Dominique de Villepin: "Ce n'est pas facile en France, aujourd'hui, de porter les idées que je porte"
L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, était l'invité de "C'est pas tous les jours dimanche" ce dimanche 23 février 2025 sur BFMTV.
L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, était l'invité de "C'est pas tous les jours dimanche" ce dimanche 23 février 2025 sur BFMTV.
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00:00Bonsoir Dominique de Villepin, merci d'être avec nous ce soir dans « C'est pas tous les jours dimanche », vous êtes ancien Premier ministre, ancien ministre des affaires étrangères, ancien ministre de l'intérieur.
00:08C'est un peu toutes ces anciennes fonctions que l'on va solliciter ce soir alors que les bouleversements du monde concernent le champ national et international.
00:15Nous parlerons dans un instant de l'attentat terroriste de Mulhouse, l'assaillant est algérien frappé d'une OQTF, une obligation de quitter le territoire français,
00:23et donc par voie de conséquence des relations entre la France et l'Algérie.
00:26Nous parlerons aussi bien sûr de la rencontre de demain à la Maison-Blanche entre Emmanuel Macron et Donald Trump.
00:31Et puis nous évoquerons vos ambitions, peut-être présidentielles, Dominique de Villepin, puisque vous semblez semer quelques graines en vue de 2027.
00:39Mais juste avant de parler de tout cela, l'actualité la plus brûlante, la plus chaude, ce sont les résultats qui nous parviennent d'Allemagne, des élections législatives.
00:47Vous voyez ces images du siège de l'AfD en direct, la partie d'extrême-droite à droite, la leader de l'AfD, Alice Weidel, puisque le parti d'extrême-droite AFD arrive,
00:56selon les médias allemands, en deuxième place avec des résultats records, selon les sondages sortis des urnes, entre 19,5 et 20% des suffrages.
01:05En tête, c'est la coalition de droite, CDU-CSU, qui arrive en tête.
01:09Ça, c'est une nouvelle donne pour l'Europe de voir un parti d'extrême-droite comme l'AfD dans un pays comme l'Allemagne, qui fait le score le plus important depuis l'après-guerre ?
01:18C'est la confirmation de ce qui était attendu et c'est la confirmation de ce que nous voyons depuis maintenant plusieurs années en Europe,
01:27c'est-à-dire la progression des partis d'extrême-droite et la progression des partis populistes, et qui plus est, avec un soutien direct de l'administration Trump et des États-Unis.
01:38Donc, oui, ça confirme, et en même temps, vous avez raison, c'est une élection historique,
01:43parce que les choix que va faire l'Allemagne seront déterminants pour notre avenir et pour l'avenir de l'Europe.
01:49Soit l'Allemagne, suivant l'évolution des dernières années, c'est-à-dire un développement considérable des relations commerciales avec les États-Unis,
01:57250 milliards d'échanges, dont 80 milliards d'excédents commerciaux, donc l'Allemagne est un peu tenue par cette situation.
02:05Est-ce que l'Allemagne, donc, s'alignera sur les États-Unis ? Est-ce qu'au contraire, elle jouera entre la Chine, autre partenaire commercial de l'Allemagne, et les États-Unis ?
02:13Ou est-ce qu'elle fera le choix de l'Europe ? C'est ce que nous souhaitons, c'est ce vers quoi nous devons tendre avec une Allemagne résolue et tirant les leçons de ce qui se passe aujourd'hui,
02:24où nous voyons bien que le partenariat euro-atlantique a quelque peu du plomb dans l'aile.
02:30Précisons que l'AFD, le parti d'extrême droite, n'a aucune chance de gouverner, puisque Frédéric Schmers, même s'il a voté une résolution avec l'extrême droite au Parlement,
02:40a exclu la possibilité que ce parti participe à la coalition. Il n'empêche, ça veut dire Dominique de Villepin, on avait vu ces images très frappantes d'Elon Musk intervenant directement dans un meeting de l'AFD,
02:50ça veut dire au fond que cette ingérence fonctionne, puisque entre 19,5 et 20% des voix dans un pays comme l'Allemagne qui, jadis, marquait un cordon sanitaire très net avec les partis d'extrême droite.
03:03Oui, il y a quelque chose de changé dans le paysage politique européen, il y a quelque chose qui s'est déverrouillé, et c'est bien l'ambition aujourd'hui des États-Unis, de Donald Trump,
03:14et c'est pour cela qu'ils insistent avec une telle force sur la révolution technologique et la révolution numérique. Le but, c'est véritablement de faire de l'Europe un grand marché vassalisé, pas seulement pour des raisons commerciales,
03:27mais pour des raisons aussi de technologie numérique, c'est de dominer les esprits. Cette colonisation numérique, elle leur garantit que l'Europe, désormais, sera pleinement dans l'ombre américaine,
03:40et évoluera très fidèlement derrière les États-Unis. Bien évidemment, c'est quelque chose de totalement inacceptable, donc il va falloir suivre en Europe les répercussions de cette donnée nouvelle.
03:51Il y a un risque d'émergence de ce que certains appelaient une internationale populiste ?
03:55Elle est déjà présente, on l'a vu à Madrid il y a quelques semaines, il y a déjà une unité de ces mouvements qui se créent, on l'a vu ce week-end à Washington avec Steve Bannon,
04:08donc nous voyons bien que cette émergence, elle est confirmée, et elle est en pleine ascension. La question, c'est celle du calendrier, car aujourd'hui, on a le nez sur la vitre,
04:18et on veut croire que Donald Trump est parti pour une conquête glorieuse pour 100 ans. L'histoire est quand même un peu plus compliquée. Donald Trump, dans deux ans, aura des mid-term elections,
04:30qui seront sans doute difficiles, et puis, on ne peut pas imaginer que l'Amérique ne se réveille pas, que le peuple américain, que les institutions américaines, que les partis américains,
04:40que les contre-pouvoirs, que les médias ne réagissent pas. Aujourd'hui, c'est vrai en Europe, on le constate malheureusement, mais c'est vrai aux États-Unis, il y a un effet de sidération.
04:50Néanmoins, une politique comme celle de Donald Trump ne peut pas ne pas laisser des traces, et je pense que très rapidement, nous verrons les conséquences négatives, pour l'Europe bien sûr, mais aussi pour les États-Unis.
05:03Et vous savez, un parti populiste au pouvoir, il est soumis à l'épreuve du feu. On voit très rapidement les conséquences, et c'est pour cela qu'ils attachent tant d'importance à cette révolution numérique,
05:15car c'est une façon, en quelque sorte, de rendre les États-Unis et l'Europe totalement amnésiques, c'est-à-dire de vivre sans les conséquences de ce qu'ils font, puisque le narratif sera écrit, créé,
05:27par les trumpistes et leurs alliés libertariens, les techno-entrepreneurs qui domineront avec Donald Trump.
05:37Et vous évoquez, Dominique de Villepin, cet effet de sidération, on y reviendra dans un instant, mais j'aimerais qu'on aborde ce qui s'est passé hier, la situation à Mulhouse avec cet attentat islamiste qui a fait une victime.
05:49Je rappelle, pour ceux qui nous regardent, que l'assaillant est algérien. Il avait été condamné pour apologie du terrorisme. La France avait essayé de le renvoyer dix fois, à dix reprises.
05:58La France avait contacté le consulat pour essayer d'obtenir ce qu'on appelle un laissé-passer consulaire, sans succès. Est-ce que, comme le demande le ministre de l'Intérieur Bruno Rotaïo,
06:06il faut désormais assumer le rapport de force avec l'Algérie sous peine d'être impuissant et de voir ce type de situation se reproduire ?
06:14Alors, si vous le permettez, avant d'en venir à la réponse à votre question, il faut prendre la mesure de la tragédie. Et je pense, bien sûr, à la victime.
06:23Je pense aux policiers municipaux blessés, à leurs familles. C'est une tragédie qui frappe en plein cœur toute la ville de Mulhouse, toute la région et, bien sûr, toute la nation.
06:34Donc, ce qui se passe est effroyable et nous ne pouvons pas, ne pas rapidement tirer les leçons. Parce que, si l'on se met à la place de nos compatriotes, on a l'impression d'une série noire qui ne s'arrête pas et qui s'intensifie.
06:49On a le sentiment d'un État impuissant et on voit ce même type de drame se produire au-delà de nos frontières. On l'a vu un certain nombre de fois en Allemagne.
07:00Donc, une fois de plus, ne réduisons pas ce qui s'est passé à une simple question diplomatique.
07:10Elle est importante cette question.
07:11J'y viens. Il y a une question diplomatique, manifestement, et il faut la traiter. Et ça dit quoi ?
