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"Il a tourné avec Leonardo DiCaprio (dans La Plage), triomphé avec Les Petits Mouchoirs ou Ne le dis à personne, réalisé un film aux Etats-Unis co-écrit avec James Gray (Blood Ties). Il est le compagnon de Marion Cotillard, vient d’interpréter Louis XVI (dans Le Déluge), joue un membre du GIGN dans Ad Vitam, qu’il produit et qui constitue son premier film Netflix. C’est l’une des personnalités majeures du cinéma français, capable de se moquer de lui-même (dans Rock n’ roll) comme d’enchaîner un blockbuster (Astérix et Obélix : L'Empire du milieu) avec un film indépendant (Lui). Ses films sont régulièrement malmenés par les critiques cinéma, mais il a multiplié les succès en salle. Guillaume Canet reste donc une personnalité à part, méconnue. J’ai essayé de percer son mystère dans cette longue interview de près d’1 heure et ce fut très agréable de discuter avec lui : rares sont les acteurs-réalisateurs qui répondent aux questions avec autant de franc-parler. Sans doute peut-on aimer ou ne pas aimer ses films, mais la passion de Guillaume Canet pour le cinéma me semble incontestable. Et sincère. Merci à lui pour le temps qu’il m’a consacré et pour la franchise de ses réponses." Aymeric
Transcription
00:00En fait, il y a un truc qui est notable chez vous, vous n'avez pas la langue de bois.
00:02Effectivement, moi, j'aime bien, quand je fais des interviews, me dire ce que je pense.
00:05J'admirais totalement l'acteur qui était Gérard Depardieu.
00:09Bon, ça ne fitait pas dans l'autre sens.
00:11Vous avez joué à quoi, la PlayStation avec DiCaprio ?
00:13On jouait à James Bond.
00:14J'ai fait des castings, j'ai fait des trucs...
00:16Je me suis fait humilier par un mec.
00:18Il m'a dit « mais tu n'as pas honte de venir te présenter à nous avec cette tête,
00:21avec des boutons plein la gueule ? »
00:24J'ai lu un truc que vous aviez écrit des premiers spectacles de...
00:27Franck Dubosc.
00:27Franck Dubosc.
00:28Est-ce que vous pensez que vous êtes un bon acteur ?
00:31Euh...
00:31Bonjour.
00:32Bonjour.
00:33Ça va ?
00:33Bienvenue chez Brut.
00:34Merci, c'est trop bien.
00:35Vous avez une grosse actu.
00:36Vous avez deux films.
00:38Il y a Le Déluge, dans lequel vous jouez Louis XVI.
00:41Des looks très différents.
00:42Et l'autre très, très différent, une sorte de thriller où vous êtes un membre du GIGN.
00:46Il s'appelle Ad Vita, mais c'est d'ailleurs le premier film que vous faites qui est diffusé sur Netflix.
00:50Exactement.
00:51Vous êtes un grand mystère.
00:52J'ai essayé de bosser un peu le sujet Guillaume Canner.
00:54Vous écrivez, vous êtes scénariste, vous êtes acteur, vous êtes réalisateur, vous êtes même producteur d'Ad Vita.
00:58Mais on va en parler.
00:59C'est difficile en fait de vous cerner.
01:01Je vais peut-être commencer par le début.
01:02On va parler de votre chambre.
01:03Pas de votre chambre actuelle, votre chambre d'ado.
01:05Parce que je crois que c'est là où vous avez commencé à monter vos premiers courts métrages.
01:08Ouais.
01:08Je fais des films en Super 8 avec des potes du village de Gambay, là où j'ai grandi.
01:15Enfin, après Plaisir, parce que d'abord j'étais à Plaisir avec Jean Dujardin, tout ça.
01:18Est-ce que Jean Dujardin...
01:19Est-ce qu'il y a un film qui existe de Guillaume Canner 13 ans ?
01:21Jean, je suis parti...
01:23J'avais 10-11 ans de Plaisir.
01:26Et Jean, il était dans une bande adverse en fait.
01:28Ah ouais ?
01:29Ouais, il était avec Alexandre-Marie, qui va se reconnaître, qui m'a pété la clavicule.
01:34Et c'était une bande un peu adverse en fait.
01:36On n'était pas super, super potes en fait.
01:39Je suis devenu pote avec Jean beaucoup plus tard.
01:41Vous avez pété la clavicule parce que vous vous êtes battus ?
01:42Ouais, on s'est un peu battus.
01:44Moi, je suis curieux là.
01:46Et pas avec Jean, mais avec Alexandre-Marie, qui est devenu d'ailleurs le parrain de son fils.
01:50Ils sont toujours très, très potes.
01:51Il était comment Jean Dujardin à 10-11 ans ?
01:53Lui aussi, il voulait faire du cinéma ?
01:55Non, on ne parlait pas de ça du tout, mais il était très...
01:59Il faisait partie des élèves un peu turbulents comme moi.
02:04Et puis après, j'ai fait des films en vidéo où j'ai fait...
02:09Je faisais des parodies d'émissions de télé de Ushuaïa, de plein de trucs.
02:15Ça m'avait lu d'ailleurs des renvois d'école.
02:17J'ai vu ça, que y avait Nicolas Hulot, donc le présentateur d'Ushuaïa à l'époque...
02:21Qui était venu à l'école.
02:23Et moi, j'avais fait du coup un truc pour lui.
02:27Et quand j'ai appris qu'il venait, je me suis pris une année de colle.
02:31En fait, tous les samedis matins, j'étais collé parce que j'avais fait une séquence évasion.
02:35Vous savez ça ? Chaque fois, il faisait la séquence frisson, la séquence truc.
02:39J'avais escaladé le mur de l'enceinte du lycée pour faire une séquence escalade.
02:44Tout ça, séquence frisson.
02:46Je m'étais mis une perruque, j'étais torse nu avec une culotte de cheval et j'avais grimpé la façade.
02:52Donc je m'étais déjà pris quelques heures de colle.
02:54Et après, j'ai fait une séquence évasion où j'avais demandé à toutes les classes de sortir à une heure précise
03:00et d'escalader le mur d'enceinte et de se barrer dans le village.
03:03Et donc ça, ça m'a pas devenu une année de colle.
03:07C'est dur quand même.
03:08Ouais, c'est dur.
03:10Et comment est née votre passion pour le cinéma ?
03:12Entre deux barreaux, en fait.
03:14J'ai toujours une fascination pour le film, pour le cinéma.
03:18Et en fait, mes parents qui regardaient des films jusqu'au moment où ils se sont séparés,
03:25mais en tout cas jusqu'à 10-11 ans, où on habitait là à plaisir,
03:29il y avait des escaliers qui donnaient sur le salon, il y avait la porte du salon qui était vitrée.
03:35Donc je regardais des films muets parce que c'était des films avec du son, mais moi j'avais pas le son.
03:39En tout cas, je n'entendais pas très bien.
03:41Mais j'avais une vue sur la télé d'en bas des escaliers, entre les deux barreaux, des trucs comme ça.
03:45J'en avais un oeil sur l'écran et un oeil sur mon père.
03:48Et mon père, de temps en temps, faisait comme ça.
03:50Et donc là, il fallait que je puisse faire un saut de trois marches pour être en dehors de son point de vue.
03:56Donc j'étais toujours en tension comme ça.
03:59Et donc des fois, il ne me voyait pas et des fois, il me voyait.
04:01Et là, des fois, il se levait, il faisait le tour du canapé,
04:05puis il s'arrêtait là parce qu'il voyait que j'étais remonté les marches.
04:08Puis des fois, il allait un peu plus loin.
04:10Et puis quand c'était la troisième, quatrième fois, il se mettait à monter les marches.
04:14Et quand il montait les marches, je savais que j'allais faire bien dodo après.
04:21Très, très rapidement, j'ai eu cette fascination pour le cinéma, pour raconter des histoires.
04:27Et après, il y a eu cette rencontre avec le cirque qui a été vraiment définitive.
04:33En fait, pour moi, en tout cas, un truc assez clair,
04:36où il y avait le cirque qui est passé dans l'endroit où j'avais mon école
04:42et qui a proposé aux parents d'élèves cancres.
04:43Donc, moi, d'aller, de cumuler les heures de permanence et de sport et d'aller au cirque.
04:50Et j'ai fait ça pendant un an et j'ai trouvé ça fascinant, en fait.
04:53Je m'entraînais donc, mercredi et le week-end,
04:56on avait le spectacle samedi et dimanche après-midi parce qu'on était mineurs,
05:00on n'avait pas le droit de jouer le soir.
05:02Et j'avais un numéro avec un truc d'équilibre sur un cylindre avec une planche et je jonglais.
05:09Et il y avait, voilà, j'étais dans la vie de ce cirque et de ces gens
05:13et le contact avec le public, premier contact avec le public.
05:16Et j'avais 15 ans, à peu près, 14-15 ans et ça m'a vraiment fasciné.
