Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, était l'invité du Grand entretien vendredi 14 mars. Il revient sur les conséquences économiques et financières de l'incertitude mondiale actuelle.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00« France Inter, Alibado, Marion Lourds, le 6-9 ».
00:07Et ce vendredi 14 mars, dans le Grand Entretien, nous recevons avec Marion Lourds, un grand
00:12serviteur de l'État, ancien directeur général du Trésor, il est gouverneur de la Banque
00:17de France.
00:18Vos questions, vos interventions, chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'appli Radio France.
00:26François Villeroy de Gallo, bonjour.
00:28Bonjour Alibado et Marion Lourds.
00:29Et bienvenue, la Banque de France a publié ses projections, c'est un rapport qui est
00:34très attendu, à chaque fois il est scruté minutieusement, c'est un document technique
00:41mais qui a des conséquences, ou qui indique à quoi ressemblera très concrètement la
00:45vie quotidienne des Français.
00:47On va en parler, on va rentrer dans le détail, mais d'abord de manière macroscopique, macroéconomique
00:55comme on dit, comment qualifier l'état de l'économie française, François Villeroy
00:59de Gallo aujourd'hui ?
01:00Alors d'abord, je crois que dans les incertitudes du moment, il y a une impression de grand
01:04brouillard et peut-être même de tempête.
01:07Donc le rôle de la Banque de France, avec son indépendance, avec la compétence de ces
01:129000 hommes et femmes qui sont sur le terrain, c'est d'essayer d'éclairer le paysage
01:15économique.
01:16Et si je devais résumer, je dirais qu'il y a du bon, il y a du très mauvais, et il
01:21y a un espoir.
01:22On peut peut-être commencer par le bon.
01:24Oui, écoutez, on a un plan de route.
01:26Non, mais on vit dans un moment de très grand bouleversement, donc le paysage il est forcément
01:32très composé.
01:33Dans le bon…
01:34D'un mot, d'un mot, François Villeroy de Gallo, avant de rentrer dans le bon, le
01:37moins bon, et ce qui peut nous permettre d'espérer…
01:39Oui, le moins bon, c'est même du très mauvais, c'est la politique de M.
01:41Trump.
01:42Alors justement…
01:43Et l'espoir, c'est l'Europe.
01:44Mais le maître mot pour vous, c'est l'incertitude, nous sommes dans une période d'incertitude.
01:49Oui, c'est même plus que de l'incertitude, c'est de l'imprévisibilité causée par
01:53les politiques américaines.
01:55Alors, qu'est-ce qui est solide là-dedans ? Et ça c'est le bon, c'est la victoire
01:58en cours contre l'inflation.
02:00Nos prévisions les confirment.
02:01L'inflation, elle est revenue autour de 1% en France, elle va revenir vers 2% en moyenne
02:08européenne.
02:09Alors, je sais que ceux et celles qui nous écoutent, eux, ils pensent que le niveau
02:14des prix cumulés sur plusieurs années a augmenté.
02:17C'est vrai, on ne reviendra pas en arrière sur les prix, mais pendant ce temps-là, les
02:21retraites, les prestations sociales ont aussi augmenté.
02:24Mais c'est le reflux des prix de l'électricité notamment, de certains services.
02:28Le reflux des prix de l'électricité a aidé en France, c'est pour ça qu'on est beaucoup
02:31moins que la moyenne de la zone euro, mais il y a une sagesse aujourd'hui plus grande
02:35du prix des services, du prix de l'alimentation.
02:37Alors, ça, ça a deux conséquences.
02:39Oui, mais est-ce que vous diriez aujourd'hui que l'inflation est vaincue ? Ceux qui nous
02:42écoutent ont envie de le savoir.
02:43Oh, je dirais en gros, oui, c'est-à-dire que la victoire est assurée.
02:47En gros, ça ne ressemble pas à votre vocabulaire extrêmement rigoureux et précis, François
02:51Gallo.
