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  • 06/03/2025
Le chercheur au centre d'histoire de Sciences Po, spécialiste de l’Europe et l'Officier général de l’armée de l’air et de l’espace étaient les les invités du "8h30 franceinfo", jeudi 6 mars 2025.

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Transcription
00:00Bonjour Sylvain Canne, spécialiste de l'Europe. Bonjour général Jean-Marc Vigilant, officier général de l'armée de l'air et de l'espace.
00:17Merci à tous les deux d'être présents ce matin sur France Info pour nous aider à comprendre ce qui se joue après l'allocution du président de la République hier soir,
00:25un Emmanuel Macron solennel, grave, qui a mis en garde les Français contre la menace russe.
00:32Si un pays peut envahir impunément son voisin en Europe, alors personne ne peut plus être sûr de rien et c'est la loi du plus fort qui s'applique au-delà de l'Ukraine.
00:41La menace russe est là et touche les pays d'Europe, nous touche.
00:48C'est la première fois qu'un président de la République dit en direct à la télé aux Français qu'un pays est en train de nous menacer, Jean-Marc Vigilant ?
00:56Alors c'est la première fois dans la période récente mais en tout cas c'est vrai, c'est-à-dire que la Russie a une attitude très agressive vis-à-vis de la France et pas uniquement de l'Ukraine.
01:05En Ukraine c'est une agression armée et visible mais la Russie s'attaque à notre pays depuis maintenant plusieurs années par des stratégies hybrides,
01:13c'est-à-dire des actions agressives sous le seuil de détection, sous le seuil de compréhension mais aussi sous le seuil de réaction.
01:20Qu'est-ce que ça veut dire ?
01:21Ça veut dire que lorsque la Russie fait des attaques cybernétiques contre nos installations, c'est pour en même temps soutenir des attaques informationnelles,
01:30faire des ingérences dans les élections du président Macron il y a déjà quelques années mais aussi chez certains de nos voisins.
01:36C'est également de mettre de l'huile sur des fractures qui existent au sein de la société française, problèmes au Moyen-Orient et l'affaire des mains rouges sur des monuments
01:49pour monter les pro-palestiniens contre les pro-israéliens dans notre pays.
01:53Donc tout ça ce sont des actions qui visent à affaiblir l'État français.
01:56Donc la menace que c'est là ?
01:57Avec des chiffres en plus là pour le coup parce qu'il y a la menace hybride et puis il y a une menace qu'il a chiffrée hier soir le président de la République,
02:041,5 million d'hommes, 40% du budget consacré à la défense.
02:08Qui peut imaginer que la Russie puisse s'arrêter là ? C'est ça aussi là, c'est encore plus concret ça.
02:14De toute façon quand un pays, d'ailleurs il y a une corrélation directe entre la consommation en acier dans un pays pour construire en général de l'armement,
02:23et bien quand on construit de l'armement en masse et quand on recrute des soldats en masse, c'est pour à un moment donné s'en servir.
02:29La question se pose beaucoup pour ceux qui nous écoutent, ils disent si la Russie s'arme c'est pour se servir de ses armes, si nous on s'arme c'est aussi pour s'en servir ?
02:39En tout cas ce qui est sûr c'est que la meilleure façon de prévenir la guerre c'est de s'y préparer.
02:43La faiblesse est provocatrice, donc si on veut empêcher un régime autoritaire de contester ce que nous sommes,
02:50ou de remettre en cause notre pays et nos valeurs, et bien il faut être prêt à les défendre et il faut que ça se voie.
02:56Donc il faut être absolument convaincu que si on doit aller jusqu'au bout, on ira jusqu'au bout.
03:00Il faut en tout cas qu'on arrive à véhiculer ce message vers de potentiels adversaires.
03:04Sylvain Khan, le président de la République a été clair hier, il y a une menace et elle est russe,
03:08est-ce qu'il a été aussi direct parce qu'il voulait que les français prennent conscience du risque, du danger à venir ?
03:14C'est clair qu'hier il a fait un discours politique, c'est normal il est président de la République,
03:18et en effet il a mis l'accent sur la menace russe puisqu'il a dit la Russie ne s'arrêtera pas à l'Ukraine,
03:25c'est une manière de dire qu'elle va ensuite continuer à s'attaquer potentiellement à l'Union européenne,
03:32aux territoires européens, donc aux territoires français potentiellement.
03:35Ce n'est pas complètement nouveau, ça fait ce discours.