05:23Dans votre chambre d'ado, il y avait aussi un poster, le poster de Le Professionnel,
05:26Georges Lautner avec Belmondo.
05:29Que je roulais pour aller me faire coiffer.
05:31Exactement, j'ai lu ça. C'est quoi cette histoire ?
05:33J'étais tellement fan de Jean-Paul Belmondo que je dégrafais,
05:38je dépunisais mon poster du Professionnel quand j'ai le coiffeur
05:42et moi j'y allais avec mon poster qui était immense,
05:44que je déroulais dans le truc pour lui dire, voilà, je veux cette coupe de cheveux-là, en fait.
05:48Donc, je voyais que le coiffeur me coiffe comme Jean-Paul Belmondo.
05:53Et ouais, il le faisait, bien sûr.
05:55Alors après, je n'avais pas la même tête, mais voilà.
05:59Et d'ailleurs, quand j'ai raconté ça des années plus tard à Jean-Paul,
06:03que j'ai eu la chance de rencontrer et après de voir souvent,
06:06c'était très marrant de lui raconter ça.
06:09Pour préparer cette interview, j'ai regardé vos courts-métrages aussi,
06:12parce que c'est toujours intéressant de voir les premiers courts-métrages
06:13que font les réalisateurs qui, après, font des grands films.
06:16Donc, j'ai vu « Je t'aime », j'ai vu « Je ne peux pas dormir ».
06:19Je me suis posé la question, est-ce qu'il y a une sorte d'homogénéité ou pas ?
06:23Je notais deux, trois trucs.
06:26Vos premiers courts-métrages, en fait, ça parle de relations humaines dysfonctionnelles.
06:29Et puis, il y a aussi une fascination pour la musique.
06:31On voit très bien que vous voulez mettre de la musique,
06:33un peu comme Serge Léon, je crois que vous aimez pas mal.
06:36Vous vous en souvenez, vous deux ?
06:37Vous avez bien bossé.
06:39Je t'ai juste de justifier mon énorme salaire.
06:41Mais vous vous en souvenez de cette époque, de ces premiers courts-métrages ?
06:47Comment ça s'est passé ?
06:48Exactement comme vous le dites, en fait.
06:52Ce qui me motive, en fait, c'est effectivement les personnages et les êtres humains.
07:00Ce qui d'ailleurs, des fois, a été assez décrié.
07:02C'est-à-dire que je sais, par exemple, les petits mouchoirs,
07:04ça a suscité d'ailleurs des agacements chez certains
07:08qui m'ont catalogué dans un truc de films,
07:12de certains genres de films ou quoi que ce soit.
07:14Mais j'ai toujours, dans tous mes films, aimé traiter l'être humain, l'émotionnel.
07:24Et ça vient sûrement aussi d'un dysfonctionnement aussi que j'ai vécu,
07:28moi, en tant que gamin, en fait, dans mon enfance, dans mon adolescence,
07:32dans la séparation de mes parents, dans tout ce que j'ai pu vivre.
07:35Et une envie de raconter ça.
07:38Alors, après, je ne me compare pas du tout à Spielberg,
07:40mais c'est intéressant de voir comment Spielberg, par exemple, dans tous ses films,
07:44traite du divorce, de la séparation de ses parents, en fait.
07:48Que ce soit dans E.T., que ce soit dans tous ses films, il y a des parents qui se divorcent.
07:51C'est intéressant, ça, parce qu'effectivement, là, vous me dites,
07:54je n'ai pas percuté, mais donc pour vous, le divorce de vos parents,
07:56quelque part, c'est ça qui fait aussi jaillir vos intentions créatives.
07:59Oui, le divorce, c'est tout ce qui s'est passé avant.
08:01C'est tout le dysfonctionnement aussi de la famille qu'il y a avant,
08:04avant le divorce, où il y a la nervosité, le stress, la fatigue, les engueulades,
08:12tout ça qui fait qu'un enfant est une éponge, est chargé de tout ça.
08:17Et je pense que finalement, si je n'avais pas vécu ça,
08:20que j'avais vécu une enfance, attention, je n'ai pas du tout une enfance malheureuse,
08:23mais pas toujours très heureuse, en fait.
08:29C'est jamais agréable de voir des parents se séparer et s'engueuler tout le temps, en fait.
08:37Donc, ça marque un enfant.
08:40Et je pense que du coup, ça m'a toujours intéressé,
08:44le relationnel, en fait, chez les êtres humains.
08:47Et donc, et la musique, oui, ça t'amour.
08:50Et donc, c'est vrai que quand on voit mes courts métrages, il y a ça tout de suite.
08:56Il y a une petite fille qui s'en va et c'est un peu un clin d'œil,
09:05il y a un pendant, c'est une petite fille qui s'en va, qui quitte son père.
09:08Et moi, c'est un pendant un peu de ce que j'ai fait des années plus tard dans Lui,
09:11qui est un film qui a été très, très, pas délaissé,
09:16mais en tout cas un peu ignoré de la part du public et des critiques,
09:19mais qui reste pour moi un des films les plus importants que j'ai pu réaliser, en fait,
09:23qui est un film que j'aime vraiment beaucoup, qui raconte des choses vraiment importantes.
09:28Il y a dans ce film une scène que j'ai vécue de mon père qui quitte la maison
09:32et qui fait un infarctus derrière la porte,
09:34parce que je lui dis, si tu passes cette porte, t'es plus mon père.
09:37Et c'est marrant, maintenant, quand je y repense par rapport à mon court métrage,
09:41j'ai fait l'inverse, en fait.
09:43C'est l'enfant qui décide de partir.
09:44J'ai parlé des courts métrages, mais j'ai lu un truc que vous aviez écrit,
09:48enfin co-écrit en l'occurrence, les premiers spectacles de...
09:51Franck Dubosc.
09:53Avec Philippe Lefebvre.
09:54Exactement.
09:55Oui, on était au Trésor, il y avait ce café, en fait.
09:59Avant que les productions du Trésor deviennent les productions du Trésor,
10:01il y avait un café, Rue du Trésor, dans le Marais, qui s'appelait le Café du Trésor,
10:05dans lequel Philippe Lefebvre, après mon premier tournage,
10:07qui s'appelait La Colline aux Mille Enfants, j'avais 17 ou 18 ans,
10:11et qui me dit, j'ai des potes qui ouvrent un café dans le Marais,
10:16à côté de leur resto, qui s'appelle le Restaurant du Trésor.
10:19Et il me dit, ils ouvrent leur café, est-ce que tu veux passer, tout ça ?
10:22Donc j'y passe.
10:24Et là, il y avait Franck Dubosc, qui était absolument pas connu.
10:26Il avait quel âge ?
10:27Je sais pas, il avait 27, 28 ans.
10:32Il n'avait pas encore les cheveux blancs, donc ?
10:33Non.
10:34Et il avait fait, il y a très longtemps, quand il avait 15, 16 ans,
10:36un film qui s'appelait À nous les petites Anglaises.
10:38Donc il existait un peu en tant qu'acteur,
10:40et puis là, il avait une passe, voilà, il était un peu moins connu.
10:45Et en fait, il était serveur à ce restaurant-là,
10:49où il y avait aussi Philippe Lefebvre, donc mon pote,
10:52qui faisait des films et qui était aussi serveur.
10:56Et il y avait Arnaud Lemore, qui après est devenu admirateur de radio
11:00et qui a été aussi réalisateur.
11:03Et ils m'ont dit, les deux propriétaires, Laurent Taillem et Alain Attal,
11:08qui est devenu, donc, les Productions du Trésor,
11:12ils m'ont dit, on voudrait faire un truc un peu à la Lenni,
11:15le film avec Dustin Hoffman, où il y a des trucs de stand-up
11:18qui n'existaient absolument pas dans Paris.
11:20Lenni Bruce, l'humoriste.
11:21Voilà. Et du coup, ils m'ont dit, voilà, on voudrait faire un truc,
11:25on met une caisse, retournez, un micro à chef et vous faites des impros, truc.
11:28Et on s'est mis à faire tous les mercredis soirs.
11:31Ils balançaient un morceau de Billy Paul, Your Song de Billy Paul.
11:35Et les gens savaient que c'était le moment où il fallait rentrer de la terrasse dans le truc.
11:38Ils payaient rien, ils buvaient juste des coups.
11:40Et on faisait une demi-heure à peu près de trucs écrits qu'on avait écrits pendant la semaine.
11:45Et le reste, ça partait en impro.
11:47Et en fait, on a créé un personnage avec Franck Duboz, qui est Philippe Lefebvre,
11:51qui est le personnage qu'il a pris après dans ses spectacles,
11:54où il s'adresse au public, à la toile publique et tout ça.
11:57Et on a écrit avec Franck ses spectacles.
12:00Et puis, Franck s'est mis aussi à le jouer après d'autres textes au fur et à mesure.
12:05Puis après, il est parti jouer au réservoir, puis après au théâtre de 10 heures.
12:09Et puis après, il a commencé à avoir le succès qu'il a eu.