02:52Alors, comme vous m'y invitez, je vais prendre un vocabulaire très rigoureux et précis.
02:55Je crois que la victoire, elle est assurée en France, et c'est important, et elle est
03:01en cours, très très prochaine en Europe.
03:04Ça veut dire que nous allons ramener l'inflation à 2% en Europe dans le courant de cette année.
03:08On est à 2,4% aujourd'hui en Europe.
03:11Les deux conséquences positives, c'est quoi ? Elles sont très importantes pour les Français.
03:15La première, c'est que ça nous permet, nous Banque Centrale, Banque Centrale Européenne,
03:19Banque de France, de baisser les taux d'intérêt.
03:22Et ça se voit par exemple dans le crédit immobilier.
03:25Il y a un an, les taux en moyenne du crédit immobilier étaient à 4,2%.
03:29Là, sur le mois de janvier 2025, on est à 3,3%.
03:34Et d'ailleurs, les Français ont bien observé cette baisse, ils sont intelligents, et aujourd'hui
03:37ils en prennent plus.
03:38Et puis, l'autre conséquence positive, c'est qu'on voit revenir du pouvoir d'achat sur
03:44les salaires, c'est-à-dire que depuis l'année dernière, les prix augmentent moins vite
03:49que les salaires.
03:50Ça, ça devrait nourrir la consommation des ménages.
03:52Alors ça, c'est pour le positif.
03:53Il y a aussi ce qu'on pourrait appeler le négatif.
03:56Vous avez révisé la prévision de croissance pour cette année à 0,7%, c'est-à-dire qu'on
04:00produira 0,7% de richesse en plus cette année et non pas 0,9% comme prévu au départ.
04:06Or, le gouvernement, lui, a bâti son budget sur cette prévision de 0,9%.
04:12Est-ce que ça veut dire qu'on ne va pas atteindre nos objectifs de déficit, à 5,4% en l'occurrence ?
04:17Non, je ne crois pas.
04:18Je crois que c'est un peu l'épaisseur du trait, si vous me permettez.
04:22Pourquoi est-ce qu'on a révisé à la baisse ? Parce qu'il y a beaucoup plus d'incertitudes,
04:25comme on le disait tout à l'heure, de l'environnement international.
04:27Donc c'est une croissance ralentie, il faut regarder les choses en face, ça reste une
04:32croissance positive.
04:34Je souligne ça parce que, souvenez-vous, il y a quelques mois, il y a beaucoup annoncé
04:37une récession en France cette année.
04:39Enfin, 0,x, il faut vraiment être optimiste pour voir ça comme une nouvelle positive.
04:45Je n'ai pas parlé de nouvelles positives, encore une fois, nous sommes objectifs.
04:49Mais, la France devrait échapper à la récession cette année, et pour terminer sur le relativement
04:56moins mauvais, après on va parler des politiques américaines, l'emploi résiste relativement
05:02bien dans ce paysage, il va y avoir une montée modérée du chômage, nous pensons entre
05:087,5 et 8, mais c'est beaucoup moins, souvenez-vous, de ce qu'on avait il y a une dizaine d'années.
05:12Ça reste malgré tout bien au-dessus de la moyenne européenne.
05:14L'emploi reste trop élevé, il faudra viser à moyen terme le plein emploi à 5%, mais
05:19souvenez-vous, malheureusement, il y a une dizaine d'années, le taux de chômage dépassait
05:22les 10%.
05:23Donc, s'il y a un sujet sur lequel nous Français, collectivement, on a fait des progrès, c'est
05:27l'emploi.
05:28Je ne sais pas si vous le savez, mais depuis 10 ans, la France a créé plus de 2 millions
05:31d'emplois.
05:32C'est une des meilleures performances qu'il soit.
05:33Il faudrait qu'on continue dès que la croissance accélérera ce que nous prévoyons pour l'année
05:39prochaine.
