Ils sont 1,1 million en France à avoir déclaré en consommer en 2023. C’est deux fois plus qu’en 2017 selon le rapport de l’Observatoire français des drogues (OFDT). Au fil des années, la cocaïne se répand comme une traînée de poudre blanche à travers le pays. Elle sort des grandes villes pour toucher petites et moyennes agglomérations et intéresse de plus en plus les jeunes de 15 à 34 ans. La première expérience ainsi que les prises de cocaïne ont bondi dans cette tranche d’âge.
La cocaïne est-elle devenue banale ? Pour répondre à cette question, nous vous proposons de découvrir la discussion entre notre journaliste Charles Delouche-Bertolasi et Marie Jauffret-Roustide, sociologue et chargée de recherche à l’Inserm.
Si vous êtes concerné(e) directement ou indirectement par une consommation de drogues, n'hésitez pas à consulter le site : https://www.drogues-info-service.fr/
La cocaïne est-elle devenue banale ? Pour répondre à cette question, nous vous proposons de découvrir la discussion entre notre journaliste Charles Delouche-Bertolasi et Marie Jauffret-Roustide, sociologue et chargée de recherche à l’Inserm.
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00:00Bon alors, qu'est-ce qu'il se passe en France ? On n'a plus peur de la cocaïne ?
00:02Je vous demande ça parce qu'un rapport de l'Observatoire français des drogues
00:06a rapporté qu'1,1 million de français ont déclaré avoir consommé de la cocaïne en 2023.
00:12C'est presque deux fois plus qu'en 2017.
00:14C'est une évolution qui est assez stupéfiante, surtout quand on garde en tête
00:17qu'évidemment c'est une drogue illégale, très nocive et addictive.
00:20Alors est-ce que ça veut dire que notre rapport à la poudre blanche il a changé ?
00:23Est-ce que la cocaïne c'est devenu banal ?
00:25Pour répondre à toutes ces questions, aujourd'hui je vous propose de discuter avec deux invités,
00:29Marie Geoffray, roustide, tu es sociologue, chargée de recherche à l'INSERM, hello !
00:34Bonjour !
00:35Et à côté de toi, il y a Charles Delouche, Bertholazie, journaliste alibé,
00:40et qui travaille régulièrement sur les politiques des drogues et tendances addictives.
00:45Ma première question vous concerne évidemment.
00:49Aujourd'hui, qui prend de la cocaïne en France ?
00:52C'est quoi le profil de quelqu'un qui prend de la cocaïne en France ?
00:54Le profil est relativement varié, c'est ce qu'a montré le rapport de l'OFDT en fait,
00:58c'est que déjà c'est des jeunes de 15 à 34 ans que le phénomène a le plus augmenté,
01:05mais après sur le profil, le rapport relève qu'il y a les personnes qui travaillent dans des professions
01:14avec des cadences intensives ou des horaires qui se chevauchent,
01:19sont plus à même de prendre de la cocaïne qu'avant.
01:22On a remarqué aussi que dans le secteur de la restauration,
01:26il y a eu une enquête aussi qui a été faite autour de la Bretagne et des marins pêcheurs,
01:29donc c'est vrai que ça reflète quand même un profil d'une personne qui prend ce stupéfiant,
01:36de la cocaïne, pour travailler, pour ne plus être fatigué.
01:40Il y a une espèce de roulement comme ça qui se fait autour de la consommation.
01:45C'est un petit peu sorti du domaine festif pour aller dans de la consommation de tous les jours.
01:51Je vous fais une petite pause, merci beaucoup de regarder cette vidéo.
01:54S'il vous plaît, abonnez-vous à la chaîne YouTube des Libérations, on en produit chaque semaine.
01:58Sachez que c'est une émission qui est tournée en direct,
02:00donc vous pouvez nous rejoindre sur Twitch les lundis et les mercredis midi pour participer à la discussion.
02:06D'ici là, je vous souhaite un bon vise-neige.
02:09C'est ça un petit peu la grande question que je me pose, et Marie, ce sera peut-être une question pour toi.
02:13Ça a changé ? Comment est-ce que les gens prenaient de la cocaïne avant ?
02:17Comment est-ce qu'ils en prennent maintenant ? Qu'est-ce qui a changé, Marie ?
02:19Ce qui a changé déjà, c'est l'ampleur du phénomène.
02:22On a des études maintenant depuis les années 90 qui montrent que la cocaïne,
02:28c'est le produit pour lequel on a la plus forte augmentation.
02:30Ça a été multiplié, l'expérimentation et la consommation ont été multipliées par près de 10 ces 30 dernières années.
02:40Donc ça, c'est le premier élément.
02:42Et d'ailleurs, dans le rapport de l'Agence européenne des drogues, parce que ce phénomène ne concerne pas la France,
02:47ils parlent vraiment d'une explosion, d'une augmentation très importante de la cocaïne partout en Europe.
02:54Donc en fait, il n'y a pas que la France qui est concernée.
02:56Donc déjà, une augmentation très importante qui est liée au fait qu'il y a une production aussi de cocaïne
03:03dans les pays d'Amérique du Sud qui est de plus en plus importante.
03:06On pourra y revenir tout à l'heure.
03:07L'autre élément, c'est la baisse considérable du prix.
03:10Les prix ont vraiment considérablement diminué.
03:14Quand on compare aux prix dans les années 80, on est à une division du prix presque par sept.
03:20Et donc, en fait, le fait que le prix ait beaucoup diminué fait que ça donne lieu à une démocratisation du phénomène.
03:30Donc avant, comme le disait Charles, c'était plutôt un produit qui était consommé en milieu festif et en raison du prix,
03:36aussi par des personnes issues de milieux sociaux plutôt insérés, le monde de la mode, le monde du cinéma.
03:43Voilà, la télé.
03:45Aujourd'hui, comme le montre le rapport de l'OFDT, c'est vraiment toutes les classes sociales qui sont concernées en raison de cette baisse de prix.
