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  • 19/03/2025
Lionel Suchet, président du Cnes (Centre national d'études spatiales), était l'invité de France Inter ce mercredi, après le retour des deux astronautes américains sur Terre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-19-mars-2025-6844583

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00:00Il est 6h21. Retour sur Terre réussi pour les deux astronautes américains qui étaient
00:04coincés dans la Station Spatiale Internationale. Ils devaient rester 8 jours, ils y ont passé
00:09plus de 9 mois. Une affaire qui a mis en lumière évidemment l'essor du secteur privé dans
00:13l'industrie spatiale et la rivalité entre SpaceX et Boeing. Mais aussi l'instrumentalisation
00:18politique de cette affaire par Elon Musk. Et pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir
00:22ce matin le patron de l'Agence Spatiale Française. Bonjour Lionel Suchet, vous êtes le président
00:27du CNES. D'abord, comment vont-ils ces deux astronautes ? Ils vont bien comme les équipages
00:31d'un vol de longue durée. Ils sont en bonne forme parce qu'on sait aujourd'hui, grâce
00:37aux efforts médicaux, les maintenir en bonne forme pendant de longue durée sur la station.
00:41Ils sont fatigués parce que c'est la fin de leur voyage. Ils ont passé des nuits blanches
00:44là-bas à préparer leur retour. Donc ils sont un peu fatigués mais en bonne forme.
00:47Mais 9 mois dans l'espace, ça ne modifie pas le corps ? Alors ça peut modifier le
00:51corps si on n'y fait pas attention. Mais justement, on a appris beaucoup depuis des
00:54dizaines d'années sur les vols de longue durée. Et en faisant du sport, en surveillant
00:58son état de santé, il y a deux heures de sport par jour, on arrive à maintenir le
01:03corps en bonne santé pour le retour sur Terre. C'est quelque chose qui a été appris sur
01:06les vols de très longue durée avec les Russes et puis les Américains. Et c'est exceptionnel
01:11de rester aussi longtemps, 9 mois ? Alors en général, les équipages partent pour 6 mois.
01:15Donc 6 mois, 9 mois, c'est à peu près équivalent. Donc c'est un temps normal sur la station.
01:19Le record, je crois, c'est Valéry Pouliakov, un cosmonaute russe qui a passé presque 15
01:23mois dans l'espace, donc beaucoup plus longtemps. Mais le temps normal d'un équipage aujourd'hui
01:27sur la Station Spatiale Internationale, c'est 6 mois. Et à aucun moment, ils ont été
01:30en danger là-haut ? Non, parce qu'il y a 6 mois, justement, quand ils n'ont pas pu
01:34rentrer avec le vaisseau qui pilotait pour aller vers la station, on les a intégrés
01:39en fait dans un équipage normal de la station. Plutôt que d'envoyer 4 cosmonautes, on en
01:44a envoyé 2. Et eux-mêmes ont fait les deux suivants. Donc ils ont créé un équipage
01:48à 4. Et c'est cet équipage à 4 qui aujourd'hui a été relevé par un nouvel équipage à
01:534. Et avec leur vaisseau qui était déjà amarré à la station, donc s'ils avaient
01:56dû rentrer pour une raison de sécurité ou autre, ils auraient pu rentrer. Leur vaisseau
02:00était amarré à la station. Ils sont rentrés normalement comme rentre un équipage normal
02:04de la station sur un rythme opérationnel normal. Donc Donald Trump et Elon Musk ont
02:08dramatisé la situation. Parce qu'ils ont encore dit récemment que Joe Biden les avait
02:12abandonnés. Même hier soir, la Maison Blanche a tweeté « Promesses tenues », sous-entendu
02:16« Nous on les ramène », alors que Joe Biden ne l'a pas fait. Personne ne les avait abandonnés.
02:21La mission qui est partie, ce n'était pas une mission de sauvetage, c'était une mission
02:24de remplacement de l'équipage. Donc oui, tout ça a été monté en épingle.
02:29Alors ce que cette affaire a révélé, c'est la bataille entre SpaceX d'Elon Musk et
02:33Boeing. Parce que si les astronautes n'ont pas pu rentrer à temps comme prévu au tout
02:38début, c'est à cause de défaillance du propulseur développé par Boeing. Et c'est
02:42un appareil de SpaceX qui les a ramenés sur Terre. Donc Elon Musk fait clairement la course
02:46en tête ? Musk 1, Boeing 0 ?
02:49Sur ce sujet-là, c'est sûr que le fait que les moteurs du Starliner de Boeing n'aient
02:53pas fonctionné normalement, c'est un coup dur pour Boeing. C'était le premier vol
02:57d'essai habité de ce vaisseau. Il n'a pas rempli complètement sa fonction. Ceci dit,
03:01son retour en automatique s'est bien passé. Mais oui, c'est une guerre commerciale parce
03:04que le spatial, y compris le spatial habité en orbite basse, se développe sur des bases
03:09commerciales. Et les entreprises commerciales se font de la guerre par rapport à ça, bien sûr.
03:13Et les acteurs privés qui sont devenus incontournables, pour vous, c'est un risque ou une chance
03:17pour le spatial ?
