En cette fin d'été 1944, la libération du territoire français est presque achevée. En trois mois, la Normandie, le sud, les Alpes, la vallée du Rhône, Paris et le Nord ont été libérés. Le 12 septembre 1944, la jonction s'opère près de Dijon entre les armées alliées, venues des bords de la Manche, et celles qui remontent depuis la Méditerranée. Une page de la campagne de France se tourne. Les Alliés se préparent maintenant à livrer la bataille ultime : celle de l'Alsace annexée par le 3ième Reich. Pour les Français de l'Est, et ceux des poches de l'Atlantiques encore contrôlées par les Allemands, la guerre continue. Pour les autres, le retour à la vie normale se fait attendre. Le pays est en ruines et l'heure des règlements de compte a sonné.
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00:00Aute 1944, plus de deux mois après le débarquement en Normandie, les trois quarts de la France sont toujours occupés.
00:12Les Français du Nord, de l'Est et du Sud vivent dans un pays en guerre et ils s'impatientent.
00:19Pourquoi la libération est-elle si longue à venir ?
00:23En réalité, dans plusieurs régions, la France s'éveille.
00:28Les résistants tentent de libérer seuls certaines villes sans attendre les armées alliées.
00:34Cependant, par manque de renforts, ils échouent souvent à chasser l'ennemi.
00:41Des échecs dont les conséquences sont parfois tragiques.
00:45Des représailles sanglantes s'abattent sur les populations.
00:48L'espoir de la fin de la guerre s'éloigne.
00:52Chaque ville, chaque village connaîtra une libération singulière.
00:58Dans ce climat d'incertitude, les Français n'aspirent qu'à une seule chose.
01:03Retrouver le cours de leur existence, bouleversée depuis cinq années.
01:23Dans le sud de la France, les conditions de vie se détériorent.
01:28La situation économique est un désastre.
01:31L'agriculture provençale échoue à ravitailler les civils, notamment dans les villes.
01:37L'occupation à Marseille ou à Nice est drastique.
01:41Les barbelés empêchent même l'accès aux plages.
01:45Tandis que dans les tramways, les civils s'entassent,
01:49les Allemands s'amusent dans les rues adjacentes.
01:52Ils persistent ouvertement à profiter de la cuisine locale, inaccessible aux Français.
01:58Dans l'intimité des demeures, les civils se désespèrent.
02:02L'information circule selon laquelle les maquis ont été décimés.
02:07Ils ont besoin d'un nouveau souffle. L'attente a assez duré.
02:13Tous les soirs, Radio Londres.
02:16Ça s'intitulait « Les Français parlent au français ».
02:20Et tous les soirs, on était avec les voisins.
02:23La population n'était pas tranquille à ce moment-là.
02:26Mais on entendait la libération.
02:29C'était le grand sujet. Ils arrivent.
02:33Les Alliés ont décidé d'ouvrir un second front en France.
02:37Sous les ordres du général Patch,
02:39120 000 hommes de la 7e armée américaine et 230 000 Français
02:43se préparent à débarquer entre Cannes et Toulon.
02:49La flotte alliée comporte 2000 bâtiments, dont 500 navires de guerre.
02:54À la tête de la première armée, Delattre de Tassigny.
02:59Le plus jeune général de France commande des soldats des forces françaises libres
03:03et de l'armée d'Afrique.
03:06Une tour de Babel où coexistent tirailleurs sénégalais et algériens.
03:11Goumiers est à bord marocain, Marsouin du Pacifique et des Antilles.
03:17Plus de la moitié sont nord-africains, un tiers européens d'Algérie.
03:23La veille du débarquement, des ports nord-africains, italiens et corses,
03:28le corps expéditionnaire allié embarque pour rejoindre les côtes françaises.
03:33Cette fois, la France est là.
03:36La France est là.
03:38La France est là.
03:40La France est là.
03:42La France est là.
03:44La France est là.
03:46La France est là.
03:48La France est là.
03:50La France est là.
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03:56La France est là.
03:58La France est là.
04:00La France est là.
04:02La France est là.
04:04La France est là.
04:06La France est là.
04:08La France est là.
04:10La France est là.
04:12La France est là.
04:14La France est là.
04:16La France est là.
04:2015 août 1944.
04:23Nom de code, Opération Dragoon.
04:26Le débarquement a lieu sur les plages de Cavalère, Saint-Tropez, Saint-Maxime, Saint-Raphaël.
04:33Les soldats allemands savent qu'ils ne pourront pas tenir longtemps.
04:36Le mur de la Méditerranée offre moins de résistance que celui de l'Atlantique.
04:42La défense allemande est dégarnie
04:44du fait des renforts envoyés sur le front de Normandie.
04:49En quelques heures, la tête de pont est solidement installée.
04:53Le nombre de tués est faible côté alliés, comparé aux dix mille pertes du 6 juin 1944.
05:00La résistance, unie sous la bannière des forces françaises de l'intérieur, facilite les opérations.
05:0720 000 hommes du Midi et des Alpes intensifient leurs opérations de guérilla et de sabotage.
05:21Depuis la Corse, premier département métropolitain libéré en 1943,
05:26les avions alliés ont décollé la veille pour larguer des milliers de parachutistes.
05:37Un avion est tombé en flamme à 200 m d'ici.
05:40Le pauvre aviateur était mort et dans sa chute, il avait perdu ses chaussures.
05:46Les gamins du village n'ont finissé pas de s'étonner qu'il ait des pieds aussi propres et aussi blancs.
05:52Ça les a plus étonnés que de trouver un avion tombé dans un champ.