03:39Pour ne rien vous cacher, moi je m'attendais à un discours beaucoup plus alertant sur l'alliance atlantique,
03:48parce qu'en fait depuis l'invasion à grande échelle de la Russie par l'Ukraine,
03:53il y a trois ans maintenant puisque c'était le 24 février 2022,
03:56on a bien compris, y compris de la part du président de la République et de l'ensemble des dirigeants politiques européens,
04:03à quelques exceptions près, que l'agression de l'Ukraine menace l'Union européenne et les Européens.
04:11Par contre le grand changement qu'il y a depuis le 20 janvier 2025, c'est un tournant totalement historique,
04:17puisque je suis preuve d'histoire, à savoir qu'il y a maintenant, pour les Etats-Unis,
04:22l'Europe manifestement en ce moment n'est plus une alliée.
04:26Les Américains, le gouvernement actuel, ne considèrent plus les Européens comme leurs alliés.
04:31Donc c'est la fin d'une période de 80 années et maintenant on a un axe Trump-Poutine qu'on a vu très concrètement à l'ONU.
04:39Alors justement sur l'OTAN, l'organisation de l'OTAN, nous sommes attachés à l'OTAN, mais il faut nous faire plus,
04:50dit Emmanuel Macron, Jean-Marc Vigilant, vous êtes passé par l'OTAN en vous.
04:54Vous avez occupé des postes de commandement dans l'OTAN, les Etats-Unis ont un poids plus important que les Européens ?
05:00Alors d'abord je voudrais bien clarifier les choses, parce qu'on utilise très souvent indépendamment,
05:05ou indifféremment plus exactement, les mots Alliance Atlantique, OTAN, Etats-Unis.
05:09L'Alliance Atlantique a été créée en vertu d'un traité en 1949 pour assembler 12 pays au départ, 32 aujourd'hui,
05:16qui considèrent que si l'un d'entre eux est attaqué, tous sont attaqués et donc ils se doivent mutuer l'assistance.
05:21L'OTAN est une organisation qui a été créée au moment de la guerre de Corée,
05:25lorsque les pays se sont rendus compte que pour des opérations militaires multinationales,
05:30il était très difficile de construire un commandement quand la guerre avait déjà commencé.
05:34Donc les Alliés ont décidé de créer ce commandement dès le temps de paix.
05:37Et cette organisation du traité de l'Atlantique, ce sont des bâtiments, du personnel, des infrastructures,
05:43des systèmes de communication et des processus qui sont déjà en place.
05:47Mais les armées en fait appartiennent à chacun des Etats ?
05:50L'OTAN n'a pas de forces militaires, les forces militaires sont fournies par les Etats.
05:54Et très souvent on considère que l'OTAN ce sont les Etats-Unis, et je peux vous dire,
05:58les Etats-Unis ne connaissent pas l'OTAN, pas les spécialistes mais la population américaine,
06:03et ils n'en ont pas besoin, parce que l'organisation de défense des Etats-Unis est bien plus grande que l'OTAN.
06:09Mais l'OTAN, l'organisation que vous nous décrivez, elle peut fonctionner sans l'armée américaine ?
06:15Si on doit faire une guerre majeure, c'est vrai que l'Allié américain a un poids essentiel
06:21parce qu'il a des forces militaires en grand nombre.
06:23Maintenant, la plus-value de cette organisation permanente, c'est de fournir ce qu'on appelle l'interopérabilité.
06:30Donc des standards, des processus qui font que les forces militaires des différents pays peuvent travailler ensemble.
06:35Les équipements fonctionnent ensemble, les hommes et les femmes se connaissent, savent comment opérer ensemble.
06:40Et en fait, cet OTAN rassemble, certes des Américains, mais surtout une trentaine d'alliés européens,
06:47plus les Turcs et les Canadiens.
06:49Donc en fait, est-ce qu'on peut s'en sortir seul ? C'est la question, parce qu'on voit bien,
06:52effectivement c'est ce que disait Sylvain Kahn, les Etats-Unis sont en train de s'éloigner.
06:56Donc est-ce qu'on peut s'en sortir seul ?
06:58Je pense que oui, c'est-à-dire qu'instantanément, on ne sera peut-être pas capable de gagner une guerre mondiale tout seul.
07:03Mais en tout cas, cette organisation doit être le fondement de la construction de systèmes de commandement européens
07:09beaucoup plus autonomes.
07:11D'un point de vue historique, Sylvain Kahn, centre d'histoire de Sciences Po,
07:15ce serait quelque chose d'absolument cataclysmique de voir les Etats-Unis se retirer de l'OTAN.