07:16Ça dit que nous ne pouvons pas, ne pas trouver un terrain d'entente avec l'Algérie pour régler ces problèmes.
07:25Bruno Retailleau veut croire que le rapport de force va tout arranger. Si c'était vrai, ça se saurait. Nous l'avons essayé avec de nombreux pays, nous et les Européens, dans le passé.
07:36Nous savons que dans ces situations de crise, loin de débloquer, cela, au contraire, conduit à une impasse encore plus grande.
07:44Qui suscite le rapport de force ? Qui refuse d'accepter des ressortissants ?
07:49Permettez-moi de faire en sorte que ceux qui nous écoutent puissent prendre la mesure de la gravité.
07:55Il y a une question diplomatique. Il y a une question de sécurité. Il y a une question de terrorisme islamiste. Il y a derrière, bien sûr, des enjeux migratoires.
08:03Il y a des enjeux sanitaires. Bruno Retailleau l'a reconnu lui-même. Une question psychiatrique.
08:09Donc quand on est face à cette situation et que l'on est ministre de l'Intérieur, il faut utiliser tous les instruments qu'on a pour essayer de régler ce type de problème,
08:20d'apporter des réponses et éviter que cela ne se répète, en utilisant tous les leviers dont on peut disposer.
08:26Qu'est-ce que j'ai entendu hier aux 20 heures de TF1 ? Un ministre de l'Intérieur était-ce un ministre de l'Intérieur ?
08:34Parlait-il comme ministre de l'Intérieur ou parlait-il comme candidat à l'élection de la présidence des Républicains ?
08:42J'ai entendu quoi ? J'ai entendu que c'était la faute à la loi. Il fallait donc changer la loi. On en reparlera.
08:55J'ai entendu que c'était la faute à l'Algérie. J'ai entendu, à partir de là, parce que que je sache, les relations avec l'Algérie ne sont pas dans l'escarcelle de M. Retailleau.
09:09C'est la responsabilité du ministre d'Affaires étrangères et c'est la responsabilité du président de la République. J'ai eu le sentiment de la défausse.
09:18J'ai eu le sentiment de la défausse. Pourquoi ? Un ministre de l'Intérieur, d'abord, ce qu'il doit faire, c'est tirer immédiatement les conclusions de ce qui se passe.
09:27Qu'est-ce qu'on peut améliorer ? On peut constater qu'au-delà, et on va y venir à cette question très importante des relations avec l'Algérie,
09:35il y a un problème de cohérence des différentes chaînes de responsabilité. La chaîne pénale, la chaîne judiciaire, la chaîne de sécurité, la chaîne sanitaire,
09:45avec y compris cette question psychiatrique, et la chaîne diplomatique. Le ministre de l'Intérieur, il a des responsabilités de coordination.
09:53Il lui appartient de vérifier que tous les éléments puissent être, en quelque sorte, mis en place de façon à pouvoir être plus efficaces.
10:01Derrière le cas qui a été évoqué, maintenant que nous savons, à la fois au QTF, à la fois personnalité dangereuse et à la fois personnalité qui pose un problème psychiatrique.
10:13Ça pose la question aujourd'hui, à travers tous ces fichiers qui se sont multipliés, de la dangerosité, de l'évaluation de la dangerosité de ces personnes.
10:22Vous avez dit beaucoup de choses, et j'aimerais qu'on prenne le temps de prendre point par point les éléments que vous avez cités.
10:29Oui, mais on y reviendra, je termine ce tableau général pour arriver à mon point.
10:34La dangerosité de ces personnes, parce que par définition, l'État ne peut pas prêter la même attention à toutes les personnes qui sont dans ces fichiers.
10:42Donc nous devons concentrer notre attention et le suivi pour agir sur ceux qui sont les plus dangereux.
10:49Ce travail aujourd'hui...
10:51Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut moins d'obligations de quitter le territoire français pour davantage les suivre ?
10:55C'est-à-dire d'abord qu'il faut qu'on fasse un travail sur chacun de ces profils pour pouvoir classer ces profils et savoir ce qu'il faut suivre.
11:02Particulièrement, il est évident que quelqu'un qui présente les caractéristiques d'une forte islamisation,
11:07et qui par ailleurs a des troubles psychiatriques, aurait dû être au sommet de la liste.
11:11Et que sans doute, s'il y avait un certain nombre de dispositifs à activer,
11:15qui auraient permis soit de ne plus accorder un traitement psychiatrique,
11:18qui l'auraient en quelque sorte sorti de la rue, sachant que...
11:23Sauf que Dominique de Villepin, il avait été condamné, il était allé en prison, il était sorti,
11:28il était allé en centre de rétention administrative, et il était en liberté.
11:32Mais monsieur Duhamel, s'il était si facile de renvoyer chez eux des gens qui posent problème,
11:40nous ne serions pas là à en discuter.
11:42Le problème, c'est que c'est difficile. Il faut partir du fait que c'est difficile.
11:45Mais partant du fait que c'est difficile, que peut-on faire d'autre ?
11:49En l'occurrence, on pouvait agir sur cette dimension psychiatrique.
11:53Deuxièmement, le centre de rétention administrative,
11:57parce qu'une des réponses qui est apportée par monsieur Retailleau,
12:00c'est de dire qu'il faut allonger la durée dans les centres de rétention administrative.
12:04Très bien, si c'est un élément qui peut faciliter les choses, très bien.
12:07Mais les centres de rétention administrative ne sont pas forcément faits
12:10pour accueillir des personnes de cette dangerosité-là.
12:13Donc j'en viens à l'Algérie, si vous le permettez.
12:15Et moi, si vous le permettez, Dominique de Villepin, je vais essayer de poser une question,
12:18puisque le principe de cet entretien, c'est qu'il y a des questions et des réponses.
12:21Je vous en prie.
12:22Je suis étonné de la façon dont vous semblez balayer d'un verre de main
12:26la responsabilité de l'Algérie.
12:27Vous avez un pays qui, semble-t-il, c'est pas semble-t-il,
12:31c'est ce que dit le ministre de l'Intérieur,
12:32refuse à dix reprises de délivrer un laissé-passer consulaire
12:37qui permettrait d'expulser, et donc que l'Algérie accueille,
12:40un ressortissant qui a été condamné,
12:42qui visiblement représente un danger pour les Français.
12:45Et vous dites que c'est trop facile de mettre en avant la responsabilité de l'Algérie.
12:48Ce que je dis, c'est que la situation dans notre relation avec l'Algérie est inacceptable.
12:55Elle est inacceptable.
12:56Mais la faute à qui ?
12:57Mais peu importe, la faute à qui, c'est pas le sujet.
13:00Le problème, M. Duhamel, quand vous êtes aux affaires,
13:03quand vous êtes ministre de l'Intérieur, c'est de régler les problèmes.
13:06Dire c'est la faute de l'Algérie, ça nous fait avancer, en l'occurrence.
13:10Et vous avez le sentiment que les choses allaient mieux
13:12quand Emmanuel Macron est allé en Algérie en 2022,
13:14à essayer d'obtenir un rapprochement ?
13:16Vous avez le sentiment que les autorités d'Alger ont aidé ?
13:19M. Duhamel, j'ai le sentiment que la question des relations avec l'Algérie,
13:24c'est d'abord la responsabilité du ministre des Affaires étrangères
13:26et du président de la République.
13:28C'est-à-dire que ce n'est pas ce que dit,
13:30et on a bien vu la façon dont étaient accueillis à Alger les propos de M. Retailleau,
13:34ce n'est pas ce que dit M. Retailleau qui peut infléchir la position des Algériens.
13:40Donc on courbe les Chines.
13:41On ne dit rien. L'Algérie insulte la France.
13:44Ce que je vous dis, c'est que s'il y a un message à porter à l'Algérie,
13:51et un message de fermeté,
13:53mais en même temps qui permet de faire avancer des solutions,
13:57ce message doit être porté par le président de la République
14:00et le ministre des Affaires étrangères.
14:02En l'occurrence, M. Retailleau n'est pas placé,
14:04il n'est pas dans la fonction qui est, dans la responsabilité qui est la sienne pour faire cela.
14:10Il a un problème, qui est le retour des OQTF.
14:12Eh bien, c'est la chaîne de responsabilité pour faire en sorte de régler le problème avec l'Algérie,
14:17c'est le ministre des Affaires étrangères et le président de la République.
14:19Vous savez, la République, nous ne sommes pas une république bananière.
14:23Il y a des responsables.
14:24Les responsables, ils doivent assumer leurs responsabilités.