05:57J'ai trouvé son parachute, avec lequel maman m'a fait un mouchoir.
06:01Le tissu était doux comme de la soie.
06:11L'ouverture de ce second front allié est un succès.
06:17Le 17 août, l'état-major général de la Wehrmacht donne l'ordre de se replier
06:22pour éviter d'être pris en tenaille entre le 2e et le 3e avion.
06:26Une course contre la montre s'engage.
06:29130 000 soldats allemands brisés, dépenaillés, refluent vers l'est de la France
06:35tandis que les populations acclament dans les campagnes, les villes et les villages.
06:39Les libérateurs tant attendus.
06:43Le 21 août à Bandol, Aubagne et Aix-en-Provence.
06:47Le 22, à Salon-de-Provence.
06:50La libération se part des allures d'un conte de fées.
06:57Voilà que j'apprends une nouvelle formidable.
07:00Le débarquement semble un succès puisque les Allemands ne parlent pas de leur résistance victorieuse.
07:06L'impatience nous fait bouillir.
07:09Les soldats et les soldats d'Aix-en-Provence,
07:11Nous sommes tous plus tendus les uns que les autres,
07:13mais j'ai vraiment la peur au ventre.
07:23Les alliés se séparent.
07:25Les Américains ont pour objectif de talonner les Allemands en remontant la vallée du Rhône
07:30tandis que les Français doivent libérer les deux grands ports de Toulon et Marseille
07:34afin d'obtenir la victoire.
07:37À Marseille, la douceur de vivre a disparu depuis l'invasion de la zone sud.
07:43Les civils souffrent de l'occupation allemande,
07:45particulièrement pesante dans la cité phocéenne,
07:48du fait de sa situation stratégique.
07:52Les Allemands se sont retrouvés à l'intérieur de la cité.
07:55Ils se sont retrouvés à l'intérieur de la cité.
07:58Ils se sont retrouvés à l'intérieur de la cité.
08:01Ils se sont retrouvés à l'intérieur de la cité.
08:03Du fait de sa situation stratégique.
08:075 000 soldats de la Kriegsmarine
08:09et 12 000 hommes de la 21e division d'infanterie cadrillent la ville.
08:16Tandis que les soldats profitent des charmes du vieux port,
08:19la population attend avec une inquiétude croissante sa libération.
08:25Il y avait l'aryénisme.
08:29C'est-à-dire qu'il y avait le racisme qui s'est développé.
08:32Il ne faut pas croire qu'on se baladait dans la rue comme ça.
08:35On n'était pas tranquille.
08:39Le 21 août 1944,
08:41avant que les Alliés n'arrivent,
08:43et tandis que Paris n'est pas encore libérée,
08:46les forces françaises de l'intérieur déclenchent une insurrection.
08:51Malgré leur manque d'armes et de coordination,
08:53elles tentent un coup de poker.
08:57Le commandant allemand Schaeffer
08:59a reçu l'ordre de se défendre jusqu'au dernier de ses hommes.
09:03Il sabote le port pour empêcher les Alliés de l'utiliser.
09:21À quelques dizaines de kilomètres de là,
09:23le général Delattre est persuadé que les Allemands vont faire de Marseille
09:26le symbole de leur résistance dans le Sud.
09:30Leur rapport de force est si défavorable aux résistants
09:33que les combats risquent de provoquer un bain de sang.
09:37Il charge alors un de ses généraux,
09:39le général Monsabert,
09:41de tenter d'entrer dans la cité fosséenne.
09:57Quand nous arrivons au centre de Marseille,
10:00la ville est sinistre.
10:02Je ne m'attendais pas à lui trouver ce visage.
10:05Un désert parsemé, ici et là, de patrouilles,
10:08de chars en surveillance.
10:11Dehors, les balles continuent à cribler les murs.
10:17Curieux autant qu'inconscient du danger,
10:19les Marseillais sont à 400 mètres des boches dans les rues adjacentes.
10:23La foule ne se rend pas compte de ce qui se passe.
10:27Les soldats de la 1ère Armée, soutenus par les FFI,
10:30affrontent les Allemands qui occupent les sites puissamment fortifiés.
10:34Les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas.
10:38Les combats se poursuivent jusqu'à Notre-Dame-de-la-Garde,
10:41le symbole de la ville.
10:46Vous me demandez pourquoi je suis là.
10:49Je suis venu pour vous.
10:52Je suis venu pour vous.
10:55Vous me demandez si la Résistance a libéré Marseille.
10:58Ils ont participé à la libération.
11:02Marseille a été libérée en très grande partie par des musulmans,
11:07par les troupes de la 3ème Division d'Infanterie algérienne.
11:16Les Allemands ne résistent pas longtemps.
11:19Après une semaine de combats,
11:21le général Schaeffer signe la capitulation le 28 août 1944.
11:29Le bourdon de Notre-Dame-de-la-Garde et les cloches des églises retentissent.
11:36Là, on a eu le vrai frisson.
11:38On a eu le frisson.
11:42Je me rappelle très très bien
11:45être monté à Notre-Dame-de-la-Garde,
11:47pieds nus, avec ma mère et avec d'autres personnes.
11:51C'était un pèlerinage de gens qui avaient été sauvés,
11:55rescapés, qui n'avaient pas directement souffert,
11:58qui venaient remercier.
12:00Monsabert avait une très grande dévotion pour Notre-Dame-de-la-Garde.
12:04Il avait même dit « C'est elle qui a tout fait ».
12:18Les civils sont à la fois heureux et anéantis.
