Arbitres menacés, banderoles offensantes en tribunes : quelles solutions pour sortir le football français de la crise ? Regardez l'interview de Eric Borghini, président de la commission fédérale de l'arbitrage.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 20 mars 2025.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 20 mars 2025.
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00:00RTL Matin
00:03L'invité d'RTL Matin est Thomas, vous recevez aujourd'hui Éric Borghini, c'est le président de la commission fédérale de l'arbitrage
00:09et il est en direct avec nous depuis Nice.
00:11Bonjour et bienvenue sur RTL, Éric Borghini, monsieur le président de la commission fédérale.
00:15Et d'abord merci, merci à travers vous à tous les arbitres de France, professionnels ou amateurs,
00:19qui permettent à des millions de personnes chaque semaine de vivre leur passion,
00:23qui devraient être reconnus comme des piliers de l'éducation
00:26et qui en retour n'ont bien souvent ni les remerciements, ni le respect, ni la reconnaissance qu'ils méritent.
00:30Et à ce propos, monsieur Borghini, les chiffres, les faits, confirment-ils cette impression
00:34que les arbitres sont de plus en plus souvent pris sur cible ?
00:38Oui, bonjour à tous.
00:40Oui, en effet, les arbitres sont souvent les boucs émissaires dans les matchs,
00:47alors bien sûr dans les matchs amateurs, qui constituent le gros, j'allais dire, des troupes.
00:54Il y a à peu près 26 000 arbitres aujourd'hui.
00:58Vous en avez une quarantaine au niveau professionnel.
01:02Et tout le reste, ce sont des arbitres amateurs,
01:05soit du secteur fédéral, soit carrément dans les ligues et dans les districts.
01:09Et on a une pensée ce matin pour les arbitres d'Indre-et-Loire,
01:12puisqu'après une agression en plein match début mars,
01:14ils ont fait valoir leur droit de retrait,
01:16ils ont décidé de n'arbitrer aucun match pendant les deux week-ends.
01:18On parle du foot amateur, mais les clubs pros n'aident pas beaucoup les arbitres non plus.
01:22Il y a quelques jours, le patron de l'OM, Pablo Longoria,
01:25a été lourdement sanctionné pour avoir traité un arbitre de corrompu.
01:28Idem pour l'entraîneur de Lyon, Paolo Fonseca, qui s'en était pris physiquement en arbitre.
01:33Comment vous expliquez ces pétages de plomb ? Quel digue a sauté ?
01:37Écoutez, je crois qu'en ce moment, dans le football professionnel,
01:41il y a beaucoup de pression liée à la situation du football professionnel
01:47qui est, je dirais, très très très difficile.
01:51Situation économique ?
01:52Situation économique, situation sportive et peut-être même un peu situation morale aussi.
01:59C'est sous-tendu dans votre question.
02:02Pourquoi morale ? Ça veut dire quoi, situation morale ?
02:05Situation un peu morale, c'est-à-dire que j'ai l'impression qu'il y a une perte de repère
02:11quand nous avons des coachs, des cadres qui perdent leur sang froid à ce point.
02:20Il faut se poser quand même des bonnes questions.
02:24On n'a pas ça à l'étranger, on ne voit pas ça à l'étranger,
02:27on ne voit pas ça dans d'autres disciplines sportives.
02:30Donc là, il y a vraiment une difficulté.
02:33Et d'ailleurs, Philippe Diallo a réuni des états généraux du football professionnel.
02:39Trois groupes de travail qui ont été mis en place.
02:42On verra les propositions qui en sortiront.
02:46Mais incontestablement, nous traversons une crise du football professionnel
02:52qui est très difficile.
02:55Et bien sûr, en premier, la crise économique.
02:58Est-ce qu'aujourd'hui, Eric Borghini, les arbitres ont peur avant d'entrer sur le terrain ?
03:01Est-ce qu'on en est là dans le foot français, dans le foot pro ?
03:04Non, peur non.
03:06Vous savez, ce sont des hommes et une femme,
03:08puisque nous avons la chance d'avoir Stéphanie Frappard dans notre groupe.
03:11Ce qui n'est pas beaucoup.
03:13Ce qui n'est pas beaucoup, c'est vrai,
03:15mais c'est extrêmement difficile de devenir arbitre de l'élite.
03:19Stéphanie est une femme exceptionnelle,
03:22sur le plan athlétique, physique,
03:25et puis en tant qu'arbitre.
03:28Et ce n'est pas tout le monde qui peut arriver à ce niveau-là.