14:27Et donc, le président de la République, le ministre des Affaires étrangères,
14:30doivent mettre leur poids dans la balance pour essayer de régler cette question.
14:33La question maintenant, c'est pourquoi cela bloque avec l'Algérie.
14:36Et surtout, que faut-il faire ?
14:38J'y viens.
14:39Dans le débat, par exemple, quand il était question de remettre en cause l'accord de 68,
14:43qui est un accord qui lie la France et l'Algérie, vous aviez eu ces mots.
14:47On ne peut pas prétendre parler au monde aujourd'hui en employant uniquement le langage de la surenchère.
14:51Voilà ce que vous aviez dit chez nos confrères de Mediapart.
14:53Pardon, mais ça, c'est un levier.
14:55Si on n'a pas de levier...
14:56Non, mais c'est un levier.
14:57Vous, croyez-vous, M. Duhamel, que c'est un levier.
14:59Parce que vous, vous avez le clavier des petits châtiments,
15:03vous croyez que l'Algérie va modifier son comportement parce que vous aurez dénoncé tel accord économique,
15:08parce que vous aurez dénoncé les visas.
15:10Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
15:11C'est bien, mais M. Duhamel, c'est là où je veux en arriver.
15:14Parce que ce que je veux vous expliquer, c'est que la surenchère du redurcissement ne règlera rien.
15:21C'est l'expérience diplomatique.
15:23C'est 40 ans d'expérience diplomatique qui me font parler comme ça.
15:28Quand vous êtes dans des situations de crise avec des États qui ont une très forte identité nationale,
15:34qui plus est l'histoire que nous avons avec l'Algérie,
15:36ce n'est pas en jouant le bras de fer que vous y arriverez.
15:39Donc, que faut-il faire ?
15:40Et en tout cas, ce n'est pas sur la scène publique et aux 20 heures de TF1 qu'il faut le faire.
15:44Donc là, je trouve qu'il y a une forme d'amateurisme
15:47et j'estime que le gouvernement dirigé par M. Bayrou doit un minimum faire le travail qui est le sien
15:53en liaison avec le président de la République.
15:55Donc, que l'on travaille sérieusement, que l'on décide une politique et que l'on mette en œuvre cette politique.
16:02Ce que je dis, moi, c'est que nous avons un problème avec l'Algérie qui est un problème global.
16:07Il n'est pas ce problème avec l'Algérie uniquement sur les OQTF et le retour des immigrants en situation illégale.
16:13C'est un problème beaucoup plus vaste.
16:15C'est un problème...
16:16Qui a la responsabilité de la dégradation des relations entre la France et l'Algérie ?
16:19Mais la responsabilité, vous pouvez la prendre d'un point de vue diplomatique,
16:22c'est le fait que nous ayons renoué avec le Maroc sur le Sahara occidental.
16:25Ça, c'est ce que pense Alger et...
16:28Non, mais ce que vous pensez, vous ?
16:29Non, mais moi, je suis un responsable politique.
16:33Moi, ce que je veux, c'est régler les problèmes.
16:35Je ne veux pas jeter la date M sur les uns et sur les autres.
16:38Qui parlera à l'Algérie le jour où il faudra renouer avec l'Algérie, M. Duhamel ?
16:42Donc, c'est trop facile.
16:44Aujourd'hui, évidemment, je vais vous dire, bien sûr, quelle honte, c'est dramatique, regardez,
16:50ils détiennent Boilem-Sensal, c'est facile, c'est très facile.
16:54Ça ne fait pas avancer le schmilblick.
16:56M. Duhamel, la responsabilité politique, ce n'est pas d'aller dans le sens du vent,
17:01ce n'est pas de surenchérir, ce n'est pas de choisir la facilité,
17:05et ce n'est pas d'aller de micro en micro alors qu'il faut tenir le manche de la République.
17:13C'est ça la responsabilité.
17:14C'est intéressant ce que vous dites.
17:15Vous accusez effectivement Bruno Retailleau et les autres d'amateurisme.
17:19Je suis étonné d'une chose.
17:21On vous a entendu, quand vous étiez en responsabilité, dire les choses haut et fort,
17:25notamment en matière de diplomatie, on y viendra tout à l'heure.
17:28Et là, avec l'Algérie, au fond, ce que vous prônez, ce que vous défendez, c'est ne rien dire.
17:33Ne rien dire parce que cela risquerait de les...
17:35Mais je ne dis pas du tout de ne rien dire.
17:37Au fond, il faut que tout se passe dans la coulisse.
17:40Le rapport de force dans la diplomatie est quelque chose qui n'existe pas, qui ne peut jamais marcher ?
17:44Absolument pas.
17:46Mais il marche de façon efficace quand ce rapport de force est utilisé de façon adaptée.
17:51Rappelez-vous la crise avec les Etats-Unis que nous avons connue en 2003.
17:54Vous m'avez vu insulter Colin Powell.
17:56Vous avez vu Jacques Chirac insister George Bush.
17:58Vous nous avez vu élever le ton et agonir d'injure, comme les Américains l'ont fait.
18:02Vous ne trouverez pas...
18:03Élever le ton en 2003 contre l'intervention des Etats-Unis en Irak ?
18:07Vous ne trouverez pas un mot au-dessus de l'autre de la diplomatie française en 2003 contre les Etats-Unis.
18:12Parce que ça n'aurait servi à rien encore plus.
18:15Donc vis-à-vis de l'Algérie aujourd'hui, il s'agit de renouer un fil.
18:18Il s'agit de retrouver un terrain.
18:21Quand vous vous lancez sur un terrain avec des munitions, des armes, vous faites exploser la grenaille,
18:29vous n'avez aucune chance de pouvoir nouer ce fil.
18:32Moi, je suis conduit au service de l'Etat dans une logique de résultat.
18:35Alors évidemment, ça ne peut pas satisfaire le journaliste que vous êtes.
18:38Le journaliste que je suis est interrogatif quant au partage des responsabilités que vous faites entre la France et l'Algérie.
18:44C'est-à-dire qu'au fond, vous êtes extrêmement vocal sur les fautes commises par Bruno Retailleau.
18:49Quant à la responsabilité du régime d'Alger et du président algérien Abdelmajid Tebboune, je vous entends un peu moins.
18:54Mais c'est peut-être que je suis sourd d'une oreille.
18:58Quand vous reprenez l'historique de cette relation et que vous cherchez à comprendre comment on en est arrivé là,
19:04le différent, la raison du contentieux entre la France et l'Algérie,
19:10il tient aujourd'hui, cette raison, elle tient à l'affaire du Sahara occidental
19:15et la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental avec ce que les Algériens considèrent comme peu de précautions.
19:22Pardon, mais avant la reconnaissance du Sahara occidental, les relations étaient exécrables
19:25et Alger ne délivrait pas davantage de laissés-passer consulaires.
19:28Oui, comme beaucoup d'autres pays de cette région.
19:31Très bien, mais donc ce n'est pas cet événement-là.
19:33Mais c'est là où les choses se sont cristallisées.
19:35Nous sommes dans une relation tendue.
19:37Le fait aujourd'hui d'arriver dans une négociation qui doit avoir lieu avec l'Algérie
19:42en renvoyant l'ensemble de la responsabilité à l'Algérie ne vous fera pas avancer d'un idiota.
19:48Vous voyez, beaucoup de gens se soulagent dans ces situations,
19:52estiment qu'il est bon d'insulter l'adversaire, qu'il est bon de considérer qu'on a raison à 100%.
19:57Non, mais dire par exemple, Dominique de Villepin, les visas longue durée, notamment pour les dirigeants algériens,
20:01eh bien, on s'en sert comme d'une façon d'essayer d'obtenir des laissés-passer consulaires.
20:04Ça, ce n'est pas de l'insulte.
20:06Mais si je vais le faire avec l'Algérie, je ne vais pas aller le dire aujourd'hui sur ce plateau.
20:12Je le ferai. Je n'ai pas besoin de le clamer.
20:15Voyez-vous, le drame, M. Duhamel, c'est que vous confondez deux choses.
20:18La politique étrangère, ce n'est pas la politique intérieure.
20:22Et quand vous faites, et c'est ce qu'oublie M. Retailleau,
20:24quand vous faites de la politique intérieure avec la politique étrangère,
20:28c'est-à-dire quand vous utilisez les mots que vous souhaiteriez que j'utilise ce soir
20:31et que je ne fais pas par mesure, comme sur beaucoup d'autres sujets,
20:34eh bien, vous pratiquez...
20:36Mais comme vous n'êtes pas aux affaires, on pourrait attendre peut-être
20:38d'un passage de franchise sur ce sujet.