07:22C'est envisageable ça ?
07:24De toute façon, j'ai envie de dire, on n'a pas le choix.
07:26Si les Américains, comme ils semblent l'indiquer depuis le 20 janvier 2025,
07:30décident de dire, c'est ce qu'a dit le secrétaire d'Etat à la Défense,
07:34c'est-à-dire le ministre américain de la Défense a dit le 12 février,
07:37tout en disant que l'OTAN c'est important, il faut continuer.
07:39Mais quand même, il ne faudrait pas que les Européens imaginent qu'on va garantir leur défense éternellement.
07:44Alors là, toutes les lumières se sont allumées, j'imagine, dans tous les états-majors et dans tous les centres de recherche.
07:50On s'est dit, oups, les Américains sont en train de lâcher les Européens.
07:52On s'est même demandé si Donald Trump n'allait pas l'annoncer au cours de son discours au Congrès d'hier matin.
07:56En même temps, évidemment, Donald Trump, vu la politique qu'il est en train de mener,
08:00il n'a aucun intérêt à sortir de l'ambiguïté.
08:03D'ailleurs, on voit bien, ça met les Européens en insécurité, ils se demandent.
08:06Alors moi, je crois que c'est important, mais le général le confirmera ou pas.
08:10Ce qui me paraît important, c'est de ne pas se lever tous les matins en se demandant,
08:14oulala, qu'est-ce que Donald Trump a dit hier, qu'est-ce qu'il a dit cette nuit,
08:18et de prendre une décision et un cap.
08:20Et ce cap, effectivement, c'est d'être autonome pour la défense européenne,
08:24sachant que pendant 80 ans, cette défense européenne, c'était l'OTAN.
08:27Alors, je ne peux que confirmer, il faut arrêter de réagir à ce que dit Trump.
08:31En fait, il ne faut pas écouter ce qu'il dit, il faut regarder ce qu'il fait.
08:34Et surtout, il ne faut pas attendre de voir ce qu'il fait pour nous, nous positionner et faire des choses.
08:38En fait, sur l'OTAN, effectivement, il avait déjà annoncé à son premier mandat,
08:44il avait été tenté d'annoncer qu'il allait s'en sortir, de nous menacer en quelque sorte.
08:48Il avait été retenu par...
08:50Il a appelé les pays européens à contribuer plus, effectivement.
08:52Oui, mais cet appel qu'il nous donne, Robert Gates, sous l'administration Obama en 2011,
08:56avait fait exactement le même appel, de façon plus polie,
08:59mais en disant que l'Amérique arrêtera d'accepter que des passagers clandestins
09:03profitent des subsides américains pour leur sécurité.
09:06Donc, il n'y a rien de nouveau.
09:08Ensuite, en termes d'alliance atlantique, les Américains ne vont pas se retirer de l'organisation.
09:12Pourquoi ? Parce que ce fameux article 5, qui est érigé comme un totem par les Européens,
09:17en fait, n'est pas très engageant.
09:19Il faut d'abord qu'il y ait l'unanimité des pays, de l'alliance,
09:21pour qu'on déclare la mise en oeuvre de cet article.
09:24Et que dit l'article ?
09:25L'article dit que si un pays est attaqué, tous sont attaqués,
09:28et que chacun... Enfin, nous devons mutuer l'assistance,
09:31mais chaque pays décidera de la forme de cette assistance.
09:35Il n'y a pas une obligation d'engager une action armée.
09:38Et ça, alors que c'est le cas dans l'article 42.7 du traité de l'Union européenne.
09:42Dans la clause de défense et de solidarité de l'Union européenne,
09:45c'est écrit que si un pays est attaqué dans l'Union européenne,
09:48les autres doivent mettre tous les moyens en oeuvre,
09:50y compris la force militaire, pour lui porter assistance.
09:53Alors tout cela, ça coûte beaucoup, beaucoup d'argent.
09:55Et d'ailleurs, à ce propos, à l'instant, Sébastien Lecornu,
09:57le ministre des armées chez nos confrères de France Inter,
09:59disait que pour atteindre les objectifs qui ont été définis hier soir par le président,
10:05notre armée, je le cite, pourrait atteindre un poids de forme convenable,
10:10c'est son expression, un poids de forme convenable,
10:12autour de 90 milliards d'euros par an.
10:1690 milliards contre 50 milliards actuellement.
10:18On parle d'un quasi-doublement.
10:20C'est possible, ça ?
10:22En tout cas, ce que je pense, c'est que le budget de la défense,
10:27ce sera toujours moins cher que d'avoir un pays qui est détruit.