12:13Mais au départ, c'est moi qui jouais les textes.
12:17J'ai même fait le...
12:18Vous étiez sur scène aussi ?
12:19J'étais sur scène, c'est moi qui les jouais.
12:21D'accord.
12:22Et j'ai fait aussi le spectacle, le festival d'humour de Trouville,
12:29avec un spectacle qui s'appelait Coeur d'artichaut de Bretagne.
12:34OK.
12:35Le titre en dit long.
12:36Ça se retrouve ça ?
12:38J'adorerais.
12:39Je ne sais pas s'il devrait y avoir des vidéos.
12:41Ouais.
12:41Coeur d'artichaut de Bretagne.
12:42OK.
12:43Et Franck Dubosc, du coup, parce que moi j'ai vu ça en préparant l'interview,
12:46mais je me suis dit, mais vous le voyez toujours, Franck Dubosc ?
12:49On se croise.
12:51Non, je ne le vois pas régulièrement, mais ça m'arrive de le voir dans des trucs.
12:56Je crois que la dernière fois que je l'ai vu, c'était un match du PSG,
12:59je crois qu'on s'est croisés.
13:00Parce que ça dit quelque chose quand même.
13:01C'est-à-dire que Franck Dubosc, maintenant, c'est compliqué pour lui.
13:04C'est-à-dire qu'il est catégorisé comme un personnage.
13:07Je ne suis pas sûr qu'on va lui proposer des rôles différents du personnage qu'il a créé.
13:10Vous, vous avez réussi à naviguer là-dedans, à faire plein de choses très différentes.
13:15Comment vous percevez ça, le fait que très vite, on se retrouve dans un cadre ?
13:18C'est dur de sortir de ça.
13:20Ouais, c'est très, très dur.
13:21Alors, Franck, il réalise des films maintenant, d'ailleurs, qui sont très différents de son image.
13:30Mais en même temps, son image, il n'y a rien de péjoratif là-dedans,
13:33parce que son image, il a un vrai public.
13:35Franck et les gens apprécient beaucoup ses spectacles aussi.
13:38C'est ce qui a fait aussi son succès.
13:40Moi, je ne sais pas si forcément que ça a été un truc volontaire de vigilance là-dessus,
13:49mais j'ai toujours aimé aller dans des directions différentes et d'aller dans des univers différents.
13:57Parce que c'est ça qui me remplit, en fait.
13:59J'adore, moi, en tant que spectateur,
14:01je vais kiffer voir une comédie comme un film de série Z
14:07ou comme un grand classique du parrain.
14:12Et je n'ai pas d'attachement particulier à un genre, même de cinéma, en fait.
14:18Je n'ai jamais eu un truc de dire « ça, c'est de la merde ».
14:23En fait, je me suis toujours rendu compte qu'il y a un public pour tout.
14:28Et ça, en fait, avec le temps et la sagesse, peut-être, on apprend ça, en fait.
14:33Que des moments, on se dit « tiens, il y a des gens qui ne m'aiment pas, pourquoi ils ne m'aiment pas ? »
14:38Et en fait, non, on se rend compte qu'il y a des gens qui aiment un certain genre de films
14:41ou un certain genre d'acteurs, et qu'en fait, il y a plein d'autres gens qui vous aiment, en fait.
14:46Et que c'est ça qui est cool, déjà.
14:48Mais c'est un truc que vous avez en tête, la perception que les autres ont de vous, vous en foutez ?
14:55Non, je ne peux pas dire que je m'en fous, parce que quand on fait un métier d'image,
15:01où on fait un…
15:03Moi, quand je fais des films et quand je bosse pendant cinq ans,
15:06comme un barjot de nuit et jour sur un film,
15:09où j'y mets beaucoup de moi-même et de ma santé même,
15:13c'est jamais agréable d'avoir des gens qui vont cracher sur votre travail
15:19en disant que c'est de la merde, que truc, sans même le voir.
15:23Moi, je sais que j'ai fait face à beaucoup de gens dans ma carrière qui ont critiqué mon travail,
15:28et quand je leur pose la question, en fait, je me rends compte qu'ils n'ont pas vu le film.
15:31Donc, c'est moi qui les agace, c'est pas le film, en fait.
15:35Mais ça, moi, j'y suis pour rien, en fait.
15:37Les gens, ils ne me connaissent pas, ils se fantasment des trucs sur moi.
15:40J'en ai fait un film qui s'appelle « Rock'n Roll »,
15:42où les gens pensent que j'habite à Los Angeles et que Marion habite à Los Angeles
15:47et qu'elle a une vie complètement… truc.
15:49Bon, il y a des gens qui ne sont pas toujours à l'aise à la télé,
15:54qui sont un peu froids, et ça peut donner une image où on a l'impression
15:59que ce sont des gens qui sont au teint, qui se croient au-dessus.
16:03Mais les gens ne connaissent pas notre vie, en fait.
16:04Ils ne savent pas ce qu'on vit au jour le jour et qu'on a une vie plutôt normale,
16:09même si on a des gens qui ont beaucoup, beaucoup de chance
16:13de faire déjà un métier qu'on aime et de bien le faire.
16:16Enfin, de bien le faire, en tout cas, d'essayer de le faire le mieux possible.
16:19Il y a un moment, ça peut faire de la peine.
16:23Il y a des moments d'avoir des retours un peu…
16:27Mais en même temps, on est obligé de l'accepter et c'est comme ça.
16:31Et on ne peut pas se battre contre ça.
16:33On ne peut pas s'imposer à des gens non plus, en fait.
16:36Les gens ont le droit de ne pas vous aimer, en fait.
16:38Vous avez parlé de vie normale.
16:40On peut avoir une vie normale quand on est Guillaume Canet,
16:41parce que peut-être que vous pouvez le vouloir,
16:43mais les gens, du coup, ils savent que vous êtes Guillaume Canet.
16:45Donc peut-être qu'ils se comportent différemment parce que c'est Guillaume Canet.
16:48Mais moi, comme je travaille énormément,
16:51je n'ai pas beaucoup de moments de détente à partir en vacances.
16:55J'ai mon mois d'août que je garde chaque année,
16:57qui est le seul moment où je me repose.
16:59Mais tout le reste de l'année, je bosse nuit et jour comme un dingue, en fait.
17:03Donc, je suis tout le temps dans des ambiances et dans des zones de travail.
17:10Donc, en fait, je n'aire pas beaucoup dans la rue.
17:13Je ne vois pas… Je suis toujours en scoot à fond avec mon casque.
17:17Et donc, voilà, des fois, je croise des gens.
17:19Mais je ne suis pas dans un…
17:22dans une…
17:25Enfin, voilà, je suis dans un univers de travail beaucoup, en fait.
17:30Donc, je ne me rends pas compte de ça, en fait.
17:32Vous l'avez dit, jusqu'à devenir malade, jusqu'à aller à l'hôpital, faire un tournage.
17:38Oui, ça arrive, oui.
17:39Mais comme beaucoup de metteurs en scène.
17:41Mais non, mais en fait, ce n'est pas que moi.
17:44Il y a beaucoup, beaucoup de metteurs en scène.
17:45Quand on travaille sur un film, c'est beaucoup, beaucoup de stress.
17:49On a la responsabilité d'abord d'une somme d'argent qui a été mise sur le film.
17:54Et on se doit de réussir le film de pression vis-à-vis des acteurs, de tout ça.
18:03Et ça dure longtemps entre la prépa d'un film, l'écriture, la prépa, le tournage.
18:09C'est trois, quatre ans de sa vie.
18:11Et quand le film sort, en général, la pression retombe.
18:17Et c'est là, souvent, qu'on tombe malade.
18:19C'est un exemple de...
18:20Tous les réalisateurs, quand ils finissent un film, quand le film sort,
18:23il y a un truc de relâchement et souvent, c'est là qu'on tombe malade.
18:26C'est quoi le pire qui vous est arrivé, pour qu'on comprenne bien ?
18:28Parce que malade, je crois que vous, c'est dans des conséquences assez...
18:31J'ai eu plein de trucs, j'ai eu une septicémie, j'ai eu une infection générale du sang.
18:38J'ai passé un mois à l'hosto.
18:40C'était après quel film ?
18:41C'était après Ne le dis à personne.
18:43Ah ouais, pourtant, vous étiez plus jeune, césarisé réalisateur, gros succès.
18:50Comment ça s'est passé ? Pourquoi ?
18:52Parce que j'étais épuisé, en fait.
18:55C'est le moment où j'ai fini le film, pas au moment des Césars et de la sortie du film,
19:00mais c'est vraiment au moment où j'ai fini le film, en fait.
19:02Puis, je tournais en même temps un film en tant qu'acteur.
19:05Donc, je montais le film la nuit et je tournais le jour.
19:08Ensemble, c'est tout, le film de Claude Béry.
19:11Donc, je dormais trois heures par nuit.