03:52Et au-delà de la sociabilité, des espaces festifs, il y a vraiment un phénomène qui correspond aux injonctions de notre société actuelle,
04:02c'est-à-dire c'est un stimulant.
04:04On est dans une société capitaliste qui attend de plus en plus de performances de la part des individus,
04:09donc de plus en plus de personnes qui prennent de la cocaïne pour tenir au travail.
04:12Un besoin de croix d'énergie, un besoin de moins être fatigué.
04:15Et ce que disait le rapport aussi, c'est que contrairement aux années 2000,
04:18il n'y a plus aucun secteur d'activité qui se distingue par une proportion significativement inférieure à la moyenne.
04:24Donc en fait, ça montre que toutes les classes de profession sont touchées, il n'y a plus quelque chose qui se dégage.
04:30Comme par exemple, avant, c'était le secteur de la restauration ou, comme disait Marie, le monde de la com et tout.
04:35Non, maintenant, c'est vraiment diffus.
04:36Dans les facteurs qui ont changé dans la consommation de cocaïne, si on rentre un petit peu dans le détail.
04:44Aujourd'hui, vous nous parliez du fait qu'on est dans une société qui a besoin de stimulants, etc.
04:51Ça veut dire que ça, c'était pas le cas avant ?
04:53C'était le cas avant, mais en fait, déjà, c'est lié à la question du prix aussi.
04:58Et puis c'est lié aussi à la question de la diffusion du produit.
05:03Avant, il y a eu un basculement, je pense aussi, avec une accessibilité qui est beaucoup plus simple qu'avant.
05:11Maintenant, dans les petites villes, les moyennes villes, c'est plus compliqué de trouver des dealers qui vendent de la cocaïne.
05:18Et l'accès est beaucoup plus simple.
05:20La question du prix aussi joue.
05:22Il y a dix ans, on était sur des moyennes de 80, 90 euros le gramme.
05:28Il fallait connaître quelqu'un qui en vendait.
05:31Maintenant, pratiquement tous les réseaux stupéfiants sont mis à faire de la cocaïne quand ils faisaient que du cannabis avant.
05:36Et ils s'ouvrent à toutes les drogues de synthèse.
05:40Donc, il y a une accessibilité qui a rendu aussi une hausse de la consommation.
05:46Alors, Charles a raison, il y a la question de l'offre qui est très importante, c'est-à-dire une offre de plus en plus diversifiée.
05:52Une production, ça, j'insiste beaucoup aussi, une production de plus en plus importante dans les pays d'Amérique du Sud
05:59et qui, dans le même temps, on a une baisse de l'accessibilité, de la disponibilité de l'héroïne.
06:08Parce que l'héroïne a été pendant longtemps produite essentiellement en Afghanistan.
06:17Et avec l'arrivée des talibans au pouvoir, il y a eu une diminution de la production de l'héroïne.
06:23Et donc, en fait, ce qui est aussi une des raisons de l'augmentation de la production de cocaïne.
06:31Donc, ça, c'est une première raison.
06:32Et sur la question de la société de la performance, la société de la performance, c'est les années 90-2000.
06:39Donc, en fait, ce phénomène d'augmentation de la cocaïne en continu, on l'observe vraiment depuis les années 2000.
06:45Mais là, la baisse du prix, ça joue un rôle extrêmement important.
06:50C'est-à-dire, quand on voit un produit qui a été pris, a été divisé par sept,
06:54on comprend tout de suite qu'ensuite, il y a une démocratisation de ce produit.
06:58Et puis, il y a aussi une banalisation de l'image.
07:00Alors, les médias, j'espère qu'effectivement, la discussion qu'on va avoir aujourd'hui permet d'alerter aussi sur les risques liés à la consommation de cocaïne.
07:12Mais c'est vrai que depuis une dizaine d'années, je dirais, on a beaucoup d'une des journaux qui se font sur la cocaïne des ferles en France.
07:22Et en fait, dans l'esprit, dans les représentations, si tout le monde consomme de la cocaïne et si on est sur ce discours de tout le monde consomme de la cocaïne,
07:31ça peut renvoyer à l'idée selon laquelle, en fait, ce n'est pas un produit si dangereux.
07:37Et puis, le fait que ça ait été consommé pendant longtemps par des personnes issues du monde de la mode, de la communication, du cinéma,
07:43ça donnait une image un peu glamour à cette substance.
07:47Contrairement à l'héroïne, par exemple, qui a une image beaucoup plus négative, alors que les risques liés à la consommation de cocaïne y sont importants.
07:55Alors, ça m'amène à une question qui est présente dans le tchat et qui va me permettre de faire aussi un point sur la nocivité de la cocaïne,
08:02qui est une drogue très puissante et dont les risques sont très conséquents.
08:07C'est Maxi Chipi qui demande si les risques liés à cette consommation font moins peur qu'avant.
08:12Selon elle, ça participe à faire tomber cette barrière. Alors, ma question va donc se découper en deux temps.
08:16On peut rappeler la base de c'est quoi les risques de la consommation de la cocaïne et pour répondre à Maxi Chipi.
08:22Est-ce que consommer de la cocaïne, ces risques-là font moins peur ?
08:27En tout cas, sur le risque, oui. Prendre de la cocaïne, ça semble être moins considéré comme grave ou nocif qu'avant.
08:35Et les derniers chiffres de l'AFDT le montrent parce qu'il y a une part non négligeable des personnes interrogées qui pensent même que ça peut être un choix de vie.
08:42Alors que l'augmentation de la consommation de cocaïne, en fait, va de paire avec l'augmentation des admissions aux urgences pour usage problématique de cocaïne.
08:54On sait très bien ce que ça peut entraîner. Ça, ça a été montré depuis des années. Les AVC, crise cardiaque, ne serait-ce que par exemple des problèmes de liaison, de cloison nasale, pardon.
09:09Et puis, quand on parle des publics qui consomment du crack, là, c'est aussi plus grave.
09:15C'est vrai que sur la question des risques, en fait, le problème, c'est qu'aujourd'hui en France, on vit dans un pays où la politique sur les drogues, c'est la prohibition.