10:30Voilà.
10:31C'est radical comme mot, effectivement.
10:33Et ensuite, effectivement, la défense, elle n'est pas que militaire,
10:38elle est nationale.
10:39Et pour qu'un pays puisse résister, et les Ukrainiens nous le montrent bien,
10:41cela dépend de la force morale de ses citoyens.
10:44On va en parler aussi, mais d'un point de vue économique.
10:46D'un point de vue économique, ça veut dire que nous, citoyens français,
10:49quel que soit notre métier, quelle que soit notre fonction,
10:52nous devons être convaincus que nous devons travailler davantage,
10:56contribuer à la croissance économique du pays,
10:58pour générer la richesse qui permettra de nous doter de la défense dont nous avons besoin.
11:02Mais un doublement, un quasi-doublement du budget de la défense,
11:05de 50 milliards actuellement, à 90 milliards dans les prochaines années,
11:08dans l'histoire récente, c'est évidemment totalement inédit, Sylvain Canne.
11:11Dans l'histoire, disons, dans l'histoire très récente, oui,
11:14puisqu'il n'y avait pas besoin de faire un tel effort.
11:16Par contre, en temps de guerre, c'est des choses qui se sont déjà vues
11:18dans les années 30, par exemple.
11:20Bon, après, ce qu'il faut bien voir, c'est que c'est très intéressant
11:23le débat qu'il y a actuellement sur l'augmentation des crédits militaires
11:26dans tous les pays.
11:27Parce que là, on voit bien la stratégie, enfin, stratégie, ce n'est pas le bon mot,
11:30la tactique plutôt, du gouvernement et du président de la République,
11:33c'est effectivement de dire, de masquer, si j'ose dire,
11:37à l'échelle européenne, le déficit budgétaire de la France,
11:39qui est quand même un problème et une singularité en Europe,
11:42en disant, de toute façon, il faut qu'on augmente les dépenses militaires.
11:45Maintenant, il y a des experts, là aussi, je parle sous le contrôle
11:48du général Vigilant, il y a des experts qui disent,
11:51bon, mais la question, ce n'est pas tant de dépenser plus en Europe
11:55que de dépenser mieux.
11:57Parce que ce qu'a montré mon collègue Samuel Faure, par exemple,
11:59c'est que depuis 2014 et encore plus depuis 2022,
12:02il y a une augmentation sensible des dépenses militaires
12:05à l'échelle de l'Union européenne.
12:07Simplement, ce qui se passe, c'est que, on le voit très bien en Pologne,
12:09par exemple, qui est le pays qui a fait l'effort le plus important,
12:12ou Danemark, eh bien, ce qui se passe, c'est que ces dépenses,
12:15elles sont, si j'ose dire, faites nationalement,
12:18de manière non coordonnée.
12:20C'est ça, oui.
12:21Or, il n'est pas impossible du tout que,
12:24ça a été dit d'ailleurs tout à l'heure,
12:26les Européens sont déjà très forts,
12:28c'est schématiquement, si on agrège tout,
12:30la deuxième, entre guillemets, armée du monde.
12:32Donc, ce qui manque, c'est des problèmes de coordination,
12:36c'est qu'il y a des trous dans la raquette,
12:37il y a du matériel qui n'est fabriqué qu'aux Etats-Unis,
12:39qu'en Corée, qu'on doit acheter, vous voyez.
12:41Donc, ce n'est pas seulement une question d'augmentation des budgets nationaux,
12:44c'est peut-être aussi une manière de dépenser plus intelligemment
12:47à l'échelle européenne,
12:49mais ça, ça suppose de tordre le bras des industriels nationaux,
12:52type Dassault, ce qui n'est pas rien.
12:54Justement, l'état de notre armée nationale,
12:56et puis, effectivement, le rôle de chacun des Etats européens
12:59pour construire cette Europe de la défense,
13:01on en parlera juste après.
13:03Juste après, le fil info avec vous,
13:05Général Jean-Marc Vigilant, Sylvain Canne,
13:07chercheur au Centre d'Histoire de Sciences Po.
13:08On vous retrouve après le rappel des titres avec Maureen Suynard.
13:13Les 27 pays de l'Union européenne et Volodymyr Zelensky
13:16se retrouvent aujourd'hui à Bruxelles
13:18pour un sommet extraordinaire sur l'Ukraine
13:20au menu la question du renforcement de la défense européenne
13:23face à la menace de désengagement américain dans sa prise de parole.
