François Bayrou lance un ultimatum de six semaines à l'Algérie, exigeant un réexamen des accords de 1968, sans quoi ces derniers seraient remis en cause totalement. Ces accords assouplissent notamment l'arrivée des ressortissants algériens et la délivrance de titres de séjour.
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00:00Nicolas Pouvrementy, François Bayrou a établi hier une liste d'urgence de personnes qui doivent pouvoir retourner en Algérie.
00:08D'abord, est-ce qu'on sait qui est sur cette liste ?
00:10Non, on ne sait pas qui est sur cette liste, on ne sait pas non plus combien de personnes sont sur cette liste.
00:14Au total, aujourd'hui, il y a environ un tiers des étrangers en situation irrégulière retenus dans les centres de rétention administrative
00:21qui sont des ressortissants algériens.
00:23Et on sait que parmi l'ensemble des ressortissants dans ces centres, 90% sont connus pour des faits d'atteintes à l'ordre public,
00:28donc le champ des possibles est large.
00:30Mais ce qu'on comprend des déclarations du Premier ministre, c'est que cette liste se concentre sur des profils particulièrement dangereux
00:35dont on ne connaît ni le nom ni le nombre.
00:37Mais on imagine que cette liste va être transmise ou l'a même déjà été à Alger
00:42et que si d'ici six semaines, ces ressortissants algériens n'ont pas pu être expulsés,
00:49c'est-à-dire comme ce qui s'est produit avec l'assaillant de Mulhouse qui a été renvoyé en France à 14 reprises,
00:54c'est à ce moment-là que François Bayrou va mettre ses menaces à exécution.
00:58C'est-à-dire qu'on comprend effectivement que cette liste de profils prioritaires à éloigner
01:02servira en quelque sorte de thermomètre d'indicateur de la bonne volonté d'Alger
01:05dans la reprise d'une coopération fiable en matière d'immigration.
01:08Mais puisque le Premier ministre n'a donné, encore une fois, ni le nom ni le nombre,
01:12l'atteinte de ces indicateurs sera finalement appréciée de manière discrétionnaire par le gouvernement.
01:16Il faut rappeler que quand on expulse quelqu'un, il faut que le pays d'origine l'accepte
01:21et qu'il délivre ce qu'on appelle un laissé-passer consulaire.
01:24Et pour le coup, c'est vrai que l'an dernier, par exemple, les mesures d'éloignement
01:28prononcées à l'encontre de ressortissants algériens en avaient eu à peu près 25 000
01:32et que le taux de délivrance de ces laissés-passés consulaires, c'était 34,9 % seulement.
01:37Donc dans deux tiers des cas, l'Algérie a refusé de reprendre ses ressortissants.
01:41Alors si l'Algérie n'accepte pas, on va dénoncer l'accord de 68.
01:44On est bien de l'accord et pas les accords, Mathieu.
01:46C'est quoi cet accord de 68 précisément ?
01:48Alors l'accord de 68, il a été signé à l'époque par la France et l'Algérie
01:51pour faciliter l'arrivée d'Algériens sur le territoire français.
01:55Il faut se souvenir qu'en 62, quand les deux pays se séparent,
01:58on se pose la question de la circulation dans les deux sens.
02:01Est-ce que les Pieds-Noirs pourront revenir facilement en Algérie ?
02:03Et puis la France, qui a besoin d'Algériens, réfléchit à des conditions
02:07pour qu'ils puissent venir en France.
02:09Et puis ça ne tient pas la route, il n'y a pas de Pieds-Noirs qui retournent en Algérie.
02:11Et en 68, on fixe le cadre d'un accord.
02:13Il faut retenir, on peut retenir trois principes.
02:15D'abord, qu'on entre plus facilement quand on est Algérien
02:18que quand on est un étranger d'un autre pays sur le sol français.
02:20On n'a pas forcément besoin d'un visa long séjour.
02:24Ensuite, on peut exercer une activité plus facilement.
02:26C'est-à-dire que si vous voulez être commerçant ou exercer une activité indépendante,
02:29c'est plus favorable que si vous êtes un ressortissant étranger d'un autre pays.