09:29Et donc, en fait, le fait que les drogues soient illégales et que les consommateurs de drogues soient considérés comme des délinquants, ça empêche de faire une politique de prévention efficace
09:41et de parler de manière ouverte à la fois des bénéfices et des risques de ces produits.
09:46Donc, la cocaïne, c'est un médicament également. Ça a été utilisé comme un médicament, donc ça pouvait avoir un certain nombre de bénéfices d'un point de vue stimulant.
09:54Mais en fait, on parle trop peu des risques liés à la consommation. Charles en a rappelé certains.
10:01Donc, il y a des risques qui sont des risques à court terme.
10:04Donc, le fait de faire les problèmes cardiaques, il y a des problèmes cardiovasculaires de manière plus générale qui sont liés à la cocaïne.
10:14Donc, des problèmes somatiques avec des risques de décès.
10:19Et donc, comme tu l'as rappelé, Charles, il y a une augmentation très importante des admissions aux urgences en lien avec la cocaïne.
10:25Il y a aussi des effets psychiatriques, c'est-à-dire que la cocaïne, c'est un produit qui peut rendre parano.
10:32Et donc, en fait, ça, ça peut donner lieu à des risques psychiatriques et puis donner lieu à des violences.
10:39Également, quand les personnes effectivement s'imaginent que tout le monde leur en veut.
10:44Et puis, pourquoi je parle de la question de la violence?
10:47C'est qu'en fait, avec la cocaïne comme avec les stimulants, il y a un sentiment de surpuissance.
10:52Et donc, on parle souvent des risques liés au krach parce qu'en fait, le krach, c'est associé à des personnes qui vivent dans la rue.
11:01Et donc, il y a un lien avec la précarité.
11:03Mais cette question de la violence, elle est présente avec la cocaïne.
11:06Elle est présente avec l'alcool aussi dans certains usages.
11:09Et c'est aussi des produits, on l'a vu récemment avec l'affaire Pierre Palmade, qui sont impliqués dans les accidents de la route.
11:16Alors, les risques liés à la cocaïne, ils sont importants.
11:20Il ne faut pas oublier qu'on retrouve également des risques avec des produits qui sont légaux en France, comme l'alcool.
11:27Donc, par exemple, les accidents de la route, il y a beaucoup plus d'accidents de la route en lien avec l'alcool qu'avec la cocaïne.
11:33Mais en tout cas, c'est très important de pouvoir parler très clairement des risques liés à ces produits.
11:39Après, il y a un autre risque qui est très important, c'est la dépendance aussi.
11:42C'est-à-dire, et ça, dans la question de l'image, je pense qu'un des éléments sur le problème de l'image de la cocaïne,
11:49c'est que beaucoup de personnes pensent qu'il n'y a pas de dépendance à la cocaïne.
11:53C'était justement une question de quelques bugs dans le chat qui se demandaient si la cocaïne rend dépendante.
11:57Oui, il y a une dépendance.
12:01Alors, il y a une catégorisation qui a été faite des produits par un neurobiologiste dans les années 90 qui s'appelle le rapport Roch,
12:12qui montre les différents types de dépendance.
12:17Donc, la cocaïne est un produit effectivement qui peut donner lieu à des dépendances.
12:21Le tabac et l'alcool peuvent aussi donner lieu à des dépendances.
12:25Mais effectivement, il peut y avoir des dépendances à la cocaïne.
12:29D'ailleurs, on voit actuellement dans les centres de soins et de réduction des risques une augmentation très importante des personnes qui viennent consulter pour la cocaïne.
12:37Mais toutes les personnes qui consomment de la cocaïne ne vont pas être dépendantes.
12:42Mais le problème, c'est qu'on ne peut pas le savoir avant de commencer à consommer.
12:46Et donc, c'est pour ça qu'il y a des risques à long terme, la dépendance, et des risques à court terme qui sont vraiment à prendre au sérieux, qu'on vient de rappeler avec Charles.
12:54La cocaïne en elle-même, elle a évolué.
12:56Il y a eu une différence entre celle qui arrive en France, je ne sais plus dans quelles années, quand elle arrive en France, en Europe, et celle qui existe aujourd'hui sur le territoire et ses dérivés.
13:08Comment est-ce que la cocaïne, elle a évolué ?
13:09Ce n'est plus vraiment la même cocaïne.
13:11En fait, c'est aussi lié à l'explosion de la production dans les pays producteurs.
13:17La Colombie reste toujours en tête des pays producteurs.
13:20Mais maintenant, il y a la Bolivie, l'Équateur qui ont suivi, et même les techniques d'exportation de la pâte base, en gros, ont vraiment changé.
13:30Ce qui fait que maintenant, on peut atteindre des taux de pureté qui n'ont rien à voir avec il y a 15-20 ans.
13:38On est sur une moyenne, selon les saisies faites en France, de 80% de pureté pour les grammes analysés, les échantillons, donc c'est énorme en vrai.
13:49Avec cette augmentation de la pureté va une augmentation des risques, parce que ce n'est pas la même chose que de prendre une cocaïne coupée à 50% au Levamizol,
13:58qui est, par exemple, le produit de coupe le plus utilisé à la base d'un médicament contre les vermicilles, pour vermifuger les animaux, si je ne me trompe pas.
14:08Et une cocaïne qui est pratiquement pure. Il y a même des échantillons qui ont été relevés à 100% de pureté.
14:15Et ça, ça va avec des nouvelles techniques d'exportation, qui fait qu'on peut maintenant avoir des laboratoires en Europe qui travaillent directement la pâte base,
14:27alors qu'avant, c'était très compliqué de l'exporter. Maintenant, on peut la fixer sur des plastiques, les méthodes des trafiquants ont vraiment complètement évolué,
14:39ce qui fait qu'ils peuvent assurer une cocaïne pure à 80% de moyenne et un prix qui stagne depuis 10 ans.