05:40Vous comptez aussi pour ça, sur une consommation qui va augmenter, aussi avec ce que vous
05:44disiez, les salaires qui sont plus importants que l'inflation.
05:46Mais pour le moment, l'INSEE dit que les Français veulent épargner, c'est même
05:50un record depuis 1987.
05:53Alors, ce n'est pas tout à fait le record, parce que le taux d'épargne le plus élevé
05:57qu'on ait connu en France…
05:58C'est la volonté d'épargner.
05:59C'est après le Covid.
06:00On mesure le taux d'épargne, c'est la part du revenu qui est consacrée à l'épargne.
06:05C'est l'opinion qu'ils ont.
06:07Cette épargne, elle a commencé à diminuer depuis le Covid, mais, vous avez raison, elle
06:11n'a pas retrouvé son niveau pré-Covid.
06:13Et ça, au fond, c'est une espèce de réserve de croissance.
06:16C'est les Français qui décideront d'utiliser leur épargne ou pas.
06:19Ça n'est pas du tout indépendant de ce qu'on disait sur les incertitudes.
06:22Et je crois que de ce point de vue-là, on ne va sans doute pas diminuer l'incertitude
06:27américaine.
06:28Ce qui est important, c'est qu'on construit solidement côté européen et côté français.
06:32C'est l'espoir.
06:33Est-ce que les Français épargnent trop, François Villeroy de Gallo ?
06:36Oh, ce n'est pas à moi de juger si le niveau d'épargne de chacun est le plus haut.
06:39Vous avez un avis et vous êtes le meilleur observateur de la question.
06:42Non, parce que, heureusement, on vit en régime de liberté économique et il y a des Français
06:46qui peuvent avoir des projets.
06:48La consommation, c'est 50% du produit d'intérieur brut.
06:52Oui, alors, je réponds à votre question.
06:55Ce qui est sûr, c'est que ça constitue une réserve de croissance pour les années
07:00qui viennent.
07:01Je crois qu'au fur et à mesure qu'un peu plus de confiance et de pouvoir d'achat revient,
07:05nous nous attendons à ce que ce taux d'épargne diminue.
07:07C'est dans notre prévision.
07:09Si je regarde néanmoins dans la durée, le fait qu'en Europe il y ait beaucoup d'épargne,
07:14ça c'est un atout européen.
07:16Et le défi que nous allons avoir, ce qu'on appelle l'union pour l'épargne et l'investissement
07:21au sein de l'Europe, c'est d'utiliser mieux cette épargne pour l'innovation, pour l'investissement
07:26en Europe.
07:27Et la défense peut-être ?
07:28Et ça peut être la défense aussi, même si la défense relève in fine de financement
07:33public et pas d'épargne privée.
07:35Justement, le Président de la République, merci pour la transition, le Président de
07:39la République appelait donc à muscler la défense avec des investissements supplémentaires
07:44qui sont désormais devenus indispensables et je cite Emmanuel Macron, première question
07:50est-ce qu'on en a les moyens ? Et deuxièmement, comment est-ce qu'on peut trouver cet argent ?
07:54Faut-il un emprunt européen ? Faut-il consacrer le livret A à ses dépenses militaires ou
08:00faut-il créer un livret spécialement dédié aux dépenses militaires ?
08:05Alors, d'abord je crois qu'il faut revenir sur pourquoi cette question se pose.
08:09J'ai cité le très mauvais qui sont les politiques économiques de la nouvelle administration
08:15américaine qui créent un maximum d'incertitudes sur le plan économique, on va en reparler,
08:20mais qui créent aussi beaucoup d'incertitudes sur le plan militaire.
08:23Et ça, ça nécessite un effort de défense de la part des Européens et des Américains.
08:30Vous avez toujours appelé à réduire la dette, c'est le retour du quoi qu'il en coûte
08:33et on peut oublier les déficits et la dette publique, François Villereuil-Leau ?
