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00:007h-9h, Europe 1 Matin. Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le chercheur et ancien secrétaire général de l'OTAN, Camille Grand.
00:09Bonjour Camille Grand. Bonjour.
00:13Bienvenue sur Europe 1, vous êtes Distinguished Policy Fellow à l'ECFR, l'European Council on Foreign Relations, excusez l'anglais mais c'est ainsi, c'est un think-tank européen, l'ECFR.
00:23Question avec vous ce matin, Camille Grand sur les armes nucléaires. Rien que ce week-end, deux dirigeants européens, l'allemand Friedrich Merz
00:29et le polonais Donald Tusk ont dit vouloir discuter avec la France et le Royaume-Uni d'un partage de leur dissuasion nucléaire,
00:37alors que des doutes apparaissent sur la fiabilité des garanties de sécurité américaines, les garanties nucléaires notamment,
00:42et alors que la Russie aussi, depuis trois ans, brandit cette même menace atomique. Il y a clairement en Europe un appétit renouvelé pour la bombe, Camille Grand, vous pensez ?
00:53En tout cas, il y a un retour du débat nucléaire qui avait été un petit peu mis sous le tapis depuis la fin de la guerre froide,
00:59et on voit aujourd'hui que plusieurs pays, à commencer effectivement par la Pologne, mais maintenant également l'Allemagne avec le futur chancelier Friedrich Merz,
01:10qui s'intéressent à comment garantir leur sécurité dans un contexte de menaces russes renouvelées et effectivement d'une Russie qui multiplie les déclarations nucléaires martiales,
01:24la modernisation de son arsenal, et donc on voit des pays qui interrogent les Français et les Britanniques pour savoir comment les deux puissances nucléaires européennes
01:34se positionnent dans ce nouveau contexte, aggravé par le désintérêt, pour dire les choses gentiment, de Donald Trump pour la sécurité européenne.
01:44Mais est-ce que vraiment les garanties nucléaires américaines vous semblent remises en cause par Donald Trump et la nouvelle administration américaine, Camille Grand ?
01:53Alors aujourd'hui, pas formellement, il n'y a pas de déclaration très claire dans ce sens, et on pourrait même dire que le secrétaire à la défense de Donald Trump a dit le contraire,
02:05puisqu'il a évoqué le rôle des Européens dans le domaine conventionnel, mais il s'est gardé de parler de retraite de la garantie américaine.
02:12On est plus dans une atmosphère, c'est-à-dire que les divergences entre Européens et Américains sur la crise ukrainienne, sur les grandes questions stratégiques,
02:22font qu'un certain nombre de pays européens s'interrogent sur la meilleure manière de garantir leur sécurité.
02:28Justement, garantir leur sécurité face à la Russie, est-ce que justement, Camille Grand, on n'a pas tendance un peu à confondre la Russie avec l'ex-Union soviétique en termes de puissance militaire ?
02:40Est-ce que cette espèce d'urgence qu'il y a aujourd'hui dans le discours à se réarmer autant dans le domaine conventionnel que, pourquoi pas, dans le domaine nucléaire,
02:48ne cache pas en fait une erreur de jugement sur la puissance militaire réelle de la Russie ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
02:54La Russie n'est pas l'Union soviétique, elle n'est pas installée au cœur de l'Europe, elle n'est pas dans un réseau d'alliances qu'était le pacte de Varsovie,
03:04mais elle reste une superpuissance nucléaire, l'une des deux superpuissances nucléaires, et elle a surtout modernisé son arsenal à grande vitesse depuis une dizaine d'années,
03:13ce que les puissances nucléaires occidentales n'ont pas vraiment fait ou ont entrepris plus tardivement.
03:19Donc on est devant une Russie qui est menaçante dans ses paroles et ses actes en Ukraine, qui n'est certainement pas capable aujourd'hui d'envahir l'Europe occidentale,
03:32mais qui peut mener des actions déstabilisantes sur ses frontières.
03:39Mais on a l'impression quand même que le tableau, comparé à la guerre froide, c'est un peu inversé qu'à Migrant,
03:43puisque à l'époque de la guerre froide, les Européens misaient sur leur dissuasion nucléaire par peur de la puissance de l'armée conventionnelle soviétique,
03:53des tanks, les fameux chars russes, aujourd'hui on a l'impression que c'est un peu le contraire.
03:57Quand on voit les Russes à l'œuvre en Ukraine, on se dit qu'une coalition des armées conventionnelles européennes viendrait assez facilement à bout, sans doute, de l'armée conventionnelle russe.
04:07Qu'est-ce que vous en pensez ?
04:09Le déséquilibre de la guerre froide, c'est en partie inversé.
04:15Les occidentaux sont dominants dans le champ des armes conventionnelles, et la Russie est à la peine par certains côtés en Ukraine.
04:26Aujourd'hui, elle n'a pas réussi à conquérir l'Ukraine comme elle l'entendait au début de la guerre.
04:34En revanche, elle s'appuie largement sur sa puissance nucléaire pour contrebalancer cet effet, pour faire peur à l'Occident,
04:45et en menant une rhétorique nucléaire un peu inquiétante, dans la mesure où elle dit au fond, moi je peux envahir mes voisins parce que je suis une puissance nucléaire.
04:56Ça me donne cette liberté.
04:58Mais est-ce que finalement, le calcul qui est fait aujourd'hui par les dirigeants européens, c'est pas de se dire que l'option nucléaire redevient acceptable,
05:06dans la mesure où l'on n'est pas certain qu'avoir un allié nucléaire, en l'occurrence les Etats-Unis, vous protège de l'invasion d'un adversaire qui lui aussi est nucléaire ?
05:15La phrase de Donald Tusk ce week-end, je vous la cite, il parle de l'armement nucléaire en disant que c'est une course à la sécurité, non pas à la guerre.
05:24Là-dessus, il a tout à fait raison. L'objet de la dissuasion nucléaire depuis 1945 a été plutôt d'empêcher les guerres que de les faciliter.
05:32Et donc c'est une arme de non-emploi, comme dit la doctrine traditionnelle française.
05:38Donc on est dans quelque chose où il s'agit par la dissuasion de garantir la sécurité du continent européen.
05:46Ce qui est nouveau, c'est que des pays comme la Pologne cherchent quel est le modèle alternatif.
05:52Est-ce que c'est de garder la dissuasion énergie américaine ? C'est ce que souhaitent la plupart des pays européens.
05:59Est-ce que c'est de nouer en plus des liens avec la France et le Royaume-Uni comme une sorte de deuxième assurance vie ?
06:08Ou est-ce que c'est même, et Donald Tusk y fait référence, un petit peu en biais, l'idée d'un programme nucléaire autonome d'un pays comme la Pologne ?
06:19Cette troisième option paraît aujourd'hui très éloignée parce qu'elle est techniquement à la fois difficile et très coûteuse.
06:27Mais le fait que des pays évoquent l'hypothèse d'un programme nucléaire national est en soi une nouveauté assez radicale.
06:34En réalité, pas depuis la fin de la guerre française, mais depuis les années 60.
06:37Merci beaucoup Camille. Grande volumière ce matin sur Europe 1.
06:40Je rappelle que vous êtes Distinguished Policy Fellow à l'European Council on Foreign Relations, think tank européen.
06:46Merci d'être venu ce matin sur Europe 1. Bonne journée à vous.

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