12:22Éprouvés dès 1943 par le dynamitage du quartier du Vieux-Port,
12:26par les rafles, Marseille sort meurtrie de la guerre.
12:3610 000 Allemands ont été faits prisonniers.
12:39Qu'en pensent les Marseillais ?
12:41Ils sont sidérés de voir défiler des soldats inoffensifs
12:44qui la veille les empêchaient de vivre.
12:56Le 29 août, les Marseillais se retrouvent sur la Canbière
13:00pour acclamer le défilé.
13:02La première armée a perdu 1 500 soldats.
13:05Les FFI gaullistes et les communistes de l'armée secrète
13:09et des francs-tireurs et partisans ont perdu 120 hommes.
13:13Des généraux sont fiers d'avoir été les premiers Français
13:16à libérer la plus grande métropole du Sud,
13:19quelques jours avant Paris.
13:23De Gaulle continue d'installer son administration provisoire.
13:27Il nomme le résistant communiste Raymond Aubrac,
13:30commissaire de la République.
13:42Les sourires sur les visages dissimulent mal le climat réel.
13:47Au moment de la libération,
13:49la colère et la haine, tues depuis cinq années, se déchaînent.
13:54Les dénonciations, les vengeances, les lynchages se multiplient.
13:59Des listes noires circulent avec les noms des collaborateurs.
14:04Une commission d'épuration créée au sein de la résistance
14:08s'arroge le pouvoir d'instruire des dossiers.
14:13Les troubles ont été nombreux après à Marseille.
14:16Il y avait beaucoup de divisions, ça je peux le dire,
14:20sans blesser personne, mais il y avait de la division
14:24et il y avait un esprit, il y avait une revanche qui se produisait
14:30à l'égard d'anciens miliciens, de colère beau.
14:43Sans aucun procès,
14:45les femmes suspectées de collaboration subissent un traitement particulier.
14:50Tendues en pleine rue,
14:52elles sont condamnées à un châtiment venu du fond des âges.
14:56L'exhibition de leurs crânes rasés
14:59est le signe visible et incontestable de leur trahison.
15:05Leur vie a été détournée.
15:07Leur vie a été détournée.
15:08Trahison.
15:12Les français expriment à travers ce rituel
15:15une rare violence collective.
15:18Des scènes barbares se produisent dans l'ensemble du territoire
15:21quelques jours après les libérations,
15:23tant que les cours de justice ne sont pas encore installés.
15:38La libération de Marseille apporte à la 7ème armée américaine un avantage décisif.
15:48320 000 soldats et 68 000 véhicules seront débarqués en Provence entre Toulon et Saint-Raphaël,
15:55sans compter le carburant, les munitions et l'approvisionnement.
16:00Marseille devient l'une des plus importantes bases américaines en Europe.
16:09J'ai vécu l'arrivée des Américains.
16:14Ça m'a fait quelque chose de les voir arriver.
16:17L'arrivée d'une moto américaine,
16:20ils arrivent, ils mettent les deux pieds par terre,
16:24ils regardent à droite et à gauche.
16:27C'était l'Américain.
16:29Putain, l'Américain, enfin, il est là.
16:32C'est fabuleux.
16:34Il faisait plein de soleil.
16:39Un soleil qui réchauffe depuis l'été 1943
16:43le cœur de milliers de maquisards qui vivent dans le sud-ouest, près de Toulouse.
16:51Ils mènent une guérilla, multiplient sabotages et embuscades
16:55pour répondre aux exactions de l'occupant soutenu par la milice française.
17:01Les résistants communistes veulent, en libérant Toulouse,
17:05s'imposer face au pouvoir gaulliste.
17:10À leur tête, un jeune polytechnicien, le colonel Ravanel,
17:14appelle à l'insurrection le 17 août 1944 pour libérer Toulouse.
17:19Lorsqu'avec ses 4000 FFI, ils entrent dans la ville rose,
17:23les Allemands ont déjà fui.
17:26Ils étaient très pressés.
17:29Ils n'avaient pas le temps de piller quoi que ce soit.
17:34Ça allait vite, là.
17:40On était libres.
17:42Ça, c'était énorme.
17:47On n'avait pas peur d'être ramassés par une rafle ou par une patrouille allemande.
17:53Ils m'arrivaient de porter des armes de poing, pas des mitraillettes,
17:58des armes de poing, des pistolets, des revolvers,
18:01dans les sacoches, une vélo.
18:03C'était quand même extraordinaire, par rapport à ce qu'on avait vécu.
18:0830 000 Toulousains se rassemblent place du Capitole
18:11pour acclamer les autorités résistantes,
18:13qui pour la première fois sortent tout grand jour.
18:18Les communistes qui rêvent du grand soir
18:20voient d'un mauvais oeil l'arrivée du commissaire de la République envoyé par de Gaulle.
18:24Pour partager le pouvoir, ils s'appuient sur des figures légendaires.
18:28Delcan pour les francs-tireurs et partisans,
18:31Acevedo pour les guerrilleros espagnols,
18:34et Jean-Pierre Vernon, alias Colonel Berthier, chef départemental des FFI.
18:41C'était le bel homme, le beau mec, comme on dit.
18:44J'avais la présence, Vernon, à ce moment-là, oui.
18:47Il y avait tout un système, je dirais presque mental,
18:51qui faisait que nous étions tout à fait dévoués à cette cause.
18:56Pour établir une République rouge, il faut une résistance unie.
19:00Or, les résistants se déchirent entre eux.
19:03À Toulouse, dix jours après le débarquement en Provence,
19:07la rumeur court d'un grand climat de violence propice à toutes les outrances.