08:39Ça ne peut pas être et ça ne doit pas être le retour du quoi qu'il en coûte, ça doit être,
08:44et c'est l'espoir que je manifestais, le réveil militaire de l'Europe, mais aussi
08:50son réveil économique et financier.
08:51Et surtout ne séparons pas les deux, parce que la meilleure réponse à votre question,
08:56c'est de financer ce surcroît de dépenses par un surcroît de croissance européenne et française.
09:02Et nous en avons les moyens.
09:04Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que souvenez-vous, il y a 2-3 mois, tout le monde parlait
09:09de cette accélération de la croissance et de l'innovation en Europe, ce qu'on appelait
09:13le rapport Draghi, du nom de l'ancien Premier ministre italien.
09:17Au fond, nous savons ce que nous avons à faire ensemble pour booster, muscler la croissance européenne.
09:22Aujourd'hui, on parle de l'effort de défense, on risque d'oublier la deuxième jambe, qui
09:27est le renforcement de la croissance européenne.
09:30Si on vient sur le financement de cet effort de défense, je suis le débat des derniers jours.
09:36Je pense qu'on confond un peu deux questions, si vous me permettez.
09:39Il y a la question de savoir, c'est comme quand on veut construire une maison, il y
09:43a la question de savoir qui va vous prêter.
09:45Il est question d'acheter des armes, là ?
09:47Absolument.
09:48Quand on construit une maison, on investit, quand on achète des armes, est-ce que c'est
09:52pour les utiliser ou les stocker ?
09:53Non, j'espère que ce n'est pas pour les utiliser, c'est pour quelque chose qui est vital, c'est
09:58de protéger notre liberté, la paix et nos valeurs.
10:02Alors, ce n'est pas à moi de décider l'ampleur de cet effort de défense, ça c'est le débat
10:06démocratique et je le laisse aux spécialistes, mais nous avons besoin de le financer.
10:10Qu'est-ce que je veux dire avec les deux questions différentes ?
10:12Il y a la question de savoir qui prête, aujourd'hui ?
10:17Et là, il y a plusieurs sources possibles et objectivement, on trouvera des prêteurs.
10:22J'entends tout le débat sur « est-ce que c'est une partie des livrets d'épargne ?
10:28Est-ce que c'est les banques qui doivent prêter plus ? Est-ce que c'est un grand
10:33emprunt national ? ». Mais on trouvera pour prêter parce que l'épargne est abondante.
10:38Mais la vraie question, ce n'est pas de savoir qui va prêter aujourd'hui, la question
10:43c'est de comment bien rembourser demain.
10:44Parce que quelle que soit la source de financement, et j'en ai cité plusieurs, de toute façon,
10:50c'est du crédit et ça veut dire de la dette supplémentaire.
10:53Et pour bien rembourser cette dette demain, là il faut être très clair, je crois qu'il
10:59faut à la fois arrêter la croissance des dépenses publiques en France, on va sans
11:04doute en parler, et augmenter la croissance de l'économie.
11:07C'est ça les deux remèdes.
11:08Et pas augmenter les impôts ?
11:09Alors, augmenter les impôts, c'est pas à la Banque de France d'en décider, c'est
11:14un choix démocratique.
11:16Mais quand je regarde, et je regarde le paysage politique, je crois qu'aujourd'hui la priorité,
11:21parce que c'est ça l'exception française Marion Lourdes, c'est que nous avons plus
11:26de dépenses, non seulement que tous les pays européens, mais que tous les pays du monde.
11:29Et que non seulement nous avons plus de dépenses que les autres, mais elles continuent à croître.
11:33Donc ce que je dis ce matin, c'est que la première priorité c'est d'arrêter la
11:37croissance des dépenses.
11:38Et pourtant il faut augmenter les dépenses dans l'éducation, c'est ce que vous n'arrêtez
11:41pas de dire.