03:33Non, les arbitres n'ont pas peur,
03:35parce que ce sont des hommes et une femme fortes,
03:38mentalement fortes.
03:40Donc, ils n'ont pas peur,
03:42mais ils subissent beaucoup de pression,
03:45par l'enjeu des matchs,
03:48par le public aussi,
03:50les fans.
03:52On a vu avec Jérémy Stinat, par exemple,
03:56Jérémy, qui a été agressé chez lui.
04:00On est venu taguer sa voiture,
04:02on est venu crever les pneus.
04:04Sa femme roulait sur l'autoroute à 130 à l'heure,
04:07quand le pneu a éclaté,
04:09le pneu qui avait été lacéré,
04:11c'est inadmissible.
04:13C'est hallucinant ce que vous nous racontez,
04:15vous faites bien de le rappeler.
04:17Les arbitres qui doivent faire face à des situations très tendues aussi sur le terrain,
04:20c'était le cas dimanche soir au parc,
04:22où des imbéciles en tribune s'en sont pris verbalement à coups de banderoles,
04:25et des insultantes homophobes à Adrien Rabiot,
04:28ancien joueur du PSG, désormais à l'OM,
04:31ils s'en sont pris à sa mère, et même à son père décédé.
04:34Moi j'ai une question très claire,
04:36pourquoi M. Turpin, qui est par ailleurs un excellent arbitre,
04:38n'a pas interrompu le match quand il l'a vu,
04:40et qu'il a entendu tout ça ?
04:42Est-ce qu'il n'aurait pas dû interrompre ce match ?
04:44Alors, je ne sais pas si il a entendu
04:48ce que nous,
04:50enfin, ce que les téléspectateurs
04:52peuvent entendre,
04:54parce que quand on est au centre du terrain,
04:58en fait, on n'entend rien distinctement.
05:01Mais il y a 4 arbitres !
05:03Oui, il y a 4 arbitres,
05:05et il y a aussi le délégué.
05:08Et si vous voulez,
05:10dans les consignes qui sont données,
05:12dans le protocole pour arrêter les matchs,
05:15c'est le délégué qui a un rôle prépondérant d'alerte.
05:20C'est lui qui, en fonction
05:22de ce qui se passe en tribune,
05:25est-ce qu'il l'entend ou n'entend pas,
05:29décide d'interpeller l'arbitre.
05:32Est-ce qu'il a fauté ce délégué ?
05:34Ce n'est pas grave, ça arrive, mais est-ce qu'il a fauté ?
05:36Parce que sinon, où on met la limite ?
05:38Moi, j'entends votre colère, j'entends votre indignation,
05:40et je me dis, finalement, on laisse tout faire.
05:42Les dirigeants laissent tout faire ?
05:43Les arbitres laissent tout faire ?
05:44On en est là aujourd'hui ?
05:46Alors, je dis,
05:48ce n'est pas aussi simple que ça.
05:50Ce n'est pas qu'ils laissent tout faire.
05:52C'est qu'il y a des contraintes très importantes.
05:56Vous savez, avant d'arrêter un match professionnel,
05:58il faut réunir,
06:00en suivant le protocole,
06:02une cellule de crise,
06:04et la décision est prise avec le préfet
06:07ou le représentant du préfet sur place.
06:09Parce qu'il y a des questions d'ordre public à gérer.
06:12Et on ne peut pas laisser cette responsabilité
06:16sur les seules épaules de l'arbitre ou du délégué.
06:19C'est vraiment une décision un peu collective.
06:22Alors, certes, c'est l'arbitre qui prend la décision,
06:24mais après concertation avec les pouvoirs publics.
06:29Donc, c'est compliqué.
06:32Et je crois, je ne suis pas certain,
06:34mais je crois que c'est ce qui s'est passé au parc.
06:37Voilà, il me semble que c'est ce qu'on a dit.
06:41Véronique Rabiot, la mère d'Adrien Rabiot,
06:43qui a donc été prise pour cible, elle aussi,
06:45voit une responsabilité, voire une complicité
06:47du club et des dirigeants.
06:49Vous êtes d'accord avec ça ?
06:51Alors, là, moi, je ne peux pas aller jusque là.
06:53Je n'ai pas le vécu de la famille Rabiot avec le PSG.
06:56Ce qu'en revanche, je peux affirmer,
06:59c'est que ce qui s'est passé est indigne.
07:02C'est inadmissible.
07:03Mais ce n'est pas une question de vécu avec le club.