20:40Non, mais c'est justement, ma franchise à moi, c'est d'assumer de vous dire
20:44que vous n'irez que dans une impasse en pratiquant cette politique de la terre brûlée.
20:50Cela ne fait pas avancer les choses.
20:52Tous ceux qui, aujourd'hui, pratiquent cette politique de la dénonciation systématique,
20:57sans voir ce qu'on pourrait faire pour essayer d'avancer.
20:59Moi, ce qui m'intéresse, c'est comment on peut renouer les fils entre les deux pays.
21:04Et puis, ne l'oublions pas, nous avons M. Boilem Sansal, qui est aujourd'hui...
21:08Il faut qu'il soit libéré ou pas ?
21:09Eh bien, il est évidemment qu'il faut qu'il soit libéré.
21:11Et il faut le dire très fortement.
21:12Ah, ça, on peut le dire.
21:13Mais non, mais comme pour le reste.
21:16Mais il faut le dire. Sur quel registre, M. Dieumel ?
21:20Aujourd'hui, M. Boilem Sansal, il est retenu en Algérie.
21:22C'est une détention arbitraire ou pas ?
21:24Il est détenu en Algérie parce que...
21:27Ne me demandez pas d'utiliser les mots qui sont les vôtres.
21:29J'utilise les mots qui sont les miens.
21:31C'est une question. Est-ce que c'est une détention arbitraire ?
21:32C'est une détention injustifiée.
21:34Et, personnellement, que je condamne.
21:36Mais, il est retenu à partir des lois algériennes
21:41concernant les déclarations de M. Boilem Sansal
21:43et ce que les Algériens considèrent comme le circuit.
21:46Il faut partir de ce qui est la réalité de l'autre côté de la Méditerranée.
21:51Si vous voulez faire de la diplomatie en ne regardant que Midi à votre porte,
21:54vous n'arriverez à rien.
21:56À partir de là...
21:58Vous mettez en avant les lois algériennes.
22:00Ça veut dire que vous dites qu'au fond, si on suit les lois algériennes,
22:02la détention est plus ou moins logique ?
22:05Non. Selon les lois algériennes, il y a eu infractions commises par rapport à ces lois.
22:09Évidemment, je ne cautionne pas et je ne souscris pas à cette vision.
22:12Mais c'est, aujourd'hui, ce que les Algériens considèrent.
22:16Partons de là.
22:18Nous considérons, nous Français, que la liberté d'expression n'est pas négociable
22:22et qu'elle doit être respectée et qu'il faut donc, à ce titre,
22:25que M. Boilem Sansal puisse rapidement trouver la liberté.
22:28Deuxièmement, nous considérons que dans l'état de santé de M. Boilem Sansal
22:33et vu son âge, un simple principe de compassion
22:37doit faire que les Algériens doivent, aujourd'hui, libérer Boilem Sansal
22:41et lui permettre de revenir en France, où il a acquis la nationalité française.
22:45Donc, vous voyez, si vous voulez essayer de construire un chemin
22:50qui permette de sortir M. Boilem Sansal de la situation où il est,
22:55il faut essayer de faire une partie du chemin.
22:58Si vous êtes dans la position de juger, de dénoncer,
23:02de multiplier les invectives à l'endroit de l'Algérie, vous n'arriverez à rien.
23:07Une dernière question sur l'Algérie. Est-ce que c'est une dictature ?
23:11Vous savez, je vais vous raconter une petite histoire.
23:13Ça, c'est souvent, quand on commence la réponse comme ça,
23:16c'est qu'on n'a pas envie de répondre.
23:17Non, parce que, vous voyez bien, si je vous dis aujourd'hui que c'est une dictature,
23:21je rentre dans un scénario qui me conduit, sur le plan politique et diplomatique,
23:26à une impasse totale dans nos relations avec l'Algérie.
23:30Non, mais donc, vous ne dites pas que c'est une dictature ?
23:32Non, je ne le dis pas.
23:33D'accord, aucun pays qui enferme arbitrairement un écrivain de 80 ans
23:36qui est malade, avec un dirigeant qui, comment dire,
23:40met en prison son opposition, ce n'est pas une dictature.
23:42Il y a quelques années, le président de la République m'a fait appeler
23:47sur ce qu'il devait dire concernant, ou ce qu'il pensait qu'il devait dire
23:50sur un pays qui a un comportement tout à fait scandaleux
23:54sur la scène internationale en Amérique latine.
23:56Et il voulait qualifier ce pays de dictature.
23:58Et j'ai répondu, si vous utilisez ce terme, vous vous privez de toute possibilité
24:02de faire avancer le règlement diplomatique avec ce pays,
24:05alors que nous sommes placés en Europe dans la situation de le faire.
24:10Le mot a été employé et nous avons été marginalisés complètement dans ce dossier.
24:14Mais Dominique de Villeneuve, vous n'êtes pas aux affaires.
24:16Mais monsieur Duhamel, j'ai toujours...
24:18Donc c'est trop dur de qualifier l'Algérie de dictature ?
24:20Non, mais on peut ne pas être aux affaires et on peut être un homme responsable.
24:24J'ai toujours agi comme si j'étais aux affaires.
24:27Donc c'est une démocratie l'Algérie ?
24:29Je ne vous dis pas ça, monsieur Duhamel.
24:31Je vous dis que ces jugements qui vous font plaisir à vous, sur votre plateau
24:35et qui, vous l'espérez, feront de la dépêche,
24:38ça ne fait pas avancer la situation.
24:43Il faut des gens qui, des deux côtés de la Méditerranée,
24:46seront capables de reprendre langue avec l'Algérie.
24:51Et si vous vous privez de cette possibilité,
24:53eh bien nous resterons dans la situation actuelle et les choses se dégraderont.
24:57Il faut penser à ces millions de binationaux qui existent en France.
25:01C'est un problème qui est à la fois un problème intérieur
25:04et un problème de politique intérieure.
25:06C'est pour ça qu'on parle bien du pouvoir algérien et non pas des Algériennes,
25:09des Algériens franco-algériens, franco-algériennes qui vivent en France.
25:11Eh bien justement, la responsabilité qui est la nôtre,
25:14qui est celle des dirigeants français ou de ceux qui ont exercé une responsabilité,
25:18ce n'est pas de clouer au pilori,
25:21ce n'est pas de condamner tel et tel régime,
25:25c'est d'essayer de faire avancer les relations avec ce pays.
25:28Dominique de Villepin, je voudrais qu'on parle bien évidemment
25:30de ce qui va se jouer demain à la Maison Blanche,
25:32cette rencontre entre Emmanuel Macron et le président Donald Trump,
25:35objectif notamment pour la France,
25:37tenter d'imposer les Européens à la table des négociations entre la Russie et les États-Unis
25:41au sujet de l'Ukraine.
25:42Vous connaissez sans doute cette phrase, Dominique de Villepin, de Lénine.
25:45Je ne dis pas que c'est votre référence, mais elle est connue.
25:47Il y a des décennies où rien ne se passe et il y a des semaines où des décennies se produisent.
25:51On a le sentiment que c'est précisément ce qu'on est en train de vivre
25:55dans ces débuts de pourparlers, de discussions entre les États-Unis et la Russie.
25:58C'est en effet un basculement que connaît notre monde.
26:02Un basculement que l'on voit venir depuis déjà un certain nombre d'années.
26:05Il se confirme.
26:07Et dans ce basculement, il y a à la fois une dimension idéologique,
26:12et elle est importante dans la relation entre les États-Unis,
26:15la ministère contre Trump et la Russie,
26:17et il y a en même temps un basculement géopolitique
26:20qui fait qu'aujourd'hui, ceux qui étaient nos alliés, très fidèles,
26:24et qui partageaient avec nous des valeurs, une certaine conception de la démocratie,
26:28sont absents de cette relation.
26:33Ce paradigme démocratique n'a plus la force qu'il avait précédemment,
26:37et ce qui détermine la politique américaine,
26:40c'est une certaine forme de mercantilisme
26:43et non plus la volonté d'apporter une garantie à l'Europe et ailleurs dans le monde.
26:48Donc cette situation, c'est une situation de bascule
26:51qui doit nous amener, nous, à prendre nos responsabilités
26:54complètement en Europe,
26:56alors que pendant longtemps, nous nous sommes reposés,
26:58la France beaucoup moins que les autres, bien sûr,
27:00merci au général De Gaulle,
27:02et nous avons donc à trouver ensemble avec les pays européens
27:06les moyens d'agir et de reprendre notre indépendance.
27:15C'est une bataille qui se joue pour notre souveraineté,
27:17pour notre sécurité, pour notre indépendance.