11:42Il faut augmenter les dépenses dans la recherche publique.
11:45Oui, alors là il faut un peu affiner.
11:48D'abord, quand je parle d'arrêter la croissance des dépenses, c'est le total des dépenses
11:53publiques.
11:54Les dépenses que vous venez de citer sont des dépenses de l'État, du budget de l'État,
11:58et l'État ça fait un gros tiers seulement des dépenses.
12:01C'est quoi les autres dépenses publiques ? C'est les dépenses sociales et les dépenses
12:04locales.
12:05Et quand on regarde l'ensemble, je vais peut-être vous surprendre, alors qu'on a l'impression
12:09de sortir de deux années de grands débats budgétaires, ces dépenses continuent à croître
12:14de plus de 1% par an, en volume.
12:17Qu'est-ce qu'on appelle en volume ? C'est on couvre l'inflation, mais au-delà de ça,
12:21il y a plus de 1% de croissance.
12:22Et pourquoi ? Les dépenses de l'État, elles, elles ont commencé à diminuer, mais les
12:27dépenses sociales et locales, dont je ne dis pas du tout qu'elles aient une utilité,
12:32il y a des élus locaux qui sont extrêmement engagés, il y a évidemment des prestations
12:36sociales indépendantes à la solidarité, mais ces dépenses sociales et locales, elles
12:40ont augmenté de plus de 2% par an.
12:42Ça, nous ne pouvons pas continuer comme ça, il faut un effort juste et partagé,
12:47tout le monde se met autour de la table, et comment on arrête la croissance de ces dépenses.
12:50Peut-être encore un mot, si vous me permettez, par rapport à l'éducation ou la recherche,
12:54de temps en temps, il s'agit de mieux dépenser.
12:56Là, la comparaison avec nos voisins européens est intéressante, pour avoir à peu près
12:59le même résultat, je vous donne un chiffre, nous avons, nous, 9% du PIB, de la part de
13:07notre économie, de plus de dépenses.
13:09Ça fait 260 milliards d'euros d'écart, par rapport à la moyenne de l'Allemagne,
13:15de l'Italie, des Pays-Bas, qui sont aussi des sociétés qui fonctionnent.
13:18Alors, allons regarder de façon très pragmatique, ce n'est pas du tout idéologique, ce qui
13:22marche le mieux sur l'éducation, la recherche ou la santé.
13:25François Villeroy de Gallo, il y a une autre source de financement qui ne crée pas de
13:29dettes, c'est les avoirs russes qui ont été gelés par les sanctions, aujourd'hui
13:33on utilise les intérêts de ces avoirs russes, la question se pose d'utiliser les avoirs
13:37russes eux-mêmes, l'Assemblée nationale a voté pour, le gouvernement ne veut pas
13:42pour l'instant parce qu'il a peur de déstabiliser le système financier européen, notamment
13:46vous qui êtes au cœur de ce système financier, est-ce qu'utiliser, toucher à ces avoirs
13:51russes, ça déstabiliserait le système ? Alors ces avoirs russes, vous l'avez dit,
13:55ils servent aujourd'hui, c'est à peu près 200 milliards, oui mais ils sont utilisés
14:00comme garantie d'un prêt qui a été fait à l'Ukraine, et effectivement pour payer
14:04les intérêts. A l'échelle européenne ? A l'échelle européenne, c'est un prêt
14:09qui a été fait par l'Europe et par les autres pays de ce qu'on appelle le G7, y
14:14compris les Etats-Unis d'ailleurs. Est-ce qu'il y a un risque ? D'abord si on saisissait
14:21ces avoirs, on déstabilise le prêt qui est fait, et c'est vrai, on déstabilise pas
14:25mal l'institution financière. Si on est demain, ce qu'on peut espérer, mais on
14:30n'en est pas sûr, j'ai écouté Pierraschi tout à l'heure, si on est demain dans le
14:33cadre d'un accord de paix, là le contexte juridique change. Peut-être que cet argent
14:38pourrait être directement affecté à l'Ukraine, mais ça ferait partie d'un accord de paix.
