• avant-hier
Ovidie signe la deuxième saison de sa série « Des gens bien ordinaires ». Après ses débuts de comédien dans le cinéma porno, son héros ncarné par Jérémy Gillet se met à la réalisation. Une saison encore plus autobiographique, aux allures de comédie romantique. Les épisodes sont disponibles sur la plateforme MyCanal.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Ovidie, des gens bien ordinaires, en fait ce sont les hommes et les femmes qui
00:05sont comédiens, comédiennes de cinéma porno, souvent stigmatisés comme vous avez pu le
00:11vivre personnellement.
00:12Alors la série suit Romain, jeune étudiant en sociologie, fils de parents enseignants
00:18qui comme vous, en gros à l'âge de 18 ans, décident essentiellement pour des raisons
00:22politiques de se lancer dans le cinéma porno.
00:25La première saison racontait ses débuts de comédien et la deuxième saison raconte
00:29un an plus tard ses débuts de réalisateur et débute par une interview de vous extrait.
00:34Réaliser son premier film c'est une chance formidable mais n'est-ce pas en même temps
00:38un pari très risqué ?
00:39Il y a énormément de gens qui m'attendent au tournant, beaucoup de gens dans le milieu
00:43en ont parlé, beaucoup de gens ont été jaloux aussi parce que tout le monde n'a pas la chance
00:48que j'ai eue.
00:49Pourquoi mettre cet extrait de cette interview ? Est-ce qu'on est en 2000, 2001 ?
00:53On est en 99 ou 2000, 2000 puisque mon premier film j'ai réalisé en 2000, il y a 25 ans
00:58et je suis un bébé cadhomme en fait quand je revois ces images.
01:03J'étais retombée sur cet archive pendant la période où j'étais en montage de la
01:08saison 2 et je me suis dit c'est quand même marrant, je ne l'ai pas fait du tout sur la
01:13saison 1.
01:14J'ai pris pas mal de distance avec le personnage principal quand on me disait alors Romain
01:17c'est vous.
01:18Non, ce n'est pas exactement moi, c'est un personnage fictif, il y a des choses qui sont
01:22inspirées du réel, il y a des choses qui sont inspirées de ma propre expérience, de
01:25choses que j'ai pu observer.
01:26Donc Romain ce n'est pas complètement moi non plus.
01:28Mais malgré tout, quand je suis retombée là-dessus, je me suis dit que cette archive
01:32elle vaut son pesant de cacahuètes, on va quand même la mettre en intro de l'épisode
01:361 de la deuxième saison.
01:37Et donc on est d'accord que c'est la deuxième saison, c'est un peu votre histoire, celle
01:40de Romain qui décide d'essayer de révolutionner le cinéma porno.
01:45Qui décide de devenir réalisateur et qui évidemment va se casser les dents parce qu'il
01:49va y avoir une dialectique entre sa volonté d'auteur et puis les réalités des conditions
01:54de production en fin de compte.
01:56Donc il va réaliser un premier film qui va singer le cinéma et qui va être absolument
02:00nul, tout comme ça m'est arrivé aussi.
02:03Mes premiers films étaient juste minables.
02:05Et puis après, il va essayer de faire du cinéma politique avec des prises de décision
02:09à main levée sur le tournage, un peu comme avait pu le faire Godard en son temps.
02:12Et puis évidemment, ça ne marche pas.
02:14Si ça n'a pas marché avec Godard, ça ne va pas marcher avec le personnage de Romain
02:17dans « Des gens bien d'ordinaire ».
02:18En fait, c'est un essai voué à l'échec que vous démontrez et que vous dites un petit
02:24peu dans la série.
02:25Quelque chose de touchant dans l'acharnement à vouloir absolument quand même changer
02:29les choses quand on a 20 piges et d'échouer, mais de continuer et s'obstiner.
02:34Moi, je trouve qu'il y a quelque chose de beau là-dedans.
02:36Alors, je parlais de stigmatisation.
02:39Comme vous, il est victime de stigmatisation, par exemple, ses voisins qui viennent sonner
02:47à sa porte en lui disant « Viens, on va faire un plan A3 », c'est des choses qui
02:53vous sont arrivées, par exemple ?
02:54Comme s'il était complètement disponible à partir du moment où on l'avait vu sur
02:57un écran.
02:58Finalement, il appartient à l'ensemble de la communauté.
03:01Il y a quelque chose de cet ordre-là.
03:02Oui, je pense que ça m'est arrivé il y a bien longtemps, il y a plus de 20 ans, mais
03:07oui, ça m'est arrivé déjà qu'on vienne sonner à ma porte en se disant « Oui, tiens,
03:11ma foi, il y a une disponibilité de corps, allons-y ».
03:14Non, en fait, il n'y a pas de disponibilité.
