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Après la décision prise par Donald Trump de couper le robinet des aides internationales, aujourd'hui, de nombreuses ONG et agences de l'ONU sont dans l'incertitude. Kevin Goldberg, directeur général de l’ONG Solidarités International, est notre invité à 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-03-fevrier-2025-6099392

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00:00Il est 6h21, c'est la première conséquence visible de la décision prise par Donald Trump de couper le robinet des aides internationales.
00:07Depuis ce week-end, le site de l'Agence Américaine pour le Développement est inaccessible.
00:12L'adresse est introuvable, voilà la seule chose qu'on peut lire.
00:15Et aujourd'hui, de nombreux ONG et agences de l'ONU sont dans l'incertitude.
00:19Elles sont plus qu'inquiètes car les Etats-Unis sont le premier donateur mondial en matière d'aide humanitaire.
00:24Le pays a dépensé plus de 62 milliards d'euros en 2023.
00:28Bonjour Kevin Goldberg, vous êtes Directeur Général de Solidarité Internationale.
00:32C'est une ONG humanitaire qui emploie 3000 personnes et qui intervient dans 26 pays.
00:37Cette nuit, Donald Trump a dit que l'Agence Américaine, USAID, était dirigée par des fous extrémistes qu'il faut virer.
00:44Et pour Elon Musk, c'est une organisation criminelle qui mène les basses œuvres de la CIA.
00:49Pourquoi sont-ils aussi virulents contre cette Agence Américaine pour le Développement ?
00:54Alors effectivement, il y a aujourd'hui une forme d'attaque qui est faite contre cette agence qui regroupe finalement
01:00beaucoup de dispositifs différents, beaucoup de programmes qui se sont mis en place au fur et à mesure du temps.
01:04L'un d'entre eux, c'est le programme de l'aide américaine qui est porté par un bureau qui s'appelle Bureau for Humanitarian Affairs.
01:10Et c'est aujourd'hui un des acteurs principaux de l'aide humanitaire mondiale.
01:15Donc les attaques du président et de la nouvelle administration viennent principalement, je pense,
01:21dans une logique de mise en avant d'un agenda qui est assez clairement indiqué comme étant America First, l'Amérique en premier,
01:28et qui laisserait entendre que les actions d'aides étrangères des Etats-Unis d'Amérique n'iraient pas pour l'intérêt des Américains.
01:35C'est, à mon avis, faire assez peu de cas de toute la logique de soft power que les Etats-Unis ont pu développer depuis déjà bien longtemps.
01:42Donc ça veut dire que les Etats-Unis veulent donner de l'argent uniquement s'il peut y avoir un retour sur investissement pour les Américains, c'est ça ?
01:48Il n'y a plus rien de gratuit et de dons généreux, une vraie générosité. Il faut que ça rapporte au peuple américain.
01:54C'est ça ce que défend d'ailleurs Marco Rubio, le secrétaire d'Etat.
01:57Alors c'est effectivement comme ça que les choses sont présentées. Après, finalement, ne soyons pas dupes,
02:02toute aide étrangère a souvent une logique d'intérêt à moyen ou long terme pour le pays qui est sous position d'un donateur.
02:08Mais c'est vrai qu'on considère jusqu'à présent que l'aide humanitaire, l'aide au développement pour les pays les plus pauvres,
02:14elle s'inscrit dans une logique qui est d'une certaine façon apolitique.
02:17Elle vient en appui de personnes qui subissent aujourd'hui des crises, qui n'ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins et qui ont besoin d'être aidées.
02:24Alors pour le moment, il s'agit d'une suspension de trois mois.
02:27Ils vont étudier effectivement les montants à qui ils sont destinés, etc.
02:32Et après, ils prendront position définitivement au bout de ce trimestre.
02:35Pour le moment, est-ce que ce gel des subventions américaines a déjà des répercussions sur votre activité, sur votre ONG, Solidarité internationale ?
02:42Chez Solidarité internationale, il se trouve qu'on a depuis plusieurs années un soutien important de la part des Etats-Unis qui représente 36% de notre budget.
02:50C'est plus du tiers.
02:51Et donc effectivement, les décisions qui ont été prises, c'est-à-dire cette demande d'arrêt immédiat de l'ensemble des programmes financés,
02:58ont mis un certain niveau de crise dans l'organisation, puisque du jour au lendemain, on doit, normalement, si on respecte les règles qui nous ont été données, tout arrêter.