14:46Et est-ce qu'il y a des substituts, enfin pas des substituts, mais je veux dire des évolutions, des versions différentes de la cocaïne qui ont été créées ?
14:53Déjà, la première chose qui est très importante à avoir en tête, c'est que les drogues qui sont consommées aujourd'hui, comme le disait Charles, ne sont pas les mêmes que celles des années 70, 80, 90.
15:04Donc, l'augmentation de la pureté pour la cocaïne, on l'observe aussi avec le cannabis. On a des cannabis qui sont de plus en plus élevés en teneur, en THC.
15:16Pour le cannabis, c'est la même chose pour la cocaïne. Donc, ça veut dire plus de risques. Et donc, ça, c'est vraiment un élément important.
15:22Il y a des produits synthétiques aussi qui circulent, un peu comme ce qu'on voit avec l'héroïne, avec la question du fentanyl et la crise des overdoses opiacées aux Etats-Unis,
15:32dans lesquelles parfois la cocaïne est impliquée parce qu'aux Etats-Unis, la cocaïne est parfois coupée avec du fentanyl.
15:40Donc, il peut y avoir également des overdoses qui sont liées à la cocaïne avec des produits de coupe, comme tu viens de l'évoquer.
15:50Donc, ça peut être du fentanyl, ça peut être de la lévabisole. La cocaïne en soi comporte des risques, mais les produits avec lesquels la cocaïne va être coupée pour que les trafiquants se fassent plus de bénéfices comportent aussi les risques.
16:04Et comme ces substances sont interdites en France, qu'il n'y a pas de circuit légal, quand les consommateurs vont aller acheter de la cocaïne sur le marché noir,
16:14ils ne savent pas du tout ce qu'il y a à l'intérieur du produit. Donc, oui, on a des produits synthétiques aujourd'hui qui augmentent les risques.
16:23Et puis, il y a la question du crack qu'évoquait Charles tout à l'heure, c'est-à-dire le crack, en fait, c'est un mélange entre la cocaïne et du bicarbonate ou de la cocaïne et de l'ammoniaque.
16:35Et donc, en fait, ça en fait un produit qui est beaucoup plus puissant, dont les effets sont beaucoup plus violents. Mais au départ, c'est la même substance.
16:43Et qu'on peut, je crois, consommer différemment, ce qui joue aussi dans l'évolution de la perception de la cocaïne, parce qu'en fait, ce n'est plus que juste un produit qu'on peut sniffer.
16:54C'est un produit qu'on peut consommer de plein de manières différentes. Et c'est le cas du crack, non ?
16:57Oui, le crack se fume essentiellement, mais la cocaïne, elle est essentiellement sniffée. Mais on voit également des personnes qui injectent de la cocaïne pour avoir des effets plus puissants.
17:07Et alors là, ça renforce, il y a d'autres risques, la transmission de maladies infectieuses comme le VIH et l'hépatite C, des problèmes d'abcès au point d'injection, puis une dépendance qui va plus vite.
17:21Et puis, c'est des produits qui peuvent être fumés et le crack se fume essentiellement.
17:25Non, et la voie fumée aussi, c'est 10 à 15 fois plus puissant en termes de dépendance ?
17:29Alors, la voie fumée, selon les substances, fait que ça peut arriver effectivement plus rapidement au cerveau que la voie sniffée.
17:36Mais en tout cas, il y a une diversité des modes de consommation de ces substances.
17:41Mais aussi, pour revenir à l'apparition, tu parlais de différentes sortes de cocaïne.
17:46Il y a aussi un amalgame, mais disons un petit peu style qui est fait aussi avec cocaïne en rose, 3MMC, qui sont souvent présentés à tort comme des dérivés de la cocaïne.
17:57Alors qu'en fait, très souvent, il n'y a aucune trace de cocaïne dans ces produits-là, qui sont des produits typiquement de synthèse.
18:02Contrairement à la cocaïne, on a quand même besoin de la plante de coca au début pour faire quoi que ce soit avec.
18:083MMC, cocaïne rose ou tuisibille, pour la 3MMC, c'est censé reproduire les effets de la plante de cate, mais il n'y a aucune présence de plante de cate dedans.
18:21C'est purement une drogue de laboratoire.
18:23Et je pense que la diffusion de la cocaïne aussi ouvre la porte à la diffusion de ce genre de produits de synthèse qui sont prises par la même voie, c'est-à-dire la voie sniffée, qui ont à peu près la même apparence et qui sont encore moins chers que la cocaïne.
18:41Et ça me permet de revenir à la question de Guillaume tout à l'heure sur le sniffy.
18:44Déjà, moi, je ne sais pas ce que c'est le sniffy.
18:45Et est-ce que ça joue dans la banalisation de la coque ?
18:50Oui, le sniffy s'est apparu au printemps dernier, je crois.
18:55En France, c'est un produit qui est vendu dans les bureaux de tabac et qui est une poudre énergisante.
19:02Il n'y a zéro trace de cocaïne dedans, bien sûr, mais il y a de la taurine, en gros, en poudre, un petit peu comme ce qu'on peut retrouver dans les boissons énergisantes.
19:10Et oui, ça participe forcément à une certaine démocratisation, banalisation de l'image.
19:17Oui, parce que c'est vendu dans une petite pipette avec une petite cuillère pour le consommer.
19:27Mais après, le gouvernement a essayé de l'interdire et c'est très compliqué d'un point de vue de justice européenne.
19:34Je vois une question, parce qu'apparemment, on n'a pas été clair là, si je peux me permettre, sur la question entre l'augmentation de la teneur en THC, le fait d'avoir un produit plus pur et donc moins coupé,
19:46qui peuvent être encore plus dangereux, alors plus pur, ça ne veut pas dire moins coupé.
19:51Donc, en fait, c'est le taux de pureté dans le produit.
19:57Les produits sont tout le temps coupés, mais en fait, quand un produit est très pur, ça veut dire que le principe actif, qui comprend des risques également, est plus important.