13:27Hier soir, Emmanuel Macron a déjà annoncé
13:29des investissements supplémentaires
13:31pour renforcer les armées.
13:33Il promet que cela se fera sans augmentation des impôts.
13:36Les enquêteurs le considèrent comme le principal complice
13:39de l'évasion de Mohamed Hamra.
13:41Un homme de 32 ans doit être transféré d'Espagne vers la France.
13:44Aujourd'hui, il est soupçonné d'avoir tué
13:46deux surveillants pénitentiaires
13:48pendant l'évasion du narco-trafiquant en mai dernier.
13:51Près de 500 millions de bénéfices pour Air France l'année dernière.
13:54C'est un peu moins qu'en 2023.
13:56Les vacanciers ont évité les aéroports parisiens
13:58pendant les Jeux Olympiques.
14:00Mais ils ont aussi reporté leur voyage sur le quatrième trimestre
14:03qui a été exceptionnel.
14:05La compagnie aérienne se tourne aussi plus vers le luxe.
14:07Le PSG a cru marqué plusieurs fois.
14:09Mais c'est Liverpool qui s'impose.
14:11Défaite 1-0 des Parisiens au Parc des Princes
14:13au match allé des huitièmes de finale
14:15de la Ligue des champions de football.
14:17Le PSG peut encore se qualifier.
14:19Avec le match retour, ce sera mardi prochain.
14:29Et toujours avec Sylvain Canne, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po,
14:32spécialiste de l'Europe, le général Jean-Marc Vigilant,
14:34officier général de l'armée de l'air et de l'espace.
14:36On parlait de cette coordination indispensable
14:38entre les pays européens à l'heure du retrait américain
14:42et notamment face à cette menace russe évoquée par Emmanuel Macron.
14:46Vous parliez d'ailleurs de Dassault, c'est intéressant à ce sujet
14:49parce que Jean-Marc Vigilant est général de l'armée de l'air.
14:52Dassault fabrique des rafales.
14:54Le patron de Dassault hier s'exprimait
14:56à propos justement de la montée en puissance de cette industrie.
15:00Il dit qu'on est capable de le faire,
15:02mais il faut que nos partenaires européens
15:04acceptent d'acheter des avions européens,
15:06ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne notamment,
15:08qui achète des F-35 américains.
15:10C'est sûr que jusqu'à maintenant,
15:12nos alliés européens achetaient
15:14préférentiellement du matériel américain
15:16parce qu'ils achetaient une garantie de sécurité.
15:18Et il est forcé de constater qu'en Europe,
15:21les dépenses d'armement sont à 78%
15:24réalisées à l'extérieur de l'Union européenne
15:27et 63% de ce montant au profit des Américains.
15:30Comment on l'explique ça ?
15:32On l'explique parce que le marché de la défense
15:35n'est pas un marché commercial comme un autre.
15:37Il y a une très forte dimension politique
15:39et lorsqu'on achète de l'armement,
15:41on établit une relation stratégique avec le pays fournisseur.
15:44C'est pour ça que l'on est dans cette situation.
15:46Maintenant, quand les Français disent
15:48plus de défense européenne,
15:50plus d'industrie de défense européenne,
15:52comme nous avons une position dominante
15:54parce que nous avons une base industrielle
15:56et technologique de défense complète,
15:58nous faisons des avions de chasse,
16:00nous faisons des sous-marins nucléaires,
16:02nous faisons des chars de combat,
16:04les Européens comprennent acheter français.
16:06Et ils se disent, est-ce que je vais acheter français
16:08en espérant que les Français me défendent
16:10ou est-ce que je préfère acheter américain
16:12en espérant que les Américains me défendent,
16:14surtout quand on est sur la frontière Est.
16:16C'était leur raisonnement jusqu'à il y a une semaine.
16:18Maintenant, ils se rendent compte du problème
16:20et ce que l'on doit résoudre comme difficulté,
16:22ça a été évoqué tout à l'heure,
16:24c'est réduire le fractionnement de l'offre et de la demande,
16:26c'est faire de la consolidation.
16:28Le modèle, c'est Airbus,
16:30des champions européens qui vont être
16:32capables de faire la compétition
16:34au niveau mondial.
16:36Ensuite, il faut qu'on passe
16:38de cette compétition interne européenne,
16:40et c'est très difficile
16:42pour nos industriels français
16:44qui ont des savoir-faires excellents
16:46et qui se disent, si je m'associe
16:48à un autre industriel européen qui n'a pas ce savoir-faire
16:50mais qui va vouloir lui développer des compétences,
16:52je risque de perdre mon avantage compétitif.