19:13Et donc, au bout d'un moment, le corps dit stop, tu ne peux pas t'arrêter, c'est moi qui vais t'arrêter.
19:23Ce qui est fou, quand même, c'est que vous dites que vous travaillez beaucoup, tout ça,
19:26mais quand on regarde votre parcours, en fait...
19:29On a l'impression que vous ne foutez rien.
19:30Non, non, non, au contraire.
19:33On a l'impression que vous n'en regardez pas une.
19:34C'est marrant parce que vous êtes tout le temps là, souriez, vous allez dire sympa.
19:38C'était ma question.
19:39Vous auriez pu faire complètement autre chose.
19:40Par exemple, j'ai lu, dites-moi si c'est vrai, que vous voulez être réel,
19:46mais quand vous venez à Paris vers 17, 18 ans, vous allez aux cours Florent
19:49pour apprendre des cours d'acteurs, pour comprendre les acteurs.
19:53Je trouve ça bizarre.
19:54Moi, si je veux être réel, je vais faire la Fémis pour faire de la réalisation.
19:57Pourquoi cette histoire d'aller voir les acteurs ?
20:00Parce qu'on filme quoi ?
20:02On filme des acteurs.
20:04Donc, en fait, moi, je me suis toujours dit qu'avant de filmer des gens,
20:08il fallait que je comprenne quel était leur travail, en fait.
20:11Donc, du coup, ça m'a intéressé.
20:13J'ai été aux cours Florent pour pour comprendre, en fait.
20:16Et puis, moi, il fallait que je taffe parce que j'avais des petits boulots.
20:20Je faisais clown, d'ailleurs, dans des anniversaires pour enfants.
20:24J'avais... Ouais, à Paris.
20:25Vous aimiez juste clown ou c'était juste pour gagner de l'argent ?
20:29Non, j'aime l'idée de faire le clown au cirque,
20:32mais dans les anniversaires, c'est horrible.
20:34Les enfants vous tapent, vous pincent, vous criez dessus.
20:37C'est horrible. Ils n'ont aucun respect pour les clowns.
20:39Des coups de pied dans les tibias, des trucs et tout, c'était...
20:42Ouais, ils sont très énervés, les enfants, dans les anniversaires.
20:47Il y a beaucoup trop de sucre.
20:48Il y a un taux de sucre, il y a un taux de sucre.
20:53Ils sont en dynamite, quoi.
20:54Donc, non, c'était pas les trucs les plus kiffants que j'ai fait.
20:58Mais c'était marrant. J'ai appris plein, plein de trucs.
21:01Sur quoi, par exemple ?
21:02Me contenir, par exemple.
21:05Ne pas frapper les enfants.
21:06Ne pas frapper les enfants, oui.
21:07Oui, c'est un bon début.
21:10Mais non, mais voilà, c'était des expériences.
21:12Et c'est vrai que très rapidement, je faisais des petits boulots,
21:14mais il fallait que je bosse, en fait.
21:16Et en fait, j'ai eu des propositions en tant qu'acteur,
21:19ce à quoi je ne m'attendais absolument pas.
21:22Et du coup, parce que j'ai vu des castings,
21:24j'ai vu faire une pub Hollywood Chewing Gum,
21:2850 000 francs à l'époque, je crois que c'était,
21:31pour deux jours de tournage au Maroc.
21:32Je me suis dit, ouais, bah ouais, je veux bien, moi, ouais.
21:35Ça ressemble à quoi le casting d'une pub Hollywood Chewing Gum ?
21:38J'ai fait des castings, j'ai fait des trucs,
21:41j'ai fait des trucs, je me suis retrouvé dans des castings
21:43avec des gens, mais improbables, quoi.
21:45J'ai des souvenirs.
21:47Je me suis fait humilier par un mec,
21:48mais vraiment parce que j'avais des boutons.
21:50Et je me suis fait humilier par le mec parce que j'avais des boutons
21:55devant toute son équipe et tout. Enfin, c'était horrible.
21:58Pour une pub ?
21:59Ouais, pour une pub, je suppose que c'était pour une émission de télé,
22:01pour être animateur dans une émission de télé chez des ados,
22:05un truc comme ça.
22:05Ah, vous avez fait un casting pour devenir animateur de télé ?
22:07Ouais, je suis venu et puis je devais improviser,
22:11faire un truc et tout ça.
22:12Voilà ce que j'ai fait devant des caméras.
22:14Le mec, à un moment, m'a dit,
22:16mais t'as pas honte de venir te présenter à nous avec cette tête,
22:19avec des boutons plein la gueule ?
22:22Ah ouais ?
22:23Ouais.
22:24Comment vous avez réagi ?
22:25Pas bien.
22:27Forcément, j'étais humilié.
22:29Je suis parti de là, j'étais pas bien.
22:32Je suis parti, je me rappelle très bien dans la rue,
22:34je montais, c'était une rue qui montait en plus.
22:36J'ai l'impression que c'était vraiment le calvaire.
22:38Et je montais comme ça et je me suis dit,
22:39« Wouah, je vais pas faire des trucs devant une caméra, c'est sûr.
22:44Je vais vraiment être réel. »
22:47Après, vous avez fait « Mon Idole »,
22:49premier film sur la télé justement.
22:50Ah ouais ?
22:50Ouais, c'est bien.
22:54J'ai vu aussi que vous avez fait votre premier…
22:55En fait, vous arrivez au cours Florent.
22:57Puis, si j'ai bien compris, il y a un cours où on vous demande de faire une impro.
23:00Et en fait, vous faites une impro avec un réveil, je crois.
23:03C'est quoi cette histoire ?
23:05En fait, c'est un exercice d'impro qui est très connu,
23:08où il y a un carton et il y a des objets dedans.
23:10Et on doit choisir un objet, n'importe lequel, sans regarder.
23:13Et on sort l'objet et on doit raconter une histoire avec cet objet,
23:16qui est soit vrai, soit fausse.
23:18Mais on doit pas dire si c'est une histoire vraie ou une histoire fausse,
23:21mais en tout cas, on doit raconter une histoire autour de cet objet.
23:23Moi, j'ai chopé un réveil.
23:25Et je sais pas pourquoi, il m'est venu une histoire hyper sordide avec ce réveil,
23:28où j'ai dit « En fait, c'est un objet comme ça qui a tué une personne que j'aimais. »
23:35Et donc, il y a une espèce de silence et je raconte.
23:37Je dis « Voilà, j'étais avec une fille pendant trois ans.
23:41Et un matin, j'ai décidé de la quitter.
23:44Je lui ai laissé un mot.
23:45Et au moment où je suis parti, le réveil a sonné.
23:47Et elle s'est réveillée.
23:48Et du coup, j'étais là et elle a vu le mot.
23:52Et du coup, on s'est expliqué, on s'est parlé.
23:53Et du coup, je ne l'ai pas quitté.
23:54Et une semaine après, on a eu un accident de voiture.
23:56Elle est morte d'un accident de voiture.
23:58Je vous la fais courte, mais je l'ai raconté en 15 minutes.
24:00Et à la fin, il y a une espèce de blanc, de silence.
24:05Et là, j'entends la prof qui dit « Merci Guillaume. »
24:09Et là, je comprends que tout le monde a cru à cette histoire.
24:12Et du coup, j'ai honte.
24:15Je n'ose pas dire que ce n'est pas vrai.
24:17Et là, c'est extraordinaire.
24:18J'ai tout le monde qui vient toute la semaine me taper dans l'épaule.
24:20« Ça va ? Tu vas bien ? »
24:22Hyper gentil, une empathie incroyable.
24:25Et là, je me suis dit, c'est extraordinaire.
24:29En fait, de réaliser qu'on peut faire croire à des choses
24:33avec une émotion, avec un sentiment, avec une histoire.
24:37C'est à ce moment-là, c'est le réveil qui a fait de moi un acteur.
24:41Mais au départ, je suis monté sur le plateau,
24:43je ne savais pas du tout ce que j'allais faire.
24:44Ce n'était pas du tout dans ma volonté d'être acteur.
24:49Est-ce que vous pensez que vous êtes un bon acteur ?
24:52Je pense que je suis devenu un acteur honnête,
24:57travailleur.
24:59Je pense qu'au début de ma carrière,
25:02j'étais un acteur qui travaillait pour payer la pellicule de ses courts-métrages
25:07et de faire ses films,
25:10avec une vision de devenir metteur en scène.
25:14Après, j'ai commencé à faire des rôles.
25:17Après, j'ai appris sur tout ce que je demandais aux acteurs,
25:19c'est-à-dire que j'ai vu le travail que je demandais en préparation aux acteurs
25:23que je ne faisais pas moi-même.
25:24Donc, après, j'ai compris que j'étais un bon idole.
25:28Voilà, voilà.
25:31Et je pense qu'à partir de mon idole,
25:32j'ai changé ma façon d'aborder mon travail d'acteur.
