L'observatoire de l'immigration et de la démographie, Nicolas Pouvreau-Monti, parle de la démographie à Mayotte : «La population de Mayotte a été multipliée par deux depuis le début des années 2000».
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00:00C'est ça, c'est-à-dire que la population de Mayotte, effectivement, a été multipliée par deux depuis le milieu des années 2000.
00:04D'abord par l'effet des flux migratoires eux-mêmes, en provenance des Comores,
00:07mais aussi en provenance de plus en plus de l'Afrique continentale,
00:09et puis du fait de l'impact de ces flux sur la natalité.
00:12C'est-à-dire que l'indice de fécondité à Mayotte aujourd'hui, il est de 4,5 enfants par femme.
00:16Les trois quarts des naissances sont issus d'une mère étrangère.
00:19Donc la situation de saturation démographique de Mayotte
00:21est d'abord et avant tout liée au phénomène migratoire exceptionnel qui s'y concentre.
00:26– Alors Estelle Youssoupha, qui est députée Lyotte de Mayotte
00:30et qui sera l'invitée de Sonia Mabrouk à 8h10 pour la grande interview CNews Europe 1,
00:34réclame la suppression pure et simple du droit du sol pour Mayotte.
00:38Déjà, un petit peu de technique et d'histoire.
00:42Petit 1, qu'est-ce que le droit du sol, pour un petit rappel,
00:45et est-ce que ça a toujours existé en France le droit du sol ?
00:47– Alors ce qu'on appelle le droit du sol dans le contexte français,
00:50c'est en fait l'acquisition automatique à 18 ans de la nationalité française
00:54par des personnes qui sont nées en France de parents étrangers
00:57et qui ont vécu au moins 5 ans sur le territoire entre 11 et 18 ans,
01:00l'âge de 11 et 18 ans, donc il y a cette petite condition supplémentaire.
01:04C'est quelque chose qui est présent dans notre droit depuis la fin du 19e siècle,
01:07mais ça n'a pas toujours été présent dans notre droit.
01:09Le code civil napoléonien par exemple prévoyait plutôt quelque chose
01:12qui s'apparentait à un droit du sang,
01:14puisque était français à l'enfant né d'un père français.
01:16Et lorsque ça a été instauré à la fin du 19e siècle,
01:19c'était d'abord et avant tout pour des raisons conjoncturelles.
01:21Il y avait une menace de guerre en Europe
01:22et il s'agissait de faire en sorte que la conscription
01:25qui concernait les citoyens français
01:26puisse concerner la masse des enfants d'étrangers qui pouvaient vivre en France.
01:31Et de ce point de vue-là, il existe déjà à Mayotte
01:33une légère dérogation au droit du sol,
01:36c'est-à-dire que contrairement à la métropole,
01:37il faut qu'au moins l'un des parents soit en situation régulière
01:41depuis trois mois sur le territoire national
01:43pour qu'à sa majorité, l'enfant qui est né de ce parent
01:46puisse acquérir la nationalité française.
01:47Ce critère n'existe pas en métropole à ce jour.
01:50Alors, que dire des titres de séjour territorialisés ?
01:53Ça aussi, c'est une exception mahoraise ?
01:56C'est une exception mahoraise que le gouvernement envisage de supprimer
01:58et ça pose beaucoup de questions parce qu'à Mayotte,
02:01la majeure partie des titres de séjour accordés à des étrangers
02:04ne sont valables que pour le département de Mayotte,
02:06c'est-à-dire qu'ils ne permettent pas de se rendre et de résider en métropole.
02:09Par exemple, pour se rendre en métropole, il faut un visa.
02:12Et l'idée de la suppression de ces titres de séjour territorialisés,
02:15c'est finalement d'essayer de diluer, de disperser,
02:18de diffuser le problème migratoire qui se pose à Mayotte ailleurs,
02:22notamment à la Réunion, mais aussi en métropole,
02:24afin de faire baisser la pression qui arrive sur Mayotte.
02:26Mais en fait, c'est un jeu très risqué parce que si on transforme demain Mayotte
02:30en porte d'entrée directe vers la France métropolitaine
02:34et vers le continent européen,
02:36on prend le risque d'ouvrir un nouveau Lampedusa en plein océan indien
02:38parce que Mayotte est entourée de pays avec des situations économiques très difficiles
02:42et qui présentent un fort risque migratoire.
02:44C'est une solution qu'elle est faveur de Gérald Darmanin ?
02:47De revoir les titres de séjour territorialisés ?
02:50Absolument, c'est une solution que Gérald Darmanin a apportée dès le début de l'année 2024.
02:54C'est aussi une proposition qui est assez soutenue à Mayotte et on peut le concevoir.
02:57C'est-à-dire qu'il s'agit de faire baisser la pression sur le territoire.
03:00Mais enfin, le risque est plutôt de créer un appel d'air.
03:03C'est-à-dire que si l'objectif n'est plus seulement Mayotte, quand on vise Mayotte,
03:07mais si l'objectif est aussi d'atteindre la France métropolitaine,
03:10on risque peut-être plutôt d'accélérer les flux que de les tasser
03:12parce qu'on renforce cette activité.
03:14Donc les Comoriens qui arrivent à Mayotte, ou les Africains d'ailleurs,
03:20arriveraient à Mayotte, obtiendraient un titre de séjour et pourraient arriver à Paris.
03:24Ils arriveraient à Paris et puis ensuite en France.
03:27Absolument, et c'est une stratégie qui a déjà commencé à être mise en œuvre,
03:30par exemple pour les demandeurs d'asile.
03:31On se souvient, il y a quelques mois, du cas de ces demandeurs d'asile africains
03:35amenés de Mayotte vers le château de Grignion dans les Yvelines.
03:38On en avait beaucoup parlé parce que symboliquement, c'était fort.
03:41Mais cette idée, finalement, qu'on va faire baisser la pression à Mayotte
03:44en la transférant vers la métropole,
03:46risque plutôt d'accélérer le phénomène que de le tasser.
03:49On entend parler de forces navales françaises qu'on pourrait installer.
03:53Ce sont des propositions, attention.
03:55De forces navales françaises qu'on pourrait installer
03:57pour faire barrage au bateau qu'arrivent des Comores.
03:59Efficace, pas efficace ?
04:01En tout cas, c'est un élément dans le rapport de force avec les Comores
04:03qui sont dans une démarche d'agression à ce stade quasi militaire.
04:06C'est-à-dire qu'il y a une stratégie par le bas d'annexion de Mayotte par les Comores
04:10qui considère que Mayotte appartient à l'union des Comores.
04:14C'est un instrument qui doit se penser avec d'autres.
04:17Il y a évidemment l'aide publique au développement.
04:19Il y a 250 millions d'euros d'aide publique au développement engagée à Mayotte par la France.
04:24Les transferts financiers de la diaspora comorienne de la France vers les Comores,
04:28c'est 20% du PIB des Comores.
04:30Donc là aussi, on a des moyens d'agir à côté et en complément de cette force militaire.