16:54Il y a quand même un point, parce que
16:56je citais le patron de Dassault, il a dit quelque chose encore hier,
16:58il disait, je me réjouis de voir l'Allemagne vouloir investir massivement
17:00mais je me réjouirais encore plus
17:02si le prochain chancelier, Friedrich Merz,
17:04annulait les commandes
17:06de F-35 américains, c'est totalement
17:08impossible ça. Alors impossible, c'est un mot
17:10que j'ai enlevé de mon vocabulaire depuis 40 ans,
17:12parce que ça fait quand même beaucoup de choses impossibles qu'on voit arriver régulièrement.
17:14Maintenant, ce qui est vrai,
17:16c'est qu'un industriel comme Dassault
17:18demande des preuves d'amour, et donc s'il y avait
17:20un pays européen majeur
17:22qui lui commandait des rafales,
17:24et bien ça engagerait
17:26davantage les industriels français à coopérer
17:28avec des industries
17:30d'autres pays européens.
17:32Mais tout est question de volonté politique,
17:34les dirigeants européens se réunissent cet après-midi
17:36à Bruxelles pour parler justement
17:38de cette Europe de la défense,
17:40est-ce qu'il y a une unité
17:42aujourd'hui là-dessus ? Ou alors,
17:44est-ce qu'il y a des pays qui, je pense, pardon,
17:46à l'Italie de Giorgia Meloni,
17:48à la Hongrie de Viktor Orban,
17:50est-ce qu'il y a une fissure sur cette volonté de créer
17:52une Europe de la défense collective ?
17:54En tout cas, pour l'instant, il y a une convergence,
17:56c'est-à-dire que la situation
17:58disons, du fait que
18:00la nouvelle administration américaine ne considère plus les
18:02Européens comme les alliés des États-Unis,
18:04ça, tout le monde s'en est rendu compte.
18:06Le fait qu'il y a un axe Trump-Poutine,
18:08tous les Européens s'en sont rendus compte. Donc il y en a qui sont
18:10très déstabilisés, on va dire,
18:12très surpris, comme Giorgia Meloni,
18:14par exemple, parce que Giorgia Meloni, qui est à la tête
18:16d'un gouvernement droite,
18:18extrême droite, considère qu'elle est
18:20idéologiquement
18:22extrêmement proche du nouveau gouvernement américain,
18:24et par ailleurs,
18:26depuis très longtemps, l'extrême droite
18:28italienne est très atlantiste.
18:30Donc c'est un peu compliqué, parce que pour elle, il faut du coup
18:32choisir entre son
18:34allié politique américain, mais aussi
18:36celui qui, du point de vue de la diplomatie et de la
18:38défense, n'est plus son allié
18:40dans le cadre de la relation atlantique.
18:42Donc je pense que Meloni, elle ne va pas
18:44s'opposer à une Europe de la défense.
18:46Le seul, effectivement, qui est susceptible
18:48de le faire, c'est plutôt Viktor Orbán,
18:50parce que Viktor Orbán, le chef du gouvernement hongrois depuis
18:522010, a vraiment des positions
18:54qu'on va appeler pro-russe pour faire vite.
18:56Mais d'une part,
18:581 sur 27, ça suffit
19:00pas à enrayer la machine,
19:02et 2, dans le domaine de la défense,
19:04on est,
19:06disons, dans un domaine où
19:08la compétence est surtout du domaine
19:10des Etats.
19:12Il a dit comme ça hier soir, Emmanuel Macron, il a dit
19:14les Etats de l'Union...
19:16On peut faire les choses à 9, à 10, à 25,
19:18à 26. Mais il faut expliquer quand même l'effort
19:20qui est demandé aux Européens.
19:22Il y a un plan de 800 milliards qui a été mis sur la table.
19:24Il me regarde avec
19:26un peu de doute le général,
19:28mais 800 milliards d'euros sur la table,
19:30avec à l'intérieur 150 milliards
19:32de prêts, mais le reste,
19:34ce sont chacun des Etats,
19:36effectivement, qui vont devoir faire des efforts.
19:38Jean-Marc Vigilant.
19:40D'abord, nous sommes à un moment
19:42de changement d'air géopolitique.
19:44Le traumatisme que nous subissons
19:46aujourd'hui, c'est le niveau
19:48de la chute du mur de Berlin.
19:50C'est-à-dire qu'à l'envers.