27:20Concrètement, demain, le Président de la République
27:22va donc échanger avec Donald Trump.
27:24Qu'est-ce qu'il peut lui dire ?
27:26Et au fond, est-ce qu'il peut, à la place qui est la sienne,
27:29réussir à le convaincre ?
27:30Puisqu'on voit bien que Donald Trump est rentré
27:32dans une sorte de négociation en disant d'ores et déjà
27:35que l'Ukraine ne rentrerait pas dans l'OTAN,
27:37qu'il n'y aurait pas de retour à la souveraineté territoriale avant 2014,
27:40en disant par ailleurs, pique-pendre de Volodymyr Zelensky,
27:43qu'il qualifie, je cite, de dictateur sans élection.
27:45Est-ce qu'Emmanuel Macron peut réussir à obtenir quelque chose ?
27:49Au fond, je ne vais pas vous demander ce que vous lui diriez à Donald Trump
27:51si vous étiez à la place d'Emmanuel Macron,
27:53mais précisément dans cette art de la diplomatie
27:55que vous avez défendue sur le sujet précédent,
27:57que peut obtenir Emmanuel Macron ?
28:00Alors d'abord, nous sommes dans une séquence,
28:04comme le disent les diplomates,
28:06où plusieurs pays européens vont être reçus à Washington.
28:09Le président viendra le britannique jeudi.
28:13Le président de la République a réuni les partis politiques.
28:16Le président de la République s'est exprimé sur les réseaux sociaux
28:20pour dire ce qu'il dirait à Donald Trump,
28:22et en particulier qu'il ne fallait pas être faible.
28:24Je crois qu'il faut aller plus loin.
28:26Il faut aller plus loin dans la précision nécessaire vis-à-vis de Donald Trump,
28:30qui ne sera pas ébranlé par le conseil que pourrait lui donner son ami Emmanuel Macron,
28:35soit plus fort, soit plus intransigeant.
28:40Tu ne peux pas être faible avec Vladimir Poutine, voilà ce qu'il a dit.
28:42Oui, parce qu'on te le reprochera et que ce sera un signe de faiblesse.
28:45D'ailleurs, le tutoiement en anglais a quelque chose de curieux.
28:49Il y a deux éléments qui me paraissent déterminants dans le message que nous devons adresser aux Etats-Unis.
28:55C'est un message qu'il faudrait pouvoir porter entre Européens et avec les Ukrainiens.
29:01Le premier, c'est que nous ne pourrons pas cautionner un accord signé par les Etats-Unis et la Russie
29:15si l'Ukraine et l'Europe n'y sont pas associées.
29:19Ça, c'est quelque chose, c'est un verrou et un langage que, dans l'esprit du deal,
29:26Donald Trump peut comprendre, parce qu'il s'agit clairement de poser un verrou.
29:30Nous ne l'accepterons pas.
29:32Deuxièmement, nous ne participerons pas à un accord de sécurité ou à un accord de paix,
29:39c'est-à-dire que nous ne déploierons pas de forces de sécurité en Ukraine, autour de l'Ukraine,
29:45dans le cadre d'un éventuel cessez-le-feu,
29:47ou d'un accord de paix,
29:49si nous ne sommes pas partie prenante de cet accord avec les Ukrainiens et avec l'accord des Ukrainiens.
29:57C'est-à-dire que nous marquons clairement à Donald Trump qu'il peut s'engager lui-même,
30:04mais il ne peut pas nous engager dans la négociation avec la Russie.
30:07Vous voyez, il y a quelque chose de très humiliant dans ce qui s'est passé,
30:11à la fois dans le coup de fil de Donald Trump à Vladimir Poutine,
30:14et en même temps dans le premier round de négociation qui s'est déroulé en Arabie Saoudite, de très humiliant.
30:18Mais humiliant pour la France, pour l'Europe ?
30:20Pour nous tous.
30:21C'est que nous sommes manifestement, dans l'esprit de Donald Trump,
30:25une variable d'ajustement, ce qui constitue un véritable régal pour Vladimir Poutine.
30:30C'est une aubaine.
30:31Est-ce qu'on a des moyens de pression ?
30:32C'est intéressant les deux points que vous soulevez,
30:34peu ou prou les points évoqués par Emmanuel Macron et la France.
30:38Non, ce n'est pas tout à fait les mêmes.
30:40Sur le fait de dire que rien ne peut se faire sans l'Europe et les Européens ?
30:43Oui, mais là, rien ne peut se faire.
30:45Là, c'est concrètement, en termes de déploiement des forces et en termes de signature de l'accord.
30:49Il faut être précis, Monsieur Duhamel.
30:50Mais quels moyens de pression ont les Européens pour s'imposer à la table des négociations ?
30:54Puisque, au fond, Donald Trump et Vladimir Poutine échangent.
30:58Est-ce qu'il y a une façon de s'imposer à la table des négociations ?
31:02Il y a une partie dans cette négociation que nous pouvons maîtriser
31:05et où nous avons toute notre place.
31:07Il y a une partie qui est plus difficile à maîtriser.
31:09Dans la partie que nous pouvons maîtriser,
31:11c'est celle qui concerne le règlement de l'affaire ukrainienne
31:15et tout ce qui touche à la sécurité de l'Europe.
31:20Ça, c'est quelque chose qui, évidemment, nous concerne au premier chef.
31:24Et je vous rappelle que dans la guerre d'Ukraine,
31:27l'Europe, en montant totaux, a dépensé un peu plus que les États-Unis.
31:34C'est dire que nous ne sommes pas quantité négligeable dans cette affaire.
31:38Et c'est dire aussi que, dans le cadre de la reconstruction de l'Ukraine,
31:42bien évidemment, qui sera aux avant-postes ?
31:43On a bien compris que Donald Trump ne souhaitera pas autrement
31:46que pour des affaires mercantiles y participer.
31:51C'est bien évidemment l'Europe qui y participera.
31:54Et on voit bien ce qui, aujourd'hui, est au cœur de la diplomatie américaine,
31:59c'est de retrouver l'argent qu'ils ont dépensé.
32:02D'où ce deal incroyable sur les terres rares où Donald Trump réclame,
32:07c'est vrai qu'au départ, c'est Volodymyr Zelensky qui l'a proposé,
32:11qui réclame 500 milliards de dollars pour les terres rares
32:16sur un montant total estimé par Volodymyr Zelensky lui-même
32:20de 300 et quelques milliards de dollars.
32:23Nous sommes dans une situation où, manifestement,
32:25l'esprit transactionnel l'emporte.
32:27Il faut dire clairement que, pour cette partie-là,
32:30rien ne sera possible sans nous.
32:31Sur l'autre partie, qui manifestement est la principale,
32:35puisqu'on ne voit pas très bien dans cette partie ukrainienne et européenne
32:38ce que Donald Trump a à gagner, ni pour lui, ni pour les États-Unis.
32:41Par contre, on voit très bien ce qui peut l'intéresser
32:44dans la partie de l'accord stratégique.
32:47C'est à la fois un accord cadre avec la Russie
32:50sur l'architecture de sécurité stratégique,
32:53ce qui concerne la maîtrise des armements,
32:56ce qui concerne éventuellement la réduction du nombre de têtes nucléaires,
33:00ce qui concerne éventuellement des investissements
33:02que les États-Unis pourraient faire en matière énergétique en Russie,
33:06et puis surtout, parce que c'est, je crois,
33:08la grande motivation de Donald Trump.
33:10Donald Trump va opérer un jeu de bascule,
33:13une opération de contournement,
33:16une sorte d'opération Nixon à l'envers,
33:19c'est-à-dire gagner la Russie, enrôler la Russie,
33:22de façon à pouvoir se retourner vers la Chine en position de force.
33:27Et il y a un troisième élément,
33:30c'est que dans cette offensive de Donald Trump avec Vladimir Poutine,
33:34il y a manifestement une collusion idéologique.
33:38Voilà deux tenants d'un ultraconservatisme affiché,
33:42parce que la réalité est quand même un peu différente en matière sociétale,
33:45mais il y a un ultraconservatisme qui fait que
33:48Donald Trump se sent bien avec les hommes forts,
33:50c'est-à-dire ceux qui contrôlent leur société,
33:52et dans des sociétés où toute capacité de réaction
33:56est relativement tenue,
33:58de l'importance une fois de plus de l'offensive numérique.
34:00Mais est-ce que dans ce cadre de 2020,
34:02les États-Unis sont encore nos alliés ?
34:04Vous évoquiez tout à l'heure ce qui s'était passé en 2003,
34:06et ce discours que vous aviez tenu à l'ONU
34:09pour dire non à l'intervention américaine en Irak.