14:42Le point que je souligne, c'est que ça serait de l'argent pour l'Ukraine, c'est
14:45pas de l'argent qui va venir financer les efforts de défense des différents pays européens,
14:50d'où d'ailleurs aussi le grand changement en Allemagne. Ça je crois que c'est un
14:53élément positif, je parlais d'espoir sur le réveil de l'Europe, c'est que l'Allemagne,
14:58qui a une situation de dette beaucoup plus favorable que la nôtre, ait décidé à l'utiliser.
15:03On va y venir justement à l'Allemagne, puisqu'hier vous dialoguez avec votre homologue
15:07allemand, le président de la Bundesbank, mais cette question des avoirs russes, si
15:11on doit résumer, et ce que vous venez de dire, c'est que ça ne sert à rien d'y
15:14toucher pour essayer d'améliorer la situation économique française.
15:18Ça ne sera pas pour la situation économique française, ça peut servir pour l'Ukraine,
15:21mais ça, ça fait partie des négociations à venir.
15:23Alors justement, à propos de la Russie, on a Jean-Claude Austandard, bonjour Jean-Claude.
15:27Oui, bonjour, merci.
15:29Et bienvenue.
15:30Merci.
15:31Oui, je voulais poser la question suivante.
15:34On entend dire dans les débats multiples sur la guerre ukrainienne que le PIB de la
15:42Russie serait identique à celui de l'Espagne ou des Pays-Bas à peu près.
15:48Donc, question, comment l'économie russe est-elle structurée pour pouvoir financer
15:55sur une longue durée comme c'est le cas, un effort de guerre aussi important ? Est-ce
16:01qu'on imagine l'Espagne ou les Pays-Bas financer aujourd'hui un engagement militaire
16:07aussi important que celui de la Russie en Ukraine ?
16:09Merci, excellente question Jean-Claude.
16:11Et hier d'ailleurs, l'ancien commissaire européen Thierry Breton minimisait la puissance
16:17économique russe en disant après tout qu'elle n'avait que le PIB de l'Espagne.
16:21Alors, comment est-ce que la Russie, monsieur le gouverneur de la Banque de France, un peu
16:26de pédagogie, comment est-ce qu'elle fait pour financer son effort de guerre sans que
16:29le pays ne s'écroule ?
16:30Alors, je salue la question.
16:31En gros, l'économie russe c'est la taille que vous dites, mais c'est du côté des recettes
16:37ou des revenus avant tout le pétrole et les matières premières et du côté des dépenses
16:42avant tout la défense.
16:43Voilà, c'est comme ça qu'est organisée l'économie russe.
16:46Donc, je ne crois qu'il ne faut pas surestimer la menace économique russe, il ne faut pas
16:50sous-estimer la menace militaire.
16:52Parce que l'armée russe est puissante, équipée, nombreuse et d'où la nécessité d'augmenter
16:59l'effort de défense en Europe.
17:02Moi, j'appelle au réveil militaire et économique européen.
17:07Notre force aujourd'hui c'est l'économie, notre faiblesse c'est le militaire.
17:10Mais il y a les très mauvaises nouvelles dont on doit parler François Villeroy de Gallo
17:14et notamment les « Trumponomics » comme on dit, ça veut dire protectionnisme commercial
17:18des Américains.
17:19Droits de douane punitifs et en l'occurrence, quelles conséquences sur nous et sur la croissance
17:25notamment en France quand vous entendiez le journal tout à l'heure de Florence Paracuellos
17:29et cette menace par le président américain d'imposer des droits de douane à 200% sur
17:35les vins spiritueux, champagne.