19:52Et en fait,
19:54c'est une période porteuse
19:56de risques, mais quand il y a des risques, il y a des
19:58opportunités. Et pour moi, aujourd'hui,
20:00on a une page blanche qui nous appartient d'écrire
20:02pour que finalement, on fasse passer l'Union Européenne
20:04de l'enfance géostratégique
20:06au stade adulte.
20:08C'est-à-dire, vous évoquiez le mur de Berlin,
20:10mais puisqu'on a un historien sous la main,
20:12on avait des auditeurs et des Français
20:14qui étaient un peu déboussolés, qui ne comprenaient pas très bien
20:16cette expression « dividende de la paix »
20:18qui a été employée hier
20:20par le Président de la République. Elle fait référence
20:22directement à la chute du mur
20:24et à la chute de l'Union Soviétique, Sylvain Kahn.
20:26Sylvain Kahn. Les dividendes de la paix, en deux mots, ça veut dire
20:28que lorsque la guerre froide s'est terminée,
20:30du coup, les dirigeants
20:32européens de l'époque se sont dit « bon ben, c'est plus
20:34la peine d'investir, de dépenser autant
20:36dans la défense, puisque pendant la guerre froide,
20:38on était à 4-5% de dépenses militaires
20:40rapportées au PIB.
20:42La menace
20:44est beaucoup plus basse, donc c'est plus la peine de dépenser
20:46autant. » C'est ça que Laurent Fabius,
20:48à l'époque Président de l'Assemblée Nationale, avait appelé les dividendes
20:50de la paix pour dire « maintenant qu'on est en paix,
20:52on va pouvoir utiliser
20:54l'argent public pour moins
20:56pour la défense et plus pour autre chose. »
20:58Mais il faut bien voir que sur ce point, c'est un peu
21:00la clé. C'est-à-dire, qu'est-ce qui
21:02fait que les industries d'armement, si vous voulez, sont
21:04les industries d'armement ? C'est la commande publique.
21:06Effectivement, le général Vigilant le disait,
21:08c'est un marché très particulier,
21:10le marché de l'armement.
21:12Qui est-ce qui commande des armements ?
21:14C'est pas vous, moi,
21:16on ne va pas acheter comme ça.
21:18Il y a des gens qui achètent des galaschnikovs, mais en général,
21:20on ne va pas acheter un char d'assaut
21:22comme on va acheter une voiture chez un concessionnaire.
21:24Donc en fait, c'est des commandes publiques
21:26et qu'est-ce qui fait que des industriels,
21:28quel que soit leur cœur de métier,
21:30décident de se mettre à produire de l'armement ?
21:32C'est si la puissance publique,
21:34quelle qu'elle soit, s'engage sur 10 ans, sur 15 ans,
21:36sur 20 ans, à leur passer des commandes.
21:38Et donc,
21:40c'est ça, en fait, qui va faire levier.
21:42Est-ce que les dirigeants européens vont dire, cet après-midi,
21:44on demande, est-ce que d'ici
21:46à deux mois, on ait un véritable plan
21:48de commande publique européenne
21:50pour réarmer l'ensemble des Européens ?
21:52Auquel cas, ça va
21:54déclencher, de la part
21:56des industriels, une envie
21:58de se mettre à produire
22:00davantage et de manière coordonnée.
22:02On parle des industriels, là, ce matin, mais hier,
22:04quand Emmanuel Macron prend la parole, c'est pour
22:06rassurer les Français, quelque part,
22:08et leur tenir un discours de vérité.
22:10On avait, sur ce plateau, à votre place,
22:12en début de semaine, le ministre de l'Économie,
22:14Éric Lombard, qui disait que la France
22:16devait passer en économie de guerre.
22:18Économie de guerre, qu'est-ce que ça veut dire pour les Français
22:20qui nous écoutent, qui ont peur, qui se disent
22:22peut-être qu'on va être attaqué par les Russes demain,
22:24puisque le Président de la République l'a dit hier à la télé ?
22:26Comment, pour nous,
22:28cet effort va se traduire
22:30au quotidien ? Ça veut dire quoi,
22:32pour eux, les Français qui nous écoutent et qui nous regardent
22:34aujourd'hui ?
22:36L'économie de guerre, c'est un peu un slogan
22:38jusqu'à maintenant, parce qu'une véritable économie de guerre,
22:40on est à 6% de son PIB dédié,
22:42entre 6% et ça peut monter
22:44à 50% quand on est vraiment en guerre.
22:46Ça, c'est la Russie, en ce moment.