03:16Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Dans quel espace mental et où vous pouvez
03:21imaginer qu'il y aurait une quelconque disponibilité, en fait, et qu'on partirait
03:25avec un inconnu ou une inconnue ? Et oui, c'est déjà arrivé.
03:28Et l'estimatisation également, par exemple, le banquier qui ferme le compte en banque
03:34ou la propriétaire qui menace d'expulser Romain, c'est pareil ?
03:39Ce ne sont pas des choses qui me sont arrivées à moi, c'est des choses que j'ai pu observer.
03:42C'est pour ça que je dis que c'est une série qui est quand même une série de fiction,
03:47mais il y a quelque chose de l'ordre du point de vue situé, en fait, plus que de l'autobiographie,
03:52c'est-à-dire que c'est quelque chose que j'ai pu observer vraiment de l'intérieur
03:55et expérimenter moi-même.
03:56Mais là, par exemple, le coup du banquier qui ferme, qui tout à coup se découvre une
04:01éthique, comme si les banques avaient une éthique, et décide de fermer le compte des
04:05travailleurs de sexe, ça, c'est des choses qui m'ont été rapportées par pas mal de
04:08personnes.
04:09Est-ce que je peux vous dire que cette deuxième saison m'a fait penser plutôt, en fait,
04:13malgré tout, parce qu'il n'y a aucune scène de sexe dans cette série qui parle
04:17d'acteurs pornos, ça m'a fait penser à une rom-com.
04:20Finalement, vous parlez même de maternité.
04:23Oui, il y a quelque chose de l'ordre de la rom-com, mais aussi parce qu'en fait, ce
04:26sont des gens, c'est pour ça qu'ils sont bien ordinaires aussi, c'est qu'ils sont
04:28des gens qui tombent aussi amoureux, qui ont des amitiés, qui ont d'autres préoccupations
04:32dans la vie finalement que ce qui se passe sur les tournages.
04:34Et c'est vrai que la saison une et la saison deux, finalement, on a quand même réussi
04:37cette performance de parler en toile de fond de porno, parce qu'en fait, c'est pas ça
04:42le sujet de la série. En fin de compte, c'est pas tant le porno que ça, mais de parler
04:46de porno en toile de fond sans qu'il y ait un plan de nudité, sans qu'il y ait de
04:48sexualité, sans qu'il n'y ait pas de cul représenté à l'écran, quoi.
04:53Mais il y a une forme d'ironie et d'humour que vous avez derrière la caméra
04:57lorsque vous montrez deux acteurs pornos hors champ qui sont en train de tomber
05:02amoureux l'un de l'autre et qui, d'ailleurs, n'arrivent même pas à s'embrasser.
05:05Bah oui, parce que c'est ça la vraie vie.
05:07En fin de compte, c'est des gens qui se regardent, qui ne savent pas trop.
05:10Est-ce que j'ai le droit de l'embrasser? Est-ce que je n'ai pas le droit?
05:12Est-ce que j'y vais? Et puis, qui vivent les mêmes émois que nous tous, en fait.
05:16Alors, votre vrai double, je crois néanmoins dans la série, c'est pas Romain.
05:20C'est pas qui est incarné magnifiquement par cette androgyne de Jérémie Gillet,
05:24et qui, comme vous le dites, est complètement asexué.
05:26Non, la vraie double, c'est Sophie Marie Laroui qui incarne André.
05:32Alors, elle, c'est une vraie ouvrière du sexe.
05:34On peut dire ça comme ça.
05:35Elle en parle comme si elle allait à l'usine.
05:39Oui, c'est ça. André, c'est un personnage qui
05:42connaît une évolution quand même entre les deux saisons.
05:44Au début, c'est vraiment...
05:46Du coup, c'est dans un monde inversé.
05:47Donc, elle joue finalement l'équivalent d'un acteur homme, quoi.
05:50Et elle joue le rôle de l'acteur bas du front avec une gourmette.
05:54Enfin, voilà, c'était un peu ça, quand même, la référence au début.
05:57Et puis, en fin de compte, il y a cette espèce de colocation à trois qui fait que
06:01ce genre de personne, en fait, Romain, dans la vraie vie,
06:03n'aurait jamais été ami avec ce genre de personne.
06:05Ce n'est pas son milieu social.
06:06Ce n'est pas son milieu intello. Ce n'est pas son milieu militant.
06:09Mais malgré tout, ce métier, finalement,
06:12qui regroupe plein de gens de plein d'horizons différents,
06:15a permis cette amitié.
06:16Et donc, ils se retrouvent à vivre tous les trois.
06:18Et c'est vrai que c'est le bon pote.
06:20Sophie-Marie Laroui, le personnage d'André, c'est genre le Bud Spencer
06:23qui fout des tartes
06:25si vraiment on a un souci et qui nous défendra à la vie, à la mort.
06:28C'est vraiment le bon pote.
06:29Mais en quoi elle vous ressemble ?
