On a déjà vu un gouvernement tomber sur un budget, c’était il y a 1 mois et demi. Mais aucun encore tomber sur un mot, sur un seul mot : submersion. C’est pourtant le risque.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'édito politique, Patrick Cohen, la submersion, la faute et le déni.
00:05On a déjà vu un gouvernement tomber sur un budget, c'était il y a un mois et demi,
00:08mais aucun encore tombé sur un mot, sur un seul mot, « submersion », c'est pourtant
00:13le risque.
00:14La faute de François Bayrou est d'avoir emprunté ce mot aux auteurs et porte-voix
00:17d'extrême-droite qu'il ressasse depuis l'illustre de Jean Raspail, l'auteur du
00:20camp des Saints, roman qu'il écrit « La submersion du monde blanc par des hordes de
00:24migrants », à Dominique Wehner, théoricien du nationalisme pour qui les musulmans devaient
00:28détruire la civilisation occidentale, le Premier ministre a hubo, l'a enrobé prudemment
00:33ce mot, et là je pense à Victor Hugo, « brave Jean, prenez garde aux choses que vous dites,
00:38tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdite, tout la haine et le deuil », etc.
00:42Il l'a donc enrobé, ce mot d'un sentiment qu'il attribue à une partie des Français
00:48comme ceux qui parlent d'un « sentiment d'insécurité » sans toujours admettre
00:51la réalité de l'insécurité, mais c'était sous-estimer le caractère négatif, malfaisant,
00:56des migrants, du concept de submersion, et toute l'idéologie moisie que ça trimballe.
01:00La submersion, c'est l'envahissement, si Bayrou avait dit remplacement, ce n'aurait
01:04pas été pire.
01:05N'est-ce pas, Patrick, un clin d'œil au RN, au Rassemblement national ?
01:10Bayrou refuse la loi immigration que lui réclame son ministre Retaillot, il ferme
01:14la porte à un référendum sur le sujet, dit non à la remise en cause du droit du
01:18sol, sauf à Mayotte, défend l'immigration de travail, ne veut pas tailler dans l'aide
01:22médicale d'État, c'est le paradoxe de la séquence.
01:24Sur le fond, François Bayrou ne cède rien, mais sur la forme, pour un mot, il reçoit
01:30les bravos des députés RN.
01:31Mais alors, pourquoi avoir évoqué ce sentiment ?
01:33Parce que c'est celui de nombreux Français, et que Bayrou voulait montrer maladroitement
01:38qu'il les comprend, qu'il n'est pas déconnecté.
01:40Dernier enquête IPSOS, fracture française de novembre dernier, auprès de 3 000 personnes,
01:4563% ont le sentiment qu'on ne se sent plus chez soi comme avant, 65% qu'il y a trop
01:52d'étrangers en France, deux questions sur lesquelles le clivage droite-gauche est très
01:56fort, mais il y a quand même un tiers des électeurs de gauche qui pensent qu'on ne
01:59se sent plus chez soi et qu'il y a trop d'étrangers.
02:02La réalité de ce sentiment est l'un des dénis de la gauche, qui ne sait pas quoi
02:06en faire, sauf à regarder ceux qui en font le constat comme les complices de l'extrême-droite,
02:10et à célébrer, comme l'a fait hier le socialiste Boris Vallaud, ces femmes qui s'occupent
02:14de nos enfants, de nos parents, celles et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, EHPAD,
02:18crèches, restaurants, chantiers, usines, le rappel est toujours bienvenu, mais il est
02:21vain, insuffisant, pour combattre ce sentiment et surtout pour y répondre.
02:27Un dernier sentiment pour conclure, je l'ai pioché dans un autre sondage signé IFOP
02:31de juin 2023, 82% des français ont le sentiment que l'immigration est un sujet dont on ne
02:38peut pas parler sereinement en France.
02:40Tu parles.