots extrêmement forts.
04:14Qu'est-ce qui vous fait redouter que le niveau de violence
04:17soit plus élevé aujourd'hui que les journées précédentes ?
04:20Déjà, la peur, elle était dans les yeux de celles et ceux que j'ai vus
04:23à quelques mètres d'ici au commissariat du 8e et qui m'ont raconté
04:26ce qu'ils ont vécu quand ils ont été attaqués,
04:29quand on a jeté des cocktails Molotov et des gaz lacrymo dans leur véhicule,
04:35quand on a voulu les tuer.
04:37Et ce sont leurs mots.
04:38Donc cette peur, elle était là la semaine dernière.
04:39Alors on aurait pu la cacher.
04:41Mais je pense que vous, journalistes, vous nous auriez reproché aussi de la cacher.
04:44Moi, je joue franc jeu depuis le début.
04:46Je donne le nombre de manifestants, le nombre de forces mobilisées.
04:49Je donne les moyens de manifester dans de bonnes conditions.
04:52Mais quand ceux que vous avez en face sont à la fois désorganisés,
04:55c'est la version soft, mais aussi ce sont des casseurs qui viennent pour casser,
04:58c'est ça la réalité, je préfère alerter les gens.
05:01Est-ce qu'aujourd'hui, il y a une stratégie plus offensive de la part de la police ?
05:04Il y avait beaucoup de dispositifs statiques.
05:06On sait que dans le maintien de l'ordre, il y a une idée de ne pas forcément
05:08aller au contact des manifestants en utilisant notamment des gaz lacrymogènes.
05:11Est-ce qu'aujourd'hui, il y a cette idée d'être plus offensive
05:13vis-à-vis des manifestants, des zones de tension ?
05:16Effectivement, on avait une doctrine d'emploi, comme on dit,
05:18qui fait que pour éviter des blessés, c'est quand même l'objectif permanent.
05:22Il y a eu quelques blessés, mais assez peu vu la violence de la situation.
05:26Il y a eu plus de blessés d'ailleurs dans les forces de l'ordre
05:28depuis le début des manifestations que du côté des manifestants.
05:33Parce que justement, on est dans cette idée du cantonnement.
05:36On a vu quand même les limites, surtout face à des gens
05:38qui veulent commettre des actes guerriers.
05:41Et donc, le mode d'intervention a changé.
05:44Aujourd'hui, il y aura plus de contrôles, plus d'interventions directes.
05:48Est-ce que le gouvernement va encore faire des gestes dans les prochains jours ?
05:50On parle par exemple d'une prime qui pourrait être donnée aux salariés.
05:53Il y a plusieurs pistes actuellement en cours.
05:55Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient évoluer dans les prochaines heures,
05:57dans les prochains jours ? C'est ce que beaucoup attendent aujourd'hui.
05:59Non, vous savez, moi, je suis ministre de l'Intérieur, je m'occupe de la sécurité.
06:02Mais dites pas, c'est ce que beaucoup de gens attendent.
06:04Si on devait faire la liste de toutes les revendications des Gilets jaunes,
06:07on commencerait par supprimer Brut.
06:09On commencerait par interdire les médias, parce que j'ai entendu ça.
06:12Certains veulent un militaire à la tête du gouvernement.
06:15Ça fait partie des revendications.
06:16D'autres veulent supprimer le Sénat, veulent au fond supprimer la démocratie.
06:20Je ne sais pas si certains dont vous parlez sont candidats à supprimer la démocratie.
06:24Moi, j'y suis attaché.
06:25Le président de la République a été élu il y a 18 mois par le peuple français.
06:29Il a une légitimité peut-être un peu plus forte que celle des 10 000 personnes
06:32qui, depuis trois semaines, manifestent dans les rues.
06:36Moi, je crois que respecter la démocratie, respecter les médias,
06:39respecter nos forces de sécurité,
06:41c'est peut-être le premier combat non violent que nous devons mener.
06:44Et l'une des revendications des manifestants,
06:46alors il y a eu ces taxes qui ont été supprimées,
06:47mais c'est le pouvoir d'achat immédiat.
06:48C'est des manifestants qui vous disent,
06:50voilà, moi, dès le 10, dès le 15 du mois,
06:52je n'arrive plus à boucler la fin de mois.
06:55Comment faire pour améliorer les choses ?
06:56Aujourd'hui, c'est des taxes qui permettent de ne pas détériorer la situation pour eux.
06:59Mais comment faire pour améliorer leur pouvoir d'achat immédiatement ?
07:02C'est ça, aujourd'hui, la réponse que certains semblent attendre sur le terrain.
07:05Qu'est-ce que vous leur répondez à cela ?
07:06On peut toujours faire comme on a fait avant,
07:07distribuer l'argent des autres, 2 000 milliards d'euros de dettes.
07:10Vous savez, il y a une mesure simple à prendre,
07:12on décide d'augmenter toutes les pensions de France.
07:14Vous savez qui paye les pensions en France ?
07:16Ce sont soit les travailleurs, soit nos petits-enfants avec la dette.
07:19Ce n'est pas l'État.
07:20Et pourtant, les manifestants disent qu'il faut augmenter les retraites.
07:23Et c'est vrai qu'il y a des petites retraites.
07:24Et c'est vrai que c'est la galère.
07:25Moi, j'étais maire pendant 16 ans dans une petite commune rurale.
07:27Je rencontre tout le temps, pas dans mes fonctions actuelles,
07:30des gens qui connaissent des difficultés.
07:32Mais je rencontre aussi des parents qui amènent leurs enfants à l'école.
07:35Je rencontre des parents qui ont un aîné qui est à l'EHPAD de Fort-Quelquier.
07:39Je rencontre des parents qui savent que leurs enfants
07:42pourront aller à l'université presque gratuitement.
07:45C'est ça aussi les services publics de la France.
07:47C'est aussi ça, cette réalité.
07:48Donc, à un moment donné, il faut bien se dire
07:50qu'on peut dépenser l'argent qu'on n'a pas.
07:51Ou alors, on fait l'inverse.
07:52On se dit qu'on va faire en sorte qu'on puisse produire de l'argent.
07:55Alors, je sais que c'est inaudible.
07:56Mais depuis 10 ans, on n'a pas créé un emploi industriel dans ce pays.
07:59Cette année, pour la première fois, on en a créé.
08:00C'est aussi ça la réalité dont on doit parler
08:02et dont je pense que vous devez parler.
08:03C'est l'intérêt de ce Direct.
08:05Merci beaucoup.
08:05Merci à vous, Monsieur le ministre.

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