20:08Donc, un produit, par exemple, un cannabis qui est très fort en THC, va donner lieu, par exemple, à des risques liés à des troubles psychiatriques beaucoup plus importants,
20:21parce que c'est le principe actif qui donne lieu à des risques et il peut par ailleurs être coupé.
20:26Et quand la cocaïne est très, quand il y a une teneur importante de cocaïne à l'intérieur du produit, ça veut dire que les risques liés à la cocaïne vont être plus importants.
20:38C'est comme l'alcool, en fait, quand vous buvez de l'alcool qui est très dosé, vous allez avoir un risque d'avoir un accident de voiture de manière plus importante,
20:48parce que votre taux d'alcoolémie va être plus important.
20:50Mais par ailleurs, même quand les produits, quand la pureté augmente, les produits peuvent être coupés.
20:55Donc, ce n'est pas du tout antinomique.
20:57Je voudrais juste revenir un petit peu en arrière sur la question du crack, parce que c'est un sujet que tu as beaucoup étudié, Marie.
21:04Concrètement, le crack, quel impact il a à la fois sur la santé des gens qui le consomment, sur un phénomène de santé publique et où est-ce qu'on en est aujourd'hui de la consommation du crack ?
21:20Alors, en fait, la cocaïne, déjà, est beaucoup plus diffusée que le crack.
21:28Le nombre d'usagers de crack, on estime que c'est à peu près aux alentours de 50 000 personnes.
21:39Et la majorité, mais voilà, en tout cas, il y a beaucoup plus de consommateurs de cocaïne que de crack.
21:45Les risques liés au crack, c'est quasiment les mêmes que ceux de la cocaïne, puisque c'est le même produit au départ.
21:51Donc, risque d'arrêt cardiaque, risque cardiovasculaire, des problèmes également de paranoïa, problème de survenue de troubles ou accentuation de troubles psychiatriques.
22:03Mais le problème supplémentaire qu'on a avec le crack, c'est que le nombre de prises est beaucoup plus important.
22:11Comme c'est pris par voie fumée, ça entraîne en plus des troubles pulmonaires.
22:15Donc, les consommateurs de crack, ils ont des gros problèmes au poumon, généralement.
22:21L'autre élément, c'est qu'en fait, comme je le disais, comme le crack, en fait, il y a un effet dépendance très, très fort.
22:28Et donc, les personnes vont pouvoir être amenées à consommer plusieurs fois dans une heure, dans une même heure.
22:32Enfin, une consommation très compulsive qu'on peut observer parfois aussi dans certains usages de cocaïne.
22:41La dépendance va arriver beaucoup plus vite.
22:44Et en fait, il y a un risque qu'on a oublié d'évoquer, c'est-à-dire que là, on a parlé des risques sanitaires.
22:49Mais avec la cocaïne et encore plus avec le crack, vous avez des risques aussi de désocialisation.
22:54C'est-à-dire que c'est des produits, même si le prix a baissé, quand vous consommez plusieurs fois par jour, ça coûte cher.
23:01Et puis surtout, quand votre vie commence à s'organiser, surtout autour de la recherche du produit, de la consommation du produit,
23:10il y a un désinvestissement qui peut arriver dans le travail, dans les relations amicales.
23:17Et on voit, moi je le vois dans mes travaux de recherche, des personnes qui, après avoir été dépendantes à ces produits,
23:24se retrouvent à être aussi dans des situations de désinsertion sociale.
23:29Donc ça, c'est un risque également important.
23:32Si je peux me permettre, j'avais rencontré des usagers de crack qui m'avaient dit que c'était une bêtise d'appeler le crack la drogue du pauvre.
23:41Parce qu'en fait, c'est une drogue qui coûte très cher.
23:44Parce que quand on est dépendant au crack, on a besoin d'en consommer beaucoup.
23:49Et le prix d'une galette de crack qui coûte 15 euros, on se dit que c'est rien comparé aux 60 euros du gramme de cocaïne.
23:56Mais les prises, la régularité des prises ne sont pas du tout les mêmes.
24:01Est-ce qu'aujourd'hui, la coke se consomme dans différents endroits ?
24:07De ce que j'ai compris, quand elle est arrivée, c'était plutôt parisien, etc.
24:10Maintenant, elle se diffuse partout, il y a de la coke partout ?
24:12Oui, elle est sortie des grandes villes depuis un moment.
24:15Et en fait, maintenant, dans les petites et moyennes villes, il y a de la cocaïne.
24:21Les derniers rapports de l'État ont montré la diffusion des modèles des points de deal.
24:27Je crois qu'il y en a 8000 compliqués qui ont été répertoriés.
24:33Et pour les consommateurs, la mutation du deal liée aux réseaux sociaux, aux messageries chiffrées,
24:42aux répertoires qui se revendent entre dealers, fait qu'en fait, c'est beaucoup plus simple de vendre des stupéfiants
24:50ou d'en acheter dans n'importe quelle petite ville.
24:53Tandis qu'avant, il fallait connaître quelqu'un, ou alors la logique du four, du point de deal dans un quartier.
25:01On tend de plus en plus à s'en éloigner.
25:02Oui, c'est très important ce que vient de dire Charles.
25:06On parle d'ubérisation du trafic aujourd'hui.
25:09C'est-à-dire qu'avant, il fallait aller sur les points de deal ou connaître quelqu'un pour s'acheter du produit.
25:14Maintenant, le produit vient à vous.
25:15Donc, on passe un coup de fil.
25:19Le Covid a joué aussi pour beaucoup parce que les dealers se sont adaptés
25:25et ont dû continuer à travailler pendant cette période.
25:28Ils ont appris pendant le Covid.
25:29Donc, en fait, comme on a eu une ubérisation de la nourriture, des repas, etc.,
25:38les dealers se sont adaptés.
25:41Donc, en fait, il y a une production plus importante, une accessibilité plus importante.
25:48Alors, la cocaïne, effectivement, Charles vient de le dire, se diffuse dans toutes les villes.
25:54Et nous, on vient de terminer une enquête qui s'appelle l'enquête Coqlicot,
25:57qu'on fait depuis la fin des années 90, début des années 2000.