07:05Elle dit, dans l'équipe, il y a deux jours,
07:07pensez-vous qu'on peut faire naître des banderoles de cette taille
07:09sans que personne ne soit au courant ?
07:10Il les a planquées ou le gars dans son slip ?
07:12Bien sûr que non.
07:13Il ne faut pas me dire que les clubs ne sont pas au courant.
07:16Oui, absolument.
07:17Là-dessus, je trouve qu'elle a parfaitement raison.
07:20C'est tout à fait anormal
07:25que des tifos ou des banderoles de cette importance
07:30puissent pénétrer dans le stade
07:33sans que le directeur du stade, le directeur de la sécurité,
07:36n'ait été informé.
07:39Et je crois même, d'ailleurs,
07:40puisqu'on a eu le cas récemment ici à Nice,
07:43avec l'OGC Nice,
07:44où il y a eu une banderole.
07:45Le club n'était pas d'accord.
07:47Le président a indiqué ensuite
07:50qu'il n'était pas d'accord avec ce qui était écrit sur la banderole.
07:53Mais qui est le patron ?
07:54Qui est le responsable ?
07:55Ce n'est pas avec le club ?
07:56Exactement.
07:57C'est ce que j'allais vous dire.
07:58C'est les supporters ou c'est le président du club ?
08:00Et d'ailleurs, je pense qu'à ce niveau-là,
08:04il y a une réglementation à préciser.
08:08Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
08:09Écoutez, le règlement actuel prévoit que,
08:13un, le club recevant est responsable de la police du terrain.
08:16Et deux, les deux clubs sont responsables de leurs supporters.
08:21Donc, à un moment donné, le club a un président.
08:24Et moi, je pense que ça doit remonter au président.
08:28Vous savez, il y a un proverbe chinois qui dit
08:31« le poisson pourrit par la tête ».
08:33Donc, en fait, là où il faut intervenir,
08:37c'est sur le véritable patron du club,
08:40c'est-à-dire le président.
08:41C'est auprès des présidents, des dirigeants,
08:44qu'il faut faire le travail
08:46et qu'il faut, le cas échéant, réagir.
08:48Mais comment par des sanctions financières ?
08:50Il faut que ce soit lui qui soit entendu derrière
08:52quand il y a un incident comme ça ?
08:53C'est à lui d'en répondre juridiquement ?
08:55Vous savez, très honnêtement,
08:58je ne vais pas me faire que des amis parmi les présidents du club,
09:01mais je pense que si on avait un ou deux présidents du club
09:06qui, en effet, à la suite de bandes de rôles homophobes,
09:10antisémites, xénophobes, racistes,
09:13étaient entendus par les services de police,
09:18je pense que ça pourrait avoir un impact,
09:22un véritable impact.
09:23Dernière question, Eric Borghini.
09:25Vous dites « le poisson pourrit par la tête »,
09:27la tête du foot, c'est la ligue de foot professionnelle.
09:29Est-ce qu'elle tient son rôle, la LFP, aujourd'hui ?
09:31Est-ce qu'elle assume ses responsabilités ?
09:33Écoutez, je pense que la ligue est empêtrée
09:39dans des problèmes de gouvernance depuis de nombreuses années.
09:42C'est un serpent de mer, on n'arrive pas à régler tout ça.
09:45On a vu tout récemment, avec les dernières élections,
09:48ce qui s'est joué.
09:51Je crois que là aussi, il y a un groupe de travail
09:55que Diallo a mis en place sur la gouvernance,
09:58la gouvernance du football professionnel.
10:01Personnellement, je suis partisan
10:06que la fédération récupère tout le régalien du football.
10:10C'est-à-dire, les arbitres sont déjà à la fédération,
10:14mais je pense que la discipline, les délégués,
10:18tout ce qui est l'organisation régalienne des rencontres
10:23devrait être de la compétence exclusive de la fédération.
10:28Et la ligue professionnelle garde le business, le marketing.
10:33Je pense que si on arrivait à faire cela,
10:37peut-être qu'un certain nombre de choses iraient mieux,
10:40parce que la fédération est assez intransigeante
10:43notamment au niveau de sa commission de discipline.
10:45Merci beaucoup Eric Borghini de votre franchise et de vos mots.
10:48On précise qu'on a parlé du parc, parce qu'il y avait le OMPG,
10:50des incidents, il y en a eu à Montpellier le week-end dernier,
10:53il y en a eu à Nice, il y en a malheureusement dans beaucoup de stades
10:56et trop souvent. Merci à vous. Dans un instant, c'est Philippe.