19:11Des miliciens seraient exécutés par la foule,
19:14des pendus découverts place du Capitole,
19:17des cadavres charriés par la Garonne.
19:20Le communiste Ravanel instaure un couvre-feu.
19:24Dans les semaines qui suivent la libération, le réalisme l'emporte.
19:28Les communistes n'ont ni les moyens matériels, ni stratégiques de s'imposer.
19:33Il n'y a pas eu de guerre civile à Toulouse,
19:36mais la bataille pour le pouvoir ne fait que commencer.
19:47Alors qu'un vent de liberté souffle dans tout le sud-ouest de la France
19:51qui se libère sans l'aide des alliés,
19:54à Vichy, le régime s'effondre.
19:57Pétain, désormais prisonnier des Allemands, est un homme seul.
20:02Craignant d'être enlevé par les nazis,
20:05il rédige un message d'adieu aux Français.
20:08« Au moment où ce message vous parviendra, je ne serai plus libre.
20:12Je n'ai eu qu'un seul but. Vous protéger du pire.
20:16Car si je ne pouvais plus être votre épée,
20:19j'ai voulu rester votre bouclier. »
20:23À l'aube du 21 août 1944, il fait ses adieux à ses proches.
20:29Lorsqu'il sort de l'hôtel, les gardes lui présentent les armes.
20:33Dehors, une foule l'acclame.
20:37Pétain part pour Sigmaringen, en Allemagne.
20:41La milice et la Gestapo quittent la ville.
20:44Le 26 août, la capitale du régime de Vichy tombe dans l'indifférence générale.
20:50L'État français n'existe plus.
20:53Qui va prendre le pouvoir ?
21:01Au sud-est de la France, dans le massif du Vercors,
21:05des anonymes ont restauré la République dès le 3 juillet 1944.
21:15J'ai assisté à la création d'une nouvelle République française.
21:19Quand vous avez des gars comme ça,
21:22c'est des exemples, des types simples, honnêtes.
21:29Vous les suivez ?
21:32Tout le Vercors était pour.
21:35Il y avait une aire de liberté.
21:38On y croyait déjà.
21:42À peine installée, cette République est menacée.
21:46Les Allemands veulent éradiquer les maquis qui soutiennent les Alliés.
21:5610 000 soldats et parachutistes du général Pflaume
21:59déciment le massif du Vercors
22:02et bombardent les civils du plafond.
22:06280 villageois de Vassieux sont torturés et massacrés.
22:15Sur 3 000 résistants, un cinquième est tué.
22:20Les soldats et parachutistes du général Pflaume
22:23déciment le massif du Vercors
22:26et bombardent les civils du plafond.
22:36Je vois tous ces gars allongés là.
22:39Et j'ai su que c'était mes copains qui étaient fusillés,
22:43avec qui j'avais joué au quai,
22:46et d'autres qui étaient un peu plus âgés que moi, tous,
22:50qui avaient été fusillés.
22:53Tous mes oncles,
22:56qui sont morts.
22:59Des cousins,
23:02on devait bien être au moins une dizaine.
23:07On a échappé pourquoi, j'en sais rien.
23:10La chance.
23:13La chance et le bon sens.
23:22Entre juin et juillet 1944,
23:25les plus grands maquis,
23:28Montmouchet, Saint-Marcel et le Vercors
23:31sont tous anéantis par la Wehrmacht.
23:34Les résistants paient d'un prix exorbitant leur engagement.
23:37L'appel au soulèvement civil,
23:40en donnant une vision romantique de la guerre,
23:43a débouché sur une tragédie.
23:46Les alliés n'ont jamais cru à la nécessité des maquis.
23:49Mais de Gaulle tenait à ce que des forces françaises
23:52puissent s'assurer de la sécurité des civils.
23:55Mais de Gaulle tenait à ce que des forces françaises
23:58libèrent une partie du territoire, quoi qu'il en coûte.
24:04Le reproche que je pourrais faire
24:07à de Gaulle,
24:10mais certainement qu'il n'avait pas pu avoir les matériels,
24:13de ne pas nous avoir renforcés
24:16de 1500 à 2000 hommes, c'est tout.
24:19Parce que les maquisaires
24:22avaient envie de se battre.
24:37Dans le massif central,
24:40d'autres résistants se battent.
24:43Guingouin, un jeune instituteur communiste
24:46à la tête des FTP Limousin,
24:49décide de créer une république
24:52pour incarner une autorité concurrente à celle de Vichy.
24:55Il fixe le prix des denrées,
24:58interdit le marché noir
25:01et rédige des arrêtés signés le préfet du maquis.
25:04Il se cache dans des fermes,
25:07dort à la belle étoile,
25:10se réfugie dans des abris.
25:13Il ne se sépare jamais de sa machine à imprimer des tracts
25:16et d'un marché.
25:21Ces communistes ont également une légitimité militaire.
25:24Sur le plateau de Millevaches,
25:27ils ont affronté en juillet 1944 la Wehrmacht,
25:30déstabilisée par la mosaïque de Landes et de Bocages,
25:33de Buissons et de Chemins Creux.
25:40Cette fois-ci, l'aviation alliée a parachuté des armes.
25:44Guingouin et ses hommes évitent le combat frontal,
25:47multiplient les embuscades et les sabotages
25:50et repoussent les nazis.
25:53Le préfet du maquis est un électron libre
25:56qui n'est pas soutenu par les gaullistes.
25:59Il a fédéré des résistants FTP,
26:02de l'armée secrète et de l'ORA,
26:05ainsi que des escadrons de gendarmerie.