17:37Est-ce que l'UE a les moyens de se défendre ? Est-ce qu'elle a vraiment un colt dans
17:42sa poche comme le dit Pascal Lamy, l'ancien directeur général de l'OMC ?
17:46L'Union Européenne a les moyens de représailles, il faut souhaiter que l'escalade commerciale
17:52s'arrête.
17:53Mais j'ai parlé d'espoir européen, au fond si…
17:56Ça c'est une très mauvaise nouvelle ?
17:57C'est évidemment une très grosse menace.
18:00La bonne réponse c'est l'Europe et si ce qui se passe aux Etats-Unis, qui est une
18:06très mauvaise nouvelle, d'abord pour l'économie américaine, a une vertu en Europe, c'est
18:12de nous amener un surcroît de volonté européenne, militaire mais aussi économique, je ne sais
18:16pas jamais ses deux jambes, il y a une brutalité côté américain.
18:19Mais c'est le paradoxe !
18:20Ali Baddou, je termine.
18:22Il y a une brutalité, il faut dire les choses de M.
18:25Trump et de M.
18:26Musk.
18:27Il ne faut pas répondre à la brutalité par une espèce de passivité ou un élément
18:30de fatalité, il faut répondre par un surcroît de volonté et nous en avons les moyens.
18:36Alors pourquoi, et je crois que c'est important de dire, pourquoi est-ce que c'est d'abord
18:40une mauvaise nouvelle pour l'économie américaine ?
18:43C'est que cette montée des droits de douane et du protectionnisme, au fond, je crois que
18:50la vision de l'équipe Trump sur l'économie, c'est un peu celle d'un plateau de monopolie,
18:54si vous me permettez, c'est-à-dire de dire que ce que gagne l'un, c'est forcément
18:58ce que perd l'autre.
18:59J'échange un quartier, un hôtel, etc.
19:02Mais c'est un jeu à somme nulle.
19:04L'économie, c'est pas ça ! L'économie, c'est qu'on crée de la prospérité ensemble.
19:08Parce qu'on échange des talents, des idées, des produits, des innovations.
19:12C'est tout ça dont on est en train de se priver.
19:14Je vais vous citer un exemple qui est frappant.
19:17Hier, quand M. Trump menace de droit sur le champagne et les spiritueux européens, la
19:24bourse européenne et française baisse de 0,6%, mais la bourse américaine baisse davantage,
19:29à 1,4%.
19:30Et on a aujourd'hui cette situation stupéfiante, alors que l'économie américaine allait
19:34très bien en début d'année, que certains, non seulement révisent à la baisse leur
19:38prévision de croissance américaine, mais commencent à parler de risque de récession
19:42aux Etats-Unis.
19:43Donc c'est une politique perdante, c'est un exemple de but contre son camp, mais c'est
19:47une politique qui est très mauvaise aussi pour le reste du monde.
19:49Nous répondons, non pas par la brutalité, mais par un surcroît de volonté européenne,
19:55plus de défense et plus de croissance.
19:58J'y insiste.
19:59Il faut qu'on travaille plus, qu'on travaille mieux et qu'on fasse les réformes proposées
20:02notamment par le rapport Draghi.
20:03Il reste très peu de temps.
20:04Bonjour Michel et bienvenue sur France Inter.
20:06Bonjour France Inter, bonjour Monsieur le Directeur.
20:09Le gouverneur.
20:10Le gouverneur ? Oula, désolé.
20:12Non, non, non.
20:13Les titres comptent.
20:16Voilà, le truc c'est, est-ce que vous ne pourriez pas faire comme nous de kibouiller
20:19cotons les USA, c'est-à-dire vendre les bons du trésor américain que vous détenez
20:24et proposer à la Banque Centrale Européenne de faire pareil ?
20:26Très bonne question.
20:27Pour arrêter de financer leur déficit, voilà.
20:29Merci Michel.
20:30C'est une manière de contraindre les Etats-Unis, même si… Combien de bons du trésor détenez-vous
20:35à la Banque de France ?