25:35Et je pense que sur des films comme La prochaine fois je viserai le cœur,
25:38où j'ai commencé à travailler beaucoup plus mes rôles,
25:42j'ai l'impression d'avoir fait un travail en tant qu'acteur plus fort,
25:48avec des metteurs en scène confirmés avec qui j'ai travaillé,
25:52que ce soit Zoulefsky, que ce soit Olivia Sayas,
25:54que ce soit Cédric Kahn, que ce soit plein d'autres dont j'oublie.
25:59Mais où j'ai l'impression d'avoir eu déjà la chance d'avoir des grands rôles
26:04et d'avoir travaillé des...
26:10Après, ce n'est pas à moi de le dire.
26:11Ça veut dire quoi, travailler ?
26:13Travailler, c'est-à-dire préparer un rôle.
26:15Ça veut dire globalement, par exemple, sur Le Déluge,
26:17le travail que j'ai fait là,
26:19c'est un travail de recherche énorme historique sur le personnage,
26:22sur son entourage, sur le bouquin de Cléry, par exemple,
26:27qui était son valet de chambre.
26:28Parce que vous jouez Louis XVI.
26:29Voilà, je joue Louis XVI.
26:31Et Cléry, son valet de chambre, qui l'a accompagné jusqu'à sa mort,
26:34jusqu'au dernier jour, le jour où il est guillotiné.
26:38Et donc, de choper des informations, de choper plein de choses
26:43qui vont venir nourrir le personnage que je joue.
26:46D'aller voir un psychologue, parce que je comprends que ce personnage
26:49est un peu bloqué sur tout le temps à réparer des horloges,
26:54des mécanismes d'horlogerie, de serrure,
26:59qu'il est un peu asociable, qu'il n'aime pas les gens,
27:03qu'il a du mal avec les femmes, qu'il est très timide.
27:06Donc, il y a tous ces comportements-là, en fait,
27:08qui sont intéressants à travailler avec un psychologue,
27:12d'aller parler à un neurologue aussi,
27:16d'aller parler à quelqu'un pour travailler sur le bégayement.
27:19C'est un personnage qui bégayait aussi, donc travailler là-dessus,
27:22d'apprendre à comment on bégaye.
27:27Et tout ça, c'était tous ces éléments-là
27:31qui font partie d'un travail que je ne faisais pas forcément avant
27:35et qui, maintenant, me passionnent en tant qu'acteur.
27:37J'ai du mal à m'imaginer aujourd'hui pas faire tout ce travail en amont.
27:42J'ai découvert même le travail avec un coach.
27:45Maintenant, j'ai quelqu'un, Daniel, un coach qui est extraordinaire,
27:49avec qui j'aime échanger son scénario.
27:51Un coach d'acting ?
27:53Oui, qui me fait bosser, qui me prépare à disséquer le scénario.
27:59Qu'est-ce qu'on raconte là ?
28:00Qu'est-ce que ça veut dire là par rapport à cette scène ?
28:03Et d'avoir un vrai travail de fond
28:06pour que le texte soit appris, mais oublié le jour du tournage
28:12et qu'on soit totalement dans autre chose,
28:15dans le fait de le vivre et non pas le réciter.
28:17Vous parliez de la prochaine fois, Je viserai le cœur.
28:20Pareil, pour préparer cet interview, je l'ai revu.
28:22C'est assez dark.
28:24Et je crois que juste avant, justement, vous vouliez arrêter le cinéma.
28:27Pourquoi arrêter le cinéma quand on est Guillaume Canet avec un certain succès ?
28:31Parce qu'il y avait du succès, mais il y avait justement ce regard,
28:35non pas du public, parce que je le dis, d'autant plus que
28:40ça me permet même de le dire là, sans aucune condescendance,
28:46mais je n'ai pas tout le temps le temps de répondre à tous les messages que j'ai
28:50sur les réseaux sociaux et tout ça.
28:52Mais j'ai un public qui est vraiment fidèle, en fait,
28:56et je me rends compte et que les gens dans la rue,
28:59ce qu'ils me disent et tout ça me motive et me fait vraiment plaisir
29:04parce que je sens une vraie fidélité du public.
29:12Après, il y a des gens qui ne m'aiment pas aussi, évidemment et heureusement,
29:14parce que sinon, ce serait un peu étrange de faire l'unanimité.
29:18Mais en tout cas, je sens une présence.
29:24Mais à ce moment-là, il y avait pour moi la sensation
29:31de ne pas être reconnu en tant qu'acteur, justement.
29:34Et c'est très bizarre pour quelqu'un qui n'a jamais voulu être acteur, en fait.
29:39De tout d'un coup, je crois, je pense que je suis tombé dans un truc,
29:42à un moment d'avoir envie, enfin, un moment quand même
29:46d'une reconnaissance en tant qu'acteur.
29:49Alors que quand même, je travaillais avec des très grands metteurs en scène
29:53et j'avais des très, très beaux rôles.
29:55Mais peut-être qu'au fond de moi, je n'étais pas complètement content
29:59aussi du travail que je faisais en tant qu'acteur plutôt.
30:02Et du coup, c'est vrai que la prochaine fois, je viserai le cœur.
30:07Ça a été vraiment une bascule.
30:09Et je remercie encore Cédric Angers de m'avoir offert ce rôle
30:12parce que ça a changé beaucoup de choses dans ma tête.
30:15Parce que c'est vrai que j'ai été nommé au César en tant que meilleur acteur,
30:18que le film a été très apprécié du métier
30:23et que les gens ont pu voir mon travail que j'avais fait sur ce film
30:30assez différent, assez dark, qui sortait un peu du côté...
30:38Peut-être qui était un peu le masque que je me suis mis pendant des années
30:41pour cacher un peu qui j'étais vraiment, en fait.
30:44C'est vrai que je suis arrivé avec un bagage émotionnel
30:47assez lourd dans ce métier
30:50où je pense que j'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas étaler...
30:55J'ai toujours eu du mal avec le fait d'étaler mes problèmes, en fait.
30:58Et donc, du coup, je pense que je suis arrivé dans ce métier
31:00avec un grand sourire et une pêche.
31:03Et je suis arrivé un peu, les gens m'ont vu un peu comme le garçon de la plage
31:07en maillot de bain, tout souriant, un peu naïf, pour qui il n'y a pas de souci, en fait.
31:12Ça s'est passé très vite. Vous parlez de maillot de bain, la plage,
31:15le film de Danny Boyle avec DiCaprio.
31:18En quoi c'est un bon acteur, DiCaprio ?
31:19Est-ce que sur le moment quand vous l'avez rencontré, vous vous êtes dit
31:21« Waouh, c'est un bon acteur ! »
31:25Le moment où je l'ai rencontré, je me suis pas dit « Waouh, c'est un bon acteur ! »
31:28Avant, je m'étais dit « Waouh, c'est un bon acteur ! »
31:30parce que je l'avais vu dans Gilbert Grape, je l'avais vu dans Titanic,
31:34je l'avais vu dans plusieurs films où je le trouvais vraiment formidable.
31:37Mais au moment où je l'ai rencontré, tout le truc qu'il y avait autour,
31:40je trouvais ça un peu ridicule.
31:42Et c'est vrai que ça faisait quelques jours qu'on attendait,
31:44qu'on était tout le groupe d'acteurs qui était censé être cette communauté de Lille
31:50avec Danny Boyle et on faisait des répétitions de percus, des trucs.
31:54Et à un moment, on entend une assistante qui arrive, qui dit à Danny Boyle
31:57« Is he here ? Is he here ? »
31:59C'était l'arrivée de DiCaprio.
32:01On était en répétition et il arrive et chacun à son tour,
32:04on devait faire un truc de percussion.
32:07Et ça arrive à son tour et il fait un truc pourri, un truc comme ça,
32:12et tout le monde « Oh my God, that's amazing ! Oh my God, it's beautiful ! »
32:17Et c'était un peu ridicule en fait.
32:18Et je vois comment tout le monde, hyper focus avec lui.
32:25Et moi à l'époque, je boxais beaucoup, je m'entraînais,
32:27je faisais des combats amateurs et tout ça.
32:29Et j'étais très…
32:30Donc je continuais l'entraînement et j'avais un acteur italien qui boxait aussi.
32:35Donc le soir, on s'entraînait, on boxait.
32:38Et un soir, il est descendu à la salle,
32:40Léo pour faire de la muscu avec ses bodyguards,
32:44et il me regardait de travers comme ça.
32:47Et quand on tapait, on faisait « ss, ss, ss, ss » comme ça.
32:52Et lui, le lendemain, il arrive sur le plateau,
32:56il se fout de ma gueule et il arrive et il me fait « his, his, his, his »
32:59et il me tape comme ça dans l'épaule « his, his, his, his »
33:02et à un moment, il me met un pain un peu fort
33:04et là, je me retourne et je lui mets une droite
33:07dans le creux de l'épaule là où ça fait bien mal, là dans l'os, comme ça.
33:10« Pah ! »
33:11Et il fait « aaaah ! » comme ça.
33:13Et là, il y a une espèce de silence sur le plateau.