26:02Et donc, le crack, par exemple, jusqu'en 2010, était essentiellement sur Paris.
26:08Et là, dans la dernière enquête dont on vient d'analyser les données,
26:12on a fait l'enquête dans 27 villes et on voit qu'il y a du crack dans toute la France aujourd'hui.
26:18Donc, c'est aussi un phénomène nouveau.
26:20Crack et cocaïne qui se diffusent de plus en plus dans les villes et dans les zones semi-rurales également.
26:27Oui, tout à fait.
26:28Je voudrais qu'on évoque un tout petit peu une question de trafic qui est liée à la banalisation de la cocaïne.
26:33Est-ce que, on en a parlé un petit peu au début, mais dans quelle mesure le trafic a-t-il évolué
26:39et dans quelle mesure ça a eu un impact sur le fait que la cocaïne se retrouve partout facilement moins chère ?
26:45En fait, on n'a jamais autant produit dans le pays producteur.
26:48C'est-à-dire qu'en termes de tonnes de production, on est sur des milliers de tonnes de production.
26:53Il n'y a jamais eu autant de cocaïne dans les pays producteurs, il n'y en a jamais eu autant en Europe.
26:58Et l'Europe est en train de devenir un marché très très important de la cocaïne.
27:04Il y a une diversification des routes du trafic par voie maritime, par GoFast de l'Espagne.
27:17Il y a le fret postal aussi qui n'est pas négligé avec l'accès facilité, enfin l'accès qui est rendu très simple maintenant sur Internet et plus forcément sur le Darknet.
27:27L'ubérisation avec la livraison à domicile qui fait qu'on n'a plus forcément besoin d'être en rapport avec le dealer finalement, juste un livreur.
27:40Tout ça en fait, ça a participé à l'essor de la consommation de cocaïne.
27:46Et le trafic a évolué aussi en adoptant les méthodes marketing, c'est-à-dire que via les réseaux sociaux, on fidélise le client, on propose des promotions, des packs.
27:57On propose même aux usagers de découvrir des nouvelles drogues gratuitement, comme par exemple la 3MNC lorsqu'elle est arrivée en France.
28:03Elle était souvent proposée gratuitement par les revendeurs dans l'optique de faire découvrir un nouveau produit et de toucher un nouveau public.
28:15On est dans une société capitaliste, donc les dealers s'adaptent et ils ont les mêmes stratégies que d'autres commerçants, même si c'est un produit effectivement illégal dans ce cadre-là.
28:30Le directeur de l'Agence européenne des drogues, dans le dernier rapport qui vient d'être publié sur l'état des drogues en Europe, dit que les drogues aujourd'hui, c'est toutes les drogues,
28:42donc une grande diversité des drogues, et donc avec en particulier une diversité des formes de la cocaïne, tout le monde et partout.
28:50Donc en fait, c'est vraiment le titre du rapport, une globalisation, diversification des profils de personnes qui consomment.
29:00Par contre, il y a un élément important qu'on n'a pas encore évoqué, si je peux me permettre, c'est la question des profils en termes d'âge.
29:12C'est-à-dire qu'on a toujours tendance à penser parfois dans certains médias, pas Libération qui donne des informations très sérieuses,
29:21mais dans certains médias, on a tendance à dire oui, on est dans une société permissive, les jeunes consomment de plus en plus tôt.
29:29Ça par contre, c'est faux. Les données de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives montrent qu'on a une part de plus en plus importante de jeunes
29:40qui ne consomment plus du tout de substances, soit pour des raisons de santé, parce qu'ils font plus de sport, qu'ils ont des messages de prévention sur comment être en bonne santé,
30:01soit pour des raisons religieuses, soit aussi parce qu'ils n'ont pas envie de consommer de produits et qu'ils considèrent qu'ils n'en ont pas besoin.
30:14Donc, on a une part de plus en plus importante de jeunes qui ne consomment plus de drogues et surtout, on voit un vieillissement à la première consommation.
30:22On le voit pour le cannabis en particulier, où la consommation de cannabis a baissé chez les plus jeunes.
30:30Dans les enquêtes qui sont faites chez les jeunes de 17 ans, on voit ces dernières années une baisse importante de la consommation de cannabis et de toutes les substances.
30:39Et donc, cette consommation de cocaïne, on l'observe chez les trentenaires et chez les jeunes adultes, mais beaucoup moins chez les adolescents.
30:52C'est paradoxal, parce que je croyais que dans le rapport, la tranche d'âge où la consommation de cocaïne a le plus augmenté, c'était 17-30 ans, non ?
30:59Sauf qu'en tout cas, à 17 ans, on voit que les consommations de drogues baissent, à l'exception de la cigarette électronique.
31:08Mais il y a une diminution de la consommation à 17 ans pour l'ensemble des produits.
31:12Il y a aussi une diminution de l'âge à la première consommation, de l'expérimentation.
31:17Mais quand on dit jeunes, on parle d'adolescents, 15, 16, 17 ans, et c'est là où ça diminue.
31:25Après, ça augmente chez les vingtenaires et chez les trentenaires.
31:30Il y a plusieurs questionnements qui ressortent dans le chat, et notamment, celui qui représente ce questionnement, c'est Guillaume qui nous demande,
31:41« Alors, pourquoi ne pas juste la légaliser, cette drogue ? »
31:44C'est une bonne question. Vas-y Marie, réponds pour l'instant.
31:48Alors, sur cette question-là, sur la légalisation, il y a deux choses à distinguer.
31:54Il y a la dépénalisation de l'usage, comme au Portugal, et il y a la légalisation.
32:01Donc, en fait, moi, en tant que chercheur, en tout cas, quand je regarde les études disponibles,
32:07on a des études disponibles sur la légalisation du cannabis, et on a des études disponibles aussi sur la dépénalisation de l'usage de toutes les drogues,
32:19dont la cocaïne, mais on n'a pas de pays, à ce jour, qui ont légalisé la cocaïne.