03:07Et donc arrêter l'alimentation en eau potable de camps de réfugiés dans lesquels on intervient, par exemple au Tchad,
03:13ou encore, du jour au lendemain, arrêter la distribution de moyens financiers pour les personnes qui se sont déplacées, sont réfugiées au Yémen et ont besoin de ce cash pour aller acheter de quoi manger pour leur famille.
03:26Tout ça, du jour au lendemain, on a eu un signal qui était arrêter tout, car nous allons tout revoir, tout passer en revue.
03:33Et vous allez devoir tout arrêter, effectivement ?
03:35Alors, c'est là qu'il y a eu finalement un grand flou tout au long de la semaine dernière, qui a été compliqué pour nos organisations, pour l'ensemble des acteurs de l'aide humanitaire et de l'aide au développement.
03:44Grand flou, parce qu'on a d'abord eu l'arrêt. Ensuite, une première exemption qui a été donnée sur les questions d'assistance alimentaire.
03:51Puis, quelques jours plus tard, une exemption sur les questions de santé ou encore sur les questions d'abri.
03:57Et enfin, on a, vendredi, reçu un certain nombre de courriers qui nous autorisent à recommencer, par exemple, sur les questions d'accès à l'eau.
04:03Donc, c'est pas clair, en fait, c'est ça ? Vous êtes un peu dans le brouillard ?
04:05Il y a beaucoup d'incertitudes et ces incertitudes, elles sont assez dangereuses pour des organisations qui, dans leur action du quotidien, permettent à des gens de survivre.
04:13Mais à qui vous vous adressez pour obtenir des réponses, justement, des précisions sur est-ce que je suis concerné ou pas par ces exemptions ?
04:18Est-ce que je vais pouvoir continuer à recevoir de l'argent et à aider ou est-ce qu'il faut que je sabre un peu dans mes activités ?
04:23Alors, c'est là que, justement, ce qui se passe pour l'agence USAide nous inquiète, puisque, concrètement, c'est vers nos interlocuteurs habituels au sein de cette organisation que nous nous tournons,
04:31en leur demandant, finalement, que pouvons-nous faire ? Qu'est-ce que nous sommes en droit de faire ? Est-ce qu'on peut engager cette dépense ou pas ?
04:37Est-ce que, demain, l'organisation, si elle a engagé cette dépense, pourra recevoir les fonds qui étaient prévus et alloués pour nous ?
04:42Et finalement, imaginons, dans trois mois, Donald Trump rétablit tout, fait les comptes et se dit « Allez, je garde tout ».
04:48Est-ce que, trois mois, quand même, sans argent américain, c'est déjà préjudiciable ? Est-ce que ça peut être lourd de conséquences pour les populations qui en bénéficient ?
04:54On sait que toutes les ONG ne sortiront pas indemnes de cette période et j'ai d'abord une pensée pour les ONG locales, acteurs et actrices qui sont très impliqués sur le terrain,
05:03qui interviennent à proximité immédiate de l'endroit d'où ils viennent et qui sont des maillons essentiels de la chaîne humanitaire.
05:10Ces acteurs-là, quand on leur coupe du jour au lendemain les vivres, ce sont des structures petites et qui n'ont pas forcément les moyens de soutenir les salaires ou encore de continuer à agir.
05:19Et aucun pays ne peut combler ce manque ? Est-ce qu'il y a certains États qui ont peut-être annoncé qu'ils allaient donner plus pour compenser le gel des crédits américains ou pas ?
05:27Je pense que ces discussions, il va falloir combler avec nos partenaires et, en premier lieu, l'Union européenne qui est le deuxième bailleur humanitaire mondial,
05:34mais aussi les autres pays qui abondent à l'aide publique au développement. Il faut savoir que sur la partie humanitaire de l'aide publique au développement, il n'y a finalement que 15 pays qui sont véritablement des donateurs significatifs.
05:45Et la France en fait partie ?
05:46La France en fait tout à fait partie. Malheureusement, du côté français, les signaux sont assez négatifs puisque, dans le cadre du nouveau budget qui, je pense, occupera une partie de votre matinée aujourd'hui,
05:55ce nouveau budget consacre une diminution substantielle de l'aide publique au développement de la France.
05:59Oui, vous avez signé une tribune d'ailleurs avec d'autres dirigeants d'ONG pour dénoncer ce projet. Vous parlez d'un repli sur soi irresponsable. Il y a quoi de prévu précisément dans le budget ?
06:08On est sur un programme qui soutient les subventions, dans lequel on s'inscrit, qui diminue de 50%. Donc on est vraiment inquiets.
06:15Merci beaucoup, Kevin Goldberg, directeur général de Solidarité internationale. Vous étiez l'invité du 5-7.

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