02:32Et puis, vous pouvez obtenir plus facilement un titre de séjour de 10 ans,
02:36par exemple, pour vous ou pour votre famille, que si vous êtes ressortissant d'un autre pays.
02:39Mais sauf que l'accord de 1968, il a déjà été révisé à plusieurs reprises.
02:44Est-ce que les Algériens aujourd'hui ont normalement plus de facilité pour venir travailler et s'installer en France ?
02:48Alors, eux disent que non et que c'est difficile de venir.
02:51Mais oui, globalement, par rapport à un étranger d'un autre pays, ils ont plus de facilité.
02:55Juste dénoncer cet accord, ça peut exercer un moyen de pression sur le gouvernement algérien.
02:59Mais ça ne réglera en rien les questions d'OQTF en général.
03:03Si on prend le nombre d'OQTF qui concernent des ressortissants marocains et tunisiens,
03:07on a à peu près le même volume que les Algériens.
03:09Donc, vous pouvez dénoncer tout ce que vous voulez avec l'Algérie.
03:12Mais ça ne réglera pas le sort des ressortissants marocains ou tunisiens.
03:16Et les deux pays ont des taux de délivrance de laissé-passer consulaire qui sont à peu près les mêmes qu'en Algérie.
03:21Si on reste sur la révision de l'accord de 1968, Nicolas Pouvant-Monty,
03:25plusieurs responsables politiques, à commencer d'ailleurs par Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur,
03:28ont appelé à la révision de cet accord.
03:30Beaucoup estiment qu'il est daté et qu'il a déformé l'immigration algérienne, c'est-à-dire ?
03:35On peut dire qu'il a façonné en tout cas l'immigration algérienne, à la fois dans son nombre et dans sa nature.
03:41D'abord dans son nombre, c'est-à-dire que l'immigration algérienne est aujourd'hui la principale immigration en France,
03:46la population d'immigrés la plus nombreuse.
03:47On va voir quelques chiffres s'afficher, d'ailleurs, des chiffres de l'INSEE.
03:50Absolument. Les Algériens sont aussi la principale nationalité bénéficiaire des titres de séjour en cours de validité.
03:55Donc, il y a cet effet-là qui tient pour une part à cet accord franco-algérien.
03:59Et la façon dont il a pu aussi façonner la nature de cette immigration,
04:02c'est dans la part plus grande que parmi d'autres origines migratoires de l'immigration familiale, par exemple.
04:07C'est pour ça qu'il y a dans cet accord un certain nombre de clauses sur l'immigration familiale.
04:10Par exemple, un Algérien qui va demander un titre conjoint de français est dispensé d'une condition de vie commune en France
04:16avec son époux ou son épouse depuis six mois au moins.
04:18Donc, effectivement, les clauses de cet accord ont pu jouer comme un faisceau de facteurs qui ont amené à ces spécificités-là.
04:24Et on va justement aller à Alger.
04:26Ali Boukhlef, retrouvé notre journaliste indépendant en Algérie.
04:29Ali, comment les déclarations de François Bayrou ont-elles été perçues, à la fois par le pouvoir et par les Algériens ?
04:35Alors, par les autorités, vous avez vu le communiqué du ministère des Affaires étrangères hier qui est clair,
04:42qui a insidué même qu'on pouvait désormais aller vers la rupture des relations diplomatiques puisqu'il était conclu
04:49que les déclarations politiques en France peuvent mener les relations algériennes-françaises vers des lendemains incertains
04:57et même des conséquences désastreuses face plutôt à le communiqué.
05:03Sur les réseaux sociaux, la majorité de ceux qui s'expriment, y compris parmi les élites, les journalistes, les écrivains, des politiques,
05:09appellent carrément à la rupture des relations diplomatiques, distille avec ce colonisateur français qui n'ose jamais y parler,
05:15ni hier, ni aujourd'hui.
05:17Beaucoup n'apprécient pas cet ultimatum et cette question parce qu'ils voient une manière de pousser l'Algérie à céder sur une certaine politique
05:27et que c'est juste une manière de détourner la politique française vis-à-vis de l'Algérie.
05:31Que tout le monde, ici, regarde surtout ce qui se passe du côté de l'extrême-droite,
05:35il pense que c'est la domination des idées de l'extrême-droite sur le gouvernement français
05:40qui pousse, par exemple, François Bayrou à gérer la sortie hier.
