Cette journée du 27 janvier marque le 80ᵉ anniversaire de la libération du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Un 80ᵉ anniversaire commémoré dans une Europe qui connait à nouveau la guerre et qui voit monter en flèche les actes antisémites. On en parle ce matin avec le sénateur PS de la Manche. Trois parlementaires et une cinquantaine de maires de la Manche sont partis trois jours en Pologne pour visiter camps de la mort.
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00:007h44, ici Cotentin, Louis, on célèbre un triste anniversaire aujourd'hui,
00:04les 80 ans de la libération du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau.
00:08Oui, ce 27 janvier 1945, l'armée rouge libérait ce camp d'extermination en Pologne,
00:13un camp que notre invitée ce matin a visité il y a quelques jours.
00:16Bonjour Sébastien Fagnan.
00:17Bonjour.
00:18Sénateur PS de la Manche.
00:19Je le disais, vous y étiez avec une cinquantaine d'élus manchois.
00:21C'est une première ça, d'avoir une délégation qui part à l'étranger, donc en Pologne.
00:27Comment on se sent après avoir vu ces camps de la mort ?
00:29En effet, c'est une démarche inédite initiée par l'association des maires et son président Charlie Varin,
00:34que je tiens à remercier, car c'était une démarche nécessaire, utile,
00:38et dans le prolongement aussi de la commémoration du 80e anniversaire du débarquement,
00:41et ce lien mémoriel, bien évidemment, qui existe entre notre région et l'Europe centrale et de l'Est.
00:49Il est difficile de décrire par quelques mots ce que nous avons pu ressentir sur place.
00:56Nous avions toutes et tous, parmi la cinquantaine d'élus présents,
01:00été évidemment sensibilisés à la Shoah, de par la littérature, l'histoire,
01:06mais être confronté à la matérialité du site, le visiter en tant que tel,
01:11c'est une sensation presque indescriptible.
01:13Et vous y étiez dans une atmosphère particulière aussi.
01:16Oui, car nous étions à quelques jours de la commémoration qui nous réunit aujourd'hui,
01:24mais le lieu est emprunt d'une solennité toute particulière.
01:29Ce n'est pas un musée, il y a évidemment une partie muséographique à Auschwitz,
01:33à Birkenau vous êtes confronté à une immensité terrible de ces plaines,
01:39particulièrement mornes, vous avez quelques bouleaux qui peuvent marquer le paysage,
01:44et sinon les quelques baraquements qui subsistent, les fondations des autres,
01:48quelques cheminées, des fours crématoires qui sont toujours debout
01:52après que les fours eux-mêmes aient été dynamités par les SS à l'arrivée des troupes soviétiques.
01:58Et ce n'est pas un musée, c'est avant tout un cimetière,
02:01car nous foulons une terre qui malheureusement a vu plus d'un million de personnes être exterminées.
02:05Et pourquoi 80 ans plus tard, il faut continuer à évoquer ce qui s'est passé là-bas selon vous ?
02:12Nous sommes confrontés à la disparition des derniers survivants,
02:17des camps de concentration et d'extermination,
02:19donc la question de la transmission est d'autant plus importante.
02:22Le journal l'Humanité reprend aujourd'hui une magnifique citation de Paul Éluard,
02:26« Si l'écho de leur voix faiblit, nous périrons ».
02:28Et sur les stèles gravées dans toutes les langues des nationalités déportées à Auschwitz-Birkenau,
02:35nous retrouvons une citation, elle se termine par l'avertissement que représente ce site concentrationnaire,
02:41donc il n'est plus jamais nécessaire que de pouvoir transmettre leur mémoire.
02:45La transmission aux jeunes générations, ça fait aussi partie de votre « job » au quotidien ?
02:51Alors c'est avant tout le travail notamment des enseignants,
02:55et nous pouvons évidemment leur rendre hommage au regard de ce qu'ils accomplissent dans des conditions parfois difficiles,
03:01pour que cette mémoire soit transmise, que le témoignage des survivants aussi,
03:04face à l'indicible, puisse être partagé le plus largement possible,
03:09donc commémorer, enseigner, transmettre, c'est fondamental,
03:12parce que c'est l'indifférence qui ouvre la voie du consentement au pire.