26:08Six jours après le débarquement en Provence,
26:11le parti communiste ordonne de libérer Limoges.
26:17Si Guingouin et ses hommes encerclent la ville,
26:20ils refusent de donner l'assaut.
26:23Guingouin redoute les représailles.
26:26Il sait combien à Tulle les populations ont souffert.
26:34Le 21 août 1944,
26:37les rues de Limoges sont étrangement calmes.
26:41Guingouin oblige l'état-major allemand
26:44à capituler sans condition.
26:47Fait exceptionnel dans l'histoire de la libération,
26:50les résistants libèrent la ville sans faire aucune victime.
26:55Et les prisonniers allemands ne subissent aucun mauvais traitement.
26:59Limoges, après Toulouse,
27:02vit quelques semaines sous l'autorité des communistes
27:05dont la police, les milices patriotiques,
27:08défilent fièrement.
27:11Toutefois, comme à Toulouse,
27:14les communistes échouent à prendre le pouvoir.
27:17Après le limousin,
27:20les FTP se réunissent.
27:23Après le limousin,
27:26les FFI et les FTP locaux
27:29continuent de libérer le territoire.
27:32Il y aura le Sud-Ouest,
27:35les Alpes et le Jura.
27:38L'influence des communistes est une menace réelle
27:41pour le général de Gaulle.
27:44Il est urgent à ses yeux d'asseoir définitivement son pouvoir
27:47en libérant Paris.
27:54Durant l'été 1944,
27:57les conditions de vie des Parisiens se détériorent.
28:00L'électricité fonctionne quelques heures par nuit.
28:03Le gaz, une heure par jour.
28:06L'essence a pratiquement disparu.
28:09Au marché noir, les prix s'envolent.
28:12Les produits de première nécessité disparaissent.
28:15La famine n'est pas loin.
28:18Alors l'alimentation, c'était épouvantable.
28:22Une fois, on nous a annoncé une distribution de beurre.
28:25Le beurre.
28:28On n'en avait pas vu depuis l'avant-guerre.
28:31Malheureusement, ce beurre avait une odeur de poisson.
28:34On n'a pas pu le manger.
28:37C'était affreux.
28:40La faim, le froid, tant pis.
28:43Un jour ou l'autre, on serait libérés.
28:52Les Parisiens subissent la présence oppressante des Allemands,
28:55de la milice et de la police de Vichy.
28:59Une police qui a prêté son concours à la machine de mort nazie
29:02en participant au rafle des Juifs.
29:06Quelques semaines plus tôt,
29:081150 Juifs, dont 400 arrêtés par la police parisienne,
29:11ont été déportés vers Auschwitz.
29:22Des Allemands, il y en avait partout à Paris.
29:25Dans les cafés, dans les métros.
29:28On ne pouvait pas les éviter.
29:31Mais il y avait parfois des groupes de jeunes soldats allemands
29:34qui défilaient sous nos fenêtres.
29:37Et là, j'avais peur.
29:40Là, il me faisait peur.
29:43Parce qu'ils chantaient et marchaient avec un tel allant.
29:46Ils étaient effrayants.
29:50D'autres Parisiens fustigent les Alliés,
29:53qu'ils rendent responsables des bombardements.
29:56Ils molestent avec une étonnante brutalité
29:59leurs pilotes, exhibés par les Allemands.
30:05Les Américains, stationnés à une centaine de kilomètres
30:08de la capitale, refusent de libérer Paris.
30:11Cela signifierait ravitailler 2 millions de civils
30:14et ralentir leur avancée vers l'Allemagne.
30:18Pour de Gaulle, Paris représente un enjeu politique
30:21et symbolique majeur.
30:24Qui entrera dans Paris ?
30:27Paris brûlera-t-il, comme l'a juré Hitler ?
30:32C'est l'été. Nous allons être libérés.
30:35Je suis jeune et un hypocrite bonheur
30:38de vivre sourd en moi.
30:41J'ai envie de voir des hommes bien portants
30:44qui n'ont jamais connu la défaite ni l'occupation.
30:47J'ai envie de bouffer du chocolat, du pain blanc,
30:50une meringue chantilly. J'ai envie d'être une femme,
30:53même une petite femme de Paris.
30:56Tout, mais pas une âme qui souffre et qui pense.
31:05Les résistants sont commandés par le colonel Roltangi,
31:08communiste célèbre pour avoir servi dans les brigades
31:11internationales lors de la guerre d'Espagne.
31:16Ils trépignent d'impatience.
31:19Ils veulent déclencher la bataille de Paris,
31:22alors que de Gaulle souhaite la retarder le plus possible
31:25pour éviter des pertes inutiles.
31:28Le 15 août, c'est l'insurrection.
31:3320 000 résistants sous la bannière des forces françaises
31:36de l'intérieur se préparent au combat.
31:40Les communistes manquent d'armes et d'entraînement.
31:43Ils disposent de quelques centaines de fusils.
31:48Un premier coup de théâtre a lieu.
31:51La police, soumise depuis 1940 à Vichy et la gendarmerie
31:54se rallient à Roltangi.
31:57Ils disposent désormais d'hommes armés et entraînés.
32:01De quoi faire face au général Von Scholtitz,
32:04commandant du Grand Paris, qui a pour ordre d'incendier la capitale.
32:08Les Parisiens s'enferment chez eux.
32:11Les rues sont désertes.
32:14Boutiques et théâtres ferment.
32:18Dans ce moment suspendu, les rats quittent le navire.
