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Plus de 1 300 personnes, dont trois quarts de civils, essentiellement alaouites, sont mortes en Syrie depuis le 6 mars, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Pour comprendre ce qui s'est passé, Brut a rencontré Adel Bakawan, directeur de l'Institut Européen d'études sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

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Transcription
00:00On peut parler sans aucune hésitation d'un massacre collectif organisé.
00:05Jeudi 6 mars, des miliciens fidèles à l'ancien régime de Bachar al-Assad
00:08ont attaqué les forces de sécurité du nouveau régime à Jablé,
00:11une ville côtière de l'ouest de la Syrie.
00:13Dès le lendemain, des Syriens de confession halawite
00:15ont été la cible de représailles sanglantes à plusieurs endroits du pays.
00:18Pourquoi les halawites, une partie des halawites,
00:21ont attaqué le régime d'Ahmadinejad et notamment ses forces de sécurité ?
00:28Parce que tout simplement, le régime d'Ahmadinejad,
00:31depuis son instauration le 8 décembre de l'année dernière jusqu'à aujourd'hui,
00:35c'est-à-dire la date de la chute de Bachar al-Assad et de sa famille,
00:39a produit un grand discours, un grand récit sur l'inclusion,
00:44l'intégration de toutes les composantes de la société syrienne.
00:47Or, à l'état pratique, Ahmadinejad et son régime,
00:51tout ce qu'ils ont mis en place,
00:53c'est le système de l'exclusion et non pas de l'inclusion.
00:57L'exclusion, en premier degré, de la communauté halawite
01:01pour deux raisons principales.
01:03La première raison, cette communauté est considérée
01:06comme la base militante sociale de l'ancien régime de Bachar al-Assad
01:11et de la famille d'Assad depuis 54 ans au pouvoir.
01:15Autrement dit, il attribue la totalité des massacres,
01:19des génocides, de l'utilisation des armes chimiques,
01:23tous les crimes de l'ancien régime attribués à cette communauté halawite.
01:27Ça, c'est la dimension politique.
01:29Et ensuite, il y a la dimension religieuse.
01:31Pour la grande majorité sunnites en Syrie,
01:35dans leur mémoire collective religieuse,
01:38la minorité halawite qui compose 10% de la population syrienne
01:43est considérée comme une communauté hérétique.
01:46Nos musulmans excommunés, c'est pourquoi il y a à la fois
01:50la dimension religieuse et la dimension politique
01:53dans la mise en place de ce massacre collectif.
01:56Après l'attaque jeudi soir contre les forces de sécurité gouvernementales,
01:59les autorités syriennes avaient envoyé des renforts militaires
02:02où qu'elles se sont jointes des milices armées.
02:04Est-ce qu'on peut rappeler combien il y a de victimes ?
02:06Écoutez, nous n'avons pas des chiffres exacts,
02:08mais par contre, nous avons des certitudes relatives
02:11que c'est entre 1000 et 1350 personnes.
02:15Dimanche 9 mars, le président Ahmed al-Sharaa a affirmé
02:18qu'il mettrait tout en œuvre pour identifier les responsables des massacres.
02:21Deuxièmement, nous nous assurons que nous nous récompenserons
02:23à chaque partie, sans intervention.
02:26Chacun qui s'est impliqué dans le sang des citoyens,
02:28ou qui a fait mal à nos compatriotes,
02:29ou qui a dépassé les autorités de l'État,
02:31ou qui a utilisé l'autorité pour réaliser son but particulier,
02:34il n'y aura pas de personne qui soit au-dessus de la loi.
02:37Et chacun qui a touché les mains du sang des Syriens
02:40sera face à la justice à l'heure immédiate.
02:42Aujourd'hui, toutes les conditions sont réunies pour,
02:46objectivement parlant, pour que la Syrie glisse vers la guerre civile.
02:50Si la Syrie ne glisse pas vers la guerre civile,
02:53c'est que la Syrie est passée par un miracle.
02:56Comment former, comment forger une nation syrienne
03:00à partir de toutes ses composantes ?
03:01La seule possibilité, c'est le contrat social.
03:05Depuis la fondation de l'État syrien dans les années 40,
03:08jusqu'à aujourd'hui, en passant par tous les régimes,
03:12les Syriens n'ont jamais réussi à fonder une nation syrienne.
03:17Il n'y a jamais eu la nation syrienne.
03:19Il y a eu des Alawites, des Sunnites, des Drouzes, des Kurdes,
03:24des Ismailiens, des Turcoumanes, des Chrétiens,
03:27mais pas le citoyen syrien, pas la syrianité.
03:32Autrement dit, le référentiel de toutes ces composantes
03:37est par excellence communautaire et non pas nationale.
03:41Aujourd'hui, la Syrie est divisée à la fois territorialement,
03:46mais aussi confessionnellement, mais aussi communautairement,
03:49mais aussi politiquement, mais aussi géopolitiquement
03:52entre toutes ces composantes et toutes ces confessions.
03:55– Est-ce qu'on peut dire que c'est la crédibilité
03:57du gouvernement actuel qui est en jeu, de réussir peut-être à faire ça ?
04:01– Depuis la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre de l'année dernière
04:05jusqu'à jeudi dernier, le gouvernement d'Ahmadinejad
04:11était dans le processus de sa normalisation,
04:16de conquérir la crédibilité auprès de la communauté internationale.
04:22Ce qui s'est passé depuis jeudi dernier, pour moi,
04:25c'est une douche froide par rapport à cette crédibilité,
04:28cette respectabilité et cette normalisation de cet acteur
04:31à la tête de cet État.

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