32:25Donc, moi, pour me faire un avis sur les politiques publiques, j'ai besoin d'avoir des données.
32:29Je suis une chercheuse scientifique, donc ce dont je peux parler, par contre, c'est la dépénalisation de l'usage.
32:35Et ça, ça me semble être quelque chose de très important.
32:38Aujourd'hui, en France, l'usage des drogues est illégal.
32:42Ça veut dire qu'un consommateur risque un an de prison et 3750 euros d'amende.
32:48Pour moi, ça, ça n'a pas de sens, parce que les consommateurs qui ont des problèmes avec les drogues,
32:54ils doivent bénéficier de soins et ne pas aller en prison ou avoir des amendes.
32:58Ça, on sait que ça ne sert à rien, et au contraire, que ça peut éloigner les personnes qui en auraient besoin des soins,
33:05parce que quand un usage est illégal, vous allez plus facilement cacher votre consommation, ne pas en parler à vos proches.
33:12Et si vous avez besoin d'avoir accès aux soins, parce que vous êtes dépendant de la substance, vous allez avoir une perte de chance.
33:19Donc, la dépénalisation de l'usage de toutes les drogues, ça a été fait au Portugal depuis 2001.
33:24Donc, on a un bon recul.
33:25Et ce qui est très intéressant, c'est de voir que le niveau de consommation de drogue au Portugal est beaucoup plus bas qu'en France.
33:33Donc, en fait, au Portugal, quand vous avez des produits sur vous, on vous propose de passer devant ce qu'on appelle une commission de dissuasion de la toxicomanie.
33:45C'est le terme qui est utilisé.
33:47Et vous avez face à vous un juge, un travailleur social, un médecin.
33:51Et donc, en fait, ça veut dire que si vous avez besoin de voir un médecin ou si vous avez des problèmes liés à votre consommation, on va vous orienter vers le bon professionnel.
33:58Le problème en France, c'est qu'aujourd'hui, avec l'amende forfaitaire qui a été mise en place, si vous êtes arrêté parce que vous avez de la cocaïne ou du cannabis sur vous, c'est un policier qui va vous mettre une amende.
34:10Donc, ça veut dire que vous n'avez pas ce passage vers le soin, alors que c'est beaucoup plus utile pour une personne qui est en difficulté avec la cocaïne d'aller voir un médecin que d'avoir un policier qui va lui mettre une amende.
34:23Donc, moi, je pense en tant que chercheur que c'est vraiment important de dépénaliser l'usage pour faciliter l'accès aux soins.
34:31Après la légalisation de la cocaïne, en l'occurrence, je n'ai pas de recul là dessus.
34:38La maire d'Amsterdam a demandé la légalisation du cannabis, de la cocaïne et de l'ecstasy.
34:44Mais pour le moment, on n'a pas de recul sur cette question.
34:47Ça permettrait simplement d'avoir un contrôle du produit et certainement une baisse du trafic.
34:56Mais voilà, ça se réfléchit et il faudrait avoir un peu de recul.
34:59Je ne sais pas ce que tu en penses, Charles.
35:01Mais sur le Portugal, je voyais parce qu'il y a une question sur le...
35:07De Kakebuk. En fait, c'est Kakebuk qui se demandait.
35:09Marie, tu disais que le taux de consommation de cocaïne au Portugal est moins élevé qu'en France.
35:16Alors, le taux de consommation de drogue, de manière générale, est moins élevé qu'en France, au Portugal.
35:23Et par ailleurs, le Portugal est un des pays d'Europe qui a le meilleur accès aux soins pour les personnes usagères de drogue.
35:28Et donc, Kakebuk se demandait s'il n'était pas déjà plus bas de base.
35:32Si, il était plus bas de base.
35:36Mais ils avaient des gros problèmes d'héroïne.
35:37Mais ils avaient des problèmes d'héroïne.
35:38En fait, le Portugal, ils ont choisi de dépénaliser parce qu'ils avaient énormément de morts liées à l'héroïne.
35:45Et ils se sont rendus compte que leur politique prohibitive, elle ne portait pas ses fruits.
35:49Donc, ils ont dépénalisé l'usage.
35:51Ils avaient des taux bas de consommation d'autres substances et en particulier du cannabis.
35:57Et quand ils ont dépénalisé, la crainte de certains politiques, c'était de dire ça va faire augmenter l'usage.
36:04Et ça n'a pas eu cet effet là.
36:06Donc, en fait, aujourd'hui, quand on regarde la France qui prohibe
36:13et qui met en place une politique de prohibition, et quand on regarde le Portugal qui a dépénalisé l'usage,
36:21il y a plus de consommation en France qu'au Portugal.
36:24Donc, ça montre que dépénaliser ne fait pas exploser, augmenter l'usage.
36:29C'est ça et surtout améliore l'accès aux soins et fait faire des économies.
36:33Parce qu'en fait, tout l'argent qui est mis dans la répression et qui ne porte pas ses fruits,
36:38puisqu'on voit qu'il y a de plus en plus de consommateurs en France, au Portugal, c'est réinvesti dans le soin.
36:44Tout ça me pose une dernière question.
36:48C'est la prise en charge des personnes qui sont addictes à la coke et au crack.
36:51On a cet exemple du Portugal que vous nous avez tous les deux précisé.
36:55En France aujourd'hui, comment on prend en charge les personnes addictes ?
36:59Comment on pourrait faire mieux ?
37:01Déjà, il faut préciser quelque chose, c'est que crack et cocaïne, à différence de l'héroïne,
37:06on n'a pas de traitement de substitution.
37:08Donc, la prise en charge pour les personnes qui ont des usages problématiques et qui sont dépendants
37:15est moins variée que pour les personnes dépendantes à l'héroïne.
37:19Et après, c'est plus un chemin vers le sevrage, vers l'abstinence, je crois, qui se met en place.
37:26Mais il n'y a pas cette béquille du traitement de substitution qui est quand même très importante pour les autres stupéfiants.
37:34Alors, on travaille là-dessus avec des équipes de recherche en France.