32:23Sous protection allemande, les grandes figures de la collaboration
32:26fuient la capitale, comme Jacques Doriaud,
32:29fondateur du parti populaire français fasciste,
32:32et son bras droit, Albert Begras.
32:36Mon père, à l'époque où je suis né,
32:39était déjà dans la politique jusqu'au cou.
32:42Il avait rejoint le parti de Jacques Doriaud,
32:45ce qui est quand même assez bizarre.
32:48Il était prêt à partir à Londres pour rejoindre De Gaulle.
32:51Et Doriaud l'a récupéré, il lui a fait changer d'avis
32:54en disant que De Gaulle, c'était n'importe quoi
32:57et qu'il fallait être en France
33:00et qu'il fallait collaborer.
33:03Il est chargé d'organiser un service secret pour Doriaud.
33:06Il récoltait des renseignements
33:09sur les résistants essentiellement.
33:12Il est parti un soir d'été.
33:15Il s'est sauvé avec les gens qui se sauvaient à l'époque.
33:18On ne savait pas ce qu'allait devenir mon père.
33:21On ne savait pas s'il allait être descendu,
33:24s'il allait revenir, s'il n'allait pas revenir.
33:27Et nous, tout d'un coup, c'était les mauvais Français
33:30C'était ceux qui allaient payer maintenant.
33:33J'avais une grand-mère.
33:36En fait, elle était fasciste.
33:39A la fin d'occupation, elle a été la maîtresse d'un officier allemand.
33:42Elle avait pris une valise et elle avait mis des bijoux, de l'argent,
33:45un peu ce qu'elle avait avec elle.
33:48Et au cours de la retraite, donc,
33:51son amant allemand l'a tué d'une balle dans la tête
33:54pour lui voler sa valise.
33:57Et alors, ça, c'est une conséquence extraordinaire.
34:00C'est que j'allais avoir, à une journée près,
34:03une grand-mère fusillée pour collaboration
34:06et finalement, j'ai une grand-mère assassinée par les nazis.
34:09Ça change tout.
34:15Montgomery déclare que les alliés sont aux lisières de Paris.
34:18Nous ne savons pas qui, demain, à Paris,
34:21tiendra le pouvoir.
34:25Nous ne savons rien.
34:28Mais, comme on sent la mer avant de la voir,
34:31nous sentons la liberté.
34:36Les Allemands tiennent les ponts et prévoient de faire sauter
34:39les principaux bâtiments de la capitale.
34:42Roll Tanguy appelle à la mobilisation générale des Parisiens.
34:45Assommez les Boches pour arracher leurs armes.
34:48Vengez vos fils et vos frères martyrisés.
34:51Pas de quartier aux assassins.
35:01Les communistes veulent contrôler la ville.
35:04Ce serait enfin leur heure de gloire.
35:07Ils gagnent une première bataille en prenant la préfecture
35:10avec l'aide de la police.
35:13On hisse le drapeau tricolore sur le toit.
35:17Mon cher Philippe,
35:20je veux essayer de te donner, au jour le jour,
35:23l'atmosphère de Paris.
35:26Les Boches font sauter tous leurs dépôts.
35:29Toute la nuit, des explosions retentissent.
35:32Ce matin, la rue Mouffetard grouillait.
35:35Vente publique de drapeaux.
35:38Cependant, une ombre au tableau.
35:41Les affiches de la résistance communiste
35:44qui ornent tous les murs.
35:47Les résistants circulent, un brassard tricolore aux bras.
35:50Ils sortent d'on ne sait où.
35:57L'hôtel de ville est pris d'assaut par un groupe de résistants,
36:00dont le jeune comédien Gérard Philippe.
36:03Si les FFI peuvent se féliciter de l'occupation
36:06de la préfecture de police,
36:09de l'hôtel de ville, des mairies et des commissariats,
36:12Roltangui se demande combien de temps
36:15ces hommes pourront tenir.
36:24C'est alors que les Parisiens descendent dans la rue
36:27pour dresser 600 barricades.
36:30Hommes, femmes, enfants, vieillards
36:33renouent spontanément avec leur mémoire collective.
36:36Les barricades des révolutions de 1830,
36:391848, 1871.
36:48Ça mitraillait partout et il y avait une barricade
36:51200 mètres plus loin, au coin de la Rue St-Placide,
36:54devant le pâté de maison détruit.
36:57Une barricade, c'est pas toujours aussi bien construit
37:00que Victor Hugo le décrit.
37:04Les combats de rue entre les FFI et la Wehrmacht
37:07sont sanglants.
37:10Les chars Tigre et Panzer tirent sur les insurgés.
37:13Paris est un champ de bataille.
37:20Mon père était dans la Résistance armée
37:23et il était rentré dans la FTP.
37:26J'étais très impressionné quand j'étais petit
37:29parce qu'il me racontait que pour attaquer les chars,
37:32il fallait jeter des bouteilles d'alcool et d'essence
37:35sous les chars pour les faire flamber.
37:38Quand mon père me racontait ça,
37:41pour moi c'était vraiment une épopée.
37:44Ça m'impressionnait beaucoup.
37:47Je me voyais jeter des bouteilles d'essence
37:50sous les chars.
37:53Ce matin, assaut par un tank Tigre
37:56de la mairie du Vème, occupée par la Résistance.
37:59Les résistants ont été fauchés devant l'école des mines.
38:02Toutes les rues sont dangereuses.
38:05Des miliciens tirent des fenêtres dans la rue et sur n'importe qui.
38:08Des gens ont été tués chez eux.
38:11Les Allemands sont évidemment les plus forts.
38:14Que veux-tu faire avec des fusils et des mitraillettes
38:17contre des tanks ?
