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Evitons les malentendus : je ne parle pas là de l’affaire de Bétharram, qui secoue notre actualité. Mais de la politique publique visant à protéger les enfants maltraités au sein de leur famille.

Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne Rosencher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00Anne Rosancher, en toute subjectivité, vous nous parlez donc ce matin du peu de cas que
00:09l'on fait, selon vous, de la protection de l'enfance.
00:12Oui, déjà, évitons un malentendu, je ne parle pas là de l'affaire de Betaram qui
00:16secoue notre actualité, mais de la politique publique visant à protéger les enfants maltraités
00:22au sein de leur famille.
00:23Alors, pour vous donner un ordre de grandeur, environ 400 000 mineurs font l'objet d'une
00:28mesure d'aide sociale à l'enfance aujourd'hui, soit 50% de plus qu'il y a 25 ans.
00:34Face à ce phénomène, le système est totalement saturé.
00:38On cherche par exemple à recruter plus de 30 000 éducateurs, tant la pénurie fait
00:44rage.
00:45Enfin, et c'est là le chiffre le plus crève-cœur, selon les derniers décomptes des magistrats,
00:50plus de 3 000 enfants en danger seraient maintenus dans leur famille, faute de pouvoir
00:55appliquer la décision d'un juge.
00:58Alors, d'où vient cette incurie de plusieurs facteurs, bien entendu, et notamment de l'impuissance
01:02publique ? Les lois s'enchaînent, il y en a eu en 2005, en 2007, en 2016, en 2022 et
01:09ne sont pas toujours appliquées loin de là.
01:12Par ailleurs, au cours des quatre, dans les deux dernières années, quatre ministres ou
01:17secrétaires d'État liés à l'enfance se sont succédés, les projets lancés par
01:21les uns ou les autres se perdant souvent dans les limbes.
01:24Oui, la force de gouverner s'effondre aux grandes âmes des plus fragiles qui ont tout
01:29à en attendre.
01:30Mais il y a aussi autre chose.
01:32Le sujet de l'enfance maltraitée ne bénéficie pas d'une grande prise de conscience collective,
01:38à l'image par exemple de celle salutaire qui a concerné les violences faites aux femmes.
01:43Et dès lors, puisque le sujet n'est pas très présent dans les radars médiatiques,
01:46c'est comme si ça ne mobilisait pas vraiment nos dirigeants.
01:50Pour vous Anne, c'est un symptôme de la dépolitisation ?
01:53Oui, on a tendance à la réduire, cette dépolitisation, à l'abstention ou au repli individualiste.
01:59Mais c'est plus profond que cela.
02:00C'est aussi ce que le philosophe Marcel Gauchet désigne comme le passage de la société
02:06politique à la société de marché où règne la concurrence des causes particulières,
02:12dit-il.
02:13Seuls les combats qui parviennent à se frayer un chemin dans l'économie de l'attention
02:17ont une chance d'être réellement traités.
02:20Bien sûr, nous les médias ne sommes pas exempts de critiques dans la façon dont
02:23nous hiérarchisons les sujets ou dont nous créons parfois des angles morts de la conversation.
02:29Mais la responsabilité politique est encore plus importante à mon sens.
02:33Car les citoyens n'élisent pas des représentants pour qu'ils répondent aux urgences de l'opinion.
02:38Ils les élisent pour que ces dirigeants débattent et agissent, éclairés par l'expertise
02:44et guidés par une éthique de responsabilité.
02:47C'est, je crois, une question au cœur de la crise de la démocratie que nous traversons.

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