03:18C'est une chance parce que ça permet de développer une économie spatiale qui était
03:21liée à une économie quand même très fermée, liée à la science et à la défense. Ces
03:26domaines-là continuent à se développer, se développent beaucoup. Mais en plus, il
03:29y a toute une économie ouverte parce que le spatial aujourd'hui répond à des enjeux
03:34de pêche, climat, aménagement du territoire, sécurité. Donc il y a tout un pan de l'économie
03:39qui tire partie du spatial. Et donc ça tire une économie ouverte avec des investisseurs,
03:43des privés qui se mettent dans cette activité, qui développent des services, qui développent
03:47des structures spatiales. Et ça, c'est une nouvelle dimension du spatial qui se développe.
03:51D'ailleurs, l'Europe et la France en font partie, bien sûr.
03:53C'est ce que j'allais vous demander. En Europe aussi, il y a cet essor économique
03:56lié au spatial ?
03:57Oui, l'année dernière, on a eu à peu près une start-up par semaine qui s'est créée
04:03en France autour du spatial.
04:04Mais si elle ferme six mois après, ça n'a pas d'intérêt ? Est-ce que c'est viable ?
04:07Est-ce que ce sont des entreprises qui restent à l'enterre ?
04:09Oui, je vous dis, aujourd'hui, toutes les activités économiques, quelque part, peuvent
04:13tirer parti des données spatiales.
04:15On mesure la Terre, l'atmosphère, les océans, dans toutes les longueurs d'ondes aujourd'hui,
04:19grâce à des missions spatiales très sophistiquées.
04:22On a la capacité, grâce à la révolution numérique, de traiter ces données en masse,
04:26de les corréler avec des données in situ, mesurées sur place.
04:28Donc, toutes ces données sont très utiles pour tout un tas d'applications et c'est
04:32des développements très importants, pas pour le spatial, mais pour l'économie terrestre.
04:36Mais vous diriez que l'Europe joue dans la même cour que les Américains ou on est
04:39quand même en dessous ?
04:41Il y a une différence d'investissement.
04:43Les Etats-Unis investissent à peu près six fois plus d'argent tous les ans que l'Europe
04:48tout entière.
04:49Mais avec ce différentiel, on n'a pas à rougir parce qu'on a toutes les capacités
04:54aujourd'hui en Europe pour développer des missions spatiales de premier rang mondial,
04:59que ce soit en science, en défense ou pour l'observation de la Terre et l'économie.
05:03On va vous évoquer la défense, justement, avec tous ces conflits dans le monde, ce désordre
05:08mondial actuel.
05:09Est-ce que la défense, le renseignement, c'est l'enjeu numéro un du spatial en ce
05:11moment ?
05:12C'est un des enjeux importants, puisque le spatial devient de plus en plus stratégique
05:16pour des raisons de défense, mais aussi pour des raisons économiques maintenant.
05:19Et donc les pays sont bien conscients qu'il faut développer le spatial et se protéger
05:25d'une éventuelle agression spatiale dans l'espace.
05:27Donc tous ces sujets-là…
05:29Oui, carrément.
05:30C'est-à-dire qu'un conflit pourrait aller être dans l'espace.
05:33Moi, je pensais plutôt à la défense, des outils qu'on envoie là-haut qui nous permettent
05:39de faire la guerre en bas.
05:40Alors, les outils qu'on envoie là-haut permettent d'avoir des informations très précieuses
05:44pour faire la guerre en bas, comme vous dites, mais du coup, ce sont aussi des cibles dans
05:49un conflit potentiel.
05:50Et demain, s'il y avait un conflit généralisé, les moyens spatiaux pourraient être aussi
05:55mis en danger.
05:56Et donc il faut surveiller ces moyens et les protéger.
05:59Lionel Suchet, on assiste depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à un
06:02rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie.
06:04Ça se voit aussi dans le domaine du spatial, puisqu'on l'a appris hier, il y a l'envoyé
06:08spécial de Vladimir Poutine pour la coopération entre pays étrangers, qui a dit qu'il aimerait
06:13discuter avec Elon Musk des vols vers Mars.
06:16Est-ce que c'est crédible ? Est-ce que ce serait une bonne chose selon vous ?
06:18Alors, c'est crédible parce que les Etats-Unis comme la Russie, ce sont deux grands pays
06:26spatiaux, donc ils peuvent tout à fait coopérer.
06:28Est-ce que ça serait une bonne chose ? Vous savez, on est passé dans des phases différentes
06:32dans l'histoire du spatial, entre des phases de course, de conflits, de course à la Lune
06:36par exemple, ou de course au premier rôme dans l'espace, à des phases de coopération.
06:40L'ISS, c'est une phase de coopération où les Russes travaillent ensemble avec les Etats-Unis.
06:44Donc, utiliser le spatial comme un outil de coopération mondiale plutôt que comme un
06:48outil de conflictualité, je trouve que c'est assez intéressant.
06:50Merci beaucoup Lionel Suchet, président du CNES et invité du 5-7.
06:54Merci.

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