03:157h47, vous écoutez et vous regardez, ici Cotentin, notre invité Sébastien Fagnan, sénateur PS de La Manche.
03:21Alors pour aller plus loin, pour accompagner les jeunes générations,
03:25proposition peut-être, est-ce qu'il ne faudrait pas un jour, une fois dans la vie d'un collégien, d'un lycéen,
03:30aller justement voir ce camp d'Auschwitz ? Est-ce que ça devrait être obligatoire ?
03:35On pourrait le faire ça ou pas ?
03:37Dans l'idéal, oui, ça supposerait évidemment des moyens considérables,
03:42mais au regard de ce que cela représente comme défi mémoriel,
03:45c'est indispensable que de pouvoir être confronté, en effet, à la réalité de ces sites,
03:51quand parfois, j'évoquais l'indifférence, mais l'ignorance,
03:55peuvent malheureusement amener à douter de ce qui a pu se produire,
03:59mais en tout cas, non pas en douter, mais parfois en détourner le regard,
04:03donc il est essentiel que chacun puisse y faire face,
04:06mais ça passe aussi par les initiatives prises par nos communes.
04:10Il y a quelques années de cela, cher Branco Tintin,
04:12nous avons inauguré avec le conseil départemental de la Manche,
04:14un mémorial de la Shoah et des Justes,
04:16vous avez au cœur de la ville d'Estelle,
04:18gravé des noms des victimes juives de la Manche,
04:20qui ont été exterminées dans les camps de la mort,
04:22mais aussi des Justes parmi les nations.
04:24Il ne faut pas oublier que malgré les ténèbres qui ont encelé l'Europe à cette période,
04:29il y a eu quelques lueurs d'humanité,
04:31ça nous permet aussi de ne pas perdre espoir,
04:33donc c'est aussi à travers la connaissance de ces monuments
04:36et la participation aux cérémonies commémoratives
04:39que nous pouvons aussi transmettre cette mémoire.
04:41Et justement, le message que vous avez aussi peut-être envie de faire passer,
04:43ce matin, 80 ans plus tard, les actes antisémites ont explosé en France,
04:47sur les deux dernières années, 1500 en plus,
04:50selon le conseil représentatif des institutions juives,
04:53c'est que, ok, on est 80 ans plus tard,
04:56mais il y a toujours cette urgence à ne pas retomber dans ces travers-là.
05:00C'est ce qu'il y a de plus frappant et de plus tragique
05:03dans les témoignages des rescapés aujourd'hui,
05:05quand ils évoquent chez eux le sentiment d'une résurgence
05:09de ce qu'ils ont pu connaître dans leur enfance.
05:12Vous l'évoquiez à l'instant, près de 1600 actes antisémites en France en 2024,
05:16une augmentation de plus de 80% en Allemagne, plus de 105% au Royaume-Uni,
05:20et Delphine Orviere, qui est rabbin,
05:24utilise régulièrement cette métaphore,
05:26qui est cruelle mais terriblement juste, du Canary.
05:29Les mineurs, lorsqu'ils descendaient au fond de la mine,
05:31emmenaient avec eux un Canary.
05:33Si le Canary cessait de chanter,
05:35c'est que l'émanation de gaz mortel approchait.
05:38Eh bien, elle évoque le fait que les juifs puissent être ces Canaris.
05:41Dans nos sociétés, victimes de persécutions multiséculaires,
05:45si l'antisémitisme s'accroît,
05:47c'est généralement annonciateur de vents mauvais pour nos sociétés et nos démocraties.
05:50Sébastien Fagnan, sénateur PS de La Manche,
05:53qui est donc parti, on peut dire visité,
05:56même si c'était aussi avec une cinquantaine d'élus Mancheois,
05:59c'était l'objectif, vous aussi, de prendre conscience
06:01de ce qui s'est passé là-bas, le 27 janvier 1945,
06:04à réalité, d'ici matin.
06:06Merci d'avoir été avec nous.
06:07Je vous remercie, bonne journée à vous.
06:08Merci beaucoup.