06:30Elle est décomplexée du, j'allais dire, du sexe.
06:33Ah, vous trouvez qu'elle me ressemble ?
06:34Ouais.
06:34Ah, c'est marrant.
06:35Dans l'esprit, bah oui.
06:37Moi, je me voyais moins bourrine que ça, moi.
06:41Ça vous choque ?
06:43Ah non, je trouve ça étonnant parce que, non, je...
06:46Finalement, on est très amies dans la vraie vie avec Sophie-Marie
06:50et on a plutôt cette image de...
06:54Ouais, non, non, non.
06:55Ah, c'est marrant que...
06:57En l'écrivant ce personnage, jamais je me suis dit, tiens, ça pourrait être moi.
07:01En revanche, je me suis dit plein de fois, ça pourrait être ma pote.
07:03Ça, c'est sûr.
07:05Alors, comme pour la première saison, ce sont les femmes qui portent la culotte.
07:08Là, vous avez réussi quand même à avoir un joli casting avec Corinne Masiero
07:13dans le rôle d'une ancienne réalisatrice de X et Judith Godrech,
07:16un effroyable photographe de mode.
07:18Elles ont dit tout de suite oui.
07:20Qu'est-ce qu'il faut pour leur faire accepter des rôles pareils ?
07:24Ah oui, tout de suite, ouais.
07:26Vraiment, il n'y a pas eu de tractation, de négociation.
07:28Non, non, elles ont été, enfin, et vraiment, je les remercie, quoi.
07:32Je les remercie, je les remercie parce qu'elles ont dit oui tout de suite,
07:35sans hésitation.
07:36Et pourquoi vous avez pensé à elle ?
07:39Parce que je trouvais ça ironique, vu...
07:44Je trouvais ça, en fait, je trouve ça intéressant, par exemple,
07:47en ce qui concerne Judith, de la mettre dans la peau de ce mec
07:51potentiellement harceleur, libidineux, abuseur de jeunes garçons
07:58dans l'histoire.
08:00Je trouvais que c'était une forme de revanche, finalement.
08:03Donc, je trouvais ça chouette.
08:04Et au début, on a eu, avec le directeur de casse, on s'est dit
08:07est-ce qu'elle risque de le prendre mal ?
08:09Et non, elle a dit oui tout de suite.
08:10Enfin, moi, je suis vraiment très heureuse de l'avoir dans la série.
08:13Et Corinne, Corinne Magistral, Corinne en rôle d'ancienne réalisatrice,
08:18mais en rôle de sorcière aussi autour du feu.
08:24Elle est incroyable. Et oui, non, il n'y a pas eu...
08:26En fait, c'est une série où les gens ne sont pas venus pour la thune, clairement.
08:32Donc, c'est vraiment une série où les gens sont venus au coup de cœur
08:34parce qu'ils aimaient bien le scénar, parce que, je ne sais pas,
08:37peut-être qu'ils me trouvent sympa, j'en sais rien.
08:39Mais parce qu'on partage des combats communs avec Corinne, c'est le cas aussi.
08:44Que ce soit Corinne ou Judith, c'est...
08:47Non, non, non, j'ai pas eu besoin de faire de pieds et de mains.
08:48Il n'y a pas eu besoin de passer par tous les agents, être les intrigants.
08:54Non, il n'y a pas eu besoin de tout ça.
08:55La série se déroule en 2000.
08:58C'est presque un...
09:00C'est pas un âge d'or, mais c'est une période assez importante pour vous,
09:04selon vous, dans l'industrie du X.
09:06C'est pour ça que vous avez voulu
09:08situer la série dans cette période-là ?
09:11En fait, c'est une période où il se passe quand même pas mal de choses.
09:13Il y a eu, à ce moment-là, ce qu'on a appelé le porno chic,
09:15c'est-à-dire dans le milieu de la mode, il y avait une profusion d'images
09:19explicites récupérées par...
09:22Enfin, on voyait dans plein de campagnes de pub.
09:23C'est une période aussi bizarre où on injectait plein de scènes explicites
09:26dans le cinéma aussi, cette période-là, 2000, 2001.
09:29Et c'est aussi la période où arrive le Loft, Love Story.
09:34Et qui, quelque part,
09:38crée une inquiétude dans le milieu de la pornographie à ce moment-là,
09:42parce qu'il y a plein de gens qui sont en train de nous piquer notre métier,
09:44en fin de compte.
09:45Et finalement,
09:48ça a été le début de quelque chose, le début d'une nouvelle ère.
09:50C'est-à-dire, c'était la fin d'une industrie
09:53et en même temps, c'était le début de la téléréalité.
09:56Je trouve que historiquement, ça raconte un truc, en fait.
09:58C'est assez intéressant.
09:59La série est assez intéressante, d'ailleurs, pour le sujet,
10:02pour le sujet.
10:05Merci, Ovidie.
10:06Merci.

Recommandations