22:48En revanche, l'économie de guerre,
22:50concrètement, ce que ça veut dire, ça veut dire
22:52que chaque citoyen français
22:54doit être convaincu que
22:56dans son activité habituelle, par son
22:58travail, il va contribuer au renforcement
23:00de l'économie française et donc
23:02de la capacité de la France à se défendre.
23:04Donc, globalement...
23:06Pardon, ça doit faire partie des questions des Français.
23:08Moi, j'ai mis des années
23:10à mettre de l'argent de côté sur mon épargne.
23:12Est-ce que mon épargne privée peut être mobilisée
23:14pour la guerre ?
23:16Pour l'instant, non. En revanche,
23:18peut-être qu'il faut changer ses priorités,
23:20c'est-à-dire que plutôt que de mener des combats
23:22pour essayer de travailler moins longtemps,
23:24il faut travailler plus pour générer de la croissance
23:26en tant que pays.
23:28Le ministre de l'Économie, qui était à votre place
23:30avant-hier, disait qu'on ne toucherait pas
23:32aux dépenses sociales. Mais ça, c'est un autre débat
23:34qu'on ne va pas ouvrir avec vous maintenant.
23:36En tout cas, sur ce sujet,
23:38ce que je trouve très intéressant et même
23:40très rassainérant, c'est qu'on va enfin
23:42avoir un débat dans l'espace public,
23:44dans les médias,
23:46à l'Assemblée nationale,
23:48sur les priorités ou les choix qu'on a envie de faire.
23:50Et si on veut augmenter la défense,
23:52comment on s'y prend ?
23:54De même, pour l'arme nucléaire,
23:56ce phare de ma part,
23:58c'est quelque chose qui est une espèce d'évidence
24:00depuis la fin de la IVe République,
24:02qui a été installée en majesté
24:04par le président de Gaulle,
24:06et dont on ne discute jamais.
24:08Dont le président a parlé
24:10précisément hier. D'ailleurs,
24:12j'emmarque vigilant quand le président dit
24:14« je veux ouvrir ce débat sur la possibilité
24:16de partager cette
24:18dissuasion nucléaire avec d'autres pays européens ».
24:20Est-ce que c'est si nouveau que ça ?
24:22Alors, ce n'est pas nouveau, mais
24:24les mots ont un sens. Il n'a pas évoqué
24:26le partage de la dissuasion nucléaire.
24:28Ça, c'est une récupération politique.
24:30Il propose
24:32d'ouvrir le débat
24:34sur une dissuasion nucléaire de dimension
24:36européenne, ce qui ne remettrait pas du tout
24:38en cause le caractère national de la dissuasion
24:40nucléaire française. Oui, à la fin, c'est toujours
24:42le chef des armées, le président de la République qui décide.
24:44En fait, je prends l'exemple des États-Unis.
24:46Les États-Unis, en fait, ils ont leur dissuasion
24:48nucléaire américaine et ils ont ce qu'ils appellent
24:50une dissuasion nucléaire élargie
24:52qui était censée protéger les
24:54européens dans le cadre de l'OTAN,
24:56avec des armes nucléaires qui étaient
24:58sur le sol de certains pays en Europe
25:00qui pouvaient être emmenés par des avions
25:02américains, mais pilotés par des
25:04européens, dans le cadre de l'OTAN.
25:06En fait,
25:08on peut imaginer quelque chose de similaire.
25:10Il faut ouvrir ce débat.
25:12Il faut discuter avec nos alliés
25:14parce que le niveau de compréhension
25:16de ces enjeux stratégiques,
25:18de ce qu'on appelle la grammaire nucléaire, n'est pas
25:20le même quand on est un État doté,
25:22membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies,
25:24enfin membre permanent, et quand on n'est pas un État
25:26doté. Voilà, donc il faut
25:28parler avec nos alliés.
25:30Il faut augmenter leur compréhension des enjeux stratégiques
25:32et on trouvera des solutions dès lors
25:34que l'on aura la volonté de faire plus
25:36entre Européens. Merci beaucoup. En tout cas,
25:38c'était passionnant, Sylvain Kahn, de nous avoir
25:40envoyé à comprendre la dimension historique
25:42du moment que nous vivons et puis
25:44tout ce que ça représente pour nos armées,
25:46pour notre budget, pour notre industrie aussi.
25:48Jean-Marc Vigilant, officier général de l'Armée de l'Air et de l'Espace,
25:50rappelle Sylvain Kahn, chercheur au Centre d'Histoire
25:52de Sciences Po. Je vous laisse en compagnie de Salia,
25:54Braquillard, Renaud Delis. Les informer dans quelques minutes.

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