37:39Là, on a un projet sur la mise en place de traitement de substitution pour la cocaïne.
37:44Mais effectivement, pour le moment, il n'y en a pas qui ont fait la preuve de leur efficacité,
37:47comme la méthadone ou la buprénorphine pour l'héroïne.
37:49Par contre, il y a quand même des prises en charge qui se font.
37:53Donc déjà, il y a des politiques de réduction des risques,
37:56c'est-à-dire pouvoir accueillir les gens qui consomment dans des lieux,
37:59les consommateurs de crack, par exemple, pour qu'ils puissent se reposer la journée,
38:03qu'ils ne soient pas tout le temps dans la rue.
38:06Des politiques aussi d'accès à l'hébergement pour les consommateurs de crack.
38:09C'est aussi très important.
38:11Et puis, plein de prises en charge psychosociales avec des thérapies comportementales
38:17pour apprendre à faire en sorte qu'on soit moins dépendant du produit.
38:23Parce qu'après, quand on est dépendant, par exemple, de la cocaïne ou d'autres produits,
38:27il y a des habitudes qui se créent.
38:29Et donc, les thérapies comportementales permettent de progressivement s'éloigner.
38:34Et les communautés thérapeutiques aussi.
38:37Parce qu'en fait, ce qui est compliqué aussi, quand les personnes arrêtent de consommer de la cocaïne,
38:42c'est qu'elles sont dans un réseau où elles ont l'habitude d'être avec d'autres consommateurs.
38:48Quand elles arrêtent, il faut qu'elles prennent le temps de reconstruire leur vie,
38:53leur réseau de sociabilité.
38:56Il y a les programmes narcotiques anonymes aussi, qui peuvent être des aides supplémentaires.
39:01Mais ce qui marche et ce qui est vraiment important, c'est de partir du besoin de la personne.
39:05C'est-à-dire de ne pas imposer le sevrage, mais de voir ce dont la personne a besoin.
39:09Est-ce que c'est une aide psychosociale ?
39:11Est-ce que c'est l'accès au logement ?
39:13Une réorientation professionnelle ?
39:16Travailler aussi sur pourquoi la personne consomme, le contexte de vie dans lequel elle consomme.
39:21Donc, c'est vraiment les prises en charge pluridisciplinaires qui marchent.
39:24Et sur ce sujet-là, il y a un très bon livre qui est sorti aux éditions Goutte d'Or de Yoann Zarka,
39:29qui s'appelle Clean, et qui raconte le parcours de cinq personnes vers l'abstinence.
39:34Il évoque les narcotiques anonymes, l'accompagnement par les éducateurs spécialisés,
39:39ou les professionnels de santé, les professionnels de l'addiction, les patients experts aussi.
39:44C'est-à-dire des personnes qui étaient dépendantes, qui sont sorties de leur dépendance,
39:47et qui donnent en quelque sorte les clés pour pouvoir aller vers ce chemin-là.
39:54Il y a aussi l'importance des communautés thérapeutiques en dehors de Paris, par exemple,
39:58où on propose aux usagers problématiques de se mettre au vert,
40:06et de sortir de leur habitude qui était liée à la consommation de drogue.
40:13Il faut agir sur les raisons, sur le contexte de vie,
40:16et surtout ne pas stigmatiser les consommateurs pour qu'ils puissent avoir accès aux soins.
40:19La parole est très importante.
40:21Libérer la parole, oui.
40:23Donc, si je comprends bien, moins de répression, plus d'accompagnement, c'est ça ?
40:26Tout à fait. Moins de répression, plus d'accompagnement, plus d'entraide, plus de soutien, plus de soins.
40:34En tout cas, moins de répression envers les consommateurs,
40:36parce que c'est vrai que l'expérience du Portugal l'a montré,
40:40et ça pourrait permettre d'avoir un meilleur accès aux soins, une meilleure prévention.
40:44Là, on a parlé des consommateurs, comment faire pour aider les consommateurs,
40:48mais si on veut diminuer la consommation de drogue en France,
40:53il faut travailler sur ce qu'on appelle les environnements de vie favorables,
40:57améliorer la prise en charge des enfants qui sont, par exemple, victimes de violences,
41:02parce qu'on voit chez les consommateurs dépendants,
41:04beaucoup de personnes qui ont été victimes de violences, par exemple, dans leur enfance.
41:07Donc, améliorer les programmes de prévention des violences,
41:11développer les programmes de compétences psychosociales pour que les jeunes se sentent bien,
41:16et n'aient pas besoin de consommer des substances psychoactives.
41:21Et donc, en fait, ces éléments sur travailler sur les environnements,
41:24et pas toujours faire reposer la responsabilité sur le consommateur,
41:28mais faire en sorte que les personnes vivent dans des environnements de vie
41:32qui leur permettent de se sentir bien,
41:34ça, c'est vraiment un des éléments phares de la prévention.
41:37Et puis, si je peux me permettre, sur l'école aussi, c'est important,
41:40parce que c'est vrai que c'est très important de passer par l'éducation,
41:45et il y a une manière de le faire,
41:48c'est-à-dire que le format du policier qui vient parler en classe ne fonctionne pas,
41:56qu'il monte son arme et qu'il monte le boot-sheet, l'échantillon de cocaïne, ne fonctionne pas.
42:01Et on a des retours de collégiens ou de lycéens qui nous disent que ce qui fonctionne le plus,
42:07c'est par exemple un professionnel de santé ou un addictologue,
42:11ou quelqu'un qui travaille dans un XAPA ou un CARUD,
42:13c'est-à-dire les centres spécialisés dans l'accueil des usagers de drogue,
42:16qui vient raconter son expérience et que là, la transmission est bien plus effective.
42:21Et des personnes concernées qui ont vécu la dépendance
42:24et qui ont réussi à aller vers des trajectoires de rétorsion.
42:27Sortir de la répression pour aller vers la prévention.
42:29Ça joue beaucoup.
42:31Merci pour tous vos éclairages.