33:16Et tout le monde me regarde comme si j'étais complètement débile
33:18parce que je viens de taper quand même la star du film,
33:22le mec qui a fait je sais plus combien de millions d'entrées avec Titanic.
33:26Et tout le monde me regarde,
33:28il y a une espèce de suspense sur comment il va réagir
33:31et il relève la tête mort de rire.
33:34Et là, il me dit « qu'est-ce que tu fais ce soir ? »
33:37Après, il me dit « qu'est-ce que tu fais ce soir ? »
33:39On joue à la PlayStation avec des potes, tu veux venir à trousser la main ?
33:42Et puis là, on a passé quatre mois d'amitié
33:47et puis on est restés encore aujourd'hui très proches.
33:52Mais voilà, la rencontre s'est faite comme ça.
33:54C'est quoi la PlayStation avec Eddie Caprio ?
33:57On jouait à James Bond.
33:58Ah ouais ?
33:59Ouais.
33:59Ah c'est marrant ça !
34:00Ouais.
34:00On jouait à James Bond et on jouait à Doom.
34:05Ah, il faut tirer sur les gens.
34:06En quoi c'est un bon acteur, Eddie Caprio ?
34:08Pour revenir à ça, qu'est-ce qui fait qu'on est un bon acteur ?
34:11Parce qu'il a un instinct incroyable et il a une...
34:18Ouais, c'est un acteur instinctif.
34:20Et il a une capacité à délivrer les émotions et l'intelligence du texte
34:26et une énergie.
34:29Et puis un charisme, il a un vrai, vrai charisme.
34:32Il a quelque chose...
34:34Mais vous arrivez à l'expliquer ?
34:35Parce que le charisme, c'est un peu inexplicable.
34:37Est-ce qu'il y a techniquement un truc qui fait mieux que les autres ?
34:41Il y a des choses qui sont inexplicables.
34:42Benoît Magimel, par exemple,
34:43pour moi, je pense que c'est vraiment un des meilleurs acteurs de notre génération.
34:49Benoît, vous le placez devant la caméra,
34:54il se passe un truc magique.
34:55Voilà, vous regardez dans le ton de la caméra,
34:59il a un truc, tout d'un coup, la caméra l'aime.
35:02C'est l'expression qu'on dit souvent.
35:03Mais il y a un truc qui se passe qui fait qu'il a une putain de gueule tout d'un coup.
35:08Là, son regard, il fait un truc, il y a tout qui passe.
35:12Et ça, c'est un truc qui ne s'explique pas, en fait.
35:18C'est quelque chose d'énorme chez les gens, en fait.
35:23Chez certaines personnes qui sont extrêmement cinégéniques, en fait.
35:26OK, donc finalement, il n'y a pas de technique particulière.
35:28C'est on l'a ou on ne l'a pas, quelque part.
35:29Donc, on est acteur ou on n'est pas ?
35:31Non, on peut le devenir, évidemment.
35:32On peut le devenir.
35:34Il y a des très, très bons acteurs qui bossent aussi
35:39et qui sont des très, très bons acteurs.
35:40Il y en a certains qui sont doués de quelque chose d'assez magique immédiatement, en fait.
35:47Et alors, on a parlé des bons acteurs, les bons réals,
35:50parce que vous êtes réalisateur quand même.
35:52J'ai vu que vous avez passé un casting pour être le réalisateur d'Astérix.
35:58C'est-à-dire qu'il y avait trois choses.
36:00Il fallait avoir eu César, avoir fait un film qui a fait plus de deux millions d'entrées
36:04et avoir tourné en langue anglaise, donc avec Blood Ties que vous avez fait.
36:09Mais ça ressemble à quoi un casting de réalisateur ?
36:12De toute façon, toute l'aventure Astérix, c'est très, très particulier.
36:16C'est un film comme un film de studio, en fait,
36:20parce que c'est une franchise qui appartient en fait à...
36:24Les droits d'auteur appartiennent en fait à l'époque à Hachette
36:30et qui ont des droits d'auteur et qui ont un droit de regard en fait
36:35sur le scénario à la virgule près, sur tout ce qui est dit.
36:38Et donc, c'est très particulier en fait.
36:40Donc, c'est pour ça qu'ils ont un cahier des charges et qu'ils ont décidé
36:43de manière un peu différente des autres films en fait.
36:48Moi, c'est la première fois qu'en plus que je réalisais un film que je n'avais pas écrit.
36:52Donc, il y avait un scénario déjà décrit à la base,
36:55que j'ai retravaillé après moi, comme j'ai pu en fait,
36:58en fonction des réactions aussi des ayants droit.
37:04Mais en tout cas, c'est un film où c'est la première fois
37:09que ce n'était pas quelque chose qui venait de moi.
37:11C'est à dire que moi, tous les autres films, c'est des scénarios originaux que j'ai écrits.
37:15À part Blood Ties.
37:16Une petite frustration, c'est le cas ou pas ?
37:17Vous avez été frustré sur le tournage ?
37:19C'est un autre exercice.
37:21C'est très étrange en fait.
37:22C'est un truc que je pense que je ne recommencerai pas
37:26parce que c'est quelque chose...
37:28Moi, j'ai besoin de l'écriture et de la création,
37:32enfin dans l'écriture, du process,
37:34parce que c'est là que je vois mon film en fait.
37:36Et c'est là que mon film m'inspire ou pas.
37:40Mais je ne regrette absolument pas de l'avoir fait
37:42parce que j'ai appris énormément de choses,
37:44que j'ai appris des choses de dingue au niveau effets spéciaux,
37:47au niveau tournage astronomique avec de la figuration,
37:51avec plein plein de choses.
37:53Et surtout, je ne regrette pas pour un truc,
37:55c'est qu'encore aujourd'hui, j'ai des enfants,
37:57parce que le film a été extrêmement décrié,
37:59on s'est fait démonter de la critique.
38:01Ça a été très dur,
38:03mais j'ai eu un public de jeunes et de familles au rendez-vous
38:09parce que le film a pratiquement fait 5 millions d'entrées,
38:11ce qui n'est pas non plus rien.
38:13Et que aujourd'hui, c'est pas...
38:15Et que le film a très bien fonctionné à l'étranger,
38:18mais que surtout, j'ai des enfants qui viennent sans arrêt
38:21me parler du film et qui l'ont vu trois fois, quatre fois.
38:24Et c'était quand même, à la base, un film fait pour ça,
38:28en fait, fait pour les enfants.
38:31Et moi, c'est ça qui me...
38:34Voilà, qui fait que je ne peux pas regretter cette aventure.
38:37Et surtout, la comparaison avec des films comme celui de Chabat
38:41n'est absolument pas comparable,
38:42puisqu'à l'époque, le film de Chabat, d'Alain,
38:46n'était pas fait avec ses ayants droits et avec Hachette,
38:49où il y avait un droit de regard aussi important sur le scénario.
38:54Donc, il y avait une liberté.
38:55Les gens ne le savent pas forcément.
38:56Il y avait une liberté dans les vannes,
38:58il y avait une liberté dans ce que ça raconte,
39:01qui est totalement différente, en fait.
39:03Donc, voilà, il n'y a pas d'excuses à avoir,
39:08ni quoi que ce soit, mais simplement,
39:10ce n'est pas la même époque, ce n'est pas fait de la même manière.
39:12Et voilà.
39:13J'ai vu plusieurs interviews de vous.
39:15En fait, c'est très rare, vous n'avez pas la langue de bois
39:18par rapport à plein d'autres dans le milieu du cinéma.
39:19Surtout, franchement, c'est un plaisir parce que vous répondez aux questions
39:22et puis vous dites les choses.
39:24Il y a un truc que vous avez dit qui m'a stupéfait, c'est sur Vidoc.
39:27Vidoc, donc un film, vous êtes acteur et vous dites j'ai été très mauvais.
39:31Tout le monde ne le dit pas.
39:33Et apparemment, non seulement vous le dites,
39:35mais en plus, c'est que du coup, ça a eu des conséquences
39:36sur votre carrière assez énorme.
39:39Pourquoi vous avez été mauvais dans ce film ?
39:42Quelles conséquences ça a eu ?
39:43Alors, pourquoi j'étais mauvais ?
39:45Parce que je pense que j'étais mauvais parce que je n'étais pas du tout prêt.
39:48Je n'avais peut-être pas suffisamment travaillé
39:52que le personnage n'était pas, je pense, très bien écrit non plus.
39:57Que voilà, je ne sais pas, je n'étais pas dans une ambiance.
40:02Ce n'était pas un film où j'étais très heureux.
40:04Oui, alors j'ai vu que vous n'étiez pas du tout entendu avec Gérard Depardieu.
40:07Non, non, je n'ai pas.
40:09Je n'ai pas eu de...
40:10En tout cas, je pense que lui ne m'a pas vraiment apprécié.
40:13Et non, ça n'a pas fité.
40:17Ça se manifestait comment ?