05:45Il est très possible aujourd'hui qu'il y ait un communiqué beaucoup plus sévère que celui que nous avons vu hier
05:49et que les pressions qui sont exercées ne donneront pas beaucoup de résultats,
05:53surtout qu'entre les deux pays, il ne reste plus pratiquement beaucoup de relations depuis longtemps sur le plan économique.
06:00Les relations sont limitées à leur simple expression sur le plan diplomatique.
06:05Il n'y a absolument plus de contact, ni avec l'ambassadeur, ni avec les autorités françaises.
06:09Il ne reste plus désormais que les visas et que la circulation des personnes.
06:13Et sur ce point-là, je pense que les autorités algériennes sont sur le point de torrompre
06:18si la situation continue à se dérouler comme c'est le cas aujourd'hui.
06:23Ali Boukhlef, je voudrais qu'on regarde ce matin la une d'un journal algérien,
06:28le soir en l'occurrence, La France en mode algérophobe.
06:32Tout à fait, c'est ce sentiment-là qui prévaut et qui est en train de dominer ici en Algérie,
06:38quelle que soit la tendance, quelle que soit l'orientation politique.
06:41Il y a même la résurgence de ce passé de l'Europe, de ce passé colonial
06:46qui est répété à longueur de journée sur les réseaux sociaux et sur les chaînes de télévision,
06:51y compris sur les journaux.
06:52Disons que la France était un régime colonial hier
06:55et cet esprit colonialiste subsiste encore chez certains Français aujourd'hui.
07:01C'est pour cela qu'on parle bien sûr de l'élite politique et non pas du peuple français.
07:06On parle des autorités françaises d'aujourd'hui.
07:08C'est pour cela qu'il y a des appels à rompre les relations diplomatiques d'aujourd'hui à la définitive.
07:11Mathieu, hier, François Boyon disait qu'il n'y avait pas d'escalade.
07:14Est-ce que la presse algérienne a cherché à savoir
07:16pourquoi le suspect de l'attentat de Mulhouse avait été refusé 14 fois par l'Algérie ?
07:20Est-ce que vous trouvez ça normal ?
07:23Personne ne parle de ces sujets-là, ni de la part des autorités
07:27qui disent que ce sont souvent de faux sujets, ni de la presse
07:30qui ne s'est jamais posé ce genre de questions.
07:33On ne fait jamais d'ailleurs ce genre de sujets lorsqu'on parle de la France
07:36ou lorsqu'on parle des relations internationales.
07:38On s'aligne directement sur le discours officiel.
07:40C'est pour cela qu'on ne déborde pas ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée.
07:44On estime qu'on ne vise uniquement les Algériens
07:47parce qu'il y a aussi des occultefs, comme vous le disiez tout à l'heure,
07:50qui sont des Marocains et qui concernent des Marocains
07:52et qui concernent aussi les Tunisiens et d'autres nationalités.
07:54C'est pour cela qu'on ne se pose pas ce genre de questions.
07:56L'essentiel étant que ce que disent les autorités françaises
07:58est dérancé et par la presse et par les autorités officielles.
08:01Nicolas, pour vous remonter ?
08:03Oui, alors on peut être quand même surpris par les titres
08:06qui font référence à une sorte d'algérophobie, le terme est là, de la France.
08:10Parce qu'en termes migratoires, aujourd'hui,
08:12si on prend simplement les immigrés de première génération,
08:14il y a 900 000 immigrés originaires d'Algérie en France
08:16dont la moitié sont arrivés après l'an 2000.
08:18Donc c'est une immigration qui est toujours un phénomène contemporain,
08:20qui ne subit pas d'entraves majeures.
08:22650 000 Algériens disposent d'un titre de séjour en cours de validité.
08:25L'an dernier, la France a accordé 250 000 visas à des ressortissants algériens.
08:29C'était 20 % de plus que l'année précédente.
08:31Donc tout ça dessine une politique migratoire qui, du côté de la France, n'a rien d'hostile,
08:34mais qui se trouve n'être payée d'aucune coopération de la part du régime d'Alger en retour.
08:38Merci à tous.