34:12À ce moment-là, il y avait eu des tensions,
34:14un discours anti-français développé outre-Atlantique,
34:18est-ce qu'on risque d'arriver au même fossé
34:21entre la France, l'Europe et les États-Unis,
34:23compte tenu encore une fois de ce que vous expliquez,
34:25de ce que vous appelez une collusion
34:27entre Donald Trump et Vladimir Poutine ?
34:29Nous sommes à un stade beaucoup plus avancé,
34:31c'est-à-dire beaucoup plus détérioré,
34:33puisque c'est une fois de plus, on l'a dit,
34:35un basculement historique.
34:36Vous dites que c'est pire qu'en 2003 ?
34:382003, c'était ce qu'on pouvait penser,
34:41une rupture ponctuelle avec une administration
34:45qui était celle de George Bush,
34:46dominée par les néoconservateurs.
34:48Là, nous sommes dans une évolution historique
34:50qui est d'une toute autre nature
34:52et d'une toute autre ampleur,
34:53à la fois sur le plan idéologique et sur le plan politique.
34:56Et c'est pour cela que l'offensive qui se fait en Europe,
34:59c'est une offensive contre l'État de droit.
35:03Quand l'Amérique s'en prend à la liberté d'expression,
35:06en Europe, au Royaume-Uni, en Allemagne,
35:11un peu partout dans les pays européens,
35:13on voit bien que ce qu'ils défendent,
35:15c'est la possibilité de pratiquer une sorte d'illimitisme.
35:20Il n'y a plus de limites, il n'y a plus de règles,
35:23parce que cela permet à la toute puissance américaine
35:26de prendre la place, de prendre le contrôle.
35:29Et voyez-vous, c'est tout ce qui me gêne aujourd'hui
35:32dans le risque pour notre propre pays.
35:35C'est que cette contagion de la doctrine Trump,
35:39d'une pratique du pouvoir qui ne connaît plus de limites.
35:42C'est le mot de François Bayrou, il dit qu'il y a une fascination
35:45pour Donald Trump d'une partie de l'opinion.
35:47Vous considérez qu'une partie de l'opinion,
35:49une partie de la classe politique française,
35:51est fascinée par Donald Trump ?
35:52Il y a aujourd'hui une sorte d'instinct,
35:54à la fois de violence et de mort,
35:56une pulsion qui gagne nos sociétés,
35:59qui les pousse à la radicalité.
36:01Et voyez-vous, dans le discours et l'expérience françaises,
36:08la République est au cœur.
36:10La défense de la République est au cœur.
36:12Et cette défense de la République,
36:14elle a comme principal point d'appui l'État de droit.
36:18C'est-à-dire la séparation des pouvoirs,
36:20le respect des droits fondamentaux,
36:22une hiérarchie des normes.
36:24Tout cela constitue notre patrimoine commun
36:26qui nous permet de vivre ensemble.
36:27Ce qui me gêne, dans ce qui se déchaîne dans notre pays
36:30depuis déjà maintenant plusieurs années,
36:32c'est que peu à peu, on voit renier cet édifice.
36:35Y compris, nous parlions de M. Retailleau tout à l'heure,
36:37quand il considère que l'État de droit n'est pas sacré,
36:39et que c'est quelque chose, après tout,
36:41qui peut être modifié.
36:42Il y a là, sur le plan de l'idéologie,
36:45une poussée sécuritaire, identitaire,
36:50vers la radicalité,
36:52qui constitue une véritable menace pour nos sociétés.
36:55Parce que c'est le champ libre au trumpisme.
36:58C'est le champ libre aux extrêmes droites.
37:00Et je ne veux pas d'un pays, la France ni l'Europe,
37:04qui sera le terrain de chasse d'une extrême droite
37:07avec des pays européens soumis, vassalisés,
37:10ayant à la fois renoncé à être eux-mêmes,
37:14et en même temps ayant renié leur héritage.
37:16Parce que vous voyez, M. Duhamel,
37:18nous avons un héritage.
37:20Et ce qui se fait en ce moment,
37:22dans cette politique de surenchère et d'équilibre,
37:26c'est justement le reniement de ce que nous sommes.
37:29Nous voulons croire comme l'ont fait les Américains.
37:31Et c'est pour cela que, vous voyez,
37:33je me suis opposé aux interventions militaires
37:35quand on n'a pas d'objectif politique.
37:37Comme aujourd'hui, je me pose à la pratique d'une diplomatie
37:39qui serait sans limites et sans règles.
37:41Et qui serait simplement des mots ajoutés les uns aux autres
37:44et qui, en quelque sorte, nous feraient plaisir.
37:46La diplomatie, ce n'est pas l'art de se faire plaisir.
37:49La diplomatie, c'est l'art d'obtenir des résultats
37:52en faisant en sorte que les deux partis
37:54puissent avancer l'une vers l'autre
37:56et trouver un terrain d'entente.
37:58C'est ça, une approche républicaine et démocratique.
38:02Et c'est cela qui, sur tous les sujets,
38:04devient de plus en plus difficile dans notre pays.
38:06Et croyez-moi, si je suis là devant vous ce soir,
38:09vous allez m'interroger sans doute sur je ne sais quelle ambition.
38:12Il n'y a aucune ambition personnelle.
38:14Mon ambition, c'est justement de vous dire
38:17ce que je viens de vous dire.
38:18C'est que la bataille républicaine,
38:21elle nous concerne tous,
38:23parce que nous voyons qu'aujourd'hui, dans les esprits,
38:25ce qui est en train de prendre le pouvoir,
38:28c'est justement cet instinct de violence.
38:30Cet instinct qui n'a pas de limites.
38:32Cet instinct qui ne respecte plus les règles.
38:35Et voyez-vous, je terminerai là-dessus.
38:37Ce qui s'est passé ce week-end est une bonne leçon.
38:40Monsieur Bardella, il est parti à Washington.
38:44Alors, on précise pour ce week-end,
38:46et d'ailleurs on va sans doute voir des images,
38:48il devait se rendre à ce qu'on appelle le CIPAC,
38:50c'est-à-dire la réunion des conservateurs américains.
38:53Il devait y intervenir et il annule son intervention.
38:56Pourquoi ? Parce que le monsieur que vous voyez sur cette image,
38:58qui s'appelle Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump,
39:00fait ce que Jordan Bardella appelle pudiquement, je cite,
39:04un geste faisant référence à l'idéologie nazie.
39:06Alors ce n'est pas à ce moment-là, c'est au moment où il est en train de faire ce discours.
39:10C'est quoi ? C'est le risque quand on fraye avec ce genre de personnes ?
39:14Vous avez le nez sur l'écran, ce qui vous empêche de voir...
39:17Non, commentez pour ceux qui regardent.
39:19Je vous le redis, vous avez le nez sur l'écran,
39:20ce qui vous empêche de voir la grande dimension de cette affaire,
39:25et en tout cas ce qu'elle révèle.
39:27M. Bardella, par le cœur léger à Washington, joli voyage,
39:31il arrive là-bas, il pense participer à un meeting,
39:34et qu'est-ce qui lui est arrivé ?
39:36Il a été débordé par l'idéologie qui est la sienne,
39:40et qu'il porte en France par des gens qui l'ont poussé encore plus loin.
39:43Ce qu'il a constaté, M. Bardella, c'est que les gens comme lui,
39:46et qui ont maintenant 10 ans, 15 ans, 20 ans d'avance aux États-Unis,
39:49eh bien ils en sont à faire le salut nazi.
39:51Ça, c'est la réalité de la radicalité dont je vous parle.
39:55C'est-à-dire que plus personne ne peut maîtriser des idéologies
39:59quand elles sont portées à l'incandescence.
40:01Et c'est là où la France doit se réveiller.
40:03C'est qu'il y a, dans toutes ces pratiques,
40:06qu'elles soient celles d'un ministre qui se lâche à la télévision
40:09et qui désigne des boucs émissaires.
40:10M. Trompiste ?
40:13M. Trump, justement, je ne veux pas qu'on s'aligne sur l'idéologie
40:17que l'on voit aujourd'hui, ni sur cette politique ultra-radicale
40:22qui consiste aujourd'hui à perdre le sens de la République.
40:25Sur tous ces sujets, la question c'est qui nous sommes.
40:29Dans quelle mesure la République, aujourd'hui, nous oblige
40:32à des actions responsables, à des paroles responsables,
40:35à rechercher des solutions plutôt que des effets de manche.
40:39M. Bardella a été tout à coup placé devant le fait à coup
40:44d'une vague qui l'a submergé.
40:47Et il a été sidéré de voir à quel point cette vague le submergeait.