40:19Il n'y avait pas de complicité du tout.
40:22Ça n'a pas fité en fait.
40:25Et quand j'entends et je vois ce qu'il a dit d'ailleurs sur moi après dans les interviews
40:30où je n'avais rien à faire dans ce métier, bon...
40:32Il a dit ça ?
40:33Oui, donc c'est un peu...
40:36Je pense qu'il n'était pas...
40:37Mais en même temps, ça décharge.
40:39S'il me voyait jouer sur le plateau que je n'étais pas bon,
40:41je pense que c'est un peu normal qu'il puisse avoir dit ça.
40:45Mais c'est vrai parce que je n'étais vraiment pas bon en plus.
40:47Mais parce que je ne me sentais pas à l'aise.
40:49Et c'est vrai que je me suis retrouvé dans ce film-là après La plage
40:52où j'avais fait quand même quelques films avant La plage,
40:55mais je n'avais pas encore une grande expérience.
40:58Et je me retrouve sur ce plateau d'un film assez énorme avec Depardieu.
41:03C'était quand même très impressionnant pour moi.
41:06Et je n'étais pas bon, quoi.
41:08Depardieu, on a beaucoup parlé de son comportement sur les tournages.
41:11Vous, vous l'avez découpé comment ?
41:12Je ne vais même pas rentrer là.
41:13OK.
41:15Je pense que la situation parle d'elle-même en ce moment.
41:18Je n'ai pas de...
41:20Ouais.
41:20Mais par rapport à vous, comment il s'est comporté ?
41:25Je vais tout vous dire, je n'avais pas de rapport avec lui, en fait.
41:27Donc c'était ça qui me gênait plus qu'autre chose, en fait.
41:32Je n'avais pas...
41:33Je pense que j'étais...
41:35Quand on fait ce métier, quand on est jeune,
41:36on a envie de vibrer un peu avec ses pairs, quoi.
41:40J'ai eu la chance de rencontrer avant,
41:42j'avais bossé avec Gérard Lanvin avec qui je m'étais hyper bien entendu,
41:45qui m'avait offert d'ailleurs des pompes de boxe qu'il avait,
41:49des Adidas qu'il portait dans tous ses films.
41:52Et je m'étais bien entendu avec lui.
41:54Et là, je me rendais compte que ça pouvait aussi ne pas fitter avec d'autres acteurs.
41:58Mais ça, c'est la vie.
42:00C'est le truc qu'on ne sait pas trop parce que nous,
42:01chaque fois après, il y a la promo et les acteurs, ils sont tous...
42:03Ça ne s'est super pas bien passé dans les tournages.
42:05Il y a un côté, on ne sait pas vraiment la réalité du monde du cinéma sur le plateau.
42:10Ça arrive souvent qu'on ne s'entend pas avec...
42:12Et puis, c'est pour des mois, on est obligé de rester pendant des mois.
42:14Oui, bien sûr que ça arrive, évidemment.
42:16Ben oui, parce qu'on n'a pas forcément les mêmes points de vue.
42:25On n'a pas forcément les mêmes façons d'être.
42:28On n'est pas les mêmes personnes, en fait.
42:30Il y a des gens avec qui on a une énergie qui colle bien et qui fit bien.
42:33Et puis, il y a des gens avec qui ça passe moins bien.
42:37Moi, j'admirais totalement l'acteur qui était Gérard Depardieu.
42:44Bon, je voyais qu'il n'était pas...
42:48Que ça ne fitait pas dans l'autre sens.
42:51Donc, je n'ai pas cherché à aller plus loin.
42:53Mais donc, ce n'est pas resté une expérience folle pour moi d'échange.
42:57En tout cas, il n'y a pas vraiment d'échange, en fait.
43:01Mais sinon, ça arrive souvent sur des films.
43:05Oui, effectivement, qu'on se retrouve avec une partenaire ou un partenaire
43:11sur un film où la personne vit quelque chose de compliqué dans sa vie à ce moment-là.
43:18Elle n'est pas bien. Elle vient sur le plateau, mais elle n'est pas vraiment là.
43:21Elle a des problèmes à régler. Elle est un peu nerveuse, un peu fatiguée.
43:26Et ça, on ne peut pas en vouloir à l'autre.
43:28Donc, en fait, il y a des périodes comme ça où les gens sont bien ou pas bien.
43:34Ça va être plus dur quand vous êtes le réel.
43:35Si vous êtes le réalisateur du film et que vous n'entendez pas avec un acteur, ça va être très compliqué.
43:38Ah oui, c'est compliqué.
43:39Mais ça, c'est comme dans tous les métiers, en fait.
43:42J'imagine qu'ici, il y a des jours où vous pouvez arriver en tirant la gueule
43:45parce que vous avez un problème et que tout d'un coup,
43:47vous n'allez peut-être pas forcément bien répondre à un cadreur en lui disant un truc.
43:52Et que l'autre va dire, mais comment tu me parles ?
43:54Et puis, ça va monter parce que...
43:55Le cadreur, ça va.
43:58Je dis ça parce qu'il m'a fait comme ça derrière.
44:02Mais en tout cas, par rapport à ça,
44:03parce que vous disiez qu'on n'est pas la langue de bois et tout ça.
44:05Oui.
44:06C'est hyper délicat, ça, en fait, parce que...
44:10Effectivement, moi, j'aime bien, quand je fais des interviews,
44:13on me dit ce que je pense.
44:14Après, on me dit tout le temps, j'ai toujours les attachés de presse qui me disent
44:16« Mais pourquoi t'as parlé de ça ? Pourquoi t'as ça ? »
44:19Parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, n'importe quoi,
44:22n'importe quelle chose que je vais dire va être sortie du contexte, reprise.
44:28Et ça va faire le titre d'un...
44:30Pâcher brut.
44:30Pâcher brut, évidemment.
44:32Mais ce que je veux dire, c'est que cette interview brute
44:34va être reprise dans d'autres papiers.
44:37On va reprendre, on va ressortir juste un truc.
44:40Guillaume Canet s'exprime à nouveau sur Astérix.
44:42« Wouah, boum, tac, tchis, bam ! »
44:45Et ça va faire un paplard comme ça.
44:47Et c'est ça qui est dur, en fait.
44:49Ça, c'est l'exercice le plus dur.
44:50C'est dur ou c'est chiant ?
44:52C'est chiant, en fait, parce que c'est vrai que...
44:56Je pourrais aussi, effectivement, éluder et ne pas répondre aux questions.
45:00Et essayer d'être tout le temps dans un truc très sécurisé.
45:06Je veux dire, c'est chiant pour les journalistes aussi.
45:08Du coup, on fait des interviews qui sont lisses.
45:10Et ils n'en ressortent rien.
45:11Pour ça, je suis ravi de discuter avec vous.
45:14J'ai l'impression que vous répondez aux questions, déjà. C'est bien.
45:15Mais est-ce que les spectateurs, parce que c'est eux qu'on a envie d'intéresser, en fait...
45:20Est-ce qu'ils...
45:22Je sais pas.
45:23Je sais pas la réponse.
45:24Ils mettront les en commentaire sous la vidéo.
45:25De toute façon, je continue à apprendre.
45:27Je fais des erreurs.
45:28J'ai vu que vous n'avez pas tourné un film que Martin Scorsese, quand même,
45:32vous proposait comme producteur.
45:33Ouais.
45:34J'avais été à New York le voir exprès pour un film sur la vie de Jacques Lusserian.
45:38Qui était un homme qui avait créé le journal France Soir, si je me rappelle bien.
45:43Et qui voulait que je réalise ce film.
45:45Et j'étais en train de préparer les petits mouchoirs.
45:49Et je m'apprêtais à tourner le film, en fait.
45:51Et la rencontre était lunaire, quoi.
45:54Parce que je me suis retrouvé dans son salon, avec lui,
45:58en train de me brûler avec un mug de thé qu'il m'a donné,
46:01qui était beaucoup, beaucoup trop chaud.
46:03Et j'osais pas le poser parce que je l'avais à moitié renversé, donc ça coulait.
46:06Et j'osais pas le poser sur la table en bois qui était devant moi.
46:09Donc, en fait, j'étais en surchauffe.
46:11J'étais en train de transpirer parce que j'étais en train de me brûler la main
46:13en tenant le mug de thé.
46:16Et il me parlait de ne le dire à personne.
46:18Et j'étais complètement subjigué d'entendre Scorsese me parler de mon film.
46:22Et il était en train de me demander comment j'avais fait certains plans, quoi,
46:28de Cluset qui court dans les escaliers avec le truc qui bouge.
46:32Et je lui ai dit, c'est un plan que vous avez inventé vous, en fait,
46:34dans le Main Street, avec l'axe, avec le cadre, avec la caméra posée dessus, en fait.
46:39Et quand on a un briquetel qui marche comme ça, il me dit, mais non, parce que ça bouge.
46:44Et je lui ai dit, ouais, mais parce qu'après, je l'ai checké en post-prod.
