L'historien militaire et docteur en sciences-politiques Vincent Arbaretier à propos de la menace russe : «L'essentiel, c'est l'esprit de défense»
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00:00il peut y avoir plusieurs menaces, c'est ce qu'on a connu à certaines époques.
00:03Il y avait des menaces terroristes, par exemple j'étais en Allemagne au cours des premières années de carrière,
00:08il y avait la menace de la bande abadère, qui d'ailleurs faisait de nombreux morts,
00:13et qui était prise très au sérieux par les autorités allemandes,
00:15et puis il y avait cette menace imminente d'une invasion soviétique du Pacte de Varsovie,
00:20contre laquelle on s'entraînait avec nos camarades allemands, britanniques et américains.
00:24Alors évidemment, l'ennemi russe c'est un ennemi, je dirais, presque traditionnel,
00:31quand on préparait les concours, école d'état-majeur, école de guerre,
00:35c'était l'ennemi qu'on apprenait à connaître.
00:38Alors même s'il a évolué depuis, puisque les moyens ont évolué,
00:42dans l'Europe, pour les européens que nous sommes, au-delà des français,
00:47c'est un ennemi qui, pour reprendre les mots du général de Gaulle,
00:51pouvait camper à deux étapes du Tour de France,
00:54contre lequel on devait se prémunir.
00:56Et comment on s'en prémunissait à l'époque ?
00:58On avait des effectifs bien plus nombreux qu'aujourd'hui,
01:00puisqu'on avait le service national, nous avions 45 000 hommes en Allemagne,
01:03le deuxième corps d'armée, 45 000 hommes c'est beaucoup,
01:06puisque c'est aujourd'hui l'équivalent de ce que la France pourrait aligner,
01:10et même beaucoup plus que ce que la France pourrait aligner,
01:13même si aujourd'hui ce sont des soldats professionnels.
01:16À l'époque c'était des appelés qu'on renouvelait tous les ans,
01:19et l'armée française n'était pas intégrée dans le commandement de l'OTAN,
01:23elle était en troupe supplémentaire,
01:26en troupe que les Américains et les Allemands n'avaient pas intégrée dans le dispositif,
01:32mais qui était censée combattre trois jours, pas plus,
01:35et au bout de ces trois jours on avait la frappe nucléaire tactique.
01:39Alors on n'a plus dans la dissuasion nucléaire,
01:42c'est une partie de la dissuasion nucléaire qui a disparu avec les dividendes de la paix,
01:47ça ne veut pas dire qu'ils ont complètement disparu,
01:49ils ont été mis dans des dépôts, il faudra tout réactiver,
01:51et aujourd'hui la France et l'Europe en particulier,
01:55parce que les autres Européens ont fait comme nous,
01:58ils ont diminué leurs forces, ils ont suspendu le service national à plus ou moins long terme,
02:03les Allemands ne l'ont fait qu'en 2011, nous c'était en 1996,
02:06aujourd'hui les Européens se retrouvent un peu démunis en moyens matériels,
02:10mais ça ce n'est pas grave parce qu'on peut fabriquer plus ou moins vite,
02:14ou acquérir ailleurs ce qu'il nous manque,
02:16mais je pense que l'essentiel, et d'ailleurs le Président a parlé de patriotisme,
02:21de patriotes, l'essentiel c'est l'esprit de défense,
02:24et l'esprit de défense, le grand avantage que je voyais
02:28dans ces quatre ans que j'ai passé en Allemagne à l'époque du service militaire,
02:32c'est qu'on avait des Français qui faisaient cohésion dans un régiment,
02:39même s'il y avait des gens qui échappaient au service,
02:42qui cherchaient à y échapper, il y avait quand même un mélange social,
02:45un mélange géographique, qui était bon pour la cohésion de la société,
02:49et on apprenait en un an, les soldats n'étaient pas des super professionnels,
02:55mais ils savaient se battre, ils savaient tirer, ils étaient rustiques,
03:00en Allemagne il faisait froid, même il y avait des antillais
03:05qui venaient en hiver de Guadeloupe, on leur apprenait,
03:08ils voyaient la neige pour la première fois, à planter des tentes dans la neige,
03:13et puis voilà, on manœuvrait dans des conditions difficiles.
03:17Donc tout cela avait le mérite de rendre la société plus cohérente,
03:22et du coup ces soldats devenaient des réservistes.