40:51Voyez-vous, c'est ce que j'aimerais que tous ceux qui, aujourd'hui,
40:54sont tentés par ce vote radical puissent mesurer.
40:58C'est qu'une fois qu'on a enclenché cette idée de la préférence nationale,
41:02il n'y a pas de retour.
41:04C'est arreau sur l'immigration, c'est arreau sur l'autre,
41:07celui qui est différent.
41:09On établira des classifications de français binationaux,
41:12un peu moins binationales.
41:13Nous rentrerons dans cette logique.
41:15Autant de sujets, Dominique de Villepin, qui sont aujourd'hui portés
41:17par vos anciens camarades, ceux avec qui vous avez gouverné
41:20et les partis auxquels vous avez appartenu.
41:22Non, je crois que je n'ai gouverné avec aucun de ceux dont vous parlez
41:25et je n'ai jamais appartenu à ce parti dont vous parlez,
41:28les Républicains.
41:29Non, pardon, mais les Républicains, c'était l'UMP avant
41:31et que je sache, vous avez été ministre, premier ministre.
41:34Qui étaient les patrons de l'UMP, fondateurs de l'UMP,
41:37ce n'étaient pas ceux qui sont aujourd'hui aux affaires.
41:39Ceux qui sont aujourd'hui aux affaires, c'est les camarades de marche
41:41de M. Ciotti pour l'essentiel.
41:43Donc on a bien vu la dérive de ce mouvement.
41:45On a bien vu à quel point ce mouvement ne maîtrise rien
41:47parce qu'il court après, il court après des forces extrémistes
41:52et il pense qu'ils pourront après, une fois le pouvoir acquis,
41:56il pense qu'il y aura un ticket retour.
41:58Ce que je sais, M. Duhamel, c'est qu'on est comptable
42:01de la conquête du pouvoir.
42:03La façon dont on approche la conquête du pouvoir
42:05détermine la façon dont on exerce le pouvoir.
42:08Et aujourd'hui, il ne faut plus séparer la conquête et l'exercice,
42:11il faut faire preuve de responsabilité.
42:13Qu'on soit dans l'opposition, qu'on soit au pouvoir,
42:16vous me demandez de prononcer des mots qui ne sont pas les miens,
42:18je ne le ferai pas.
42:20Et c'est votre droit et je le constate.
42:22Parce que mes convictions ne sont pas négociables
42:24et parce que je sais que ces mots en entraînent d'autres
42:27et que ces mots sont des armes utilisées par certains
42:30pour régler des comptes.
42:32Et ça, je ne peux pas l'admettre.
42:34Il nous reste quelques minutes, je voudrais, avant de parler
42:36de la situation nationale, dire un mot de ce qui s'est passé
42:39en Israël en cette fin de semaine avec la remise des corps
42:41de la famille Bibas.
42:44Même pas neuf mois quand il a été enlevé.
42:46Son grand frère Ariel 4 ans, Israël,
42:48qui dit que le Hamas a assassiné en captivité les enfants
42:52après les avoir pris en otage le 7 octobre.
42:54Des corps qui ont été remis dans le cadre de cérémonies
42:56organisées par le Hamas, particulièrement abjectes,
42:59musique en fond, public assistant au transfert des cercueils.
43:02Quel regard avez-vous porté sur ces mises en scène du Hamas ?
43:05Le même que celui que vous venez de porter.
43:07C'est évidemment horrible, c'est tragique, c'est abject.
43:12Et c'est bien pour cela que nous devons avoir la force d'âme,
43:19la capacité à nous concentrer aujourd'hui sur l'essentiel.
43:22Je comprends la rage, l'émotion qu'ils peuvent saisir,
43:26tous ceux qui regardent cela, les familles, bien évidemment,
43:29et une grande partie, tout le peuple israélien.
43:33Mais quel est l'objectif ?
43:35L'objectif, c'est d'obtenir la libération de tous les otages.
43:39Et donc, il faut aller jusqu'à la fin de cette première phase,
43:43il faut travailler à l'enclenchement de la deuxième phase
43:45et poursuivre ainsi.
43:47C'est l'objectif d'ailleurs que s'est fixé l'administration américaine.
43:50Et au-delà de cela, rechercher une solution durable.
43:54Regardez, puisque c'est un élément qui porte quand même une lumière
43:57un peu particulière sur le peu de constance de Donald Trump.
44:01Parce qu'il faut vivre, il faut apprendre à vivre avec la réalité de Donald Trump.
44:04Il faut apprendre à vivre aussi avec sa volatilité.
44:07Donald Trump, alors que les pays arabes vont se réunir,
44:10se sont réunis, mais vont se réunir dans un sommet d'urgence le 4 mars au Caire,
44:15a déjà fait savoir qu'il était convaincu que son idée était la bonne,
44:19Riviera, Angaza, mais qu'après tout, s'il y en avait une autre,
44:23peut-être que c'est celle-là qu'il faut réexplorer.
44:25Donc ça montre que des États qui poussent leur détermination,
44:29qui proposent une alternative, en l'occurrence les pays arabes,
44:32comme nous, nous devons proposer une alternative extrêmement concrète,
44:36avec un certain nombre d'éléments de verrou.
44:40Nous devons le faire sur l'Ukraine.
44:42Cela montre que quand il y a une alternative,
44:45les États-Unis ne sont pas forcément obligés de dire non.
44:49Dominique de Villepin, je voudrais qu'on parle de politique nationale
44:51et notamment des échéances qui vont arriver dans les années qui viennent.
44:54J'ai vu sur votre compte X, X Twitter, que vous invitiez
44:57celles et ceux qui vous suivent à s'inscrire sur un site internet villepin.fr.
45:01Par ailleurs, vous multipliez des déclarations expliquant
45:04que vous ne vous désintéressez pas du débat de 2027,
45:06et on en a sans doute encore eu la preuve ce soir.
45:08Vous allez être candidat à l'élection présidentielle.
45:10Là, c'est une préparation.
45:11Quand on invite celles et ceux qui vous suivent
45:14à s'inscrire sur un site internet, vous allez être candidat ?
45:18J'ai d'abord quelques difficultés à passer les sujets qu'on vient d'aborder au sujet...
45:24C'est pour ça que je pense qu'on a passé beaucoup de temps
45:26sur les sujets internationaux.
45:28Vous faites votre métier, c'est pour ça que je le respecte.
45:30Mais moi, je ne mets pas sur le même plan tout ça.
45:33Et surtout, je vous ai donné le fil directeur.
45:36Je n'ai pas deux langages.
45:37Je dis la même chose sur tous les sujets.
45:39C'est que nous sommes dans une situation tragique et difficile
45:42qui appelle à la mobilisation de tous les citoyens.
45:45J'ai dit...
45:47La République est menacée.
45:49La démocratie est menacée.
45:51L'État-nation est menacée.
45:53L'Europe est menacée.
45:55Et donc, nous avons besoin d'un réveil et d'un sursaut.
45:58Et moi, je suis ici pour accompagner ce réveil.
46:01Accompagner, ça veut dire quoi ?
46:02Ça veut dire participer au débat ?
46:03Ça veut dire être disponible ?
46:05C'est-à-dire partager, monsieur Duhamel,
46:08une expérience et des convictions.
46:11Moi, je n'impose rien.
46:13Je propose et je dis.
46:16Je dis sur l'Algérie.
46:18Je dis sur les questions internationales.
46:20Je dis sur les questions républicaines.
46:23Il y a un autre chemin.
46:25Et on n'est pas obligé de suivre...
46:26Que vous pourriez incarner.
46:28Et on n'est pas obligé de suivre le chemin
46:30qui nous mène tout droit
46:32dans l'alignement et l'asservissement
46:36du trumpisme.
46:38La question de l'incarnation en politique,
46:40c'est une autre chose.
46:42La question des voix,
46:43de ceux qui aujourd'hui estiment qu'ils sont capables
46:46d'expliquer, pour une part,
46:48à un certain nombre de Français,
46:50les enjeux.
46:51Moi, je remplis le devoir qui est le mien.
46:53Je suis un ancien Premier ministre.
46:55J'ai exercé, vous l'avez dit,
46:56un certain nombre de responsabilités.
46:58Le devoir à moi, c'est de partager cela.
47:01Surtout quand je vois...
47:02Dominique Villepin partageait cela
47:04en étant soi-même candidat
47:05ou en faisant une sorte d'offre de service
47:07à celui ou celle qui garnera...
47:09Il n'y a pour le moment,
47:11ni l'un ni l'autre.
47:12Mais il y a aujourd'hui,
47:13sur la scène politique française,
47:16une très grande confusion
47:20et un très lâche soulagement.