38:22Après huit jours d'insurrection,
38:25Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe,
38:28a été vaincre par le général de Gaulle.
38:31Il enverra la deuxième division blindée du général Leclerc
38:34et la quatrième division d'infanterie américaine.
38:37De Gaulle choufla Leclerc.
38:40Faites vite.
38:43Le Grand Palais est en flammes.
38:49Un avion de reconnaissance survole Paris,
38:52larguant des milliers de tracts.
38:55Bon, nous arrivons.
38:58Signez Leclerc.
39:01Cette fois-ci, le vent ne les emportera pas.
39:06On espérait. On attendait.
39:09Et puis, en fin de matinée, dans la rue,
39:12quelqu'un a crié que des Français arrivaient.
39:15Il y eut un silence inouï.
39:18Et on a vu arriver une Jeep, puis une autre,
39:21puis un char, plein de chars, là-bas, au bout de la rue.
39:28Je n'oublierai jamais la tête du jeune homme
39:31que j'ai embrassé,
39:34qui nous souriait.
39:41J'ai assisté à une scène qui fait pleurer.
39:44Un petit gars d'un char de Leclerc voit soudain son père
39:47arriver au bout d'une rue,
39:50et la foule a témoin.
39:53C'est mon père.
39:56Ils se précipitent l'un vers l'autre,
39:59avec ces gestes gauches et émouvants
40:02de ceux qui ne se sont pas vus depuis très longtemps.
40:07Les Américains ont accepté de laisser entrer
40:10les Français les premiers.
40:13Leclerc est acclamé triomphalement dans la capitale
40:16et se rend en gare Montparnasse,
40:19la plus grande ville de Montparnasse.
40:26Il existe toujours des poches de résistance
40:29dans plusieurs quartiers, comme à l'école militaire
40:32où les combats font rage.
40:50Mon père, à la fin de la libération de Paris,
40:53à un moment, la foule a voulu s'en prendre
40:56à des soldats allemands prisonniers.
40:59Il les a défendus, il a pris des coups,
41:02parce qu'il a voulu défendre les soldats allemands,
41:05empêcher les gens de les lâcher,
41:08et du coup, il a pris des coups sur la figure.
41:14Tous les prisonniers ne sont pas épargnés.
41:19Des exécutions sommaires ont lieu.
41:39Le 25 août 1944,
41:42Von Scholtitz, refusant de poursuivre les combats
41:45et de détruire la capitale, signe la capitulation
41:48de l'Union Garmont-Parnasse.
41:51Leclerc accepte que Roltangui la signe également.
41:56Le général de Gaulle en est par contre profondément irrité.
41:59Les communistes constituent toujours à ses yeux
42:02une menace.
42:05Aussi, il met un point d'honneur à ne pas saluer
42:08le chef des FFI.
42:19Charles de Gaulle a débarqué avec ses généraux.
42:22Nous voilà en plein gouvernement de militaires.
42:26Ce qui est surprenant, c'est l'évanouissement total
42:29et sans bruit de tout ce qui touche à Vichy.
42:33Bien fou qu'il n'aurait pas des inquiétudes pour l'avenir.
42:44La libération de Paris,
42:48ça a marqué, bien sûr.
42:53On a été un peu jalousés, bien sûr,
42:56avec le débarquement de Provence.
42:59Nos amis de la première armée française
43:02n'ont pas libéré Paris, ça a été un symbole.
43:05C'est comme ça, on n'y peut rien.
43:12De Gaulle, accueilli par les autorités résistantes,
43:15refuse de proclamer au balcon de l'hôtel de ville
43:18le rétablissement de la République.
43:21A ses yeux, elle n'a jamais cessé d'exister en exil.
43:24Puis il prononce son célèbre discours.
43:27Nous qui sommes ici, et nous, dans Paris,
43:30levés, debout, pour se libérer,
43:33et qui a su le faire de ses mains,
43:36nous ne dissimulerons pas cette émotion
43:39qu'apprend Paris.
43:42Paris outragé.
43:45Paris brisé.
43:48Paris baptisé.
43:51Mais Paris libéré.
43:54Le mythe est en marche.
43:57Les vaincus sont devenus les vainqueurs.
44:00De Gaulle savoure la réussite de son Paris inouï,
44:03engagé le 18 juin 1940.
44:13Charles de Gaulle a traversé Paris aujourd'hui,
44:16avec les soldats de Leclerc et les FFI.
44:21C'était beau et étrange, cet homme seul,
44:24plus grand que tous,
44:27et que l'on aime avec passion.
44:30Cette armée fourbu et ses troupes hirsutes,
44:33bancales, marchands de travioles derrière lui,
44:36une espèce d'armée de cours des miracles,
44:40plus poignante que n'importe quel régiment au pas.
44:50Moi j'étais au septième ciel,
44:53tout le monde était,
44:56il y avait une joie, une décrise,
44:59une liesse, j'avais jamais vu ça,
45:02et je ne le reverrai jamais.
45:10Il y a beaucoup de jeunes qui sont allés danser,
45:13dans ces balles populaires et improvisées.
45:19Ma mère n'a pas pu profiter du pétissement de la Libération.
45:22On n'avait plus de nouvelles des grands-parents juifs,
45:25du tout, du tout, du tout.
45:28Ça crée une angoisse insupportable.
45:31La Libération n'était pas totale, vous comprenez ?
45:34Ils n'étaient pas revenus les déportés.
45:37En 1944, on attendait mon père.
45:40On ne recevait plus rien
45:43depuis qu'il avait été transféré à Bergen-Belsen.