46:45Il me dit, ah, putain, super.
46:47Et là, j'étais là, oh là là, je suis en train de parler de plans avec Scorsese,
46:51c'est surréaliste.
46:52Incroyable.
46:53Et on peut dire non à Scorsese ?
46:54C'était quand même incroyable, quoi.
47:01Je ne savais pas comment lui dire, en fait.
47:05Et lui m'a simplifié la truc en me disant, tu sais, un projet, il faut être à fond
47:08dessus ou pas du tout, ne t'inquiète pas, ça se refera.
47:12Bon, ça ne s'est jamais fait.
47:13Jusqu'en ça, pourquoi vous l'avez dit non ?
47:16Je lui ai dit non, parce que franchement, je n'étais pas fasciné par le scénario.
47:21Et surtout, j'étais en train de préparer mon film et je partais dedans et lui, il
47:26voulait qu'on tourne tout de suite et je ne pouvais pas lâcher tout ce que j'avais
47:30mis en place pour faire ce film, en fait, c'était compliqué, en fait.
47:33Mais bon, voilà, c'était une rencontre et puis après, je l'ai revu plein de fois,
47:37je l'ai rencontré plein de fois parce que j'ai été rencontré, voir Léo plein de
47:42fois sur les tournages.
47:43Et donc, que ce soit à Viator, que ce soit à Des Capriots, vous le voyez toujours,
47:46à Gangs of New York, où j'ai été le voir, oui, j'allais le voir sur les tournages.
47:49Des fois, j'allais passer du temps à le voir, donc je voyais à ce moment-là Scorsese
47:54et tout ça.
47:55Donc, c'est quelqu'un que j'ai rencontré plein de fois, j'ai eu la chance de rencontrer
48:00plein de fois.
48:01C'est des gens fascinants, extrêmement curieux du cinéma, qui regardent tout, qui
48:08regardent tous les films, qui s'intéressent à tout le monde et c'est des gens vraiment
48:13fascinants.
48:14Est-ce qu'il y a d'autres films que vous n'avez pas tournés ? Est-ce qu'il y a des regrets ?
48:16Il y a des regrets, il y a Quentin Tarantino qui m'a demandé aussi d'adapter Ingress
48:22Bastard.
48:23Ah ouais ?
48:24Et je me suis fait, il s'est fait convaincre après, alors que j'ai travaillé l'adaptation,
48:29il s'est fait convaincre après par quelqu'un de ne pas le faire avec moi pour que cette
48:36personne-là puisse le faire lui-même.
48:38Une adaptation en France ?
48:39Oui, parce qu'il y avait toute la partie française en fait.
48:42Et lui, il avait vu Noldi à personne et il m'avait appelé et demandé de faire l'adaptation
48:48de toutes les scènes des dialogues en France en fait, que j'avais fait, que je lui avais
48:52envoyé et que voilà, et que finalement quelqu'un d'autre a fait.
48:55Donc ça c'est quelque chose que j'ai vraiment regretté parce que j'avais fait le travail
49:00et que ça m'est resté un peu là.
49:03Pourquoi, qu'est-ce qui s'est passé ?
49:04C'est la partie du truc où vous vous faites gaffe, il n'y a pas trop d'hier pour ne pas
49:07que vous achetez 13.
49:08Voilà, exactement.
49:10J'en ai parlé avec Mélanie Laurent après, qui jouait avec vous dans Le Déluge.
49:15Oui, j'en ai parlé.
49:18Il me semble que vous ne voulez pas être royalé, mais moi j'ai envie de savoir.
49:21Je suis partagé, jusqu'où je vais en termes de questions ?
49:24Je ne peux pas, je ne peux pas.
49:25Ad vitam, c'est un film d'action mais avec des personnages assez fouillés et donc c'est
49:28diffusé sur Netflix.
49:29Le film dure 1h35, c'est vrai qu'il y a des gens qui vont le voir en 45 minutes, ils vont
49:33mettre x2 et ils vont le regarder.
49:34Ça, je n'en parlais même pas.
49:35Ça, c'est horrible en fait.
49:38Et ça, je le sais puisque je l'ai vu un jour avec un ado à côté de moi qui regardait
49:45le film.
49:46Il parlait comme ça.
49:47Je lui dis « mais qu'est-ce que tu fais ? »
49:48Il me dit « comme ça, je peux le voir plus rapidement ».
49:50Je lui dis « mais ça ne va pas bien quoi, t'es complètement timbré, complètement
49:54timbré en fait.
49:55»
49:56Vu que les pratiques sont là, il y a des gens qui regardent des films en x2, est-ce
49:59que ça change la façon de faire du cinéma ?
50:00Est-ce qu'on en tient compte ?
50:02Ça change la manière de… pas forcément, on ne se met pas à parler plus lentement
50:10pour que finalement ils aient une vitesse normale.
50:12Mais au niveau du rythme, c'est sûr que c'est un film qui est très rythmé, où
50:18il y a un rythme très, très haletant, avec une vraie volonté de lier à la fois tout
50:26ce que j'ai aimé mettre dans Noldi à personne, c'est-à-dire le côté thriller et en même
50:30temps histoire d'amour, parce qu'il y a une histoire très forte d'amour entre
50:33deux personnages, et le thème aussi du GIGN qui est là aussi sous-jacent, ce décor du
50:42film.
50:43Mais il y a effectivement… aujourd'hui, on ne monte pas les films de la même manière
50:49qu'il y a quelques années en fait.
50:51Il y a une volonté quand même d'être dans un rythme plus soutenu.
50:57Ça se passe au montage, donc pas au tournage ?
50:59Non, c'est au montage.
51:00Il y a un truc qui est marrant dans ce film, c'est le personnage féminin d'une actrice
51:06que je ne connaissais pas.
51:07Stéphane Caillard.
51:08Oui, qui j'ai trouvé très bien.
51:09Elle est formidable.
51:10Elle est effectivement une actrice avec des caractéristiques très viriles, disons, dans
51:15son personnage.
51:16Elle joue très bien, le personnage est très intéressant, mais je me suis posé la question
51:28parce qu'est-ce qu'il y a une dimension politique ?
51:30Non, pas du tout.
51:31Pour vous, rien à voir ?
51:32Non, non, pas du tout.
51:33Il y avait une histoire.
51:34Il y avait une vraie volonté pour moi d'écrire une histoire d'amour.
51:37Ce n'est pas le côté on va faire un personnage féminin différent ?
51:40Il y avait une vraie volonté de ma part d'avoir une histoire d'amour parce qu'en fait,
51:44c'est ce que j'ai adoré dans « Ne le dire à personne », c'est la raison pour
51:47laquelle cet homme court.
51:49Il ne court pas parce qu'il a les flics derrière lui, il court pour aller retrouver
51:52sa femme.
51:53Et c'est un thème qu'on a dans plein de films comme « Le Fugitif », comme plein,
51:59plein de films où on a ce genre de thème et de narration.
52:06Et donc, voulant créer cette histoire d'amour et que cet homme est dans ce microcosme du
52:13GIGN, c'était intéressant d'aller trouver, d'avoir une femme au sein du GIGN.
52:19Et c'est vrai que quand moi, j'ai passé beaucoup de temps au GIGN pour écrire le
52:24film, pour m'y préparer, où j'ai rencontré ces hommes et ces femmes et j'ai été fasciné
52:30en fait par la vie de ces gens et de ce qu'ils vivent et de ce qu'ils donnent tous les
52:33jours et de ce qu'ils vivent tous les jours avec des missions folles et vraiment terrifiantes.
52:38Psychologiquement, c'est quand même assez dur ce qu'ils vivent au jour le jour.
52:42Et j'ai trouvé les femmes fascinantes en fait.
52:47Et c'est ça qui m'a donné envie d'écrire un rôle de femme, que la femme que j'allais
52:53aimer dans le film soit un membre du groupe.
52:56Mais il n'y a pas une volonté de vouloir cocher les cases et de dire il faut un équilibre.
53:04Il y a eu un équilibre volontaire sur le plateau dans la manière de tourner le film.
53:13Et ça, c'est heureusement qu'aujourd'hui, à la technique et dans tous les postes, il
53:19y a une ouverture à ce qu'il y ait une parité en tout cas dans une équipe de tournage et
53:30tout ça.
53:31Mais ce n'est pas ça qui a conduit l'écriture du rôle en fait.
53:35Vous êtes en train d'écrire un film qui va sortir, j'imagine, dans un an, deux ans ?
53:38Je suis en train de préparer un film.
53:40Je viens de terminer un scénario que j'ai écrit et que je vais tourner en fin février.
53:49J'ai juste commencé la prépa et c'est un film auquel je tiens énormément.
53:56Ça fait longtemps que je n'ai pas été aussi emballé par un projet et je pense que
54:01j'avais besoin de ça pour me remettre à faire un film au cinéma.
54:05J'avais besoin d'un scénario comme ça.
54:07Merci.
54:08Merci à vous.
54:10Merci à vous.

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