47:24On voit au gouvernement,
47:26on est content parce qu'on fait un budget
47:28qui est le moins mauvais possible.
47:30On est content parce que les jours passent
47:32et qu'on est toujours au gouvernement.
47:34Mais le problème, c'est que la France,
47:35elle a des défis majeurs à affronter.
47:39Et donc, je ne suis pas là
47:41pour me mettre en haut de l'affiche.
47:43Mais pour dire, si jamais...
47:44Non.
47:45Et pour dire,
47:47le chemin vers lequel tout vous porte,
47:51le chemin qui,
47:53de très nombreux médias,
47:55tous les réseaux sociaux vous portent,
47:57qui est celui de la radicalité,
47:59de toujours penser que c'est en durcissant,
48:01c'est en radicalisant que la solution se trouve,
48:04je vous dis, celui-là ne vous mènera qu'à la frustration,
48:06qu'à davantage de peur
48:08et davantage de colère.
48:10Il n'y a pas d'issue.
48:11Nous le savons.
48:12Vous savez, monsieur Duhamel,
48:14derrière ce que j'ai dit en matière internationale,
48:17depuis 20 ans,
48:19il y a cette idée que la force militaire
48:21ne règle rien si elle n'est pas accompagnée
48:24d'une exigence politique.
48:26Ce que je dis, en politique intérieure,
48:28c'est que la radicalité ne règle rien
48:32en l'absence de toute vision républicaine.
48:36Donc je suis pour l'ordre en France,
48:38mais un ordre républicain.
48:40Je suis pour la justice, la justice sociale.
48:43Personne ne porte ces idées,
48:45donc il y a un chemin
48:47où vous pourriez vous défendre ces idées.
48:50Mais il y a surtout un chemin
48:52où d'autres pourraient les porter avec moi.
48:54Certains pourraient peut-être les porter mieux que moi
48:58et je m'en réjouirais.
49:00Mais ce que je veux aujourd'hui,
49:02considérer,
49:04exactement comme d'autres l'ont fait
49:06dans des rendez-vous historiques de notre histoire,
49:08parce qu'on ne peut pas dire, monsieur Duhamel,
49:10que nous sommes dans un moment tragique,
49:14dans un grand rendez-vous de l'histoire,
49:16et ne pas considérer que dans cet état d'urgence,
49:18il ne faut pas se mobiliser.
49:20Ce que je dis, c'est que, oui,
49:22rassemblons-nous,
49:24faisons en sorte que tous ceux qui pensent
49:26qu'il y a un autre chemin pour la France,
49:30un chemin de dignité, de respect, d'altérité,
49:33un chemin qui est fidèle à notre héritage
49:35d'universalisme et d'humanisme...
49:37Ce sont des mots de quasi-candidats.
49:39Mais monsieur Duhamel,
49:41ce sont les mots que j'ai empoliés toute ma vie.
49:43Ce sont les mots qui sont les miens,
49:46parce que ce sont les convictions qui sont les miennes.
49:48Ce sont surtout les mots qui me sont dictés
49:50par des générations de Français
49:52qui se sont battus pour leur pays
49:54et qui, aux heures difficiles, ont sauvé notre pays.
49:56Donc, c'est le rendez-vous auquel,
49:58aujourd'hui, nous sommes,
50:00et c'est le choix auquel, aujourd'hui, nous sommes confrontés.
50:02Et c'est ce à quoi vous vous préparez ?
50:04Je me prépare à intensifier cette parole,
50:06à travailler, une fois de plus,
50:08avec tous ceux qui considéreront
50:10que ce combat mérite d'être mené.
50:12Un dernier mot, Dominique de Villepin.
50:14Vous dites avec qui ?
50:16Quand on regarde les sondages, on peut avoir peut-être une idée,
50:18puisque vous avez fait une entrée remarquée dans le baromètre
50:20Le Point Cluster 17, des personnalités politiques.
50:22Vous êtes numéro 2 de ce classement, derrière Marine Le Pen,
50:24avec 35% de popularité.
50:27Ce qui est fascinant, quand on regarde dans le détail,
50:29c'est que cette popularité, vous la devez surtout aux sympathisants de gauche.
50:31Vous êtes, par exemple, la troisième personnalité politique préférée
50:34des électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2022,
50:36avec, on le voit, 58% d'opinions positives,
50:39derrière Jean-Luc Mélenchon et Marine Tondelier.
50:41Donc, c'est quoi ?
50:43Vous allez faire un ticket avec Jean-Luc Mélenchon en 2027 ?
50:46Je vous ai parlé de politique politicienne,
50:48de politique partisane, d'alliance,
50:50mais M. Duhamel, ce n'est pas le combat qui est le mien.
50:52Si aujourd'hui, il y a un certain nombre de Français
50:55qui peuvent écouter avec attention ce que je dis,
50:58c'est justement parce que je n'entre à aucun moment.
51:00Non, parce que vous voyez bien qu'ils sont davantage à gauche qu'à droite.
51:02Mais toutes les bonnes volontés,
51:04tous ceux qui se retrouvent dans cette exigence républicaine,
51:09humanistes, universalistes,
51:11tous ceux qui considèrent que la France est en train
51:14de dériver vers un modèle qui n'est pas le nôtre
51:17et qui est en train de renier l'héritage qui est le nôtre,
51:20tous ceux-là, oui, je veux qu'ils puissent s'organiser,
51:23je veux qu'ils puissent travailler ensemble
51:25et à partir de là, chacun verra
51:28la façon dont il veut porter le combat aux prochaines élections.
51:30C'est quand même étonnant de voir que ceux qui vous soutiennent aujourd'hui
51:32sont sans doute ceux qui manifestaient contre le CPE
51:34quand vous étiez Premier ministre en 2005.
51:36Ils ont peut-être oublié, ou alors c'est vous qui avez changé.
51:38Oui, mais c'était quoi le CPE, M. Duhamel ?
51:40Contrat de première embauche ?
51:41Oui, mais c'était quoi ?
51:42C'était un contrat différencié pour les jeunes
51:45quand ils entraient sur le marché du travail.
51:46Ce qui était vu à l'époque comme une façon de précariser les jeunes
51:49et c'était contesté par l'intégralité
51:51de ceux qui aujourd'hui visiblement dans les sondages vous soutiennent.
51:53Mais M. Duhamel, c'était quoi ?
51:55C'était l'une des clés de la loi Égalité des chances
51:59au lendemain de la crise des banlieues
52:02qui visait à permettre à ceux
52:04qui n'avaient aucune opportunité sur le marché de l'emploi
52:06de pouvoir rentrer dans le marché de l'emploi.
52:08Donc vous voyez bien que oui, ça n'a pas été compris hier.
52:12Et j'ai commis sans doute beaucoup d'erreurs
52:14dans la façon de l'expliquer,
52:15mais c'était dicté certainement pas par une politique libérale
52:19ou qui visait à précariser qui que ce soit.
52:21C'était au contraire la possibilité de rentrer sur le marché de l'emploi
52:24pour ceux qui en étaient rejetés.
52:25Un tout dernier mot,
52:27puisqu'ensuite on retrouvera Robert Ménard et Franz-Olivier Fisberg.
52:29Dans le cadre de ce travail,
52:31vous avez commencé à collecter des parrainages, de l'argent,
52:33parce que pour faire une campagne, il faut une machine,
52:36pas seulement avoir un talent oratoire
52:38qui permet de venir sur les plateaux de télévision.
52:40Nous n'avons pas eu la réponse que vous souhaitiez à la première question.
52:42Vous posez maintenant la question numéro 20,
52:44qui est celle des parrainages.
52:46Écoutez, monsieur Duhamel,
52:48si la question des parrainages se pose un jour, je vous le dirai.
52:50Mais croyez bien, ce n'est pas mon combat aujourd'hui.
52:53Et celle des financements de campagne ?
52:55De la même façon, aujourd'hui, ce n'est pas mon souci.
52:57Vous voyez bien, je viens avec mes convictions,
53:01je viens avec mes idéaux,
53:02et quel qu'en soit le prix et quels qu'en soient les risques,
53:05car croyez-moi, ce n'est pas facile en France,
53:07aujourd'hui, de porter les idées que je porte.
53:09Mais vous prendrez ces risques ?
53:11C'est beaucoup de solitude,
53:13et c'est évidemment beaucoup de critique,
53:15mais c'est l'honneur de la politique que de défendre ses convictions.
53:17Et je crois que ceux qui ont écouté cet entretien intéressant
53:20en tireront leurs conclusions sur vos ambitions à venir.
53:22Merci Dominique de Villepin.