45:46Je ne suis jamais allée danser,
45:49et ma sœur non plus.
45:52J'aurais eu un peu honte d'aller danser, je crois.
45:57En cette fin d'été 1944, dans le nord du pays,
46:00la souffrance et le deuil sont toujours le lot quotidien des civils.
46:03La Libération semble encore un rêve inaccessible.
46:07La région de Lille a longtemps été coupée du reste de la France.
46:12Pensant que le débarquement se produirait dans le Pas-de-Calais,
46:15les Allemands ont maintenu une répression féroce.
46:18Moi, j'habitais entre Dunkerque et Lille.
46:23J'habitais un tout petit village
46:26qui s'appelait le Pont de Nieppe.
46:29Ma mère est partie chercher de l'essence,
46:32et d'un seul coup, on voit un gros char allemand
46:36avec les Allemands debout sur le char,
46:39les essences.
46:42Elle était suivie du tank et elle pleurait.
46:45Elle pleurait, elle pleurait.
46:48Cette image de voir ma mère rentrer
46:51avec un tank allemand derrière elle,
46:54ça, c'est une image que je n'oublierai jamais.
46:59Et ses mains en l'air.
47:05A Lille, la vie des civils est très éprouvante.
47:11La région a reçu la moitié des bombes tombées sur la France.
47:17La résistance poursuit son combat,
47:20renseigne et organise des sabotages
47:23contre les installations industrielles, les ponts et les gares.
47:29Des résistants sont arrêtés quotidiennement et fusillés.
47:35En août 1944,
47:38tandis que les armées allemandes refluent vers l'Est,
47:41la Gestapo déporte 1250 hommes au camp de Sachsenhausen.
47:50Le 3 septembre, malgré le climat de violence,
47:53les FFI et les Anglais entrent dans Lille.
48:00On a été libérés.
48:03À ce jour-là, les Allemands se sont vengés.
48:06Ils ont rattrapé des résistants,
48:09retrouvé des résistants qui se cachaient
48:12et devant nos yeux, les ont tués.
48:15Sur le pont de l'Alice, devant les yeux des enfants, des villages,
48:18on a tous vu les Allemands tirés
48:21sur ces six résistants qui restaient
48:24et qu'ils ont trouvés.
48:27Et l'Alice était devenue rouge.
48:34Et les familles de ces résistants...
48:45C'est dur de se souvenir de tout ça.
48:48On a mis longtemps à chasser ça.
48:53Le nord de la France est entièrement libéré le 5 septembre,
48:56au moment même où le Havre est bombardé par les Anglais.
49:04La libération de la ville le 12 septembre
49:07clôt la bataille de Normandie de manière tragique,
49:10en suivant l'exemple de Caen.
49:14Rasé inutilement à 80 %,
49:17le Havre est la grande ville la plus détruite de France.
49:21Le destin des civils a basculé en une nuit.
49:25Deux bombes sont tombées dans des jardins
49:28et une bombe est tombée pile au milieu de la maison de mes parents.
49:33J'ai d'abord vu ma mère à l'hôpital qui était décédée.
49:36On m'a laissée là toute seule devant, devant ma mère décédée.
49:39C'était la première fois que je voyais quelqu'un décédé.
49:49Puis après, quand je suis remontée à la maison,
49:52on m'a dit « on a retrouvé ta soeur, elle était morte ».
49:57Alors, deuxième coup.
50:01Le voisin qui était venu me chercher au collège me dit
50:04« viens à la maison, maman va te donner un café ».
50:08Et quand je suis revenue après, on m'a dit « ton père est sous la maison ».
50:12J'avais plus de parents, j'avais plus de soeur,
50:14j'avais plus de maison, j'avais plus rien.
50:21C'est tout ce que j'ai récupéré de la maison de mes parents.
50:24Je ne sais pas si c'est un signe.
50:27Si c'est un signe, ça c'est le micel qui a été offert à ma soeur pour sa communion.
50:33Et ça c'est le crucifix qui m'a été offert à moi pour ma communion.
50:36C'est les deux seuls objets que j'ai récupérés de chez mes parents.
50:47Quand on est arrivé au tunnel Génère avec ma tante,
50:50le tunnel était déjà complètement plein.
50:53J'étais malade, j'étais malade
50:55et c'est les Allemands qui m'ont soigné.
50:58Ils m'ont fait une piqûre dans le bras pour m'arrêter de vomir.
51:02Je me suis réveillé le lendemain,
51:04le gars de la défense passive était toujours là,
51:07il m'a dit « le Havre est libéré »
51:09et les Allemands t'ont mis des chocolats sous ton oreiller.
51:12Mais je suis sorti, c'était fini, le Havre était libéré, c'était terminé.
51:20En cette fin d'été 1944,
51:22la libération du territoire français est presque achevée.
51:26En trois mois, la Normandie, le Sud, les Alpes,
51:30la vallée du Rhône, Paris et le Nord ont été libérés.
51:36Le 12 septembre, la jonction s'opère près de Dijon
51:39entre les armées d'alliés venues des bords de la Manche
51:42et celles qui remontent depuis la Méditerranée.
51:46Une page de la campagne de France se tourne.
51:53Les Alliés se préparent maintenant à livrer la bataille ultime,
51:57celle de l'Alsace annexée par le Troisième Reich.
52:01Pour les Français de l'Est et ceux des poches de l'Atlantique
52:04encore contrôlés par les Allemands, la guerre continue.
52:10Pour les autres, le retour à la vie normale se fait attendre,
52:14dans un pays profondément divisé.