20:36Nous en avons vendu une partie, on ne l'a pas vendu pour des raisons politiques, d'ailleurs
20:40on l'a vendu parce que c'était un bon arbitrage financier et évidemment le devoir
20:45que nous avons à la Banque de France, c'est de placer le mieux possible l'argent des
20:48Français.
20:49Il se trouve que l'essentiel de nos réserves aujourd'hui est en or et l'or s'apprécie
20:55et puis pour le reste…
20:56Ce que ne le savent pas les Français, c'est qu'à la Banque de France…
20:57Pour le reste, c'est en obligation en euros, non comme l'obligation française et européenne.
21:02Vous avez dans vos coffres 2430 tonnes d'or massif, les Français le savent peu, l'or
21:08qui a atteint un record…
21:09Ce chiffre est pourtant tout à fait public !
21:11Historique, c'est une valeur refuge, à quoi ça sert ?
21:13Je crois que ça sert à garantir la signature de la France et la confiance dans la Banque
21:19de France.
21:20Nous n'en achetons pas, nous n'en vendons pas, nous le gardons et je crois qu'on s'en
21:24est bien porté jusqu'à présent, mais ce n'est pas ça qui va résoudre le problème
21:28des finances publiques françaises.
21:29Quand j'insiste sur la maîtrise des dépenses, disons-le très clairement, nous ne pouvons
21:34plus tout nous payer comme avant.
21:36Il va falloir faire des choix !
21:38Justement, dernière question, puisque l'agence Fitch doit noter aujourd'hui la dette de
21:46la France.
21:47On craint une dégradation, elle est actuellement notée A à moins, c'est une sorte de 17
21:50sur 20.
21:51Est-ce que vous craignez cette dégradation et ses conséquences ?
21:53Les agences de notation sont une chose, il y en a trois, Fitch est l'une des trois agences.
21:58La semaine dernière, Standard & Poor's qui est la plus importante à confirmer la notation
22:03française.
22:04Je crois que ce qui est important, c'est surtout le jugement des investisseurs, ceux
22:07qui nous prêtent.
22:08Et cela, malheureusement, depuis juin dernier, ils ont fait payer plus cher relativement
22:13les emprunts français.
22:14C'est-à-dire que si on appelle le spread, l'écart de ton intérêt avec l'Allemagne,
22:17c'est beaucoup accru.
22:18C'est beaucoup accru.
22:20Et donc, quand je parlais d'arrêter la croissance des dépenses publiques et d'augmenter
22:24la croissance de l'économie, c'est la meilleure réponse sur le fond.
22:27Il y a une question de confiance, on a beaucoup parlé d'argent, François Villeroy de Gallo,
22:31on va terminer en parlant en latin.
22:33Nones aes sed fides, traduction ?
22:36Alors, ça n'est pas du bronze, c'est de la confiance.
22:41Et donc vous dites aux français, la pièce de monnaie en euros…
22:44C'est une devise qui existait sur une pièce à Malte vers le XVIe siècle.
22:49C'est cité par un philosophe allemand qui s'appelle Simmel.
22:53Mais je crois que derrière ce symbole, ce n'est pas le métal qui compte, c'est la
22:58confiance.
22:59Il y a le fait que les français peuvent faire confiance à la Banque de France, à la Banque
23:03centrale européenne, pour garder l'inflation à bas niveau, c'est-à-dire autour de 2%,
23:09et en conséquence, pour avoir les taux d'intérêt les plus bas possibles.
23:12Et ça, c'est un élément de solidité, de stabilité dans ce paysage très incertain
23:18dans lequel nous vivons, et je redis l'engagement de la Banque de France à le tenir.
23:23Ce sera le mot de la fin, merci infiniment François Villeroy de Gallo d'avoir été
23:27l'invité de France Inter ce matin, à suivre la Revue de presse.